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27/10/2022 | FRANCE | N°19/05698

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 27 octobre 2022, 19/05698


N° RG 19/05698 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MRFV









Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 20 mai 2019



RG : 2018j1921





SAS H DEVELOPPEMENT



C/



[O]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 27 Octobre 2022







APPELANTE :



SAS H DEVELOPPEMENT prise en la personne de son représentant lÃ

©gal

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Jean SANNIER de la SELARL CABINET SANNIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 584





INTIME :



M. [S] [O]

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représenté par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH L...

N° RG 19/05698 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MRFV

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 20 mai 2019

RG : 2018j1921

SAS H DEVELOPPEMENT

C/

[O]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 27 Octobre 2022

APPELANTE :

SAS H DEVELOPPEMENT prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean SANNIER de la SELARL CABINET SANNIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 584

INTIME :

M. [S] [O]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983 et ayant pour avocat plaidant Me Carole GUILLERMINET du cabinet DIXIT AVOCATS, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 15 Octobre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 27 Octobre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, président

- Raphaële FAIVRE, conseiller

- Marianne LA-MESTA, conseiller

assistées pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffier placé.

A l'audience, Marianne LA MESTA a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu prononcé et signé par Madame Patricia GONZALEZ, Présidente, à l'audience publique du 27 Octobre 2022, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 1er août 2014, la SARL H Développement, devenue ensuite SAS (ci-après la société H développement), exerçant une activité d'agence immobilière sous l'enseigne ORPI, a conclu un contrat d'agent commercial avec M. [S] [O], immatriculé au registre spécial des agents commerciaux.

Au cours du premier semestre de l'année 2017 , M. [O] a demandé à plusieurs reprises à la société H Développement de mettre fin à son mandat et de lui verser une indemnité de rupture.

Par courrier recommandé en date du 17 octobre 2017 auquel la société H Développement n'a pas répondu, il a sollicité, par l'intermédaire de son conseil, le paiement d'une indemnité de fin de contrat à hauteur de 66.942 euros.

Par acte du 6 mars 2018, M. [O] a fait assigner la société H Développement devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'obtenir le versement de ladite indemnisation, outre une somme de 5.000 euros au titre des frais de procédure.

Par jugement contradictoire du 20 mai 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

- dit que la rupture du contrat d'agent de M. [O] est imputable à Ia société H Développement,

- condamné Ia société H Développement à payer à M. [O] la somme de 10.540,45 euros TTC au titre de l'indemnisation du préjudice subi,

- rejeté comme non fondés toutes les autres demandes, moyens et conclusions contraires des parties,

- condamné la société H Développement à payer à M. [O] la somme de 2.000 euros en application de I'articIe 700 du code de procédure civile,

- condamné la société H Développement aux entiers dépens.

La société H Développement a interjeté appel par acte du 2 août 2019 en sollicitant l'infirmation de tous les chefs du jugement critiqué.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er juillet 2020, fondées sur les articles L.134-12 et L.134-13 du code de commerce et sur l'article 1353 du code civil, la société H Développement demande à la cour':

- de juger que M. [O] est à l'origine de la rupture du contrat d'agent commercial,

- de juger que M. [O] ne rapporte pas la preuve que la cessation du contrat d'agent commercial soit justifiée par les circonstances imputables au mandant,

- de juger que M. [O] ne justifie d'aucun préjudice,

en conséquence,

- de réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et statuant à nouveau,

- de débouter M. [O] de l'intégralité de ses prétentions,

- de condamner M. [O] à payer à la société H Développement la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au l'appui de ses demandes, la société H Développement soutient d'abord que le contrat d'agent commercial n'a pas été formellement rompu et qu'au demeurant, aucune faute ne lui est imputable, dès lors que:

