La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2022 | FRANCE | N°20/06105

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 15 novembre 2022, 20/06105


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 20/06105 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NHBI





CPAM DE L'AIN



C/

Société [5]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de BOURG EN BRESSE

du 05 Octobre 2020

RG : 14/00738















































AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS<

br>


COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022











APPELANTE :



CPAM DE L'AIN

Pôle des affaires juridiques

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par madame [D] [M] , audiencière, munie d'un pouvoir





INTIMEE :



Société [4]

[Adresse 3]

[Loc...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 20/06105 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NHBI

CPAM DE L'AIN

C/

Société [5]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de BOURG EN BRESSE

du 05 Octobre 2020

RG : 14/00738

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

CPAM DE L'AIN

Pôle des affaires juridiques

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par madame [D] [M] , audiencière, munie d'un pouvoir

INTIMEE :

Société [4]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Accident du travail de M. [J] [L])

représentée par Me Delphine LE GOFF de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS VICARI LE GOFF GUINET, avocat au barreau d'AIN

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Juin 2022

Présidée par Thierry GAUTHIER, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Nathalie PALLE, présidente

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Salarié de la Société [4] (l'employeur), en qualité de peintre-carrossier, M. [L] (le salarié) a déclaré 5 mars 2014 une maladie qui a été prise en charge au titre du tableau n° 57 A des maladies professionnelles par décision du 28 août 2014 de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain (la caisse).

La 8 octobre 2014, l'employeur a contesté le caractère professionnel de la maladie prise en charge devant la commission de recours amiable.

En l'absence de réponse la commission, l'employeur a saisi le 11 décembre 2014 le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Ain, devenu le pôle social du tribunal de grande instance puis du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.

Par jugement du 5 octobre 2020, ce tribunal a :

- déclaré le recours de l'employeur recevable ;

- déclaré la décision de la caisse de prise en charge de la maladie du salarié inopposable à l'employeur ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la caisse à verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la caisse aux dépens.

Par lettre recommandée du 29 octobre 2020, la caisse a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions déposées le 20 juillet 2021, la caisse demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris et dire et juger opposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée le 5 mars 2014 ;

- dire et juger opposables à l'employeur les soins et arrêts prescrits jusqu'à la date de consolidation ;

- si, par extraordinaire, une expertise devait être diligentée, retenir que la caisse demande à la cour d'ordonner au médecin désigné de se faire communiquer l'entier dossier médical du salarié, détenu par son médecin traitant ainsi que d'entendre au cours de ses investigations la victime en qualité de sachant, et, en vertu de l'article 242 du code de procédure civile ;

- condamner l'employeur à lui verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions déposées le 10 février 2022, l'employeur demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- si la cour devait infirmer le jugement, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale judiciaire sur pièces, dont les termes sont précisés ;

- condamner la caisse à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de celle allouée en première instance.

*

Conformément aux dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile, les parties ont oralement soutenu à l'audience les écritures qu'elles ont déposées au greffe ou fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoirie et qu'elles indiquent maintenir, sans rien y ajouter ou retrancher.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux écritures ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'opposabilité de la décision de prise en charge

A titre infirmatif, la caisse fait valoir que le salarié satisfaisait à la condition d'exposition au risque prévue par le tableau n° 57 A des maladies professionnelles, au regard de l'activité du salarié et des mouvements de l'épaule droite visés par le tableau, pendant au moins 2 heures par jour en cumulé, le salarié précisant lors de l'enquête qu'il travaillait en permanence les bras tendus, son activité n'étant pas statique, ce qui lui paraît au demeurant confirmé par l'employeur. Elle indique qu'il est indifférent que l'activité n'ait pas une part prépondérante, il suffit qu'elle ait un caractère habituel.

Elle soutient que la condition tenant au délai de prise en charge, en l'occurrence un an, a été satisfaite, la première constatation médicale, ici fixée au 17 décembre 2013 correspondant au premier arrêt de travail prescrit au salarié, pouvant être déduite des différents avis et actes médicaux.

Elle considère que la condition tenant au délai d'exposition de 6 mois, a été satisfaite puisque la dernière période de travail du salarié s'étend du 21 octobre 2011 au 16 décembre 2013, soit 26 mois.

