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17/11/2022 | FRANCE | N°18/08123

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 17 novembre 2022, 18/08123


N° RG 18/08123 - N° Portalis DBVX-V-B7C-MBKP









Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 17 octobre 2018



RG : 2016j1319





SARL LABORATOIRE M-LINE



C/



SARL 2MC





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 17 Novembre 2022







APPELANTE :



SARL LABORATOIRE M-LINE prise en la personne de so

n représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Eric CESAR de la SELARL LEGI AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 664 et ayant pour avocat plaidant Me Michel AUGUET de la SCP ACG, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE







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N° RG 18/08123 - N° Portalis DBVX-V-B7C-MBKP

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 17 octobre 2018

RG : 2016j1319

SARL LABORATOIRE M-LINE

C/

SARL 2MC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 17 Novembre 2022

APPELANTE :

SARL LABORATOIRE M-LINE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric CESAR de la SELARL LEGI AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 664 et ayant pour avocat plaidant Me Michel AUGUET de la SCP ACG, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

INTIMEE :

SARL 2MC prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938 et ayant pour avocat plaidant Me Amandine BIAGI, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 29 Octobre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Octobre 2022

Date de mise à disposition : 17 Novembre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

assistées pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier.

A l'audience, un membre de la Cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu prononcé et signé par Madame Patricia GONZALEZ, Présidente, à l'audience publique du 17 Novembre 2022, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Laboratoire M-Line (ci-après la société M-Line) a pour activité la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques et parapharmaceutiques, notamment de sa propre marque cosmétique Aquateal.

Aux termes d'un contrat d'agent commercial à durée indéterminée signé le 1er octobre 2010, elle a confié en exclusivité à la SARL 2MC (ci-après la société 2MC) la commercialisation des produits de sa gamme Aquateal, sur l'ensemble du territoire français, pour le réseau de distribution des pharmacies, officines et parapharmacies.

Au cours de l'année 2014, de nombreux désaccords sont intervenus entre les parties qui ont donné lieu à des échanges de courriers faisant état de griefs réciproques avec mise en demeure d'y remédier.

Par courrier recommandé du 28 décembre 2015, la société M-Line a résilié pour faute grave le contrat la liant à la société 2MC.

Par courriers en réponse des 18 et 20 janvier 2016, la société 2MC a contesté la faute grave lui étant reprochée et réitéré sa demande de communication de justificatifs comptables de la part de la société M-Line.

Par acte d'huissier de justice du 27 juillet 2016, la société 2MC a fait assigner la société M-Line devant le tribunal de commerce de Lyon, aux fins d'obtenir le paiement d'un rappel de commissions, y compris pendant la période de préavis, ainsi que de l'indemnité de rupture.

Par jugement du 17 octobre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a :

- ordonné à la société M-Line de communiquer à la société 2MC les pièces comptables pour les années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2015, conformément à l'article R.134-3 du code de commerce,

- condamné la société M-Line à payer à la société 2MC la somme de 25.320,93 HT euros au titre de rappel de commissions,

- condamné la société M-Line à payer à la société 2MC la somme de 11.741,52 euros hors TVA au titre de rappel de commission pour la période de préavis, et la somme de 78.276,80 (euros) pour l'indemnisation des conséquences préjudiciables à la rupture du contrat,

- ordonné la capitalisation des intérêts sur ces sommes à compter de la date de signification de l'assignation,

- rejeté comme non fondés toutes autres demandes, moyens, fins et conclusions contraires des parties,

- condamné la société M-Line à payer à la société 2MC la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande d'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné la société M-Line aux entiers dépens de l'instance.

Par acte du 21 novembre 2018, la société M-Line a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'exécution provisoire.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2020, fondées sur les articles L.134-1 et suivants, R.134-3 et suivants du code de commerce ainsi que sur l'article 1134 ancien du code civil, la société Laboratoire M-Line demande à la cour :

- d'infirmer la décision déférée et statuant à nouveau :

- de constater que la société 2MC a commis plusieurs fautes graves dans l'exécution de son mandat,

- de constater qu'elle a transmis l'intégralité des documents comptables que la société 2MC était en droit de demander et nécessaires au calcul du chiffre d'affaires et des commissions de la société 2MC,

- de juger que les dispositions du contrat d'agent commercial signé le 1er octobre 2010, n'ont jamais été étendues aux autres secteurs de distribution (Instituts de Beauté, Parfumerie, Magasins bio, etc),

- de constater que la société 2MC a été intégralement réglée de ses commissions,

- de constater que la société 2MC n'a jamais retourné les dotations d'une valeur de 16.123 euros,

Par conséquent :

- de juger que les fautes graves commises par la société 2MC justifient la rupture du mandat sans préavis et sans indemnités,

- de débouter la société 2MC de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- d'ordonner une mesure d'expertise, en désignant tel expert qu'il plaira, avec pour missions de :

- convoquer les parties et leur conseil, les entendre ainsi que toute personne susceptible de fournir des renseignements,

- prendre connaissance des pièces du dossier et notamment se faire remettre tous documents et pièces en rapport avec l'objet du litige et utiles à la solution de celui-ci,

- vérifier et comparer les commissions HT versées à la société 2MC par rapport au chiffre d'affaires réalisés HT pour les pharmacies, parapharmacies et points de vente hors contrat par la société 2MC,

- plus généralement, faire toutes observations, constatations et analyses utiles à l'information du tribunal quant au présent litige,

- dresser un rapport dans les 4 mois de la saisine en faisant précéder le dépôt du rapport d'expertise par l'envoi au moins 4 semaines auparavant d'un pré-rapport, afin de permettre aux parties de former leurs dires et observations,

A titre infiniment subsidiaire :

- de juger que l'année 2015 sera incluse dans la base de calcul de l'indemnité et du préavis,

- de juger que l'indemnité doit être minorée au regard des fautes commises par la société 2MC, de la durée de la relation et du préjudice réellement subi,

En tout état de cause,

- de condamner reconventionnellement la société 2MC à la somme de 16.123 euros en réparation du préjudice financier résultant de l'absence de retour des dotations confiées,

- de condamner la société 2MC au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Sur la rupture du contrat d'agent commercial, la société M-Line expose :

- que suite à son refus de donner une suite favorable à la proposition d'ouverture de capital de la société 2MC puis à sa demande de prime et bonus au titre de l'année 2015, le comportement de la société 2MC a radicalement changé,

- que celle-ci a manifesté un désintérêt flagrant et généralisé dans l'exécution de son mandat, se caractérisant par une inertie totale dans le démarcharge et la prospection, ainsi que par l'absence de transmission d'informations à la société M-Line,

- que ce défaut de prospection se vérifie avec l'évolution très négative du nombre de commandes entre 2012 et 2015 dans des départements pour lesquels de nombreuses commandes étaient auparavant passées ,

- que contrairement à ce que le tribunal a retenu, il ne s'agissait pas uniquement d'un manque passager d'efficacité professionnelle, mais bien d'un gel total du développement commercial dans l'unique but de lui nuire,

- que le chiffre d'affaires de la société 2MC était de 211.051,85 euros HT en 2012 pour diminuer à 173.235,88 euros en 2014 et à seulement 76.467,23 euros en 2015, soit une baisse de 64% sur le premier trimeste de l'année 2015, ce qui signifie que 93% de la France n'était plus visitée par la société 2MC et donc que la clientèle n'était pas démarchée et traitée de façon sérieuse,

- qu'il n'y a en particulier eu que deux ouvertures de points de vente sur les 30 plus grandes villes de France en 2015, aucune ouverture n'étant notamment réalisée sur [Localité 5] intra-muros,

- qu'elle a été contrainte de pallier ces insuffisances de la société 2MC en prenant directement des commandes, après avoir sollicité l'accord préalable de la société 2MC qui n'a pas répondu,

- que cette forte baisse du chiffre d'affaires combinée à la démonstration du désintérêt de l'agent à la zone par manque de disponibilité du personnel, erreurs, négligences et développement commercial en baisse est constitutive d'une faute grave,

