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27/10/2022 | FRANCE | N°19/06921

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 27 octobre 2022, 19/06921


N° RG 19/06921 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MT7M









Décision du

Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-TARARE

Au fond

du 04 juillet 2019



RG : 2018j93





S.A.R.L. FLEURIEUX 1



C/



[H]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 27 Octobre 2022







APPELANTE :



S.A.R.L. FLEURIEUX 1 représentée par son gé

rant domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant Me Olivier MARTIN de l...

N° RG 19/06921 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MT7M

Décision du

Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-TARARE

Au fond

du 04 juillet 2019

RG : 2018j93

S.A.R.L. FLEURIEUX 1

C/

[H]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 27 Octobre 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. FLEURIEUX 1 représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant Me Olivier MARTIN de la SELARL MARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIME :

M. [J] [H]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983 et ayant pour avocat plaidant Me Carole GUILLERMINET de DIXIT AVOCATS, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 08 Septembre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 27 Octobre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Raphaële FAIVRE, conseillère

- Marianne LA-MESTA, conseillère

assistées pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffière placée.

A l'audience, Marianne LA MESTA a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu prononcé et signé par Madame Patricia GONZALEZ, Présidente, à l'audience publique du 27 Octobre 2022, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffière placée, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [J] [H] est un agent commercial immatriculé au registre spécial des agents commerciaux, d'abord entre le 5 mars 2013 et le 7 janvier 2016, puis à nouveau depuis le19 juillet 2017.

Le 19 mai 2015, il a conclu avec la SARL Confort Immobilier (ci-après la société Confort Immobilier), exerçant une activité de marchand de biens immobiliers et alors cogérée par MM. [K] [O] et [D] [W], un contrat dit d'agent commercial.

Le 30 juin 2017, La SARL Fleurieux 1 (ci-après la société Fleurieux 1), qui exerce également une activité de marchand de biens, a acquis auprès de M. [L] [S], un bien immobilier situé [Adresse 6]) par acte authentique auquel elle était représentée par M. [W], associé, selon délégation de pouvoir du gérant M. [G] du 21 juin 2017

Lors de cette acquisition, la société Fleurieux 1 a substitué la société Confort Immobilier dans les droits et obligations que cette dernière avait pris aux termes d'un compromis de vente régularisé le 11 septembre 2015 auquel elle était alors représentée par M. [W].

Le 30 juin 2017, M. [H] a établi une facture d' 'honoraires d'indication pour le dossier de M. [S] ([Adresse 6])' d'un montant de 43.500 euros au nom de la société Confort Immobilier puis en a rédigé une seconde le 5 juillet 2017 à l'ordre de la société Fleurieux 1.

Par courrier recommandé du 22 mai 2018, réceptionné le 23 mai suivant, M. [H] a mis la société Fleurieux 1 en demeure de lui payer la somme de 43.500 euros TTC, mise en demeure réitérée sans succès par son conseil les 26 juin et 16 juillet 2018.

Par acte du 26 septembre 2018, M. [H] a fait assigner la société Fleurieux 1 en paiement de la somme de 43.500 euros en principal, outre celle de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 4 juillet 2019, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a :

- déclaré recevable et bien fondée la demande présentée par M. [H] à l'encontre de la société Fleurieux 1,

- condamné la société Fleurieux 1 à payer à M. [H] les sommes suivantes:

- 43.500 euros en principal outre intéréts au taux légal à compter du 22 mai 2018,

- 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,

- débouté M. [H] de sa demande de dommages et intéréts,

- condamné en outre la société Fleurieux 1 à payer à M. [H] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

