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27/10/2022 | FRANCE | N°19/04567

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 27 octobre 2022, 19/04567


N° RG 19/04567

N° Portalis DBVX-V-B7D-MOPS









Décision du

Tribunal de Commerce de Lyon

Au fond

du 12 juin 2019









SAS ENTREVUE IMMOBILIÈRE



C/



[U]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022







APPELANTE :



SAS ENTREVUE IMMOBILIÈRE

[Adresse 1]

[Localité 3

]



Représentée par Me Noémie DAVID, avocat au barreau de LYON, toque : 2623







INTIMÉE :



Mme [K] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Bruno BRIATTA de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768











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N° RG 19/04567

N° Portalis DBVX-V-B7D-MOPS

Décision du

Tribunal de Commerce de Lyon

Au fond

du 12 juin 2019

SAS ENTREVUE IMMOBILIÈRE

C/

[U]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022

APPELANTE :

SAS ENTREVUE IMMOBILIÈRE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Noémie DAVID, avocat au barreau de LYON, toque : 2623

INTIMÉE :

Mme [K] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno BRIATTA de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768

******

Date de clôture de l'instruction : 15 Octobre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 27 Octobre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, président

- Raphaële FAIVRE, vice-président placé

- Marianne LA-MESTA, conseiller

assistés pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffier placé.

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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EXPOSÉ DU LITIGE

Le 12 février 2018, la SAS Entrevue Immobilière exerçant l'activité d'agence immobilière a conclu un contrat d'agent commercial avec Mme [U].

Par courriel du 18 février 2019, la société Entrevue Immobilière a indiqué à Mme [U] que, comme elle le lui avait annoncé précédemment, elle mettait fin à toute collaboration avec elle.

Par courrier du 19 février 2019, la société Entrevue Immobilière a conformé à Mme [U] la résiliation du contrat en lui précisant la dispenser de son préavis et la libérer de sa clause de non-concurrence.

Par courrier du 26 février 2019, Mme [U] a demandé à la société Entrevue Immobilière l'exécution de son préavis de deux mois ou le cas échéant une indemnité correspondante, outre le paiement d'une indemnité de rupture et d'une somme au titre d'une commission restant à lui devoir.

Par correspondance du 12 mars 2019, la société Entrevue Immobilière a fait part à Mme [U] de son refus de satisfaire à ses demandes en raison de la rupture du contrat pour faute grave, la privant de son droit à indemnité.

Par courrier de son conseil du 18 mars 2019, Mme [U] a mis en demeure la société Entrevue Immobilière de lui régler différentes sommes en exécution du contrat.

Par acte du 29 avril 2019, Mme [U] a fait délivrer assignation à la société Entrevue Immobilière devant le tribunal de commerce de Lyon en paiement de ces sommes.

Par jugement réputé contradictoire du 12 juin 2019, ce tribunal a :

condamné la société Entrevue Immobilière à payer à Mme [U] les sommes suivantes':

85.484 euros au titre de l'indemnité de rupture,

8.548,39 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

11.655 euros au titre du manque à gagner sur les commissions et honoraires,

2.275 euros au titre des commissions dues au titre du dossier R2I/Walch du 31 janvier 2018,

800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné la société Entrevue Immobilière aux dépens et les a liquidés.

La société Entrevue Immobilière a interjeté appel par acte du 28 juin 2019.

Par ordonnance de référé du 6 juillet 2020, le délégué du Premier président de la cour d'appel de Lyon a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 12 juin 2019 et condamné la société Entrevue Immobilière à payer à Mme [U] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions du 10 février 2020 fondées sur l'article 122 du code de procédure civile, la loi du 2 janvier 1970 et les articles L. 134-4, L.134-11 et L. 134-13 du code de commerce, la société Entrevue Immobilière demande à la cour de':

réformer le jugement déféré,

à titre liminaire,

déclarer Mme [U] irrecevable en ses demandes à raison du non-respect de la procédure de conciliation prévue au contrat d'agent commercial,

débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

à titre principal,

juger que Mme [U] a commis une faute grave dans l'exercice de ses fonctions d'agent commercial justifiant la résiliation de son contrat sans préavis,