- qu'en parallèle, le retour d'information de la société 2MC est devenu inexistant, cette dernière n'apportant pas la moindre preuve de leur transmission ou de la réalité de son activité sur les zones de distribution,

- qu'ainsi, plusieurs commandes ne lui ont pas été transmises, comme en témoignent par exemple la commande non livrée à la parapharmacie E.Leclerc de St Priest, la commande passée en direct le 18 avril 2014 par le client Point de vente Jardin de la Terre et l'appel passé par le client Biocoop Rouennais pour signaler l'absence de livraison de la commande du 26 décembre 2014,

- que la société 2MC a également cessé de participer aux réunions mensuelles, tout en devenant injoignable par téléphone et en supprimant, sans les lire, les mails adressés par la société M-Line,

- que la société 2MC a aussi arrêté de répondre aux sollicitations de nombreux clients et sous agents, ainsi qu'il résulte notamment du témoignage de Madame [A] [M] qui a contacté la société M-Line pour faire part de son désarroi,

- que la société 2MC ne rapporte pas non plus la preuve de l'envoi à tous les clients et sous-agents des offres commerciales pour Noël 2015, n'ayant d'ailleurs vendu aucun coffret de Noël, alors qu'en fin d'année 2017, la société M-Line en a vendu plus de 500 en un mois,

- que la société 2MC n'a pas plus informé les clients des dates de fermeture du laboratoire M-Line, ni avisé tous les agents des conditions commerciales pour l'année 2015, ce qui a entraîné de nombreuses commandes à des prix erronés,

- que contrairement à ce qu'elle prétend, le retrait de l'offre commerciale sur des bagues anti-ronflement a été sollicité par la société 2MC elle-même, celle-ci en ayant été avisée par mail le 25 mars 2015,

- que la société 2MC n'a pas remplacé certains agents suite à leur départ, à l'instar de Madame [Z] sur les départements 54, 57, 67 et 68 à compter de 2014 ou encore de Madame [Y] sur les départements 06,13,83 et 84 après son licenciement en 2013, de sorte que les clients prospectés n'ont pas été suivis et que la société M-Line a dû traiter en direct avec certains clients pour pallier à l'insuffisance chronique d'activité,

- que malgré de nombreuse demandes, les chèques de caution pour les dotations des sous-agents en produits finis n'ont jamais été remis par la société 2MC, ce qui lui cause un préjudice financier à hauteur de 16.123 euros pour les années 2014/2015,

- que la société 2 MC a manqué de professionnalisme en refusant plusieurs formations, dont le dernier séminaire organisé par la société M-Line en 2015, ce qui a entraîné la communication de tarifs et offres commerciales erronés par ses agents, comme pour le "gant sublimateur" de la marque Aquateal en avril 2015,

- que plus généralement, de nombreux clients et sous agents se sont plaint par écrit de l'inactivité et du comportement non professionnel de la société 2MC, tels le client Biocoop Baquet vert et plusieurs agents commerciaux de la société 2MC, ni payés, ni déclarés auprès de la CCVRP, qui ont demandé la prise en charge de leur commission par la société M-Line

- que la société 2MC a par ailleurs adopté un comportement déloyal dans le but de lui nuire, notamment en mettant son adresse en lieu et place de celle de la société M-Line sur un mailing papier avec la plaquette officielle Aquateal, alors qu'elle n'a reçu aucune autorisation pour procéder à un tel montage, puis en procédant à la diffusion de cette plaquette qui porte atteinte à l'image de la société M-Line, ce en violation de l'article 3 du contrat commercial,

- que la société 2MC a en outre indiqué à plusieurs reprises à différents clients qu'elle avait racheté la société M-Line, créant ainsi une confusion entre les deux entités,

- que ces nombreuses fautes graves dans l'exécution du mandat ont justifié la rupture du contrat sans préavis ni indemnités,

- que cette déloyauté de la société 2MC a au demeurant persisté après la rupture du contrat, puisque le nouveau distributeur en pharmacie recruté depuis mai 2016 a fait savoir que le gérant de la société 2MC se faisait passer pour le service client de la société M-Line, prenant et livrant des commandes Aquateal qui proviennent probablement des anciens produits de dotations,

- que de même, la société 2MC a créé une plaquette commerciale en 2017 où apparaît la marque Aquateal, pourtant déposée par la société M-Line et distribuée uniquement dans le cadre de ses réseaux,

- que la société 2MC, qui avoue ouvertement avoir créé un commerce parallèle des produits Aquateal, ne justifie cependant pas exercer une activité de négoce en sus de son activité d'agent commercial et n'est pas habilitée à acheter des produits Aquateal à un grossiste qui ne peut revendre qu'à un point de vente professionnel ou un particulier,

- qu'en admettant continuer à distribuer des produits Aquateal, la société 2MC est mal fondée à se prévaloir d'un préjudice résultant de la rupture du contrat commercial,

- qu'elle a même été contrainte d'attraire la société 2MC devant le tribunal de grande instance de Lyon par assignation du 29 mars 2018, aux fins d'obtenir sa condamnation pour actes de contrefaçon et de concurrence déloyale,

- qu'en effet, la société 2MC a procédé, dès 2016, à la commercialisation de colliers d'ambre et de bagues d'une marque concurrente à celle distribuée par la société M-Line, en reprenant sans autorisation les visuels créés par la société M-Line, puis en indiquant, dans un mail du 18 janvier 2016, que la marque distribuée par la société M-Line ne se faisait plus, et même, en allant jusqu'à prétendre que les colliers seraient dangereux pour la santé en mai/juin 2017.

Pour ce qui est du rappel des commissions demandé la société 2MC, la société M-Line estime qu'elle a respecté ses obligations contractuelles en lui réglant toutes les commissions dues au titre du contrat d'agent commercial conclu le 1er octobre 2010, dont il convient de rappeler qu'il porte uniquement sur le réseau de distribution pharmacies, officines et parapharmacies. Elle n'avait en revanche pas à payer des commissions pour des commandes passées par les agents de la société 2MC auprès des magasins et instituts de beauté, alors que ni elle-même, ni la société 2MC n'ont évoqué la possibilité d'étendre les dispositions du contrat initial exclusif à la distribution des produits en instituts de beauté. Elle n'aurait d'ailleurs pas pu accorder une telle exclusivité, puisqu'elle assurait déjà elle-même la distribution de ses marques auprès des instituts de beauté, parfumeries, coiffeurs et grossistes depuis la création du laboratoire en 2006, de nombreux agents travaillant toujours pour elle à ce titre. Tout au plus, la société 2MC a t-elle réalisé quelques missions ponctuelles et exceptionnelles pour la distribution de ses produits dans les instituts sur certains secteurs géographiques, pour lesquelles elle a perçu des commissions, sans prétendre détenir une quelconque exclusivité sur ces secteurs jusqu'à la mise en demeure de s'exécuter lui ayant été adressée par l'intermédiaire du conseil de la société M-Line le 4 décembre 2015. La société 2MC ne saurait par conséquent se voir allouer une somme de 25.320,93 euros HT au titre d'un prétendu rappel de commissions déjà versées.

S'agissant de la transmission des documents comptables, la société M-Line observe que dès la demande formulée par la société 2MC dans un courrier du 6 janvier 2015, elle a bien fait parvenir à cette dernière, par courrier du 20 février 2015, l'intégralité des documents comptables relatifs aux opérations 2014 de son secteur de distribution conformément aux dispositions de l'article R 134-3 du code de commerce. Elle n'était en revanche nullement tenue de communiquer des documents portant sur des secteurs non concernés par le contrat et sur des périodes antérieures, étant de surcroît souligné que cette demande a été formulée pour la première fois après l'assignation devant le tribunal de commerce et qu'elle aboutirait à donner l'accès à l'intégralité du fichier client et de la comptabilité de la société M-Line sans aucune restriction. Pour prouver sa bonne foi dans le versement des commissions et clore ce débat inutile, elle produit au demeurant:

- une attestation de son expert-comptable certifiant les chiffres d'affaires hors taxes réalisés par la société 2MC pour les pharmacies, parapharmacies et points de vente hors contrat, ainsi que le total des commissions hors taxe afférentes attribuées à la société 2MC de 2011 à 2015, ces attestations ne constituant pas un simple avis mais bien la restranscription de ce que l'expert a constaté dans la comptabilité de la société M-Line,

- l'intégralité des historiques clients de la société 2MC depuis 2012, faisant apparaître les factures et les avoirs, ce qui réduit à néant l'argumentaire de la société 2MC au sujet des commandes annulées par le mandant mais ouvrant droit à commission.

