La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2022 | FRANCE | N°19/06685

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 24 novembre 2022, 19/06685


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR











N° RG 19/06685 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTP3



[O]



C/

SAS DEEPIDOO









APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Septembre 2019

RG : F 17/03883















COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRET DU 24 Novembre 2022







APPELANT :



[B]

[O]

né le 14/02/1990 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1] / FRANCE



représenté par Me Thomas COURADE, avocat au barreau de LYON





INTIMEE :



SAS DEEPIDOO

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 19/06685 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTP3

[O]

C/

SAS DEEPIDOO

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Septembre 2019

RG : F 17/03883

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 24 Novembre 2022

APPELANT :

[B] [O]

né le 14/02/1990 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1] / FRANCE

représenté par Me Thomas COURADE, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SAS DEEPIDOO

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, Me Flore PATRIAT de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Juin 2022

Présidée par Nathalie PALLE, président et Thierry GAUTHIER, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nathalie PALLE, présidente

- Thierry GAUTHIER, conseiller

- Françoise CARRIER, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 24 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Nathalie PALLE, présidente, et par Malika CHINOUNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

A la suite d'une promesse d'embauche du 5 septembre 2014, M. [O] (le salarié) a été engagé à compter du 15 septembre 2014, par contrat de travail à durée indéterminée, par la société Deepidoo (l'employeur) en qualité de développeur web, statut cadre, coefficient hiérarchique 2.1, coefficient 115, en application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils (SYNTEC).

Le 22 juillet 2015, l'employeur s'est engagé à attribuer des actions gratuites au salarié, ce qui a été entériné par une décision du 19 avril 2016, sous réserve de la présence effective du salarié au sein de la société pendant un délai de deux ans.

Aux termes d'un avenant du 30 juin 2016, le salarié a été nommé directeur technique à compter du 15 juillet 2016, moyennant une classification conventionnelle identique.

Par lettre du 15 juin 2017, le salarié a informé l'employeur de ce qu'il démissionnait de son poste dans les termes suivants :

« Je soussigné [B] [O], ai l'honneur de vous présenter ma démission du poste de Directeur Technique, à compter de la date de ce courrier.

Conformément aux termes de mon contrat de travail, j'effectuerai la totalité de mon préavis d'une durée de 3 mois sauf accords spécifiques réduisant cette durée. Dans ces conditions, mon contrat de travail expirera le 15 septembre 2017.

Le jour de mon départ de l'entreprise, je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle emploi.

Je reste bien entendu à votre entière disposition afin de convenir d'un rendez-vous et dans l'attente d'une réponse de votre part, je vous prie de croire, en l'expression de mes sentiments les meilleurs. »

Par lettre du 19 septembre 2017, le salarié, par l'intermédiaire de son conseil, a mis en demeure l'employeur de lui régler diverses sommes au titre des heures supplémentaires non réglées et du non-respect des dispositions conventionnelles relatives aux classifications professionnelles.

L'employeur a répondu le 3 octobre 2017 qu'il opposait une fin de non-recevoir aux prétentions du salarié.

Par requête du 7 novembre 2017, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir constater qu'il a exercé pendant toute la durée de la relation contractuelle des fonctions correspondant à la classification professionnelle IC 3.2, coefficient hiérarchique 210 de la convention collective applicable, de voir juger que son salaire minimum mensuel brut devrait être de 4 227,30 euros, conformément aux minimas conventionnels, de voir constater la réalité des heures supplémentaires effectuées par lui, et de voir requalifier sa démission déposée le 15 juin 2017 en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié a également sollicité la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire résultant des minimas conventionnels attachés à ses fonctions et de congés payés afférents, de rappel de salaire sur heures supplémentaires et des congés payés afférents, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'indemnité de préavis et de congés payés afférents.

Par jugement du 5 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit et jugé que l'employeur a respecté la classification de la convention collective SYNTEC,

En conséquence,

- débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire,

- condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 39 401,86 euros, outre 3 940,18 euros de congés payés, à titre de rappel de salaires pour des heures supplémentaires non rémunérées,

- débouté le salarié de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé,

- dit et jugé que la démission du salarié est claire et non équivoque et ne s'analyse pas en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté l'employeur de sa demande au titre de la procédure abusive ainsi que celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 1 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- précisé que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois doit être fixée à la somme de 2 643,08 euros,

- condamné l'employeur aux dépens.

