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09/11/2022 | FRANCE | N°19/08488

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 09 novembre 2022, 19/08488


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/08488 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MXWN



[C]

C/

Société AGENCE LYON SÉCURITÉ PRIVÉE

Société MJ SYNERGIE



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 19 Novembre 2019

RG : F 17/01339



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022





APPELANT :



[Z] [C]

né le 11 Mai 1994 à [Localité 9]

[Adresse 2]<

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[Localité 6]



représenté par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON





INTIMÉES :



Société AGENCE [Localité 7] SÉCURITÉ PRIVÉE

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée p...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/08488 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MXWN

[C]

C/

Société AGENCE LYON SÉCURITÉ PRIVÉE

Société MJ SYNERGIE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 19 Novembre 2019

RG : F 17/01339

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022

APPELANT :

[Z] [C]

né le 11 Mai 1994 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Société AGENCE [Localité 7] SÉCURITÉ PRIVÉE

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Thibault ROULLET de la SCP ELATHA, avocat au barreau de LYON

Société MJ SYNERGIEreprésentée par Me [R] [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AGENCE LYON SÉCURITÉ PRIVÉE

intervenant volontairement

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Arlette BAILLOT-HABERMANN, avocat au barreau de LYON

PARTIE ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE :

Association AGS CGEA [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 8]

non représentée

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Septembre 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 Novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [C] a été embauché par la société Agence de [Localité 10] Sécurité Privée, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à compter du 2 décembre 2013, en qualité d'agent de sécurité.

M. [C] a démissionné de son poste par une lettre du 28 octobre 2016, ainsi libellée :

'Je vous informe par la présente de ma décision de démissionner de mes fonctions d'agent de sécurité à temps partiel au bric à Brac de Vaise que j'occupe dans votre entreprise LSP depuis le 2 décembre 2013.

Je n 'ai pas trouvé dans mon contrat de travail de clause stipulant la durée d'un préavis, je sollicite donc une dispense de préavis de sorte que je puisse quitter mon poste le 31 octobre 2016.

J'ai signé en décembre 2013 un CDI à temps partiel qui, vous me l'aviez promis, devait évoluer de façon prioritaire à temps plein. Or, depuis 3 ans, je ne gagne que 500 euros par mois et ne peux pas vivre avec cette somme. J'ai une proposition de CD1 de temps plein à partir du 1er novembre 2016, c'est pour cette raison que je vous demande de me dispenser d 'un préavis.

Je vous saurais gré de bien vouloir me fournir le reçu pour solde de tout compte, le certificat de travail et l'attestation Pole Emploi pour le dernier jour de travail dans l'entreprise.

Avec mes remerciements, je vous prie de bien vouloir agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes sentiments les meilleurs'

Par requête en date du 12 mai 2017, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de requalifier sa démission en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, de requalifier son contrat à temps partiel en contrat à temps plein, et de condamner la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée à lui verser diverses sommes à titre de rappels de salaire et congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix, par procès verbal du 23 novembre 2018.

Par un jugement en date du 19 novembre 2019, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :

- dit et jugé que la démission de M. [C] présente un caractère équivoque

- requalifié la démission en prise d'acte de la rupture emportant les effets d'une démission

- dit que l'employeur a exécuté loyalement le contrat de travail de M. [C]

- débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- débouté la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] aux dépens de l'instance

M. [C] a interjeté appel de ce jugement, le 11 décembre 2019.

La société Agence [Localité 10] Sécurité Privée a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 14 octobre 2020 du tribunal de commerce de Lyon qui a désigné la Selarl MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire.

M. [C] demande à la cour de :

- infirmer les chefs du jugement l'ayant débouté de ses demandes

Statuer à nouveau sur ces chefs du jugement,

Sur le contrat de travail et sa prise d'acte :

- requalifier la démission en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur

- dire et juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein

- ordonner la production du registre des entrées et sorties du personnel de la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée

- dire et juger que l'employeur a exécuté fautivement le contrat de travail

Sur l'indemnisation du préjudice subi:

- condamner la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée à lui payer les sommes suivantes :

*outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes (article 1153-1 du code civil)

22 305 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

2 974 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

297 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

842 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

25 012 euros bruts à titre de rappels de salaire sur requalification du temps partiel en temps plein ;

2 501 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

8 922 euros bruts de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

744,58 euros bruts à titre de rappel de salaire ;

74,45 euros au titre des congés payés afférents ;

10 000 euros nets de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

- ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 du code civil

- condamner la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée à lui remettre des bulletins de salaire rectifiés et des documents de rupture conformes à la décision, dans les 15 jours de la notification du jugement et passé ce délai sous astreinte, de 150 euros par jour de retard

- se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte

- condamner la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée aux dépens.