- l'article 5 du contrat d'agent commercial de M. [O] stipule notamment que le contrat est conclu pour une durée indéterminée à compter du 1er août 2014, qu'un préavis doit être respecté en cas de cessation du mandat, à hauteur de trois mois à compter de la troisième année, sauf en cas de faute grave de l'une des parties, qu'aucune indemnité ne sera due à l'agent en cas de rupture à son initiative et que la résiliation devra être notifiée par lettre recommandée avec avis de réception,

- M. [O] ne justifie pas lui avoir adressé de lettre de rupture de son contrat selon les modalités contractuelles précitées, ce malgré, ce malgré la sommation faite en première instance et renouvelée en cause d'appel,

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la lettre de son conseil du 17 octobre 2017 ne saurait être considérée comme une lettre de rupture, car elle n'est pas signée de M. [O], n'a pas été adressée à la société H Développement mais à 'Orpi' et fait exclusivement état d'une réclamation financière postérieure à la rupture qui semble avoir eu lieu antérieurement,

- M. [O] ne rapporte au demeurant pas la preuve que la prétendue rupture serait imputable à une faute grave de la société H Développement s'étant manifestée par sa carence à mettre à la disposition de ce dernier des mandats de vente de logements neufs pour lui permettre de remplir sa mission,

-il prétend ainsi à tort qu'il se trouvait dans l'impossibilité de travailler faute d'être doté de l'organisation et des outils nécessaires, et en particulier de la carte professionnelle lui donnant la capacité de signer et renouveler les mandats avec les promoteurs,

- le contrat d'agent commercial précise en effet qu'il représentait l'agence auprès de la clientèle et que lui était fournie l'attestation préfectorale (carte blanche) luidonnant la capacité de négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de l'agence immobilière.

La société H Développement estime ensuite que M. [O] ne justifie d'aucun préjudice susceptible de lui ouvrir le droit au versement d'une indemnité, dans la mesure où il ne rapporte pas la preuve de facturations de commissions à la société H Développement au cours des deux années ayant précédé sa demande judiciaire d'indemnisation. En effet, les trois factures ayant été retenues par le tribunal pour former la base de calcul de l'indemnité due à M. [O] concernent en réalité des prestations réalisées pour le compte d'une autre société du groupe Orpi, la société Orpi Key Solutions (OKS). Ces factures font ainsi expressément référence à des mandats OKS et ont été réglées à M. [O] par cette société OKS, ce qui apparaît sur les justificatifs de virements versés par ce dernier aux débats.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 janvier 2020, fondées sur les articles L.134-1 et suivant du code de commerce, et plus particulièrement sur l'article L.134-12, M. [O] demande à la cour:

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a'dit que la rupture de son contrat d'agent est imputable à la société H Développement,

- d'infirmer le jugement entrepris sur le quantum de la condamnation prononcée à l'encontre de la société H Développement, ledit quantum s'élevant à 66.942 euros et non à 10.540,45 euros,

- de condamner la société H Développement à lui verser la somme de 66.942 euros au titre de l'indemnisation du préjudice par lui subi des suites de la rupture du contrat d'agent commercial dont s'agit,

- de condamner la société H Développement à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu' aux entiers dépens.

Sur l'imputabilité de la rupture, M. [O] expose :

- que les spécificités du marché de l'immobilier neuf impliquent que l'agence immobilière spécialisée en ce domaine centralise pour ses agents commerciaux les mandats de vente passés avec les promoteurs et mette à leur disposition des outils dédiés au métier, à savoir une centrale d'information (intranet/extranet) sur les biens à la vente, des logiciels et simulateurs de défiscalisation, des publicités et systèmes de génération et de gestion des contacts;

- qu'en dépit de plusieurs relances, le dirigeant de la société H Développement (M. [W]) n'a jamais fait le nécessaire pour mettre en place ce type d'organisation et renouveler les mandats de vente des différents programmes neuf proposés par l'agence, alors qu'il était le seul à détenir la carte professionnelle lui donnant la capacité de conclure et renouveler des mandats avec des promoteurs,

- que par suite, il n'a plus été en mesure d'exercer sa mission, ce qui l'a contraint à constater la fin de son contrat d'agent commercial.