lui donner acte de ce qu'elle ne conteste pas devoir la somme de 2.275 euros TTC au titre de la commission du dossier R2I/Walch du 31 janvier 2018,

débouter Mme [U] du reste de ses demandes, fins et prétentions,

à titre subsidiaire,

juger que Mme [U] a commis une faute dans l'exercice de ses fonctions d'agent commercial,

réduire les demandes de Mme [U] à de plus justes proportions,

à tous les titres,

débouter Mme [U] de sa demande de dommages-intérêts au titre du caractère prétendument vexatoire de la rupture du contrat,

condamner Mme [U] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et aux entiers dépens de l'instance, qui seront liquidés au profit de Me [L] sur son affirmation de droit.

Par conclusions du 4 décembre 2019 fondées sur les articles L.134-1, L.134-12 et L.134-12 du code de commerce, Mme [U] demande à la cour de':

déclarer l'appel de la société Entrevue Immobilière recevable mais mal fondé,

juger que la société Entrevue Immobilière a renoncé à invoquer une faute grave à son encontre lorsqu'elle a décidé de mettre fin à son contrat d'agent commercial,

juger, au surplus, que la société Entrevue Immobilière ne justifie, lors de la rupture du contrat d'agent commercial, d'aucune faute grave de nature à la priver de ses indemnités de rupture,

juger enfin qu'elle justifie la réalité du préjudice qui lui a été causé du fait de la rupture brutale et injustifiée de son contrat d'agent commercial,

en conséquence,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, notamment en ce qu'il a condamné la société Entrevue Immobilière à lui verser la somme de :

85.484 euros au titre de l'indemnité de rupture,

8.548, 39 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

11.655 euros au titre du manque à gagner sur les commissions et honoraires,

2.275 euros au titre des commissions dues au titre du dossier R2I/Walch du 31 janvier 2018,

800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant :

dire y avoir lieu de lui allouer en sus des condamnations d'ores et déjà prononcées une somme supplémentaire de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du caractère vexatoire et abusif de la rupture de son contrat d'agent commercial,

condamner également la société Entrevue Immobilière à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Entrevue Immobilière aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront liquidés au profit de Me Briatta, avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 octobre 2020, les débats étant fixés au 22 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater» ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger» lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur l'irrecevabilité des demandes de Mme [U]

Au soutien de son moyen d'irrecevabilité, la société Entrevue Immobilière fait valoir que Mme [U] a méconnu la clause de conciliation préalable prévue au contrat d'agent commercial régularisé entre les parties le 12 février 2018, au motif que le délai de 45 jours fixé par celui-ci entre la date de la demande d'ouverture de la conciliation et la date de l'assignation en justice n'a pas été respecté.

Mme [U] affirme au contraire qu'elle a invité son mandant à une conciliation selon courrier recommandé du 26 février 2019 en lui proposant plusieurs dates de rendez-vous à cette fin, proposition réitérée par courrier de son conseil le 18 mars 2019, et qu'elle n'a assignée la société Entrevue Immobilière, qui n'a pas donné suite à ces propositions, que le 29 avril 2019, soit au-delà du délai de 45 jours stipulé au contrat.

Conformément à l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l'espèce, le contrat d'agent commercial régularisé entre Mme [U] et la société Entrevue Immobilière le 12 février 2018 stipule en son article 15 relatif au règlement des litiges que «'avant de mettre en 'uvre toute procédure judiciaire, les parties s'engagent à organiser une tentative préalable et obligatoire de conciliation, s'interdisant tout refus de négociation. Ainsi en cas de difficultés soulevées par l'exécution, l'interprétation ou la cessation de leur contrat, les parties s'engagent préalablement à toutes actions contentieuses à':

aviser l'autre partie du différend ou du litige qu'elle envisage de soumettre au juge par lettre recommandée avec accusé de réception,

convenir dans les 15 jours de la réception de ce courrier d'un rendez-vous afin de tenter de trouver une solution au différend les opposant (').