Le salarié a interjeté appel de ce jugement, le 30 septembre 2019, (N° RG 19/6685), et la société a également interjeté appel de ce jugement, le 7 octobre 2019 (N° RG 19/6898).

Par ordonnance du 24 octobre 2019, la jonction des procédures enrôlées sous les N° RG 19/6685 et 19/6898, sous le seul N° RG 19/6685, a été ordonnée.

Dans ses conclusions n° 2 du 20 avril 2022, le salarié demande à la cour de :

- dire recevable et bien fondé l'appel,

- réformer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit qu'il était recevable en l'ensemble de ses demandes, et en ce qu'il a condamné la société au règlement de 13 heures supplémentaires hebdomadaires entre le 15 septembre 2014 et le 15 juin 2017,

Statuant à nouveau,

* Sur la recevabilité,

- dire et juger que les demandes portant sur des rappels de salaire après reclassification sont soumises à la prescription triennale de l'article L. 3245-15 du code du travail,

- le dire et juger recevable en l'intégralité de ses demandes,

* Sur la classification professionnelle,

- constater que pendant l'ensemble de la durée pendant laquelle il a été salarié de l'employeur, il exerçait des fonctions correspondant à la classification professionnelle IC 3.2 coefficient hiérarchique 210 de la convention collective SYNTEC, subsidiairement IC 3.1 coefficient 170 de la convention collective SYNTEC,

- dire et juger qu'en fixant sa classification professionnelle à la position 2.1 coefficient hiérarchique 115 de la convention collective SYNTEC, l'employeur a violé ses obligations conventionnelles, et par voie de conséquence les minimas conventionnels salariaux associés à ces classification,

En conséquence,

- dire et juger que conformément aux minimas conventionnels, il aurait dû être rémunéré au salaire minimum mensuel brut de 4 227,30 euros, subsidiairement 3 422,10 euros,

- condamner l'employeur à lui payer la somme de 60 108,14 euros à titre de rappel de salaire résultant des minimas conventionnels, attachés à ses fonctions, outre 6 010,81 euros au titre des congés payés afférents, subsidiairement la somme de 31 120,94 euros à titre de rappel de salaire résultant des minimas conventionnels attachés à ses fonctions, outre 3 112,09 euros au titre des congés payés afférents,

* Sur les heures supplémentaires,

- constater qu'entre le 15 septembre 2014 et le 15 juin 2017, sa durée de travail hebdomadaire s'est élevée à 48 heures, sans qu'il ne soit jamais rémunéré d'aucune heure supplémentaire,

En conséquence,

- condamner l'employeur à lui payer la somme de 63 038 euros en rémunération desdites heures supplémentaires, outre 6 303,80 euros au titre des congés payés afférents, subsidiairement la somme de 51 027,90 euros en rémunération desdites heures supplémentaires, outre 5 102,97 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner l'employeur à lui payer la somme de 25 363,80 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, subsidiairement la somme de 20 532,60 euros, conformément aux dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail,

* Sur la requalification de la démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,

- dire et juger qu'en ne respectant pas ses minimas conventionnels et en ne lui payant pas les heures supplémentaires qui lui étaient dues, l'employeur s'est rendue coupable de fautes d'une particulière gravité justifiant que sa démission soit requalifiée en prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de cette dernière,

En conséquence,

- requalifier la démission déposée par lui le 15 juin 2017 en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'employeur au versement des sommes suivantes (salaire mensuel de référence pour un travail à temps plein : 4.227,30 euros, subsidiairement 3.422,10 euros) :

- 2 536,38 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, subsidiairement 2.053,26 euros,

- 25.363,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement 20.532,60 euros,

- 12.681,90 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 1.268,19 euros au titre des congés payés afférents, subsidiairement 10.266,30 euros, outre 1.026,63 euros au titre des congés payés afférents,

En tout état de cause,

- débouter l'employeur de l'ensemble de ses demandes,

- rejeter toutes fins, moyens ou prétentions contraires,

- condamner l'employeur à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le salarié fait valoir que :

- il a quitté ses fonctions le 15 septembre 2017, que ses demandes de rappels de salaire peuvent donc porter sur les 3 années précédant son départ de la société, soit jusqu'au  15  septembre  2014, que  c'est  bien  la  prescription  triennale  de l'article