Sur le montant de l'indemnité de rupture, M. [O] fait valoir:

- qu'il a bien développé les ventes immobilières de la société H Développement, un chiffre d'affaire de 118.865 euros ayant été encaissé sur la période de juillet 2015 à juillet 2017;

- que ce montant correspond à 68.622 euros de commissions, d'où le maintien de sa demande d'indemnisation à hauteur de ce montant pour rupture de son contrat conformément aux dispositions d'ordre public sur le statut des agents commerciaux, sachant qu'il a facturé les commissions tantôt à la société H Développement, holding du groupe, tantôt à sa filiale, la société Keysolution en fonction des demandes de M.[W], dirigeant des deux sociétés,

- que la société H Développement est irrecevable à contester le montant réclamé en appel n'ayant élevé aucune contestation sur ce point en première instance.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 octobre 2020, les débats étant fixés au 22 septembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater» ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger» lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur la rupture du contrat d'agent commercial et son imputabilité

L'article 1134 ancien du code civil, applicable au présent litige, le contrat ayant été conclu avant le 1er octobre 2016, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L'article L 134-4 du code de commerce prévoit quant à lui que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties. Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information. L'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.

Selon l'article L 134-12 du même code, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits. Les ayants droit de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.

Par ailleurs, en vertu de l'article L 134-13 2° du même code, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due si la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée.

En l'espèce, le contrat d'agent commercial régularisé le 1er août 2014 entre M.[O] et la société H Développement stipule en son article 5 que 'en cas de cessation du mandat à durée indéterminée, quelque soit l'auteur de la rupture, le préavis à respecter est égal à (...) trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. Toutefois, il pourra être rompu sans préavis, en cas de faute grave de l'une des parties ou de survenance d'un cas de force majeure. (...) La résiliation devra être notifiée par lettre recommandée avec avis de réception; le préavis courra, le cas échéant, de date à date à compter de la première présentation de la lettre de résiliation.'

Il convient d'abord de retenir que, M.[O], qui indique lui-même avoir été contraint de prendre l'initiative de rompre le contrat en raison de la défaillance de son mandant, a bien notifié cette rupture sans préavis à la société H Développement au moyen du courrier recommandé adressé à la 'société Orpi' et M. [X] [W] le 17 octobre 2017 par l'intermédiaire de son conseil, ce conformément à la clause contractuelle précitée.

S'il est exact que cette missive ne vise pas spécifiquement la société H Développement, il n'en reste pas moins qu'elle a été envoyée à son gérant, M.[X] [W] et à l'adresse du siège social de l'entreprise, à savoir le [Adresse 4], que la société H Développement ne discute pas le fait qu'elle exerce sous l'enseigne Orpi et que dans le corps du courrier, il est clairement fait référence au mandat d'agent commercial exercé par M.[O] au nom et pour le compte de la société H Développement. En outre, ce dernier sollicite expressément l'indemnisation des conséquences de la rupture, ce qui signifie qu'il considère que la cessation dont il est l'origine est imputable à la société H Développement.

La société H Développement ne pouvait donc se méprendre sur le fait que par le biais de ce courrier, M.[O] a entendu faire application de l'article 5 du contrat, en dénoncant sans préavis le contrat d'agent commercial conclu le 1er août 2014, peu importe qu'il ait effectué cette démarche par le biais de son avocat, celui-ci étant habilité à représenter son client.

Elle est d'autant plus mal venue à prétendre que le contrat n'a jamais été formellement rompu qu'elle ne soutient pas dans le même temps que les relations contractuelles se seraient poursuivies après la réception de cette lettre recommandée, puisque dans le dispositif de ses dernières conclusions, elle ne demande pas qu'il soit dit que le contrat existe toujours, mais uniquement qu'il soit jugé que M.[O] est à l'origine de la rupture.

La question centrale est en réalité de savoir si la cessation que M.[O] reconnaît avoir provoquée est justifiée ou non par des circonstances imputables au mandant, ainsi que M.[O] le soutient.