La société Fleurieux 1 a interjeté appel par acte du 8 octobre 2019 en sollicitant la réformation de l'ensemble des chefs du jugement critiqué.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 décembre 2019, M. [H] a soulevé un incident tendant au prononcé de la nullité de l'acte d'appel et de radiation de l'affaire. La société Fleurieux 1 ayant procédé au règlement des condamnations le 26 décembre 2019, il s'en est ensuite désisté, ce qui a été constaté par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 18 février 2020.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 juin 2020, fondées sur la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et les articles L.134-1 et suivants du code de commerce, la société Fleurieux 1 demande à la cour de':

sur l'appel principal,

- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

-juger que M. [H], agent commercial, a exercé une activité d'entremise immobilière au nom et pour le compte de la société Fleurieux 1,

- juger qu'en application des dispositions d'ordre public de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, M. [H], agent commercial, ne pouvait exercer, en cette qualité, une activité régie par ladite loi pour le compte d'un mandant non titulaire de la carte professionnelle exigée par celle-ci,

- juger que l'activité d'intermédiation réalisée en méconnaissance de ces prescriptions n'ouvre pas droit à rémunération,

- juger que la société Fleurieux 1, marchand de biens, n'est pas titulaire, en cette qualité, de la carte professionnelle exigée par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970,

- juger que M. [H] n'est pas titulaire de la carte professionnelle visée à l'article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970,

en conséquence,

- débouter M. [H] de toute demande de paiement d'une commission ou rémunération au titre de cette activité d'entremise immobilière, réalisée en contravention avec les dispositions d'ordre public applicables,

- condamner M. [H] à rembourser à la société Fleurieux 1 les sommes versées en exécution du jugement dont appel, à savoir :

- 43.500 euros correspondant à des «'honoraires d'indication'», outre intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2018 jusqu'au paiement des condamnations assorties de l'exécution provisoire,

- 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,

sur l'appel incident de M. [H],

- juger que M. [H] ne justifie aucunement du préjudice dont il sollicite l'indemnisation,

tant dans son principe que dans son montant,

- en conséquence,

- débouter M. [H] de sa demande de condamnation de la société Fleurieux 1 au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts,

en tout état de cause,

- condamner M. [H] à payer à la société Fleurieux 1 la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M.[H] aux dépens de première instance et d'appel, dont ceux distraits au profit de la SCP Aguiraud-Nouvellet.

La société Fleurieux 1 fait d'abord valoir, au visa des dispositions d'ordre public de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet, de son décret d'application du 20 juillet 1970 et de l'article L 134-1 alinéa 2 du code de commerce:

- que M. [H] reconnaît lui-même, aux termes de ses écritures et des pièces qu'il produit, dont en particulier l'attestation du vendeur, M.[S], qu'il s'est livré à une activité d'entremise immobilière au profit de la société Fleurieux 1, venue aux droits de la société Confort Immobilier,

- qu'exerçant une activité de marchand de biens immobiliers, elle agit pour son compte personnel et n'a pas la qualité d'intermédiaire, de sorte qu'elle n'est pas soumise à l'obligation d'être titulaire d'une carte professionnelle,

- qu'il en est de même d'ailleurs pour la société Confort Immobilier,

- que M.[H], en tant que mandataire, aurait donc dû, à titre personnel, être en possession de ladite carte pour exercer l'activité d'entremise immobilière pour le compte de son mandant,

- que le contrat d'agent commercial avait précisément été conclu pour lui permettre d'être inscrit au registre spécial des agents commerciaux (RSAC) puis d'obtenir la carte en justifiant de sa qualité d'agent commercial,

- que faute d'être titulaire de la carte professionnelle nécessaire à l'exercice de l'activité d'entremise immobilière, M.[H] ne peut prétendre à une quelconque rémunération.

La société Fleurieux 1 soutient par ailleurs que le contrat d'agent commercial conclu entre M. [H] et la société Confort Immobilier le 19 mai 2015 lui est inopposable dès lors :

- que la SARL Fleurieux 1 est une personne morale distincte de la société Confort Immobilier avec laquelle M.[H] a contracté,

- que M. [H] a exercé une activité d'entremise immobilière au profit de la société Fleurieux 1 en l'absence de tout contrat écrit avec elle.