L. 3245-1 du code du travail qui s'applique en matière de rappel de salaire sur reclassification, et non la prescription biennale de l'article L. 1471-1 du code du travail,

- il résulte de son contrat de travail qu'il a été embauché en septembre 2014 au sein de la société aux fonctions suivantes : 'Développeur web au statut Cadre, au coefficient hiérarchique 2.1 coefficient 115', que pourtant, dès son arrivée, il s'est vu confier un niveau de responsabilités largement supérieur à celui visé par la convention collective applicable pour le coefficient hiérarchique prévu par son contrat de travail, qu'il a en effet immédiatement occupé un poste de directeur technique en charge de l'intégralité du développement et des problématiques techniques de l'employeur, que cette situation avait d'ailleurs déjà été arrêtée dans la proposition et dans la promesse d'embauche,

- il a assumé au sein de la société une responsabilité équivalente à celle de sa direction, qu'il était le seul décisionnaire sur tous les aspects techniques, avec la responsabilité afférente, sa direction n'étant pas en capacité de se substituer à lui sur ces points ; qu'il manageait l'ensemble du personnel technique, ne rendant ainsi de compte qu'à sa direction ; que l'employeur a pris officiellement acte de la réalité des fonctions qu'il exerçait par avenant du 30 juin 2016, sans pour autant modifier sa classification professionnelle et son coefficient hiérarchique et que l'employeur n'a versé aux débats aucun élément susceptible de contester ses arguments,

- sa durée hebdomadaire de travail a été fixée à 35 heures aux termes de son contrat de travail ; qu'il a pourtant effectué tout au long de la relation contractuelle un volume horaire hebdomadaire oscillant entre 48 et 50 heures, sans compter les heures de travail tardives et dominicales rendues nécessaires à son domicile du fait de l'importance de ses fonctions ; qu'il était le seul à disposer des connaissances techniques indispensables au bon fonctionnement de la plate-forme, qu'il se trouvait donc dans une situation d'astreinte permanente, qu'il a alerté l'employeur à plusieurs reprises sur sa situation, que l'employeur n'a jamais contesté la réalité de ce volume horaire, mais n'a jamais pris la peine de lui répondre sur ce point,

- il a versé aux débats de nombreux éléments démontrant la réalité des heures supplémentaires effectuées par lui, notamment un tableau recensant la date et l'heure exacte de l'intégralité de ses actions laissant une trace informatique, que l'employeur n'a quant à elle apporté aucun élément à l'appui de ses contestations, faisant ainsi preuve d'une carence probatoire patente,

- sa démission est justifiée par les fautes graves et répétées de l'employeur, tenant notamment au non-règlement de ses heures supplémentaires et au non-respect des minimas conventionnels, que sa démission devra donc être requalifiée en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, et produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que cette requalification s'impose si elle résulte de circonstances antérieures ou contemporaines à la démission, qu'il a saisi son conseil immédiatement après le terme de son délai de préavis afin de faire valoir ses griefs, puis a saisi le conseil de prud'hommes moins de deux mois plus tard.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 1er février 2022, l'employeur demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser au salarié :

- la somme de 39 401,86 euros, outre 3 940,18 euros de congés payés à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires non rémunérées,

- la somme de 1 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

En conséquence,

- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes,

- condamner le salarié au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le salarié aux entiers dépens d'appel.

L'employeur fait valoir que :

- en application de l'article L. 1471-1 du code du travail, le salarié disposait d'un délai de deux ans, soit jusqu'au 14 septembre 2016, pour contester sa classification, puisque cette demande est relative à l'exécution du contrat de travail ; ayant formé cette demande par requête du 9 novembre 2017, la demande du salarié en rappel de salaire fondée sur le changement de qualification professionnelle conventionnelle est tardive et, dès lors, prescrite;

- le salarié soutient qu'il aurait dû bénéficier dès son embauche le 15 septembre 2014, de la position 3.2, coefficient hiérarchique 210 de la convention collective applicable et a également sollicité un rappel de salaire afférent à cette demande alors, conformément à la prescription biennale prévue par les dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, il disposait d'un délai de deux ans, soit jusqu'au 14 septembre 2016, pour contester sa classification, cette demande étant relative à l'exécution de son contrat de travail ; que le salarié a cependant formé cette contestation devant le conseil de prud'hommes par requête du 9 novembre 2017, que sa demande est donc prescrite,