A cet égard, il importe d'abord de déterminer l'étendue des missions contractuellement imparties à M.[O], les parties étant en désaccord sur ce point.

L'article 2 du contrat portant l'intitulé 'objet est conditions d'exercice du mandat' mentionne dans son premier alinéa que 'l'agence confie à l'agent commercial, qui l'accepte, le mandat de la représenter à titre de profession indépendant et de façon permanente auprès de la clientèle'.

Certes, le terme 'clientèle' n'est pas défini dans cette phrase, mais le champ lexical qu'il recouvre se déduit des alinéas suivants de ce même article lesquels viennent préciser les missions de l'agent. Ainsi, les alinéas 4 à 6 stipulent-ils que 'l'agent commercial procède à la recherche d'acquéreurs pour le compte de l'agence et il s'efforce d'obtenir la signature des engagements des parties. Il doit mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour parvenir à la signature de l'acte authentique de vente chez le Notaire par son client, et doit notamment coordonner et mener à leur fin l'ensemble des opérations préalables à cette signature. Dans le cadre de son mandat, l'agent commercial représente l'agence le jour de la signature de l'acte authentique de vente d'un bien immobilier chez le Notaire. Il est donc tenu de participer physiquement à la signature de l'acte.'

Sauf à dénaturer les termes de la convention, au vu des indications de ces deux alinéas qui évoquent uniquement les acquéreurs, sans aucune référence aux promoteurs immobiliers, il ne peut pas être considéré que les parties se seraient entendues sur une conception extensive de la notion de clientèle, incluant lesdits promoteurs et que la mission de M.[O] consistait non seulement à rechercher des acquéreurs, mais également à obtenir et renouveler les mandats de vente auprès des promoteurs immobiliers, ainsi que tente vainement de le prétendre la société H Développement. Il est d'ailleurs à noter que les autres clauses contractuelles ne comportent pas non plus une quelconque allusion à ces promoteurs immobiliers et au rôle que pourrait jouer le mandataire à leur égard.

Le contrat d'agent commercial étant consensuel selon l'article L 134-2 du code de commerce, il y a néanmoins lieu de rechercher si, au-delà des termes du contrat écrit initial, les parties n'auraient pas ultérieurement convenu d'étendre la mission de M.[O] à la négociation des mandats de vente auprès des promoteurs immobiliers, étant rappelé que la preuve d'un tel accord peut être rapportée par tous moyens par celui qui en excipe.

Il doit dans ce cadre être procédé à l'analyse des pièces produites par la société H Développement (pièces n°2 à 7) et dont elle ne discute pas le contenu, à savoir la copie des échanges de courriers électroniques entre M.[O] et M.[W] sur la période du 20 juin 2017 et le 1er août 2017. Bien que ces correspondances interviennent à un moment où les parties étaient déjà en désaccord sur les modalités d'exercice de la mission de M.[O], il s'agit néanmoins des seuls documents sur lesquels se baser, la société H Développement ne communiquant en effet aucun élément sur les conditions de déroulement du contrat au cours des trois premières années durant lesquelles les relations contractuelles n'ont pas donné lieu à des dissensions.

Il ne sera en revanche pas tenu compte des courriels datés du 3 août 2017 pour apprécier la commune intention des parties, dès lors qu'ils sont uniquement versés aux débats par M.[O] (pages 3 à 6 de la pièce n°3 de l'intimé) et que la société H Développement met en avant leur caractère incompréhensible, également relevé à juste titre par le tribunal de commerce.

La cour fera ainsi sienne la motivation des premiers juges qui ont noté que l'un de ces courriels, qui semblait à première vue émaner de M.[W], pour avoir été envoyé depuis l'adresse '[Courriel 7]' au destinataire '[Courriel 8]', ne pouvait avoir été écrit par celui-ci, dans la mesure où les propos relatés ne peuvent être que le reflet de la position de M.[O], comme en témoigne par exemple la phrase 'dans le métier du neuf et d'ailleurs comme le stipule mon contrat, l'agent commercial n'est concerné que par la recherche d'acquéreurs.'