A titre confirmatif, l'employeur soutient que la maladie n'a pas de caractère professionnel puisque les travaux réalisés par le salarié ne sont pas conformes au tableau n° 57 A des maladies professionnelles.

Il soutient que le délai d'exposition au risque n'est pas respecté, puisque le salarié a passé la moitié de son temps en arrêt maladie ou incarcéré.

Il fait valoir que le salarié souffrait de l'épaule droite depuis le 10 janvier 2013, comme l'indique le certificat médical du 10 janvier 2014, tandis qu'il avait déclaré une maladie professionnelle en 2009, prise en charge par la caisse, étant relevé à cet égard que le tableau des maladies professionnelles était à l'époque moins précis.

Concernant l'exposition au risque, il reproche à la caisse d'avoir statué sans se rendre sur place et sur la seule base des affirmations du salarié et de ne fournir, en appel, des photos qui n'ont pas été prises dans l'entreprise.

Il entend relever à cet égard les incohérences dans l'instruction du dossier, au regard de la date de première constatation médicale (10 janvier 2014 ou 17 décembre 2013), postérieure dans un cas au premier arrêt de travail (18 décembre 2013), la première IRM objectivant la tendinopathie datant du 28 mars 2014.

Il considère, contre l'avis de la caisse, que les tâches ayant exposé le salarié au risque ne doivent pas être multifactorielles.

Il indique que les conditions de la maladie professionnelle n'étant pas remplies, la caisse aurait dû solliciter un CRRMP, ce qui rend sa décision inopposable.

La cour rappelle qu'il résulte de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale qu'il appartient à la caisse primaire d'assurance maladie, subrogée dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau des maladies professionnelles dont elle invoque l'application sont remplies et que, si la caisse n'est pas en mesure de rapporter la preuve du caractère professionnel du sinistre qu'elle a pris en charge, cette prise en charge doit être déclarée inopposable à l'employeur.

En l'espèce, la maladie déclarée par le salarié, soit une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, a été prise en charge par la caisse au titre du tableau n° 57 A des maladies professionnelles, dont la partie pertinente, au regard des faits de l'espèce, prévoit :

Désignation des maladies

Délai de prise en charge

Liste impérative des travaux susceptibles de provoquer des maladies

Tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).

6 mois sous réserve d'une durée d'exposition de 6 mois

Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction (**) :

- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé

ou

- avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.

(*) Ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l'IRM

(**) Les mouvements en abduction correspondent aux mouvements entraînant un décollement des bras par rapport au corps.

La désignation de la maladie ne suscite aucune discussion en l'espèce.

Il convient de relever que, dans la mesure où il est constant que le salarié a travaillé de manière effective pour l'employeur du 21 octobre 2011 au 16 décembre 2013, la condition de durée d'exposition au risque, de six mois, est remplie.

Par ailleurs, l'employeur paraît contester la date de première constatation médicale (le 7 décembre 2013, date de l'arrêt maladie du salarié) mais n'en tire aucune conséquence, surtout ne soutient pas qu'une autre date doive être prise en compte, ce qui ne permet pas de remettre en cause le respect de cette condition, un délai de six mois ne s'étant nécessairement pas écoulé entre la constatation de la maladie et la date à laquelle le salarié a cessé d'être exposé. En cet état, cette condition, qui permet notamment de vérifier sur un plan chronologique l'imputabilité au travail de la maladie professionnelle, est remplie.

Le litige porte finalement sur l'exposition au risque du salarié, au regard des travaux dont il était chargé par l'employeur et particulièrement sur l'accomplissement par le salarié de travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien avec décollement des bras par rapport au corps, particulièrement avec un angle supérieur ou égal à 60 °pendant au moins deux heures par jour en cumulé, ou encore sur l'accomplissement de mouvements au-dessus de l'épaule (à plus de 90 °) pendant une durée cumulée quotidienne d'un moins une heure.

Comme l'ont relevé les premiers juges, l'activité du salarié consistait, selon la description faite par l'employeur qui est concordante avec celle exposée par le salarié lors de l'enquête réalisée par la caisse, dans le démontage des petites pièces de carrosserie, la préparation et le ponçage des pièces, la réparation au mastic des pièces, le marouflage, le cachage avant peinture, la peinture au pistolet.