Toutefois, au-delà du délai de 45 jours à compter de la lettre demandant l'ouverture de la conciliation, la tentative de conciliation sera réputée achevée, à défaut pour les parties de prolonger amiablement ce délai. Toute saisine du juge en violation de cette clause de conciliation est constitutive d'une fin de non-recevoir rendant l'action irrecevable'».

Selon courrier recommandé avec accusé de réception du 26 février 2019, faisant suite à la notification par par la société Entrevue Immobilière selon courriel du 18 février 2019 de la rupture de son contrat d'agent commercial, Mme [U] a écrit à cette dernière dans les termes ci-après reproduits':' «'afin de trouver ensemble une solution au différend qui nous oppose, je vous propose un rendez-vous le jeudi 7 mars 2018 à 14 h ou le vendredi 8 mars à 14h 30 ou le mardi 12 mars à 14h30 et attends votre retour sur la date et heure qui vous convient'».

Le 18 mars 2019, elle adressait à nouveau, par la voix de son conseil, un courrier à la société Entrevue Immobilière, ainsi libellé': «'je vous invite d'ailleurs à me faire connaître, soit directement soit par l'intermédiaire de votre avocat, vos intentions définitives en ce qui concerne (...) la tentative de conciliation à laquelle vous avez été invité par Mme [K] [U] dans sa lettre recommandée avec accusé de réception du 26 février 2019'».

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que Mme [U], qui a avertie la société Entrevue Immobilier de son désaccord quand aux conséquences financières de la rupture de son contrat et lui a proposé plusieurs rendez-vous de tentative de conciliation dès le 26 février 2019, soit 63 jours avant la délivrance de l'assignation en justice à l'encontre de cette dernière le 29 avril 2019, a ainsi satisfait à l'obligation contractuelle relative au règlement des litiges, le courrier du 18 mars 2019, ne constituant qu'un rappel de la proposition de conciliation préalablement formulée et à laquelle l'appelante n'a jamais répondue. Le moyen d'irrecevabilité tenant au défaut de conciliation préalable ne peut dès lors prospérer.

Sur la faute grave

La société Entrevue Immobilière soutient que Mme [U] a commis une faute grave la privant de son droit à indemnité. Elle fait valoir que si le courrier du 19 février 2019, qui faisait état de divergences profondes est rédigé en termes atténués, la réalité est plus dure comme cela résulte de son courrier du 12 mars 2019 qui fait état du manquement de Mme [U] à son obligation de loyauté tenant à son refus de faire visiter un bien et de compléter la base de donnée de la société, à son absence aux réunions de service et à l'absence de prospection sur la zone géographique dédiée.

Elle affirme en outre qu'il importe peu que ces fautes n'aient pas été formulées dans la lettre de rupture du 19 février 2019, dès lors que selon la jurisprudence, les juges doivent prendre en compte toutes les circonstances intervenues mêmes postérieurement aux faits reprochés à l'agent et jusqu'au jour de leur décision.

Mme [U] estime au contraire que la faute grave ne peut reposer sur des griefs inconnus du mandant au moment de la rupture et qu'il a jugé devoir tolérer jusqu'alors. Elle indique à ce titre que la lettre de rupture du 18 février 2019 ne comporte aucun motif. Elle ajoute que la lettre confirmative du 19 février 2019 fait état de divergences profondes quant aux attentes réciproques de chacun sur les méthodes et les supports de communication et indique qu'il est préférable pour tous de se déparer. Elle considère que l'appelante ne peut pas se prévaloir de la lettre du 12 mars 2019 pour démontrer l'existence d'une faute grave, car les griefs qui y figurent, jamais évoqués précédemment, sont invoqués tardivement, suite de sa lettre du 26 février 2019 contestant les conséquences financières de la rupture et qu'ils ne sont pas démontrés.

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale.

S'il importe peu que la société mandataire ne fasse pas état de la faute grave de l'agent dans sa lettre de résiliation, c'est à la condition qu'elle n'ait découvert ces manquements que postérieurement à la rupture des relations contractuelles et que la faute ait été commise antérieurement à la rupture.

En l'espèce, la charge de la preuve lui incombant, la société Entrevue Immobilière doit démontrer que les fautes alléguées à l'encontre de Mme [U] portent gravement atteinte à une obligation essentielle née du contrat d'agent commercial et sont de nature à rendre impossible le maintien du lien contractuel.