La lecture des seuls courriels non contestés par la société H Développement suffit toutefois à établir que si M.[O] a pu être conduit à signer des mandats de vente auprès de promoteurs, ce qu'il reconnaît au demeurant, il n'a pas pour autant admis que ce rôle lui incombait au titre de son contrat d'agent commercial. Au travers des phrases ' ce qui est décevant, c'est que tu ne réalises pas que je fais ce qui est normalement ton job (ou celui d'Orpi) depuis 3 ans et que ce coût ne m'est plus financièrement supportable (....) Je refuse de continuer sous une forme où j'exécute à la fois le rôle de l'agence et de l'agent commercial' (courriel du 20 juin 2017 à 14h39, pièce n°5 de l'appelante), il affirme au contraire qu'il a toujours estimé que ce type de mission ne lui incombait pas et n'entrait pas le champ contractuel. Sa réponse au mail de M.[W] qui lui écrit un peu plus tôt dans la même journée 'comme tu le sais, la majorité des mandats que tu as signés sont obsolètes ; et ils n'ont pas été renouvelés', va également dans ce sens, puisqu'il rétorque : ' je n'étais pas au courant du non renouvellement des mandats qui dans le neuf sont généralement reconductibles tacitement sauf notification par le promoteur '. Enfin dans un courriel ultérieur du 18 juillet 2017, M.[O] met encore une fois en avant les éléments suivants au sujet de l'étendue de ses missions: 'je tenais à te rappeler que la plupart des mandats que tu as signés avec les promoteurs sont tacitement reconductibles et qu'il t'appartient d'en signer les avenants, en tant que détenteur de la carte de transaction. Je te rappelle d'ailleurs que ma mission ne se limite qu'à la recherche d'acquéreurs.'

Il ressort des observations qui précèdent que la société H Développement ne démontre pas qu'en sus de la mission qui lui était initialement confiée auprès des acquéreuers potentiels en vertu du contrat écrit du 1er août 2014, M.[O] s'était vu impartir, avec son accord, la charge de représenter l'agence auprès des promoteurs pour l'obtention et le renouvellement des mandats de ventes, étant encore une fois rappelé que la société H Développement ne fournit aucun document pour la période du 1er août 2014 au 20 juin 2017 de nature à étayer ses allégations quant au fait que M.[O] aurait assumé ce rôle sans difficulté pendant la majeure partie de son mandat.

Il en découle que cette mission de recherche, d'obtention et de renouvellement des mandats de vente auprès des promoteurs immobiliers incombait a contrario à la société H Développement, celle-ci ne contestant pas que M.[O] exerçait son activité d'agent commercial dans le secteur de l'immobilier neuf et que dans ce domaine, l'existence de ces mandats est une condition essentielle à la bonne exécution de la mission d'un mandataire chargé de présenter des acquéreurs potentiels aux promoteurs immobiliers.

Or, comme l'ont souligné de manière tout à fait pertinente les premiers juges, M.[W], gérant de la société H Développement, concède, dans les échanges déjà évoqués ci-dessus, que l'expiration ou le non renouvellement de mandats de vente est à l'origine de la quasi-disparition de l'activité de M.[O].

Ainsi, dans le mail du 20 juin 2017 à 8h17, après avoir noté que 'la majorité des mandats que tu as signés sont obsolètes; et ils n'ont pas été renouvelés', M.[W] constate : 'il n'y a donc plus guère matière à travailler actuellement'.