- en tout état de cause, un salarié qui revendique une qualification doit en rapporter la preuve, qu'en l'espèce, le salarié n'a produit aucun document probant afin de démontrer que, tant les fonctions de développeur web occupées du 15 septembre 2014 au 30 juin 2016, que celles de directeur technique exercées à compter du 1er juillet 2016, emporteraient l'octroi de la position 3.2, coefficient hiérarchique 210, que le salarié n'a versé aucun élément sur la réalité des fonctions réellement exercées, ni n'a démontré que les conditions conventionnelles étaient réunies pour atteindre la classification revendiquée,

- en outre, les pourparlers sont évolutifs et ne sauraient figer une situation et le contrat de travail régularisé le 15 septembre 2014 est conforme à la promesse d'embauche adressée le 5 septembre 2014, le métier de responsable web et technologique n'étant pas prévu aux termes de l'accord national des métiers de l'internet, l'employeur a fait le choix des fonctions de développeur web, conventionnellement définies, la classification qu'il a choisi étant bien conforme, que ce soit pour le poste de développeur web ou pour celui de directeur technique,

- s'agissant de la demande au titre des heures supplémentaires, une partie des demandes du salarié est prescrite et ce dernier n'était fondé à formuler un rappel de salaire qu'à compter du 7 novembre 2014 et non à compter du 15 novembre 2014 ; le salarié n'a versé aux débats aucun élément susceptible d'étayer cette demande, ne produisant que des documents communs, sans référence aux horaires de travail correspondant à un travail effectif réalisé et commandé alors qu'il verse aux débats des éléments démontrant que le salarié s'est conformé à un horaire hebdomadaire de 35 heures ; en outre, la charge de travail du salarié ne nécessitait pas l'accomplissement d'heures supplémentaires,

- le courrier de démission du salarié est parfaitement clair et non équivoque sur l'intention de l'intéressé de démissionner ; le salarié n'ayant jamais contesté sa démission, même dans le courrier de son conseil du 19 septembre 2017,

- le non-paiement des prétendues heures supplémentaires effectuées par le salarié et le non-respect des minimas conventionnels n'ont jamais été évoqués au cours de la relation contractuelle et ne sont pas fondés ; en tout état de cause, ces griefs ne constituent pas des faits suffisamment graves justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, qu'en effet ces griefs ont été présentés tardivement puisqu'ils se seraient produits dès 2014, qu'ils n'auraient dès lors pas empêché la poursuite du contrat de travail.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de la demande du salarié en rappel de salaire pour changement de la qualification professionnelle conventionnelle

La cour retient qu'en application des articles L. 1471-1 et L. 3245-1 du code du travail, en leur rédaction applicable au litige, la durée de la prescription applicable aux demandes du salarié est déterminée par la nature de la créance invoquée.

Dès lors, la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la classification professionnelle est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

Ce texte prévoit que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

La demande en rappel de salaire ayant été formée par le salarié dans sa requête du 7 novembre 2017, à la suite de la rupture de son contrat de travail, consécutif à sa démission ayant pris effet le 15 septembre 2017, le salarié n'était dès lors pas prescrit en sa demande, qui peut porter sur les trois années précédant la rupture, soit jusqu'au 15 septembre 2014.

Sur le rappel de salaire en raison de la classification conventionnelle

La cour rappelle qu'il incombe au salarié qui revendique une classification différente de celle qui lui est reconnue de rapporter la preuve de la réalité des fonctions qu'il exerce.

Elle constate que par contrat à durée indéterminée du 15 septembre 2014, le salarié a été engagé comme développeur web, statut cadre, au coefficient hiérarchique 2.1, coefficient 115, selon la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil, dite convention Syntec.

Selon l'annexe II de cette convention, qui détermine la classification des ingénieurs et cadres, la position 2.1 correspond aux fonctions suivantes :

« 2.1. Ingénieurs ou cadres ayant au moins 2 ans de pratique de la profession, qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d'études. Coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu'eux dans les corps d'état étudiés par le bureau d'études :

- âgés de moins de 26 ans : (coefficient 105)

- âgés de 26 ans au moins : (coefficient 115). »

Il doit être ainsi noté que le salarié, né le 14 février 1990 et diplômé le 17 octobre 2014, avait 24 ans et ne pouvait se prévaloir d'aucune pratique de la profession lorsqu'il a été engagé. Le coefficient 115 ne lui était en principe pas applicable.