Lors de l'enquête, le salarié a indiqué à l'agent de la caisse, notamment, que son travail « s'effectuait dans toutes les positions, les bras tendus », ce qui ne donne toutefois pas de précision sur l'angle de ses mouvements, précisant qu'il y a « très peu de place dans la cabine de peinture ».

Alors que le compte-rendu d'enquête téléphonique ne comporte aucune réponse du salarié quant aux durées cumulées quotidiennes des mouvements de son bras, l'agent a retenu que le salarié présentait une durée cumulée d'activité journalière, les bras au-dessus de l'épaule, de plus d'un heure (au minimum de trois heures par jour), tandis qu'il n'a pas renseigné la durée cumulée journalière d'activité avec un angle du bras supérieur ou égal à 60 °.

L'employeur, dans les réponses qu'il a adressées au questionnaire de la caisse, a indiqué qu'il estimait à moins de deux heures la durée cumulée d'activité journalière impliquant l'utilisation du bras avec un angle supérieur à 60° et à moins d'une heure, la durée d'utilisation du bras au dessus de l'épaule.

Dans sa synthèse, l'enquête relevait la contradiction entre l'évaluation des mouvements retenue par l'agent à la suite de l'entretien avec le salarié et celle résultant des réponses au questionnaire de l'employeur, tout en concluant que les conditions du tableau étaient réunies.

Le colloque médico-administratif établi le 19 août 2014 retient explicitement qu'est remplie la condition tenant à l'existence de mouvements de l'épaule à 60° plus de deux heures par jour.

Toutefois, la caisse n'apporte aucun élément d'enquête ou médicaux permettant d'expliquer comment, et alors que les réponses de l'employeur ne permettaient pas de considérer que cette condition du tableau était satisfaite, elle a pu retenir que le salarié effectuait des mouvements de l'épaule au moins à 60 ° plus de deux heures par jour, alors qu'aux termes de son enquête auprès du salarié, cette condition n'a pas été vérifiée.

Les éléments qu'elle apporte à hauteur d'appel, qui tendent à démontrer par photographie les positions de travail d'un salarié effectuant des travaux de peinture en cabine, de ponçage ou de démontage, s'ils sont illustratifs, ne permettent pas d'établir la situation particulière du salarié, notamment en ce qu'il n'a été pas été précisé durant l'enquête les temps d'activité consacrés quotidiennement à ces différentes postures de travail (dont l'exactitude et la similitude, au regard de ses propres conditions de travail, aurait pu être également soumise au salarié).

La caisse ne peut dès lors soutenir péremptoirement que toutes les activités du salarié comportaient des mouvements de l'épaule avec un angle égal ou supérieur à 60°, puisque cette question n'a pas été posée à l'intéressé, le seul fait que le salarié ait déclaré travailler bras tendus ne démontrant pas nécessairement que ces mouvements, en fonction de ses conditions de travail qui n'ont pas été explorées, dépassaient quotidiennement les durées prévues par le tableau. Particulièrement, alors que le salarié déclarait passer 50 à 70 % de son temps de travail à effectuer des opérations de ponçage, il ne lui a pas été demandé dans quelles conditions il réalisait cette activité.

La caisse ne démontre pas plus, alors que ce n'est au demeurant pas le critère sur lequel elle s'est fondée, que le salarié effectuait quotidiennement des mouvements de bras au-dessus de l'épaule plus d'une heure par jour, n'apportant notamment aucun élément permettant de résoudre l'antagonisme des versions du salarié et de l'employeur sur ce point.

Dès lors, comme les premiers juges, il y a lieu de retenir que la caisse ne rapporte pas la preuve que les conditions du tableau de maladie professionnelle étaient réunies.

Sa décision de prise en charge est dès lors inopposable à l'employeur.

La question de l'opposabilité des arrêts et soins résultant de cette prise en charge est dès lors sans objet.

Le jugement sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions.

La caisse, succombant en son appel, devra en supporter les dépens.

Au vu de l'équité, la demande de l'employeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain aux dépens d'appel.

REJETTE la demande de la Société [4] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 20/06105
Date de la décision : 15/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-15;20.06105 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award