Pour s'opposer à la demande de dommages et intérêts formée par M.[H], la société Fleurieux 1 indique :

- qu'elle a contesté la créance de ce dernier depuis le courrier qu'elle lui a adressé le 20 juillet 2018 au visa des dispositions d'ordre public de la loi Hoguet, de sorte qu'aucun abus de droit ne peut lui être reproché,

- que le tribunal avait retenu à juste titre que M. [H] ne justifie pas du préjudice économique qu'il allègue.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 mars 2020 et fondées sur les articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil ainsi que les articles L.134-1 à L.134-17 du code de commerce, M. [H] demande à la cour de':

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il l'a'débouté de sa demande de dommages et intérêts eu égard au préjudice par lui subi et partant,

- rejeter purement et simplement toute demande formulée par la société Fleurieux 1 à son encontre en cause d'appel,

- condamner la société Fleurieux 1 à lui régler la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la résistance abusive eu égard au préjudice économique par lui subi, du fait de la défaillance et de la mauvaise foi de son cocontractant,

- en toute hypothèse, condamner la société Fleurieux 1 à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance ainsi qu'à ceux de première instance.

A l'appui de ses prétentions, M. [H] expose :

- que dans le cadre de son contrat d'agent commercial, il a présenté à la société Confort Immobilier un bien situé à [Localité 5] dans l'Ain qui a ensuite fait l'objet d'un compromis de vente entre M. [S] et la société Confort Immobilier le 11 septembre 2015,

- que M.[S] atteste d'ailleurs qu'il a été son interlocuteur pour le compte de la société Confort Immobilier pour la prise de contact et la négociation en vue de la vente de sa propriété entre juin et septembre 2015, le compromis de vente ayant été signé en sa présence,

- que par courriel du même jour, M. [O], cogérant de la société Confort Immobilier (l'autre cogérant M. [W] étant en copie) lui a confirmé que sa rémunération au titre de cette opération, soit 43.500 euros TTC, lui serait versée lors de la réitération de la vente,

- que suite à la réitération de la vente par acte authentique le 30 juin 2017 entre M. [S] et la SARL Fleurieux 1 ayant substitué la société Confort Immobilier dans ses droits et obligations, en qualité d'acquéreur, il a donc adressé sa facture par mail à la société Confort Immobilier, avant d'en faire une autre le même jour au nom de la société Fleurieux 1, ce à la demande de M. [O],

- qu'entre août 2017 et mars 2018, il a relancé à de multiples reprises MM. [O] et [W] par voie d'appels téléphoniques et de sms, sans résultat en dépit des nombreuses promesses de règlement venant de M. [O],

- qu'après deux mises en demeures de son conseil, il a fini par recevoir un courrier de l'avocat de la société Fleurieux 1 le 20 juillet 2018 l'informant du refus de procéder au règlement,

- que cette opposition au paiement est totalement injustifiée puisqu'en tant qu'agent commercial dûment immatriculé, il n'a nullement l'obligation d'être titulaire d'une carte professionnelle,

- qu'en effet, un agent commercial, qui se contente d'intervenir au nom et pour le compte d'une agence immobilière est uniquement soumis aux règles des articles L 134-1 à L 134-17 du code de commerce,

- qu'il appartenait au mandant de le faire inscrire sur sa propre carte professionnelle pour la durée de son intervention pour son compte et que lui-même n'était pas tenu de vérifier la réalisation de cette formalité.

S'agissant de l'opposabilité du contrat d'agence à la société Fleurieux 1, M.[H] estime que s'il n'est pas contestable qu'il a agi comme agent commercial pour le compte de la société Confort Immobilier, la société Fleurieux 1 a substitué dans ses droits et obligations la société Confort Immobilier lors de la réitération de l'acte de vente (cf la clause 'Exercice de la faculté de substitution' en page 8 de l'acte du 30 juin 2017), cette analyse étant confortée par le fait que M. [O] (gérant de Confort Immobilier) lui a demandé d'établir la facture au nom de la société Fleurieux 1.