Le salarié revendique la classification 3.2 laquelle, selon la convention, correspondant aux fonctions suivantes :

« 3.2. Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature ».

Le salarié se prévaut des initiatives qu'il pouvait en prendre sur le plan technique.

La qualification 3.2 repose sur ce point, mais aussi et particulièrement sur des fonctions managériales et une fonction de « commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature ».

Il est exact que, par avenant du 30 juin 2016, le salarié a été désigné comme « directeur technique », avec fonction, notamment, de « management de l'équipe technique », avec modification du montant de sa rémunération mais sans modification de son coefficient.

Toutefois, cette dénomination et cet avenant ne peuvent suffire à démontrer la qualification devant être reconnue au salarié, qui ne peut découler que des fonctions qu'il exerçait réellement.

A cet égard, le salarié fait état de ce qu'un employé cadre de l'entreprise, recruté comme chef de projet technique, était sous son autorité hiérarchique, et avait la même classification professionnelle que lui.

Toutefois, le salarié, qui ne procède sur ce point que par affirmation ou déduction, n'apporte aucun élément de preuve quant à l'exercice d'un pouvoir de commandement sur des cadres et techniciens (l'attestation de M. [I] - pièce n° 12 - justifiant seulement de ce qu'il était encadrant des stagiaires) dans le cours de ses fonctions salariés voire, de manière plus générale, sur les conditions concrètes d'exercice de ses fonctions, les échanges de courriel avec sa direction qu'il produit n'en justifiant pas.

Il ne peut dès lors prétendre à la position 3.2, coefficient 210, de la convention collective nationale.

Le salarié demande, à titre subsidiaire, que lui soit reconnue la position 3.1, qui correspond aux fonctions suivantes :

« 3.1. Ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d'un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en oeuvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef ».

Toutefois, le salarié ne présente aucun élément, autre que déductif, pour justifier de la qualification à laquelle il prétend, qui ne peut lui être reconnue par défaut et ne peut dépendre que des conditions réelles d'exécution de son contrat de travail, dont il ne fait pas preuve.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification conventionnelle formée par le salarié.

Sur les heures supplémentaires

En application de la solution précédemment retenue ci-dessus, le salarié est en droit de réclamer le paiement d'heures supplémentaires pour la période précédant de trois ans la date de la rupture du contrat, soit jusqu'au 15 septembre 2014.

La cour retient qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suf'samment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies a'n de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables, notamment les articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail et, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, il sera tout d'abord relevé qu'aux termes de son contrat de travail, le salarié était tenu d'effectuer une durée hebdomadaire de 35 heures.

Le salarié soutient que sa durée hebdomadaire de travail est de l'ordre de 48 à 50 heures, arrivant entre 8 h 00 et 8 h 30 le matin et repartant entre 18 h et 18 h 30, avec une pause déjeuner de 30 mn, sa durée de travail quotidienne étant dès lors selon lui de 9 h 30.

Le salarié produit un courriel du 29 octobre 2015 (pièce n° 5 de l'appelant), dans lequel il indique arriver entre 7 h 30 et 8 h « depuis un mois », prendre 30 à 40 mn de pause puis quitter le bureau entre 18 h et 18 h 30.

Le salarié verse à son dossier une attestation d'une personne ayant travaillé dans l'entreprise entre octobre 2016 et février 2017 (pièce n° 14 de l'appelant) qui indique que le salarié était présent lorsqu'il arrivait à 9 h et lorsqu'il repartait, entre 17 h et 18 h 30. Il précise que le salarié mangeait sur place.

Il produit en outre des courriels (pièce n° 16) qu'il a envoyés en soirée ou des jours de repos, faisant état de l'achèvement d'un travail.

Le salarié a établi un tableau (pièce 20 bis) relevant jour après jour l'heure de sa première activité « électronique » et de sa dernière activité, du 15 sept 2014 au 15 septembre 2017 (une activité du 22 novembre 2017 étant en outre relevée).

Il produit un tableau de synthèse (pièce 20).

La cour retient ainsi que le salarié apporte des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, l'employeur étant en mesure de repondre utilement.

L'employeur, qui doit assurer le contrôle des heures de travail effectuées par ses employés, se borne à critiquer, en vain, les éléments produits par le salarié sans apporter de pièces justificatives des horaires accomplis par le salarié, pouvant les contredire utilement.