Or, la cour observe que le courriel adressé par l'appelante à Madame [U] le 18 février 2019 lui notifiant la rupture de son contrat d'agent commercial ne fait mention d'aucun grief.

Par ailleurs, le courrier de confirmation de rupture du contrat en date du 19 février 2019 fait état de griefs dans les termes ci-après reproduits : « pour faire suite à notre entretien, nous sommes sur des divergences profondes quant à nos attentes réciproques sur les méthodes': prospection, utilisations des outils informatiques : qualifications des fiches acquéreurs, paramétrages du logiciel... Nous avons également des divergences sur les supports de communication et l'association à laquelle nous reversons une partie de nos commissions. Tu es la seule personne à avoir refusé l'avenant proposé au mois de novembre. Pour toutes ces raisons (différences de valeurs, d'état d'esprit et de méthodologie) nous pensons qu'il est mieux pour toi comme pour nous de nous séparer dès ce jour et nous te dispensons de ton préavis et te libérons de ta clause de non concurrence. En effet tu as une volonté d'indépendance forte, qui correspond parfaitement à tes aspirations profondes. Nous pensons que tu as toutes les armes pour réussir dans un réseau de mandataires, et nous te souhaitons un beau succès. Par ailleurs, nous t'annonçons que nous nous retirerons de ton mandat de Bron, un courrier partira ce jour pour en informer le client ».

Il s'en suit que cette correspondance, qui relève l'existence de simples divergences entre les parties sur les méthodes et les supports de travail, sans d'ailleurs faire état de ce que ces désaccords rendent impossible l'exécution des mandats confiés, et qui au surplus, soulignent les qualités professionnelles de Mme [U], tout en relevant qu'elles doivent lui permettre de réussir pleinement dans l'exercice futur de ses fonctions auprès d'autres partenaires, ne comporte ainsi l'énoncé d'aucun grief propre à caractériser l'existence d'une faute grave à l'encontre de cette dernière.

Enfin, l'existence d'un défaut de loyauté de Mme [U] résultant de son refus de faire visiter un bien, de son absence de renseignement de la base de donnée, de son absence de prospection de la zone géographe dédiée et de son absence de participation à diverses réunions n'est pas davantage démontré, alors que ces griefs ont été émis à son encontre un mois après la lettre de rupture du contrat du 18 février 2019, sans que l'appelante, qui se prévaut de ce qu'ils ont été actés dans des comptes rendus de réunions du 19 septembre 2018, 2 octobre 2018, 6 novembre et 26 novembre 2018, n'allègue ni a fortiori ne démontre n'en avoir eu connaissance que postérieurement à l'établissement de cette lettre et alors au surplus que, tant ces comptes rendus, dépourvus de signature et de mention de l'identité de leur auteur, que les témoignages de M. [M], de M. [T] et de M.[H], contenus dans des attestations irrégulières en la forme comme ne permettant notamment pas de s'assurer de l'identité de leurs auteurs, sont dépourvus de valeur probante.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, Mme [U] est en conséquence bien fondée à soutenir que la société Entrevue Immobilière échoue à rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave à son encontre.

Sur le préjudice

S'agissant de l'indemnité de rupture

La société Entrevue Immobilière soutient que Mme [U] ne peut valablement prétendre qu'à une indemnité de rupture réduite à trois mois compte tenu de la durée du contrat.

Mme [U] réplique que la rupture brutale et injustifiée de son contrat, alors qu'elle avait quitté son précédent emploi pour rejoindre la société Entrevue Immobilière qui lui avait laissé entrevoir des perspectives prometteuses de développement et le discrédit jeté sur elle auprès des clients justifie l'octroi d'une indemnité de rupture équivalente à deux années de commission.

Les usages en la matière conduisent généralement à accorder à l'agent commercial une indemnité égale aux commissions brutes perçues au cours des deux dernières années du mandat, dans la mesure où il convient de lui octroyer l'équivalent du manque à gagner consécutif à la rupture, durant la période nécessaire à la reconstitution d'une clientèle équivalente.