Il considère enfin que la résistance abusive de la société Fleurieux 1 lui a causé un préjudice économique qui doit être réparé par l'octroi d'une somme de 10.000 euros.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 septembre 2020, les débats étant fixés au 22 septembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater» ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger» lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Il est également précisé qu'en vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, le contrat ayant été conclu avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance.

Sur le droit à commission de M. [H]

L'article 1134 ancien du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Par ailleurs, en application des dispositions de l'article 1156 ancien du code civil, il convient de rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.

Selon l'article 134-1 du code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

En application de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1970, dans sa rédaction issue de l'article 97 de la loi du 13 juillet 2006, le collaborateur non salarié d'un agent immobilier, n'a pas à obtenir lui-même la carte professionnelle prévue par l'article 1er du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 , mais doit justifier de l'attestation prévue par l'article 9 de ce décret, délivrée par son mandant, titulaire de la carte précitée. L'agent commercial n'est donc pas autorisé à exercer des activités régies par la loi du 2 janvier 1970 pour le compte de mandants qui ne sont pas eux-mêmes titulaires de la carte professionnelle exigée par celle-ci. Dans une telle hypothèse, il perd son droit à rémunération ou commission.

En l'espèce, la société Fleurieux 1 affirme que la société Confort Immobilier avec laquelle M.[H] a contracté le 19 mai 2015 n'a pas la qualité d'agent immobilier, étant uniquement marchand de biens, et qu'elle ne dispose ne conséquence pas de la carte professionnelle imposée pour l'exercice de l'activité d'intermédiaire immobilier.

M. [H] ne produit aucune pièce de nature à infirmer les allégations de l'appelante sur ce point. En particulier, il ne justifie nullement que la société Confort Immobilier lui aurait remis l'attestation prévue par l'article 9 du décret précité, lui ouvrant la possibilité de se livrer lui-même à des opérations d'entremise immobilière.

Il indique par ailleurs dans ses écritures qu'il n'est pas personnellement titulaire d'une carte professionnelle.

Il s'ensuit que M.[H] ne peut prétendre au bénéfice d'une quelconque rémunération en contrepartie d'actes d'entremise effectués à l'occasion d'une opération d'achat immobilier pour le compte d'un mandant comme l'excipe à juste titre la société Fleurieux 1.

Il convient dès lors de vérifier si le contrat conclu entre M.[H] et la société Confort Immobilier sur le fondement duquel il sollicite le réglement de la facture d'honoraires litigieuse est effectivement un contrat d'agent commercial dans le cadre duquel il s'est livré à une activité de négociation immobilière pour le compte de son mandant.

En l'occurrence, le contrat signé le 19 mai 2015 est intitulé contrat d'agent commercial et mentionne, en son article 1.2, qu'il est régi par les dispositions des articles L 134-1 à L 134-7 du code de commerce relatives aux rapports entre agents commerciaux et leurs mandants. Cette appellation et ces références textuelles ne font pas obstacle à une éventuelle requalification du contrat, dès lors que les stipulations qu'il contient, en particulier s'agissant des missions du mandataire, font apparaître que celui-ci n'exerce pas l'activité de négociation et, le cas échéant, de conclusion de contrats au nom et pour le compte de son mandant, telle que définie à l'article L 134-1 précité.

A cet égard, l'article 1.1 du contrat mentionne que le mandat donne à l'agent commercial mandat de ' rechercher et prospecter par lui-même à titre exclusif au nom et pour le compte du mandant les produits ci-après désignés: biens immobiliers, bâtis ou non, à usage d'habitation, commercial, professionnel ou industriel'.

L'article 4 sur les obligations de l'agent commercial précise quant à lui que 'l'agent s'oblige:

4.1 A rechercher ou faire rechercher toutes informations utiles susceptibles d'intéresser le mandant et de lui faire connaître les besoins du marché;

4.2 A établir tous contacts commerciaux avec tout client potentiel dans le cadre de la mission qui lui est confiée par les présentes.