De son côté, M.[O], dans ses courriels des 20 juin 2017 et 18 juillet 2017 (pièces 2 et 5 de l'appelante), a signalé à M.[W] que l'expiration ou la non reconduction des mandats de vente le plaçait dans l'impossibilité de poursuivre l'exercice de son mandat, ce que révèlent notamment les phrases suivantes:

- 'A partir du moment où il n'y a plus d'activité neuf chez Orpi (...), le contrat d'agent commercial n'est plus exécutable' (courrier électronique du 20 juin 2017 à 14h39),

- 'Je t'ai confirmé à plusieurs reprises ma volonté de poursuivre l'exécution de la mission que tu m'as confiée, mais sous conditions d'une proposition et de moyens concrets qui m'assurent que cette mission est exécutable. Cependant je constate au contraire que les conditions d'exercice de celles-ci sont devenues de plus en plus difficiles'.

La société H Développement ne rapportant pas la preuve qu'elle a remédié aux difficultés dénoncées par M.[O] par la conclusion de nouveaux mandats auprès des promoteurs immobiliers et la mise à disposition subséquente de logements neufs à proposer à la vente, il y a lieu de retenir que la cessation du contrat intervenue à l'initiative de M.[O] le 17 octobre 2017 est justifiée par des circonstances imputables au mandant qui, en violation des dispositions d'ordre public de l'article L 134-4 du code de commerce reprises à l'article 2 du contrat sur les obligations de l'agence, n'a pas donné à son mandataire les moyens d'exercer correctement sa mission consistant à rechercher des acquéreurs de logements neufs.

Par ces motifs substitués, le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la rupture du contrat d'agent de M.[O] est imputable à la société H Développement.

Il s'ensuit que conformément aux dispositions de l'article 134-13 du code de commerce, M.[O] est bien fondé à réclamer le paiement de l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, telle que prévue à l'article 134-12 du même code.

Sur l'indemnisation du préjudice de M. [O]

Selon l'article 134-12 du code de commerce, en cas de cessation des relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Les usages en la matière conduisent généralement à accorder à l'agent commercial une indemnité égale aux commissions brutes perçues au cours des deux dernières années du mandat, dans la mesure où il convient de lui octroyer l'équivalent du manque à gagner consécutif à la rupture, durant la période nécessaire à la reconstitution d'une clientèle équivalente.

Toutefois, l'indemnité compensatrice de cessation de contrat ne peut être fixée sans un examen de la réalité du préjudice qu'elle doit réparer eu égard aux circonstances particulières de l'affaire.

En l'espèce, les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée qui a été rompu après plus de trois ans de mise en oeuvre et dont les derniers mois ont été marqués par la défaillance du mandant dans l'exécution de ses obligations faisant obstacle à l'exercice de ses missions par le mandataire. Dans ce contexte, il sera retenu que M.[O] est légitime à solliciter une indemnité équivalente aux deux dernières années de commissions perçues dans le cadre du contrat d'agent commercial régularisé avec la société H Développement.

Il convient de prendre en considération la même période de référence que celle sur laquelle M.[O] s'est basé dans ses écritures pour opérer ce calcul, à savoir de juillet 2015 à juillet 2017, dans la mesure où l'exercice de sa mission a été rendu très difficile, pour ne pas dire impossible à compter de juin/juillet 2017.

Pour justifier du montant des commissions dont il a bénéficié sur les exercices courant de juillet 2015 à juillet 2017 dans le cadre de son activité d'agent commercial pour le compte de la société H Développement qu'il évalue à la somme totale de 68.622 euros aux termes de ses écritures, M.[O] produit 14 factures établies entre le 19 décembre 2014 et le 13 juin 2017 (pièces n°6 et 7 de l'intimé). Celles-ci sont toutes contestées par la société H Développement ce qui impose leur analyse détaillée, étant rappelé que celle-ci a tout à fait la possibilité de le faire en appel, ne s'agissant pas d'une prétention nouvelle mais d'un moyen développé pour s'opposer à la demande en paiement de M.[O].

Il doit d'abord être noté que les 4 premières factures dont se prévaut M.[O] ont été émises entre le 19 décembre 2014 et le 30 avril 2015 en vue d'un règlement devant intervenir au plus tard le 30 décembre 2014 pour la plus ancienne et le 15 mai 2015 pour celle du 30 avril 2015. Les commissions afférentes à ces 4 factures ont d'ailleurs été encaissées sur son compte entre le 31 décembre 2014 et le 5 mai 2015. Elles ont donc été perçues avant le mois de juillet 2015, date de point de départ des deux dernières années d'exercice. Elles ne peuvent donc être prises en compte dans le calcul de l'indemnité compensatrice.