Si toutefois, toutes les pièces fournies n'emportaient pas la conviction de la cour, la société M-Line fait savoir qu'elle ne s'oppose pas à la mise en oeuvre d'une expertise comptable en vue de vérifier les commissions versées à la société 2MC.

A titre subsidiaire, sur le calcul de l'indemnité de rupture et du préavis, la société M-Line fait valoir :

- que l'indemnité due à l'agent doit être minorée en cas de faute de ce dernier, ce qui est le cas en l'occurrence, la société 2MC ayant continué, même après la rupture, à utiliser l'image de marque de la société M-Line et à distribuer ses produits Aquateal sans autorisation,

- que de même, l'indemnité compensatrice n'est pas nécessairement calculée sur la base de deux ans de commission, dès lors qu'elle est destinée à compenser le préjudice subi par l'agent commercial du fait de la résiliation et doit par conséquent être ajustée à ce préjudice,

- que le tribunal a écarté sans aucune justification l'année 2015 du calcul de l'indemnité de rupture, alors que celui-ci est toujours effectué en prenant pour référence les trois années précédant la cessation du contrat.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2020, fondées sur les articles 1134 et 1154 anciens du code civil applicables à l'espèce, sur les articles 9 et 700 du code de procédure civile, ainsi que sur les articles L.134-4, L.134-6 alinéa 2, L.134-7, L.134-9, L.134-10, L.134-11, L.134-12, L.134-13, R.134-3 alinéa 2 et R.134-4 du code de commerce, la société 2MC demande à la cour :

- de juger qu'à compter de l'année 2014, début de l'année 2015, la société M-Line lui a retiré unilatéralement la clientèle qui lui avait été confiée des grossistes, instituts de beauté, magasins de diététique, ainsi que les commissions afférentes,

- de juger que le contrat consensuel a été étendu à la clientèle des grossistes, instituts de beauté, magasins de diététique et que la société 2-MC a perçu le paiement des commissions correspondantes jusqu'à la fin de l'année 2014,

- de juger que la société M-Line a unilatéralement modifié les conditions d'exercice du mandat,

- de juger que la société M-Line n'a pas communiqué les justificatifs demandés, malgré l'obligation imposée aux termes des dispositions de l'article R.134-3 alinéa 2 du code de commerce, d'ordre public,

- de juger que la société M-Line ne fait pas la preuve de fautes graves qu'elle aurait commises et qu'elle bénéficie, en toute hypothèse, de l'exception d'inexécution de ses propres obligations,

En conséquence :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société M-Line à lui payer les sommes de :

- 25.320,93 euros HT à titre de rappel de commissions, à charge d'appliquer la TVA au taux applicable,

- 11.741,52 euros HT à titre de rappel de commissions sur préavis, à charge d'appliquer la TVA au taux applicable,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société M-Line de sa demande reconventionnelle et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- de réformer partiellement le jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la société M-Line à lui payer la somme de 78.276,80 euros à titre d'indemnisation des conséquences de la rupture du contrat et statuant de nouveau, de condamner la société M-Line à lui payer la somme de 93.932,16 euros à titre d'indemnisation, étant rappelé que cette indemnisation n'est pas assujettie à la TVA,

- de juger que les intérêts sur l'intégralité des sommes susvisées seront dus à compter de la demande en justice et bénéficieront de la capitalisation,

- de confirmer le jugement pour le surplus et y ajoutant,

- de condamner la société M-Line à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel au profit de la SELARL Laffly & Associés - Lexavoué Lyon, sur son affirmation de droit.

A l'appui de ses demandes, la société 2MC soutient d'abord :

- que dans la mesure où contrairement à ce qu'elle prétend, la société M-Line ne disposait pas, à la date de signature du contrat, d'une organisation et d'un réseau de distribution parfaitement structurés, y compris auprès de la clientèle des instituts de beauté et des magasins de diététique sur l'ensemble du territoire, elle est intervenue dès l'année 2011, en accord et à la satisfaction de la société M-Line, sans se limiter aux termes du contrat écrit, auprès de la clientèle des grossistes puis auprès de la clientèle des instituts de beauté et magasins de diététique, la société M-Line lui ayant versé les commissions sur les ventes ainsi réalisées,

- qu'elle s'est considérablement investie en faisant intervenir à sa charge sur tout le secteur ses propres commerciaux et un certain nombre de sous-agents commerciaux, au point que la société M-Line présentait le gérant de la société 2MC comme son directeur commercial ou son responsable commercial, ce qui établit qu'elle se reposait entièrement sur la société 2MC pour organiser la commercialisation de ses produits, sans distinction de clientèle, indépendamment de la rédaction du contrat écrit initial,

- que la société M-Line a notamment reconnu cette extension de mission dans sa lettre du 12 janvier 2015, étant précisé que cette extension n'était assortie d'aucune obligation particulière de durée ou de ponctualité, comme l'affirme a posteriori faussement la société M-Line,

- qu'elle produit aux débats des documents qui confirment son intervention auprès de toute la clientèle des grossistes, des magasins et instituts de beauté sans aucune restriction,

- que la documentation commerciale et la publicité diffusées auprès de toute la clientèle, y compris celle des grossistes, magasins et instituts de beauté, comportent d'ailleurs les coordonnées de la société 2MC sous la rubrique "direction commerciale",

- que si l'agent commercial, Mme [V], est bien intervenue auprès des instituts de beauté en 2014, elle l'a fait au nom et pour le compte de la société 2MC pour laquelle elle travaillait en utilisant, du reste, les documents de la société 2MC pour passer les commandes,

- que le tribunal a donc fait une exacte appréciation de la situation en retenant que sa mission avait été étendue à la clientèle des grossistes, magasins et instituts de beauté et que le retrait unilatéral par la société M-Line de ce type de clientèle a constitué une atteinte aux obligations contractuelles, dès lors que les conventions, qu'elles soient écrites ou non, ne peuvent être modifiées que d'un commun accord,

- qu'il en résulte qu'elle est en droit de percevoir les commissions sur toutes les ventes directes et indirectes réalisées auprès des instituts de beauté et grossistes, étant rappelé qu'en vertu des articles L134-6 alinéa 2, L134-7, L134-9 et L134-10 du code de commerce, celles-ci sont dues même en l'absence d'exclusivité contractuelle, dès lors que le secteur est reconnu à l'agent, sauf stipulations contractuelles contraires.

- qu'il appartient au mandant de rapporter la preuve des commissions dues, puisqu'il est le seul à confirmer les commandes, effectuer les livraisons et éditer les facturations dont il reçoit le paiement, cette obligation étant doublement rappelée par l'article R 134-3 du code de commerce, dont l'alinéa 2 met justement à la charge du mandant une obligation de communiquer tous les justificatifs comptables que l'agent commercal est en droit d'exiger,

- que l'attestation d'un expert comptable communiquée par la société M-Line ne répond pas à cette obligation d'ordre public de l'article R 134-3 alinéa 2 du code de commerce, dans la mesure où il n'appartient pas à l'expert comptable de définir l'assiette de calcul des commissions et de dire si elles sont dues ou non,

- que l'agent commercial doit donc être en mesure de vérifier si toutes les commandes du secteur ont abouti à une livraison, une facturation ou un encaissement ou si au contraire certaines commandes n'ont pas abouti ou ont fait l'objet d'avoirs, ce afin ensuite de contrôle le contenu des avoirs concernés afin de pouvoir solliciter, si nécessaire, toutes explications utiles puisqu'une telle situation impacte ses droits à commissions,

- qu'il n'appartient pas à l'agent commercial de justifier que des commissions pourraient lui rester dues, de sorte que la société mandante n'est pas fondée à opposer à l'agent commercial une prétendue confidentialité des documents comptables, car celui-ci est tenu d'une obligation de loyauté et ne peut valablement se livrer à des actes de concurrence déloyale à partir d'information recueillies auprès de son mandant, sauf à voir engager sa responsabilité,