La société Agence [Localité 10] Sécurité Privée demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en date du 19 novembre 2019 sauf en ce qu'il :

a requalifié la démission en prise d'acte emportant les effets d'une démission

l'a déboutée de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau

A titre principal :

- juger que la démission de M. [C] est non équivoque

- condamner M. [C] à lui régler la somme de 665,13 euros au titre du mois de préavis non effectué alors que l'employeur ne l'en avait pas dispensé

A titre subsidiaire si la Cour devait considérer que la démission de M. [C] était équivoque

- juger que la prise d'acte de M. [C] emporte les effets d'une démission

En tout état de cause

- débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes

- condamner M. [C] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner M. [C] aux entiers dépens.

La société MJ Synergie, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en date du 19 novembre 2019 sauf en ce qu'il a requalifié la démission en prise d'acte emportant les effets d'une démission

Statuant à nouveau

A titre principal

- juger que la démission de M. [C] est non équivoque

- condamner M. [C] à lui régler la somme de 665,13 euros au titre du mois de préavis non effectué alors que l'employeur ne l'en avait pas dispensé.

A titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que la démission de M. [C] était équivoque :

- juger que la prise d'acte de M. [C] emporte les effets d'une démission

En tout état de cause

- débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes

- condamner M. [C] aux entiers dépens.

L'AGS CGEA a été assignée en intervention forcée, par acte d'huissier en date du 22 avril 2021 remis à une personne habilitée à le recevoir.

Elle n'a pas constitué avocat.

Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 juillet 2022.

SUR CE :

M. [C] demande à titre principal la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein (I), ainsi que la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (II).

I- M. [C] demande la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein au visa des dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail, au motif que son contrat de travail ne prévoit aucune répartition de la durée du travail sur l'année, le mois ou la semaine, ni les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée du travail fixée par le contrat.

Il conclut que l'irrégularité de son contrat à temps partiel le contraignait à rester à la disposition permanente de l'employeur.

La Selarl MJ Synergie et la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée s'opposent à cette demande en invoquant un temps partiel annualisé mis en oeuvre par un accord d'aménagement du temps de travail applicable dans l'entreprise conformément aux dispositions de l'article L. 3122- 2 du code du travail. Il s'agit de l'accord signé entre la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée et l'organisation syndicale Force Ouvrière le 23 décembre 2013.

Elles ajoutent que l'employeur a adapté l'emploi du temps de M. [C] quand il a trouvé un emploi complémentaire afin qu'il puisse mener à bien plusieurs activités simultanément, ce qui démontre qu'il n'était pas contraint de rester à la libre disposition de la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée.

M. [C] conclut d'une part que l' accord relatif à l'aménagement du temps de travail lui est inopposable dés lors qu'il n'est pas mentionné dans son contrat de travail; que l'absence de cette mention ne lui a pas permis de prendre connaissance des stipulations de l'accord et qu'il convient en conséquence d'appliquer les dispositions légales relatives au temps partiel.

M. [C] fait valoir d'autre part, que l'accord sur l'aménagement du temps de travail est, en tout état de cause, entré en vigueur postérieurement à son embauche

M. [C] soutient en outre que l'employeur ne démontre pas avoir respecté les règles en vigueur pour la validité d'un accord collectif, soit le dépôt auprès de la DIRECCTE et du greffe du conseil de prud'hommes, conformément aux dispositions des articles D. 2231-2 et suivants du code du travail, ainsi que l'obligation de communiquer l'accord aux salariés.

Le salarié indique en tout état de cause que l'employeur ne respectait pas les modalités conventionnelles relatives aux délais de communication écrite des horaires, ni le délai de modification des plannings.

****

L'article L. 3123-14 ancien du code du travail, en vigueur à la date du contrat de travail de M. [C] énonce que :

'Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne:

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.'