4.3 A présenter exclusivement au mandant toute opération immobilière (achat, vente, gestion, location), quelle que soit la nature du bien (bâti, non bâti, habitation, professionnel, commercial, industriel).'

L'article 6 sur la rémunération stipule encore que 'les commissions dues à l'agent en contrepartie des services rendus sont fixées à 5% HT du prix d'achat de l'opération fait par le mandant grâce au travail de l'agent avec un minimum de 10.000 euros HT. Cette commission est versée sur présentation d'une facture établie par l'agent le jour de la réitération de l'acte authentique de l'achat de l'opération.'

L'article 8 sur la cessation du mandat prévoit enfin en son paragraphe 8.4 que 'l'agent doit présenter suffisamment d'opérations afin que le mandant puisse réitérer un minimum de 4 opérations par an.'

La lecture de ces clauses contractuelles permet de constater que dans le cadre de la convention régularisée le 19 mai 2015, les missions de M.[H] se limitent à la recherche puis à la présentation de clients potentiels à son mandant, la société Confort Immobilier, à l'exclusion de toute activité de négocation immobilière et de représentation de la société lors de la signature des actes d'achat auxquelles il n'est nullement fait référence.

Il est d'ailleurs à noter que seule la société Confort Immobilier a signé le compromis de vente le 11 septembre 2015 avec M. [L] [S], M.[H] n'ayant donc pas agi en qualité de mandataire de la société pour cet acte d'achat.

Il en résulte que la réalisation des prestations de recherche et de présentation de clients potentiels, telles que prévues au contrat, ouvrent droit au paiement de la rémunération stipulée à l'article 6 dudit contrat et rappelée ci-dessus, à savoir 5% HT du prix d'achat de l'opération, sur présentation d'une facture à la réitération de l'acte authentique de l'achat de l'opération, car il ne s'agit pas de missions entrant dans le champ d'application de la loi du 2 janvier 1970.

Il sera observé que la réalité du travail de prospection de M.[H] qui a abouti à la mise en relation d'un vendeur potentiel, M.[L] [S], avec la société Confort Immobilier, puis à la signature d'un compromis de vente entre les parties, et enfin à la régularisation d'un acte authentique dans le cadre duquel la société Fleurieux 1 s'est substituée à la société Confort Immobilier, n'est absolument pas contestée par l'appelante qui ne discute pas le contenu de l'attestation rédigée le 8 septembre 2018 par M.[S] au sujet du rôle joué par M.[H] pour le compte de la société Confort Immobilier en termes de prise de contact avec ce dernier puis de mise en relation avec son mandant.

Il est certes indéniable que tant cette attestation que les déclarations réitérées de M.[H] dans ses écritures établissent que celui-ci est allé au-delà du cadre contractuel écrit en se livrant, en sus de son rôle de simple apporteur d'affaires, à une activité de négocation du prix de vente du bien immobilier auprès de M.[S] pour le compte de la société Confort Immobilier.

Mais, dans le même temps, il y a lieu de relever qu'il ne sollicite aucune rémunération au titre de cette activité de négociation, dès lors qu'il réclame uniquement le versement de la commission contractuellement fixée en contrepartie du travail effectué au titre de ses missions de recherche et de présentation, ainsi qu'il résulte des deux factures qu'il a successivement établies le 30 juin 2017 et le 5 juillet 2017 d'abord à l'intention de la société Confort Immobilier, puis à l'ordre de la société Fleurieux 1. Le montant de cette facture, soit 43.500 euros TTC correspond en effet à 5% HT du prix d'achat du bien immobilier de M.[S], à savoir 870.000 euros comme stipulé à l'article 6 du contrat.

C'est donc à tort que la société Fleurieux 1 soutient qu'aucune commission n'est due à M.[H] en vertu du contrat qu'il a conclu le 19 mai 2015 avec la société Confort Immobilier, celui-ci étant fondé à exiger le paiement des prestations qu'il a exécutées au titre dudit contrat.

Sur l'opposabilité du contrat à la société Fleurieux 1

L'article 1165 du code civil dispose que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes; elles ne nuisent point aux tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121.