- qu'en l'occurrence, la société M-Line n'a jamais communiqué la totalité des justificatifs comptables demandés avant l'engagement de la procédure judiciaire puis dans le cadre de l'assignation, à savoir la copie certifiée conforme par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes, de toutes les opérations directes et indirectes du secteur géographique attribué à la société 2MC depuis le 1er octobre 2010, date du début du contrat, jusqu'au 30 juin 2016, afin de respecter à la fois la durée théorique du préavis (3 mois) et la durée raisonnable de l'article L 134-7 du code de code de commerce (3 mois), à savoir les commandes, les factures, les avoirs et le journal des ventes du secteur avec la liste des clients lettrés et non lettrés, y compris auprès des grossistes, instituts de beauté et magasins diététiques,

- que le refus de la socité M-Line de communiquer tous les éléments comptables nécessaires, en particulier ceux relatifs à la clientèle des grossistes, instituts de beauté et magasins diététiques doit être sanctionné par l'évaluation forfaitaire des droits à commission pour l'année 2015 à partir des relevés de commissions pour les annéees 2013 et 2014,

- que les sommes perçues à ce titre représentent une moyenne annuelle de 46.966,09 euros HT dont il convient de retirer les 21.045,16euros de commissions effectivement perçues en 2015 pour aboutir à la somme de 25.320,93 euros HT, laquelle correspond à la part des commissions dont elle a été privée sur les ventes réalisées auprès des grossistes, instituts de beauté et magasins de diététique du fait de la décision unilatérale et illégitime de la société M-Line, prise en fin d'année 2014, de lui retirer cette clientèle.

Sur la rupture du contrat d'agent commercial, la société 2MC relève en substance :

- que la société M-Line a enfreint ses obligations essentielles, en modifiant unilatéralement les conditions d'exécution du contrat , ce qui a conduit à l'arrêt soudain, en 2015, du versement des commissions qu'elle payait auparavant sur les ventes auprès des instituts de beauté et magasins de diététique,

- qu'elle a dénoncé cette situation par courrier recommandé du 5 janvier 2015 en observant qu'elle venait de découvrir avec surprise que la société M-Line recherchait d'autres agents commerciaux pour couvrir la clientèle des instituts de beauté, salons de coiffure, parfumeries, centres de remise en forme et de thalassothérapie,

- qu'en sus de cette décision de la société M-Line de ne plus la commissionner sur les ventes auprès des grossistes et instituts de beauté pour exiger un retour strict à la lettre du contrat en faisant fi des évolutions contractuelles avérées, elle a été confrontée à des problèmes de livraison, voire d'annulation de commandes, d'interventions de la société M-Line directement auprès de ses commerciaux et de difficultés dans la transmission d'informations ou d'échantillons,

- que la non communication des documents comptables par la société M-Line justifie qu'elle puisse bénéficier de l'exception d'inexécution consacrée à l'article 1219 nouveau du code civil,

- que de son côté, la société M-Line ne rapporte nullement la preuve du désintérêt manifeste de la société 2MC dans l'exécution de sa mission ou encore de son comportement déloyal,

- qu'en effet, les pièces n°19 à 22 produites par cette dernière ne lui sont pas opposables, car il s'agit de relevés édités par la société M-Line et non de documents comptables,

- que la société M-Line ne verse en revanche aucune étude comparative de nature à étayer ses dires quant au prétendu gel du développement commercial, tout en omettant de rappeler qu'elle est seule à l'initiative de la modification de l'assiette de calcul,

- que les échanges entre elle-même et la société M-Line versés aux débats illustrent au contraire l'intérêt qu'elle a toujours manifesté dans l'accomplissement de sa mission au point d'avoir été considérée comme le "directeur commercial" de la société M-Line,

- que dans sa lettre du 20 avril 2015, la société M-Line reconnaît d'ailleurs la qualité du travail de la société 2MC jusqu'au second semestre 2014, de sorte qu'elle n'est pas fondée à formuler des griefs qui seraient antérieurs à la fin de l'année 2014,

- qu'elle a toujours réfuté les allégations de la société M-Line quant au défaut d'information, ainsi qu'il ressort de la lettre recommandée qu'elle a adressée à la société M-Line le 25 juin 2015 et qui n'a fait l'objet d'aucune protestation par cette dernière,

- qu'un tel défaut d'information et de communication ne saurait en tout état de cause lui être reproché, dès lors qu'elle a toujours participé au maximum aux réunions commerciales et répondu aux mails de la société M-Line ou aux demandes des clients,

- qu'elle fournit le relevé des appels téléphoniques reçus sur son standard en 2015 afin de prouver qu'au cours de cette période, la société M-Line ne l'a contactée qu'une seule fois le 21 décembre 2015,

- que le prétendu défaut de communication envers les clients et/ou les sous-agents résulte en réalité de l'immixtion de la société M-Line dans sa gestion interne, celle-ci ayant pris l'habitude inacceptable de correspondre directement avec les sous-agents de la société 2MC, sans son accord et en violation des règles applicables,

- qu'elle a bien répercuté à la clientèle l'offre de Noël au moyen de 190 envois (pièces n° 41 et 41bis), tandis que de son côté, la société M-Line ne démontre pas lui avoir donné les moyens de remplir sa mission de transmission des conditions commerciales à compter du début de l'année 2015 et ne justifie pas plus que des erreurs imputables à la société 2MC auraient affecté les 220 commandes lui ayant été adressées durant cette même année,

- que le 24 mars 2015, elle a uniquement demandé à la société M-Line que ses coordonnées ne soient plus mentionnées sur le bon de retour de la garantie, mais il ne s'agit en aucun cas d'un défaut de transmission du retrait d'une offre commerciale, comme allégué par la société M-Line,

- que les affirmations de la société M-Line quant au non remplacement de plusieurs sous-agents sont elles-aussi erronées et ne font que confirmer son ingérence dans la gestion de la société 2MC qui n'est pas tenue de lui rendre des comptes sur ce point,

- que les courriers électroniques des 10 avril 2014 et 16 septembre 2014 envoyés par la société M-Line ne font que confirmer que la société 2MC était chargée de toute l'organisation commerciale, son dirigeant étant présenté comme le directeur commercial de la société M-Line, ce qui rend d'autant plus mal venues ses critiques sur l'organisation interne de la société 2MC,

- que le témoignage de M.[B] ne saurait être pris en considération, car il ne fait que chercher à régler ses comptes avec la société 2MC qui a refusé de donner une suite favorable à sa candidature pour un poste d'agent commercial,

- qu'il en est de même de l'attestation mensongère de Mme [V] qui écrit qu'elle travaille exclusivement avec la société M-Line pour sa clientèle d'instituts de beauté, spas et boutiques bio, alors même que le 8 juillet 2014, elle a pris une commande auprès d'un institut de beauté au nom de la société 2MC et sur ses documents commerciaux,

- que la remise de dotations (échantillons) au mandataire est une obligation légale, en ce qu'elle est indispensable à la bonne exécution de sa mission, étant précisé qu'aucune disposition contractuelle ne met à la charge du mandataire le coût des produits, objet de la démonstration,

- qu'en tout état de cause, la société M-Line ne peut invoquer un problème de non retour de ces dotations, dès lorsqu'elle ne rapporte pas la preuve de celles-ci ni de leur valeur, ce qui ne peut que conduire au rejet de sa demande reconventionnelle,

- que la société M-Line ne démontre pas non plus que la société 2MC aurait adopté un comportement non professionnel envers les clients ou les agents commerciaux, les quelques attestations dont elle se prévaut étant dépourvues de force probante en raison de leur caractère imprécis ou de leurs incohérences,

- que l'existence d'un problème récurrent de méconnaissance des conditions commerciales et des nouveaux produits n'est donc pas établie par la société M-Line,

- que la plaquette de présentation dont fait état la société M-Line pour exciper du comportement déloyal de la société 2MC est un simple support commercial sur lequel il est précisé que la marque Aqueteal appartient à la société M-Line et que la société 2MC est un service commercial,