Le contrat de travail de M. [C] indique que :

' La durée mensuelle de travail du salarié est fixée à 69 heures par mois, annualisées, la période de référence de l'annualisation du temps de travail s'étendant du 1er juin au 31 mai.

La répartition prévisible des horaires de travail du salarié sera déterminée au plus tard le 23 du mois précédant la prise d'effet des horaires.

A cette occasion, un planning prévisionnel sera établi et affiché sur le lieu de travail du salarié, puis adressé par courrier à son attention.

(...)

En tout état de cause et en fonction des besoins de l'entreprise, le salarié pourra être amené à effectuer des heures complémentaires en sus de la durée du travail prévue au présent contrat de travail.(...)'

Force est donc de constater que le contrat de travail ne vise aucun accord collectif permettant de recourir à l'annualisation du temps de travail et que l'accord collectif invoqué, qui est postérieur à la date de rédaction du contrat de travail de [C] n'a pas été porté à sa connaissance.

L'accord relatif à l'aménagement du temps de travail signé le 23 décembre 2013, dont il n'est pas justifié au demeurant qu'il a été régulièrement déposé par la partie la plus diligente, tant auprès des services du ministre chargé du travail qu'auprès du greffe du conseil de prud'hommes du lieu de conclusion conformément aux dispositions de l'article D 2231-2 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, n'est, par voie de conséquence, pas opposable à M. [C].

Il en résulte que le droit commun s'applique. Or, en l'espèce, le contrat de travail à temps partiel de M. [C] ne prévoit ni la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail, ni la répartition de l'horaire contractuel prévue entre les jours de la semaine ou les semaines de chaque mois, ni les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.

Le défaut de ces différentes mentions exigées par l'article L. 3123-14 ancien du code du travail, laisse présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe dés lors à l'employeur qui conteste cette présomption, de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

M. [C] fait grief à l'employeur de n' avoir respecté ni le délai de transmission des plannings, au plus tard le 20 du mois précédent, ni le délai de modification des plannings de 7 jours prévus par l'accord collectif sus-visé. Mais, l'accord relatif à l'aménagement du temps de travail étant inopposable au salarié, il convient de se référer au seul délai prévu par le contrat de travail, soit en l'espèce, ' au plus tard le 23 du mois précédant la prise d'effet des horaires'. M. [C] ne conteste pas avoir régulièrement reçu ses plannings et produit un certain nombre d'entr'eux pour la période du 1er février 2014 au 30 juin 2016, dont il résulte qu'à l'exception du planning du mois de juin 2016 transmis le 24 mai 2016, ils ont tous été transmis dans le respect du délai prévu par le contrat de travail.

Enfin, il résulte de la correspondance entre M. [C] et son employeur et notamment d'un courrier du salarié daté du 1er juillet 2014, que ce dernier a informé son employeur qu'il ne souhaitait pas bénéficier de la durée minimale de 24 heures hebdomadaires prévue par le code du travail pour les emplois à temps partiel, dés lors qu'il souhaitait pouvoir continuer à cumuler plusieurs activités professionnelles, dont un emploi à temps plein au sein d'une autre entreprise, raison pour laquelle M. [C] indiquait expressément qu'il ne serait pas en mesure d'effectuer un temps de travail supérieur à celui qu'il effectuait au sein de l'entreprise Agence [Localité 10] Sécurité Privée à temps partiel.

Il en résulte que M. [C] avait connaissance de ses plannings dans un délai conforme à son contrat de travail, et qu'il n'était nullement tenu de rester à la disposition de son employeur ce dont atteste la compatibilité entre son exercice professionnel au sein de la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée et une autre activité professionnelle à temps plein.

M. [C] sera par conséquent débouté de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, ainsi que de sa demande subséquente de rappel de salaire, et le jugement déféré sera confirmé.

II- M. [C] soutient que sa démission est équivoque et doit en conséquence s'analyser comme une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur dés lors que l'employeur a commis les manquements graves suivants :

- non respect du temps partiel

- non respect de la priorité d'emploi sur un poste à temps plein

- travail dissimulé.

M. [C] soutient en effet qu'il n'a pas bénéficié de l'évolution prioritaire d'un temps partiel à un temps plein nonobstant ses demandes et la promesse de son employeur et qu'il a été contraint de se tenir en permanence à la disposition de la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée l'empêchant d'obtenir un autre emploi afin de percevoir une rémunération décente.