Le principe de paiement des heures supplémentaires réclamées par le salarié doit être ainsi considéré comme établi.

Il doit être ainsi noté, étant rappelé que les demandes d'évaluation du salaire conventionnel du salarié ont été rejetées, que la rémunération brute du salarié a été de 30 000 euros annuels, soit 2 500 euros mensuels, avec un taux horaire de 16,48 euros, du 15 septembre 2014 au 30 juin 2016, puis, en application de l'avenant conclu ce même jour, de 2 643,08 euros mensuels, soit un taux horaire de 17,42 euros, depuis le mois de juillet 2016 et que le salarié demande le paiement des heures supplémentaires pour la période du 15 septembre 2014 au 15 juin 2017.

Le salarié fonde son calcul sur la base de 48 heures par semaines.

Toutefois, les pièces que le salarié apporte à l'appui de ses demandes démontrent que les heures supplémentaires non rémunérées qu'il a pu accomplir n'ont pas été forcément constantes en ce qu'elles ont pu connaître des phases de plus ou moins grande intensité, ce que conforte le contenu de l'attestation de l'employé de l'entreprise produite par l'employeur (pièce n° 21 de l'intimé).

Il sera ajouté que l'envoi de courriel électronique, en dehors des heures travail contractuellement prévues, n'établit pas nécessairement l'exercice ininterrompu d'une activité professionnelle jusqu'à l'heure de cet envoi, ni que l'employeur ait été à l'origine de cette activité, ce qu'accrédite l'attestation d'un autre employé de l'entreprise, produite par l'employeur (pièce n° 23 de l'intimé).

Il doit par ailleurs être pris en compte de l'attestation du remplaçant du salarié, qui indique que ses fonctions ne nécessitent l'accomplissement d'heures supplémentaires (pièce n° 24 de l'intimé), de sorte qu'il ne peut être retenu que l'ensemble des heures revendiquées par le salarié étaient imposées par les charges professionnelles qui lui incombaient.

Concernant les derniers mois de la collaboration, point soulevé par l'employeur, il sera noté que le salarié ne demande pas le paiement d'heures supplémentaires au-delà du 15 juin 2017, date de sa démission, tandis que le contrat a pris fin le 15 septembre 2017.

Dès lors, au regard des éléments produits au dossier, il y a lieu de retenir que le salarié justifie du non-paiement, sur la période considérée, de 1 032 heures supplémentaires, ce qui porte le montant de la créance salariale qui lui est due à la somme de 21 680 euros, à laquelle devra s'ajouter une indemnité compensatrice de congés payés de 2 168 euros.

Le jugement sera ainsi confirmé sur le principe mais réformé sur le quantum.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Comme les premiers juges, la cour retient que le salarié ne rapporte pas la preuve, qui ne résulte que de ses seules affirmations et déductions, de l'intention de l'employeur de dissimuler volontairement l'activité salariée relative à l'accomplissement des heures supplémentaires.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la requalification de la démission du salarié en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur

La cour retient qu'il résulte des articles L. 122-4, L. 122-13, alinéa 2, et L. 122-14-3 du code du travail que le salarié remet en cause sa démission, qui est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail, en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l'analyser en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce, les termes de la démission du 15 juin 2017, tels qu'ils ont été reproduits ci-dessus, sont sans réserve, clairs et non équivoques.

Par ailleurs, le salarié n'invoque, ni ne justifie d'aucune différend antérieur ou contemporain de sa démission l'opposant à son employeur, notamment concernant le non-respect des minimas conventionnels, grief au demeurant non fondé, et le non-paiement des heures supplémentaires.

Dès lors, rien ne vient remettre en cause le caractère clair et non équivoque de la démission du salarié.

La demande de prise d'acte ne peut être que rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Le salarié, perdant en cette instance, devra en supporter les dépens.

Au vu de l'équité, les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement, sauf, sur le quantum, en ce qu'il a condamné la société Deepidoo à payer à M. [B] [O] la somme de 39 401,86 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 3 940,18 euros au titre des congés payés afférents ;

Statuant à nouveau sur ce chef :

CONDAMNE la société Deepidoo à payer à M. [B] [O] la somme de 21 680 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 2 168 euros au titre des congés payés afférents ;

Y ajoutant,

MET les dépens de l'instance à la charge de M. [B] [O] ;

REJETTE les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 19/06685
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;19.06685 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award