- qu'un tel document, destiné à vendre les produits de la société M-Line, n'est donc pas de nature à porter atteinte à son image,

- que les autres pièces mises en avant par la société M-Line à l'appui du moyen tiré de la déloyauté de la société 2MC ne peuvent être utilisées à son encontre, car elles se référent à des événements postérieurs à la rupture,

- que de même, tous les événements évoqués dans la sommation interpellative délivrée le 13 octobre 2017 par la société M-Line à la société Parapharmacie Leclerc de Chatte (38), ainsi que les réponses apportées par la personne désignée sont postérieurs à la ruture du contrat d'agent commercial,

- qu'au demeurant, rien ne lui interdit, dans le cadre de l'activité de négoce qu'elle exerce par ailleurs, de se fournir auprès de grossistes en produits de la marque Aquateal pour ensuite les revendre, sachant qu'il ne s'agit pas des produits issus des dotations qu'elle aurait conservées, mais bien de produits de l'année 2017 qu'elle a acquis auprès de fournisseurs,

- que cette activité d'achat/vente est prévue dans son objet social, ainsi qu'il ressort de l'extrait Kbis, alors que le code APE attribué par l'INSEE n'est qu'une simple identification administrative ne prenant pas nécessairement en considération toutes les activités définies à l'objet social,

- qu'il découle de l'ensemble de ces observations que la rupture du contrat est intervenue dans des circonstances bien particulières, sans savoir été provoquée par une faute grave de la société 2MC.

Dès lors, en application des articles L134-11 et L134-12 du code de commerce, la société 2MC estime pouvoir prétendre aux sommes suivantes :

- 11.741, 52 euros HT, auxquels devra être ajoutée la TVA au taux en vigueur, au titre du rappel des commissions pendant la période de préavis de 3 mois non exécutée, mais qui devait s'achever le 31 mars 2016, cette somme ayant été calculée à partir de la moyenne mensuelle des commissions perçues au cours des années 2013 et 2014, soit 3.913,84 euros HT, sans tenir compte de l'année 2015 durant laquelle elle a été indûment privée des commissions pour toute une partie de la clientèle,

- 93.932,16 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture, ce qui correspond à 24 mois de commissions, étant rappelé qu'elle souffre d'un double préjudice (perte des commissions et disparition du contrat en tant qu'élément d'actif) et qu'en l'absence de faute grave, l'agent a droit à une indemnisation totale qu'aucune considération ne peut restreindre.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 octobre 2020, les débats étant fixés au 5 octobre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater» ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger» lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Il est également précisé qu'en vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, le contrat ayant été conclu avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance.

Sur le cadre contractuel et le rappel des commissions

L'article 1134 ancien du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L 134-2 du code de commerce, que le contrat d'agent commercial est consensuel, aucun écrit n'étant exigé pour que la convention existe. La preuve de l'accord des parties peut être rapportée par tous moyens par celui qui en excipe.

En l'espèce, il n'est pas discuté que le contrat à durée indéterminée d'agent commercial signé par les parties le 1er octobre 2010 stipule expressément que la société 2MC bénéficiera de l'exclusivité de la représentation de la société M-Line pour les produits et services destinés uniquement au réseau de distribution des pharmacies et des parapharmacies, ce sur toute la France (annexe 2). Selon l'annexe 1, sont concernés les produits Aquateal, la gamme personnalisable cosmétique M-Line et tous produits développés en sous-traitance sur demande de la société 2 MC.

L'article 1er du contrat précise par ailleurs que l'agent commercial s'interdit de prospecter activement et de démarcher, en vue de la représentation des produits et services du mandant, la clientèle située en dehors dudit secteur.

Eu égard au caractère consensuel du contrat d'agent commercial, tel que rappelé ci-dessus, il convient toutefois de rechercher si comme l'excipe la société 2MC, les parties n'ont pas ultérieurement convenu d'étendre sa mission de représentation des produits de la société M-Line à la clientèle des grossistes, instituts de beauté et magasins de diététique. La charge de la preuve de cette évolution contractuelle incombe à la société 2MC qui s'en prévaut.

A cet égard, elle produit d'abord un courrier lui ayant été adressé le 12 janvier 2015 par la société M-Line (pièce n°3 de l'intimée), lequel mentionne "Nous avons toujours assuré la distribution de nos marques en instituts de beauté, parfumeries, coiffeurs et grossistes depuis la création du laboratoire M-Line en 2006. Début 2014, vous nous avez demandé la possibilité de vous accorder la distribution à nos agents "pharmacie" sur des points de vente "instituts de beauté" sur les zones où n'était pas présent le laboratoire M-Line. Nous avions accepté ces exceptions sans pour autant que vous puissiez prétendre à quelconque droit d'exclusivité sur le secteur des instituts de beauté sur toute la France. Pour preuve, nous avons dû encore récemment attirer votre attention plusieurs fois sur votre agent, Monsieur [D] qui prospectait les clients de notre propre agent dans le département 71. Nous vous rappelons que le laboratoire M-Line est libre de définir sa stratégie commerciale et de recrutement sur tout autre réseau que la pharmacie et la parapharmacie".

La société 2MC verse également différents courriels reçus par son gérant, M.[R] (pièces n° 8-1 à 8-7, 23, 24 et 30 de l'intimée), dont la teneur n'est pas discutée par la société M-Line, à savoir :

- un courrier électronique de M.[H], gérant de la société M-Line, en date du 22 mai 2013 mentionnant les départements couverts par la société M-Line en instituts de beauté, à savoir les départements 67, 68, 21 et 71 en réponse à une demande en ce sens de M.[R],

- un courriel envoyé le 6 février 2014 par M.[H], en réponse à une demande de précisions de M.[R] sur une cliente, esthéticienne à domicile, ce mail indiquant "tu dois les avoir dans la liste client sous le nom Promats. C'est un bien vieux client à nous en VPC dont je n'ai pas trop de commande ni contact depuis un moment",

- cinq courriels transférés d'un site "Aquateal" entre le 23 avril 2014 et le 14 octobre 2014 pour répercuter à M.[R] des demandes de renseignements sur les tarifs et conditions de vente des produits de la gamme, dont trois en provenance d'instituts de beauté et l'un émanant d'un centre de bronzage,

- un courriel écrit le 2 septembre 2014 par M.[H] concernant le mode de règlement d'une commande prise par la société 2MC auprès d'un client "Bio Glamour",

- un courriel adressé par M.[H] en date du 1er décembre 2014 relatant que "j'ai bien pris note de ta demande de commission pour les grossistes, mais malheureusement, je ne souhaite pas fonctionner comme cela. Nous restons par conséquent comme en 2014, c'est-à-dire 20% de commissions sur les grossistes qui ont les CC grossistes",

La société 2MC fait encore état :

- de trois plaquettes commerciales portant sur l'année 2014, sur lesquelles l'adresse de la direction commerciale du Laboratoire M-Line correspond à celle de la société 2MC et son gérant, M.[R] apparaît en tant que directeur commercial (pièces n°8-9 à 8-11 de l'intimée),

- d'un compte-rendu d'une réunion commerciale en date du 30 mars 2014 (pièce n°8-12 de l'intimée) faisant notamment le point sur les activités des sous-agents de la société 2MC, dont une personne dénommée [G] au sujet de laquelle il est indiqué "bien repartie, bonne communication, elle ouvre les grossistes (67, 68,57, 54, 88, 90, 55 et 70)",

- d'un courriel envoyé le 9 avril 2014 par M.[R] à [G] [W], commerciale, M.[H] étant en copie, pour lui présenter son nouveau secteur qui se répartit comme suit " à compter d'aujourd'hui, comme convenu, tu gardes l'intégralité de tes clients instituts de beauté et les prospects instituts de beauté pour M-Line sur départements suivants, 90, 88, 70, 68, 67, 57, 54 et 55; par 2MC, départements 90, 88, 70, 68, 67, 57, 54, 55, 52, 25 pour les pharmacies, parapharmacies indépendantes, grosssites en instituts de beauté et coiffeurs, départements 92, 25 pour les pharmacies, parapharmacies indépendantes, grosssites en instituts de beauté, coiffeurs et instituts de beauté" (pièce n°44 de l'intimée),

- d'un courriel écrit le 10 avril 2014 par M.[H] à M.[R] au sujet d'une commerciale Mme [V] dans lequel il indique "Salut [E], je viens d'expliquer à Mme [V] que tu étais le Directeur commercial et que désormais, tout passerait par toi!" (pièce n°53 de l'intimée),

- d'un courriel adressé le 16 septembre 2014 par M.[H] à M.[R] pour lui transférer la candidature d'un commercial auquel il a présenté M.[R] comme le directeur de la société M-Line (pièce n°54 de l'intimée),

- des envois groupés effectués en novembre 2015 par la société 2MC aux clients afin de les informer des offres de fin d'année, contacts parmi lesquels figurent de nombreux instituts de beauté (pièce n°41 ter de l'intimée).