La Selarl MJ Synergie expose que M. [C] a quitté son emploi à temps partiel pour un emploi à temps complet de sorte que sa démission est bel et bien non équivoque.

La Selarl MJ Synergie soutient que l'absence d'évolution du nombre d'heures de travail de M. [C] correspond à sa volonté, en se référant à un écrit du salarié du 11 octobre 2014 informant l'employeur de son indisponibilité pour les vacations du dimanche en raison d'un deuxième emploi.

La Selarl MJ Synergie fait valoir que M. [C] ne démontre pas avoir dans un second temps, à nouveau sollicité son employeur pour obtenir, à contrario, une augmentation de ses horaires de travail.

****

Le juge départiteur qui a constaté que la lettre de démission était motivée par des faits que le salarié reproche à l'employeur, a fait une juste appréciation des éléments de fait en considérant que la démission présentait un caractère équivoque et devait, par voie de conséquence, s'analyser comme une prise d'acte de la rupture du contrat de travail. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

La cour ayant débouté M. [C] de ses demandes au titre du non respect du temps partiel, il reste à examiner d'une part le non respect de la priorité d'emploi sur un poste à temps plein ( 1°), d'autre part, la question du travail dissimulé (2°).

1°) Sur le non respect de la priorité d'embauche, M. [C] soutient qu'il a sollicité son employeur à plusieurs reprises afin de pouvoir passer d'un temps partiel à un temps plein et que ce dernier n'a jamais respecté la promesse qu'il lui avait faite de le faire évoluer de façon prioritaire sur un temps de travail à temps complet conformément à l'article L. 3123-3 du code du travail.

M. [C] souligne que l'extrait de son registre du personnel montre que l'agence LSP a réalisé pendant toute la période de son emploi, de nombreuses embauches à temps plein sans jamais lui communiquer la liste des emplois à temps complet pourtant prévue par l'article 5 de son contrat de travail.

M. [C] souligne encore que l'accord collectif produit prévoit pour les salariés à temps partiel :

- un entretien annuel

- un suivi des souhaits de déroulement de carrière et de formation du salarié à temps partiel.

****

L'article 5 du contrat de travail de M. [C] prévoit que : 'Le salarié bénéficie d'une priorité d'affectation aux emplois à temps complet ressortissant de sa qualification professionnelle, qui seraient créés ou qui deviendraient vacants.

La liste de ces emplois lui sera communiquée préalablement à leur attribution à d'autres salariés.

Au cas où le salarié ferait acte de candidature à un tel emploi, sa demande sera examinée et une réponse motivée lui sera faite, dans le délai maximum de 2 mois.'

Il en résulte que l'employeur est tenu de délivrer en priorité au salarié à temps partiel une liste complète des emplois à temps complet susceptibles d'être créés ou de se libérer afin de lui permettre d'exercer son droit de priorité sans que l'employeur ne puisse s'exonérer de son obligation par l'absence de demande expresse du salarié, étant précisé, que la demande de passage d'un temps partiel à un temps plein n'est soumise à aucun formalisme.

L'obligation d'information du salarié sur les postes vacants constitue une garantie pour une application effective de la priorité d'emploi.

En l'espèce, la société Agence LSP ne justifie pas avoir rempli cette obligation alors même qu'il résulte de son registre du personnel qu'un certain nombre de postes relevant de la qualification professionnelle de M. [C] se sont libérés et ont été pourvus pendant sa période d'emploi.

Il en résulte que la société Agence LSP a manqué à une obligation essentielle du contrat de travail à temps partiel conclu avec M. [C]; qu'elle ne saurait objecter à M. [C] l'absence de demande expresse d'un passage à temps plein et ce alors même qu'elle n'ignorait pas que le salarié complétait son salaire par d'autres emplois, ainsi qu'il résulte de leur correspondance.

2°) sur le travail dissimulé et le rappel de salaire au titre du mois d'octobre 2016 :

M. [C] expose que ses bulletins de salaire pour les mois de septembre et octobre 2016 ne lui ont pas été transmis, ce qui caractérise un travail dissimulé au sens de l'article L. 8221-5 du code du travail.