En l'espèce, il est constant que le contrat litigieux du 19 mai 2015 été régularisé entre M.[H] et la société Confort Immobilier.

Le 11 septembre 2015, celle-ci, alors représentée par l'un des deux co-gérants, M.[D] [W], a signé le compromis d'achat du bien immobilier situé [Adresse 6]) avec le vendeur présenté par M.[H], M.[S].

Ce compromis de vente comporte une clause prévoyant que la réalisation de l'acte authentique pourra avoir lieu soit au profit de l'acquéreur aux présentes (la société Confort Immobilier), soit au profit de toute autre personne physique ou morale que ce dernier se réserve de désigner, mais dans ce cas, il restera solidairement obligé, avec la personne désignée, au paiement du prix et à l'exécution de toutes les conditions de la vente telles que relatées aux présentes.

L'acte authentique de vente a été réitéré le 30 juin 2017 entre M.[S] et la société Fleurieux 1, suite à l'usage, par la société Confort Immobilier au profit de cette dernière, de la faculté de substitution mentionnée ci-dessus, suivant acte du 21 décembre 2015.

Eu égard à l'exercice de cette faculté de substitution, la société Fleurieux 1 est donc venue aux droits et obligations de la société Confort Immobilier dans le cadre de l'opération d'achat auprès de M.[S].

En revanche, sauf à remettre en cause le principe de l'effet relatif des contrats tel que rappelé ci-dessus, il ne peut s'évincer de la mise en oeuvre de ce mécanisme que la société Fleurieux 1 est venue aux droits et obligations de la société Confort Immobilier pour toutes les autres conventions conclues par cette dernière avec des personnes non parties à l'acte d'achat, quand bien même celles-ci auraient un lien avec l'opération immobilière.

Tel est le cas du contrat conclu entre M.[H] et la société Confort Immobilier qui est effectivement inopposable à la société Fleurieux 1, ainsi que cette dernière le soulève à bon droit.

Il est vrai que M.[K] [O], cogérant de la société Confort Immobilier, qui a d'ailleurs reconnu à plusieurs reprises être redevable des honoraires d'indication de M.[H] pour l'opération relative au bien situé à [Adresse 6], comme en témoignent les messages écrits produits par l'intimé et non discutés par l'appelante (pièces n°3 et 7 de l'intimé), a demandé à ce dernier, aux termes d'un courriel du 5 juillet 2017 également non contesté par l'appelante (pièce n°5 de l'intimé), d'établir une nouvelle facture au nom de la société Fleurieux 1 en vue du paiement de la commission.

Mais cette requête de M.[O] ne peut en aucun cas s'analyser en un engagement de la société Fleurieux 1, personne morale distincte de la société Confort Immobilier et dont le représentant légal est M.[V] [G] (pièce n°8 de l'appelante), et non M.[O], à prendre en charge le règlement des honoraires de M.[H] au titre du contrat du 19 mai 2015.

Il en découle que les demandes de M.[H] à l'encontre de la société Fleurieux 1 ne peuvent prospérer, celui-ci n'ayant pas agi à l'encontre de son cocontractant.

Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé, en ce qu'il a condamné la société Fleurieux 1 à payer à M.[H] la somme de 43.500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2018.

Compte tenu du rejet de sa demande principale en paiement, M. [H] ne peut qu'être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Enfin, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Fleurieux 1 tendant au remboursement de sommes versées en exécution du jugement de première instance, les restitutions sollicitées n'étant que la conséquence du présent arrêt.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [H], qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel.

Il sera par ailleurs condamné à payer à la société Fleurieux 1 une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, et y ajoutant,

Déboute M.[J] [H] de sa demande de paiement au titre du contrat conclu le 19 mai 2015 avec la SARL Confort Immobilier,

Déboute M.[J] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne M.[J] [H] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement,

Condamne M.[J] [H] à verser à la société Fleurieux 1 une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/06921
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;19.06921 ?
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