Il ressort de l'analyse combinée de ces différentes pièces que la mission de représentation de la société 2MC ne s'est manifestement pas limitée à la seule clientèle des pharmacies, parapharmacies sur toute la France comme stipulé dans le contrat écrit initial, mais qu'elle a été étendue, au moins à compter de l'année 2014 et d'un commun accord avec la société M-Line, à des clients grossistes, instituts de beauté et magasins de diététique, ce qui est d'ailleurs confirmé par la lecture de l'attestation de l'expert-comptable CDER, Mme [O], établie le 7 février 2019 (pièce n°87 de l'appelante). En effet, dans ce document, le montant total du chiffre d'affaires généré par la société 2MC de l'année 2011 à l'année 2015 porte non seulement sur les "pharmacies et parapharmacies", mais également sur les "points de vente hors contrat ouverts par 2MC", ce qui signifie que celle-ci avait une clientèle allant au-delà du cadre initial du contrat écrit.

Les documents précités ne permettent en revanche pas d'établir que cette extension de mission concernait l'ensemble de la clientèle des grossistes, instituts de beauté et magasins de diététique sur la totalité du territoire français. Le courriel du 9 avril 2014 (pièce n°44 de l'intimée) révèle au contraire que la société M-Line entendait conserver la distribution directe en instituts de beauté sur au moins 8 départements, sans recourir à la société 2MC. Il en découle que celle-ci ne peut se prévaloir d'une quelconque exclusivité au titre de cette clientèle ou encore de l'absence de restriction géographique à la représentation de la société M-Line auprès de cette clientèle pendant la durée du contrat.

Plus généralement, les différents éléments relatés ci-dessus ne sont pas suffisamment circonstanciés pour déterminer la part exacte de clients grossistes, instituts de beauté et magasins de diététique qui avait effectivement été dévolue à la société 2MC et/ou le secteur géographique précis sur lequel elle avait mission de représenter la société M-Line pour ce type de clientèle.

Or, en vertu de l'article L 134-6 du code de commerce, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.

L'alinéa 2 de cet article prévoit quant à lui que s'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.

Dans le cas présent, la société 2MC ne démontrant pas qu'elle s'est vu accorder le bénéfice d'une exclusivité pour la clientèle des grossistes, instituts de beauté et magasins de diététique ou, à tout le moins, qu'elle était seule chargée de gérer la totalité ou un segment précisément défini de ce groupe de clients pour le compte de la société M-Line ou encore que son mandant lui avait attribué un secteur géographique déterminé pour ladite clientèle, elle n'est pas fondée, faute de secteur clairement reconnu, à invoquer l'application des dispositions de l'article L 134-6 alinéa 2 précité à son profit et ne peut donc prétendre au paiement des commissions pour des opérations qui auraient réalisées en 2015 directement par la société M-Line sans son intervention auprès de la clientèle des grossistes, instituts de beauté et magasins diététiques.

Il sera en tout état de cause observé que la société 2MC ne communique aucun justificatif de nature à étayer ses allégations selon lesquelles la baisse conséquente de ses commisions au cours de l'année 2015 trouve son origine dans la décision de la société M-Line de lui retirer les clients grossistes, instituts de beauté et magasins de diététique auprès desquels elle était intervenue durant les années 2013 et 2014. La société 2MC se borne ainsi à transmettre le relevé global des commissions facturées à la société M-Line au titre des années 2013, 2014 et 2015, sans fournir en parallèle le détail des factures pour chaque client ou ledétail des bons de commandes recueillis auprès des clients et ensuite adressés à son mandant au cours de ces mêmes années, accompagné, le cas échéant, d'un tableau récapitalutif comportant une ventilation de ces factures/bons de commandes par type de clientèle (pharmacies et parapharmacies d'un côté, grossistes, instituts de beauté et magasins de diététique de l'autre).

Seuls ces justificatifs détaillés, que la société 2MC était parfaitement en mesure de produire, auraient permis de déterminer avec certitude le montant annuel moyen des commissions perçues par cette dernière pour cette clientèle des grossistes, instituts de beauté et magasins de diététique en 2013 et 2014.

Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé, en ce qu'il a condamné la société M-Line à payer à la société 2MC la somme de 25.320,93 euros HT à titre de rappel de commissions.

Sur la rupture du contrat d'agent commercial et son imputabilité

L'article L. 134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties. Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information. L'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.

En vertu de l'article L. 134-11 du même code, lorsque le contrat d'agent commercial est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis; la durée du préavis est de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes ; en l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil; ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.

L'article L. 134-12 du même code prévoit quant à lui qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Selon l'article L. 134-13 1° du même code, la réparation prévue à l'article L. 134 12 n'est pas due dans le cas où la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

La faute grave est celle qui porte atteint à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel. Il y a lieu de distinguer la faute grave justifiant la privation d'indemnité de rupture des simples manquements aux obligations contractuelles motivant la rupture du contrat. C'est au mandant qu'il appartient de rapporter la preuve d'une telle faute.

Il n'est pas nécessaire que la faute grave soit mentionnée dans la lettre de rupture si celle-ci a été commise antérieurement mais n'a été découverte que postérieurement à cette rupture. En revanche, si le mandant a eu connaissance des fautes de l'agent et ne les a pas relevées ou s'il a simplement protesté, son attitude pourra être considérée comme une tolérance de ces faits ou comme l'indication qu'il ne les considérait pas comme suffisamment graves pour entraîner la rupture.

En l'espèce, la lettre recommandée de rupture pour faute grave sans préavis ni indemnités, adressée le 28 décembre 2015 par la société M-Line à la société 2MC (pièce n°20 de l'intimée) relate les griefs suivants :

- d'une part, le désintérêt manifeste et généralisé dans l'exécution du mandat d'agent commercial s'étant traduit par la forte baisse du chiffre d'affaires combinée au défaut de prospection des clients, au gel du développement commercial, au défaut d'informations et de communication envers la société M-Line, au défaut d'information et de communication envers les clients et/ou sous-agents, à l'absence de remplacement de plusieurs sous-agents, à l'absence de retour sur les dotations confiées et au comportement non professionnel,

- d'autre part, le comportement déloyal de la société 2MC, en ce qu'elle a réalisé, sans l'autorisation de la société M-Line, un mailing papier en scannant la plaquette officielle Aquateal et en enlevant l'adresse de la société M-Line pour ajouter celle de la société 2MC, et en ce qu'elle a indiqué à différents clients qu'elle avait racheté la société M-Line.

Il convient tout d'abord de relever que ce second manquement tenant au comportement déloyal de la société 2MC pendant la durée du contrat n'apparaît pas suffisamment caractérisé au vu des pièces versées par la société M-Line.

Ainsi, la plaquette commerciale litigieuse dont fait état la société M-Line pour la publicité auprès de sa clientèle pour l'année 2015 (pièce n°58 de l'appelante) précise qu'Aquateal est une marque du laboratoire M-Line, tandis que la première page du mailing présente la société 2MC comme un "fournisseur partenaire". Du fait de ces indications, il ne peut être reproché à la société 2MC d'avoir cherché à induire la confusion sur le rôle de chaque entité auprès des clients qu'elle démarchait habituellement pour son mandant. Il doit au demeurant être souligné que dans les autres plaquettes commerciales produites par la société 2MC au titre de l'année 2014 (pièces n°8-9 à 8-11 de l'intimée) et non remises en cause par la société M-Line, la société 2MC est présentée comme la direction commerciale de la société M-Line, ce qui révèle que cette dernière acceptait alors des pratiques de nature à générer la méprise quant aux missions exactes de chacune des sociétés dans leurs rapports à la clientèle.