M. [C] ajoute que la société Agence LSP ne lui a pas versé sa rémunération correspondant au mois d'octobre 2016, et sollicite en conséquence la somme de 744,58 euros outre les congés payés afférents.

La Selarl MJ Synergie réfute tout manquement en soutenant :

- qu'elle a adressé ses bulletins de salaires à M. [C] par voie postale et que ces derniers sont revenus avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse',

- que M. [C] n'a pas daigné se présenter au siège de la société, malgré les différents appels de M. [I], pour récupérer ses documents, dont ses documents de fin de contrat et son salaire du mois d'octobre 2016.

****

Compte tenu de ce que la Selarl justifie d'un retour de courrier adressé à M. [C] à son adresse habituelle en septembre 2016, au motif 'destinataire inconnu à l'adresse', et de ce que le relevé des trimestres permettant le calcul de la retraite du salarié mentionne de façon complète la période du 1er janvier 2016 au 1er novembre 2016, c'est par une juste appréciation des éléments du débat que le premier juge a rejeté la demande de M. [C] au titre du travail dissimulé.

Le juge départiteur a par ailleurs constaté que M. [C] s'était vu remettre en main propre, à l'audience de jugement du 14 septembre 2018, un chèque de 744,58 euros correspondant au salaire net d'octobre 2016, de sorte que M. [C] qui ne justifie cette demande par aucun élément nouveau en sera débouté.

****

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, le non respect d'une mesure protectrice du salarié à temps partiel, caractérise ce manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte que M. [C] est fondé, tant en sa demande de requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'en sa demande au titre de l'exécution fautive du contrat de travail.

Le jugement déféré qui a débouté M. [C] de ses demandes au titre de la prise d'acte aux torts de l'employeur sera en conséquence infirmé.

La cour estime que le préjudice résultant pour M. [C] de l'exécution fautive du contrat doit emporter la fixation de sa créance au passif de la société Agence LSP à la somme de 1 000 euros. M. [C] sera débouté de sa demande pour le surplus.

- Sur les indemnités de rupture :

La prise d'acte aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité légale de licenciement. La Selarl MJ Synergie ne remettant pas en cause, même à titre subsidiaire les bases de calcul des demandes formées par M. [C], la créance de ce dernier au passif de la liquidation de la société Agence LSP sera fixée comme suit :

* 2 974 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 297 euros au titre des congés payés afférents

* 842 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

- Sur les dommages-intérêts :

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 anciens du code du travail, M. [C] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [C] âgé de 22 ans lors de la rupture, de son ancienneté de deux années et onze mois, de sa capacité à trouver un emploi de même qualification, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 5 000 euros bruts.

Le jugement déféré qui a débouté M. [C] de ses demandes sera infirmé en ce sens et M. [C] sera débouté de ses demandes pour le surplus.

L'AGS CGEA devra sa garantie dans les conditions et limites fixées par la loi.

- Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu d'assortir l'obligation de remise des documents de rupture conformes au présent arrêt d'une astreinte.

La créance de dépens de première instance antérieure à l'ouverture de la procédure collective de la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée sera fixée au passif de cette dernière.

Les dépens d'appel seront supportés par la Selarl MJ Synergie, ès qualités, partie perdante.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire :

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, dit que la démission de M. [C] présente un caractère équivoque, rejeté la demande d'indemnité de M. [C] au titre du travail dissimulé et rejeté la demande de M. [C] au titre du rappel de salaire du mois d'octobre 2016

INFIRME le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

REQUALIE la démission présentée par M. [C] le 28 octobre 2016 en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée

FIXE la créance de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la société Agence [Localité 10] Sécurité Privée aux sommes suivantes:

* 2 974 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 297 euros au titre des congés payés afférents

* 842 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

* 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat de travail

* outre les dépens de première instance

DIT que l'AGS CGEA devra sa garantie dans les conditions et limites prévues par la loi

ORDONNE à la Selarl M. Synergie, ès qualités, de remettre à M. [C] un certificat de travail et une attestation destinée au Pôle Emploi conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification

REJETTE la demande de fixation d'une astreinte

CONDAMNE la Selarl MJ Synergie, ès qualités, à payer à M. [C] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNE la Selarl MJ Synergie, ès qualités, aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/08488
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;19.08488 ?
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