Ensuite, sur les 10 factures restantes, il y a lieu de constater, comme l'a déjà fait le tribunal, que 7 d'entre elles ont été adressées à une autre société, en l'occurrence la société Orpi Keysolution sise [Adresse 1] et que seules 3 de ces factures ont effectivement été établies à l'ordre de la société H Développement, en l'occurrence une facture 'HD-[Y]-[V]' en date du 23 décembre 2016 d'un montant de 0 euros, une facture 'HD-[Y]-[D]' du 23 décembre 2016 d'un montant de 3.921,21 euros HT, soit 4.705,45 euros TTC (60% des honoraires de l'agence) et une facture 'n°617-1 : HD-[N]-[Z]' datée du 13 juin 2017 d'un montant de 4.862, 50 euros HT, soit 5.835 euros TTC (50% des honoraires de l'agence).

Même si la société Orpi Keysolution est également représentée par M.[W] et exerce sous la même enseigne Orpi, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une personne morale distincte de la société H Développement avec un siège social différent, et que M.[O] ne peut se prévaloir de commissions qu'il a facturées à une autre personne morale, qu'il n'a pas mise en cause, pour le calcul de l'indemnité de résiliation avec la société H Développement, ce alors même qu'il ressort de la pièce n°8 versée par la société H Développement qu'il avait également signé un contrat d'agent commercial avec cette société Keysolution à une date certes indéterminée (le contrat est signé, mais pas daté), mais nécessairement antérieure au 12 novembre 2015, date à laquelle les parties ont régularisé à un avenant à ce contrat. Contrairement à ce que prétend M.[O], cet avenant relatif au mode de calcul des commissions ne concerne pas la société H Développement, mais bien la société Keysolution. En effet, la mention 'OKS', qui apparaît à plusieurs reprises sur cet avenant, ne peut à l'évidence se référer à la société H Développement, laquelle ne figure en revanche nulle part.

Monsieur [O] ne rappporte par ailleurs la preuve de ses allégations selon lesquelles il aurait libellé des factures concernant des prestations réalisées pour le compte de la société H Développement à l'ordre de la société Orpi Keysolution à la demande de M.[W]. A l'inverse, les affirmations de la société H Développement selon lesquelles les factures établies par M.[O] au nom de la société H Développement concernaient en réalité des missions effectuées dans le cadre du contrat conclu avec la société Orpi Keysolution ne sont pas non plus étayées par des éléments probants suffisants, la seule circonstance selon laquelle le paiement de la dernière facture libellée à l'ordre de la société H Développement (celle du 13 juin 2017, pièce n°7 de l'intimé) a été réglée au moyen d'un virement intitulé 'Key Sol' n'étant pas de nature à emporter la conviction de la cour en l'absence d'offre de preuve complémentaire.

Les deux seules commissions pouvant dès lors être prises en considération pour la fixation de l'indemnité de rupture s'élèvent à la somme totale de 8.783,71 euros HT ou 10.540, 45 euros TTC, étant souligné que le mode de calcul utilisé par M.[O] pour parvenir à ce montant de commission n'est pas en lui-même discuté par la société H Développement.

Le jugement déféré sera par conséquent également confirmé sur le montant de l'indemnisation allouée à M.[O].

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant au principal dans ses prétentions, la société H Développement devra supporter les dépens d'appel. Elle est également est condamnée à verser à M.[O] une indemnité 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la cause d'appel, les condamnations de ce chef et sur les dépens prononcées par les premiers juges étant confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant,

Condamne la SARL H Développement aux dépens d'appel,

Condamne la SARL H Développement à verser à M. [S] [O] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/05698
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;19.05698 ?
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