Il est par ailleurs à noter que seules deux autres pièces peuvent utilement être invoquées la société M-Line en vue de prouver le comportement déloyal de son mandataire à son égard : d'une part, l'attestation établie le 21 décembre 2015 par Mme [P] [V], agent commercial (pièce n°53 de l'appelante), d'autre part l'engagement pris en décembre 2015 par M.[R] auprès de la pharmacie Souffel (pièce n°59 de l'appelante) de reprendre et rembourser un colis Aquateal défectueux en contrepartie d'une commande de produits d'une autre marque.

Les autres éléments dont excipe la société M-Line dans l'objectif de prouver cette attitude déloyale de la société 2MC, ne sauraient en effet être pris en considération (pièces n° 60, 61, 62, 66, 69, 91 et 92), dès lors qu'ils stigmatisent des agissements de la société 2MC intervenus au cours des années 2016 et 2017, soit postérieurement à la rupture dénoncée le 28 décembre 2015 et sont donc dépourvus de toute pertinence pour venir motiver celle-ci.

Or, l'attestation de Mme [P] [V] du 21 décembre 2015 est totalement illisible, ainsi que le souligne à juste titre la société 2MC.

Seul l'engagement de M.[C] pris courant décembre 2015 auprès de la pharmacie Souffel, visiblement à l'insu de son mandant, est révélateur d'un manque de loyauté envers la société M-M-Line. Mais, cet agissement isolé, outre qu'il ne s'analyse pas en une tentative de la société 2MC d'accréditer l'idée qu'elle a racheté la société M-Line, ne saurait conduire à retenir que la société 2MC avait généralisé ce type de comportement à l'égard de la clientèle.

S'agissant ensuite de la première faute grave invoquée par la société M-Line dans le courrier de rupture du 28 décembre 2015, à savoir le désintérêt manifeste et généralisé de la société 2MC dans l'exécution de son mandat d'agent commercial, il y a lieu d'observer que la société M-Line a formulé ce type de reproche à la société 2MC dès le début de l'année 2015, ainsi qu'il ressort du courrier qu'elle a adressé dès le 12 janvier 2015 à la la société 2MC (pièce n°3 de l'intimée) en réponse à la missive de cette dernière du 5 janvier 2015 au sujet du retrait de la clientèle des grossistes, instituts de beauté et magasins diététiques.

Dans ce courrier, après avoir contesté toute extension contractuelle de la mission de la société 2MC à la clientèle des instituts de beauté, parfumeries, coiffeurs et grossistes, à part ponctuellement pour les points de vente instituts de beauté à compter de début 2014 sur les zones non couvertes par le laboratoire, la société M-Line relate ainsi que "nous avions déjà alerté votre société lors de notre réunion en date du 26 mai 2014 sur les zones qui n'étaient toujours pas distribuées que je vous rappelle ici: [Localité 5] intra-muros (aucun représentant depuis M.[I], soit environ un an), région Ile-de-France (jamais eu de représentant), région PACA (aucun représentant depuis Mme [Y], soit environ un an), région Centre (jamais eu de représentant), région Aquitaine (jamais eu de représentant), région Auvergne (jamais eu de représentant), région Champagne Ardennes (jamais eu de représentant), région Midi-Pyrénées (jamais eu de représentant), région Poitou (jamais eu de représentant), région Picardie (jamais eu de représentant). Aujourd'hui, force est de constater que la distribution 2MC n'a pas évolué et que ces zones restent 8 mois après toujours non visitées, ce qui est un préjudicce important pour le laboratoire M-Line. Nous vous redemandons, par la présente, d'assurer la distribution de manière active sur les zones citées ci-dessus."

Début janvier 2015, la société M-Line évoque donc déjà le fait que la société 2MC n'assurerait pas sa représention sur 10 zones géographiques, depuis le début du contrat pour 8 d'entre elles et depuis un an pour les deux dernières.

Aux termes d'une seconde missive du 25 février 2015 en réponse à deux autres courriers de la société 2MC (pièce n°6 de l'intimée), la société M-Line évoque, outre cette question des zones commerciales sans représentation, le refus de la société 2MC de lui fournir toutes les informations nécessaires sur la distribution de ses marques ainsi que le problème de l'absence de renvoi des anciennes dotations produits des agents commerciaux qui ne travaillent désormais plus pour la société 2MC.

En avril 2015, trois autres lettres comportant peu ou prou les mêmes reproches vont être rédigées par la société M-Line à l'intention de la société 2MC (pièces n°9 à 11 de l'intimée). Quelques semaines plus tard, le 15 juin 2015, une nouvelle mise en demeure reprenant également les mêmes problématiques sera adressée à la société 2MC par la société M-Line (pièce n°14 de l'intimée), qui écrira un autre courrier similaire le 28 juillet 2015 en passant cette fois-ci par l'intermédiaire de son conseil.

Cette missive soulève encore une fois les mêmes fautes à l'encontre de la société 2MC, en l'occurrence le défaut de retour d'information à la société M-Line et l'absence de démarchage et de prospection sérieuse sur l'ensemble de la France pour le secteur pharmacies et parapharmacies.

Pour autant, en dépit de ces reproches récurrents, depuis le début de l'année 2015, quant au désintérêt flagrant et généralisé de la société 2MC dans l'exécution de son mandat, la société M-Line ne prendra l'initiative de la rupture pour ce motif que le 28 décembre 2015, soit près d'une année après avoir fait état de ses premiers griefs sur ce point.

En laissant perdurer le mandat pendant toute l'année 2015 malgré des manquements contractuels dont elle s'est plaint tout au long de cette même période, la société M-Line a par là-même admis que les fautes de son agent ne revêtaient pas la gravité alléguée dans le courrier de rupture immédiate et sans préavis du 28 décembre 2015.

Il découle de l'ensemble des développements qui précèdent que la société M-Line échoue à rapporter la preuve de fautes graves imputables à la société 2MC de nature à priver celle-ci de son droit à indemnité de rupture.

La société 2MC est par conséquent bien fondée à réclamer le paiement de l'indemnité de compensatrice en réparation du préjudice subi suite à cette rupture, telle que prévue à l'article 134-12 du code de commerce, ce qui conduit, par ces motifs substitués, à la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

Sur le calcul de l'indemnité et du préavis

En application de de l'article L. 134-11 du code de commerce, lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède.

La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.

Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent.

Par ailleurs, selon l'article 134-12 du même code, en cas de cessation des relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Les usages en la matière conduisent généralement à accorder à l'agent commercial une indemnité égale aux commissions brutes perçues au cours des deux dernières années du mandat, dans la mesure où il convient de lui octroyer l'équivalent du manque à gagner consécutif à la rupture, durant la période nécessaire à la reconstitution d'une clientèle équivalente.

Toutefois, l'indemnité compensatrice de cessation de contrat ne peut être fixée sans un examen de la réalité du préjudice qu'elle doit réparer eu égard aux circonstances particulières de l'affaire.

En l'espèce, la société M-Line et la société 2MC étaient liées par un contrat à durée indéterminée qui a été rompu après plus de cinq années de mise en oeuvre.

Comme l'a relevé à bon escient le tribunal de commerce, la société M-Line a reconnu, dans un courrier envoyé le 20 avril 2015 à la société 2MC (pièce n°11 de l'intimée), qu'elle a toujours été satisfaite de son travail jusqu'au second semestre de l'année 2014, soit pendant près de 4 années.

Les nombreux échanges de courriers entre les parties au cours de la dernière année du contrat sont en revanche révélateurs d'une très nette dégradation des relations entre le mandant et son mandataire, chacun reprochant à l'autre d'être défaillant dans la mise en oeuvre de ses obligations contractuelles. Pour autant, en l'absence de données détaillées, il n'est pas possible de dire dans quelle proportion la baisse très significative du chiffre d'affaires réalisé par la société 2MC entre l'année 2014 (173.235,88 euros) et l'année 2015 (76.467,23 euros), à hauteur de plus de 50%, est imputable au refus de la société M-Line de lui laisser continuer à représenter les clients grossistes, magasins de diététique et instituts de beauté concédés auparavant ou si cette chute est le fruit du manque croissant de dynamisme commercial de la société 2MC à l'égard de sa clientèle historique des pharmacies et parapharmacies.

En prenant en considération ces différents éléments, il convient de retenir que le préjudice résultant de la rupture sera justement réparé par l'allocation, à la société 2MC, d'une indemnité équivalente à 24 mois de commissions, en prenant toutefois pour base de calcul la moyenne des commissions perçues au cours des trois dernières années du mandat.

A cet égard, il convient de constater que les relevés de commissions dont fait état la société 2MC pour les années 2013 à 2015 (pièce n°51 de l'intimée) correspondent en tous points à ceux figurant dans l'attestation comptable produite par la société M-Line (pièce n°87 de l'appelante).

Ainsi, en 2013, le montant total des commissions perçues par la société 2MC s'est élevé à 42.748,88 euros HT. En 2014, il était de 49.817,38 euros HT et en 2015 de 21.991,97 euros HT. Le montant mensuel moyen des commissions de la société 2MC au cours des trois dernières années du contrat était donc de (42.748,88 + 49.817,38 + 21.991,97) = 114'558,23 euros/36 = 3.182,17 euros HT.

La société M-Line sera par conséquent condamnée à verser à la société 2MC la somme globale de 76.372,08 euros (24 x 3.182,17) au titre de l'indemnité de rupture.

Sur la base de la même assiette de calcul, il sera octroyé à la société 2MC une somme de 9.546,51 euros (3 x 3.182,17) au titre du rappel des commissions pendant la période de préavis de 3 mois, étant précisé que le contrat d'agence signé le 1er octobre 2010 ne fait que reprendre les dispositions de l'article L134-11 du code de commerce concernant la durée du préavis, à savoir 3 mois à compter de la 3ème année d'exécution du mandat.

Compte tenu du caractère indemnitaire de ces sommes et de la confirmation, dans son principe, de la condamnation prononcée à ce titre en première instance, il y a lieu de dire, en application des articles 1153-1 ancien et 1343-2 du code civil, que les intérêts au taux légal courront à compter du 17 octobre 2018, date du premier jugement, et que ceux-ci seront capitalisés, dès que les conditions légales seront remplies.

Sur la transmissions des justificatifs comptables

En vertu de l'article R. 134-3 du code de commerce, le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé.

L'agent commercial a droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

En l'occurrence, il convient de considérer qu'en produisant tout d'abord une attestation d'une expert-comptable du CDER, association de gestion et de comptabilité, en date du 7 février 2019 qui certifie les chiffres d'affaires hors taxes réalisés par la société 2MC, ainsi que le total des commissions afférentes versées par la société M-Line entre 2011 et 2015 pour la secteur des pharmacies, parapharmacies et points de vente hors contrats ouverts par la société 2MC, ladite attestation étant accompagnée des relevés mensuels relatifs à chaque année avec le numéro des factures correspondantes de la société 2MC (pièces n°87 et 88 de l'appelante), puis en transmettant l'intégralité des historiques clients de la société 2MC depuis 2012 (pièce n°95 de l'appelante), la société M-Line a justifié de l'exécution de son obligation d'information à l'égard de son mandataire.

Il sera au demeurant relevé qu'eu égard à l'impossibilité de faire application de l'article L134-6 du code de commerce pour les ventes indirectes réalisées par la société M-Line concernant les grossistes, instituts de beauté et magasins de diététique pour les raisons développées supra, la société 2MC n'est pas fondée à solliciter la communication des éléments comptables qui porteraient sur l'intégralité de cette clientèle.

Il doit encore être noté qu'en ce qui concerne les éventuelles commandes passées sur son secteur de clientèle exclusif puis ensuite annulées par son mandant, la société 2MC, ne peut, sur le fondement du seul texte susvisé et sauf à pallier sa carence dans la charge de la preuve, solliciter des extraits de la comptabilité de son mandant, alors même qu'elle ne produit aucun commencement de preuve de l'existence de commissions non versées dans ce cadre.

Il est enfin à souligner que tout en réclamant la communication de pièces comptables qu'elle estime nécessaires à l'évaluation exhaustive des commissions auxquelles elle peut prétendre, la société 2MC n'en tire aucune conséquence sur le plan de ses prétentions, puisqu'elle a formulé ses demandes financières au fond en procédant à un calcul forfaitaire des commissions dues de son point de vue, sans solliciter qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'analyse desdites pièces.

Au regard de ces observations, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a ordonné à la société M-Line de communiquer à la société 2MC les pièces comptables pour les années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2015.

Sur la demande reconventionnelle en paiement des dotations

L'article 1315 ancien du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, il convient de relever qu'aucune des pièces dont se prévaut la société M-Line à l'appui de sa demande en remboursement des dotations mises à la disposition de la société 2MC pour la bonne exécution de sa mission de représentation, ne permet de démontrer qu'elle avait contractuellement convenu avec la société 2MC que celle-ci lui fasse retour des dotations confiées aux sous-agents commerciaux ou encore qu'elle lui restitue des chèques de caution encaissés pour certains agents.

En effet, il est constant qu'aucune clause du contrat écrit du 1er octobre 2010 ne met à la charge de la société 2MC le coût des produits de démonstration.

Quant au courrier de la société 2MC du 7 avril 2015 (pièce n°77 de l'appelante et n°7 de l'intimée), il se borne à évoquer la mise en place, à la seule initiative de la société 2MC d'un "système de caution uniquement pour les agents démarrant leur activité professionnelle depuis peu et ceci selon un cahier des charges strict dit "d'usure produit" clairement établi et contractuel avec nos collaborateurs afin de faire bon usage du matériel qui nous est confié". Ce faisant, la société 2MC indique seulement qu'elle a institué ce sytème de caution dans ses rapports avec ses sous-agents, sans aucunement reconnaître qu'un système équivalent avait été instauré dans ses relations contractuelles avec son mandant, la société M-Line.

Bien au contraire, dans un courriel du 13 février 2015, pourtant versé par la société M-Line (pièce n°47 de l'appelante), M.[R] affirme que "la société 2MC n'a jamais donné et ne donnera de caution au titre des échantillons mis à disposition".

Dans ces circonstances, la société M-Line ne peut qu'être déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 16.123 euros, ce qui conduit à la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société M-Line, qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, il paraît inéquitable de laisser à la charge de la société 2MC ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel non compris dans les dépens qu'il convient d'évaluer à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité de procédure déjà allouée en première instance et justement évaluée par le tribunal à la somme de 3.000 euros qui sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré, en ce qu'il a débouté la SARL Laboratoire M-Line de sa demande reconventionnelle en remboursement de la somme de 16.123 euros et condamné la SARL Laboratoire M-Line aux dépens de première instance, ainsi qu'à payer à la société 2MC la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu d'ordonner à la SARL Laboratoire M-Line de communiquer à la SARL 2MC les pièces comptables pour les années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2015 conformément à l'article R134-3 du code de commerce,

Déboute la SARL 2MC de sa demande en paiement de la somme de 25. 320,93 euros HT à titre de rappel de commissions,

Condamne la SARL Laboratoire M-Line à payer à la SARL 2MC la somme de 76.372,08 euros HT à titre d'indemnité en application de l'article L.134-12 du code de commerce, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2018,

Condamne la SARL Laboratoire M-Line à payer à la SARL 2MC la somme de 9.546,51 euros HT au titre du rappel des commissions pendant la période de préavis de 3 mois, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2018,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Condamne la SARL Laboratoire M-Line aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement,

Condamne la SARL Laboratoire M-Line à payer à la SARL 2MC la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 18/08123
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;18.08123 ?
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