Toutefois, l'indemnité compensatrice de cessation de contrat ne peut être fixée sans un examen de la réalité du préjudice qu'elle doit réparer eu égard aux circonstances particulières de l'affaire.

En l'espèce, les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée qui a été rompu après seulement 12 mois d'application. Eu égard à la faible durée de vie effective du contrat, ajoutée au fait qu'il n'est pas contesté par l'intimée qu'elle envisageait, après la rupture de son contrat de cesser son activité d'agent commercial pour exercer son savoir faire commercial dans une entreprise de vente de prestations de services, et qu'il n'est pas démontré l'existence d'un discrédit jeté sur elle auprès des clients, il y a lieu de limiter l'indemnité de rupture à une durée d'une année.

S'agissant du montant annuel perçu, il convient de retenir la somme de 44.579,16 euros, telle que figurant au décompte produit par l'appelante, Mme [U] ne produisant aucune pièce de nature à remettre en cause ce montant.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré sur ce point et de condamner la société Entrevue Immobilière à payer à Mme [U] la somme de 44.579,16 euros.

S'agissant de la facture d'honoraires au titre du dossier «' R2I/Walch'»

La société Entrevue Immobilière reconnaît qu'elle reste devoir à Mme [U] la somme de 2.275 euros correspondante à ses honoraires au titre du dossier «' R2I/Walch'». Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Entrevue Immobilière à payer cette somme à Mme [U].

S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis

La société Entrevue Immobilière soutient que Mme [U] ne peut valablement prétendre qu'à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois compte tenu de la durée du contrat. Mme [U] sollicite la somme de 8.548,39 euros TTC sans autre précision.

Conformément à l'article L. 134-11 du code de commerce, lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.

En l'espèce, le contrat régularisé entre les parties s'est exécuté du 12 février 2018 au 18 février 2019, de sorte qu'il convient de fixer l'indemnité compensatrice de préavis à deux mois d'indemnisation annuelle, soit la somme de 7.429,86 euros TTC telle que proposée et justifiée par l'appelante par la production de l'état des commissions versées à l'intimée sur une année, étant relevé que Mme [U] ne justifie pas du montant sollicité à hauteur de 8.548,39 euros.

S'agissant de la demande au titre du manque à gagner sur les commissions et honoraires

Si Mme [U] soutient avoir été empêchée de percevoir durant l'exécution de son préavis le bénéfice des commissions et honoraires qui lui étaient dus au titre de mandats qu'elle avait initiés, cette demande ne saurait néanmoins prospérer alors que ce préjudice, n'est ni explicité ni justifié dans son montant, et que Mme [U] bénéficie d'une indemnité de préavis correspondante au montant de commissions qu'elle aurait perçue durant les deux mois de préavis. Il convient donc d'infirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, Mme [U] invoque le caractère abusif et vexatoire de la rupture de son contrat par la société Entrevue Immobilière. Pour s'opposer à cette demande, cette dernière se prévaut de l'existence de manquement commis par l'intimée dans l'exécution de son contrat.

La cour relève que Mme [U] ne justifie d'aucun préjudice qui ne serait pas réparé par l'indemnisation accordée au titre de l'indemnité de rupture et de l'indemnité compensatrice de préavis, de sorte qu'il y a lieu de la débouter de cette demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Succombant au principal dans ses prétentions, la société Entrevue Immobilière est condamnée aux dépens d'appel et à supporter ses frais irrépétibles. Elle est également est condamnée à verser à la société Prodium une indemnité de procédure pour la cause d'appel, les condamnations de ce chef et sur les dépens prononcées par le premier juge étant confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare Mme [U] recevable en ses demandes,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Entrevue Immobilière à payer à Mme [U] la somme de 2.275 euros au titre des commissions dues au titre du dossier R2I/Walch du 31 janvier 2018, ainsi que la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la société Entrevue Immobilière à payer à Mme [U] la somme de 44.579,16 euros au titre de l'indemnité de rupture,

Condamne la société Entrevue Immobilière à payer à Mme [U] la somme de 7.429,86 euros TTC au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

Déboute Mme [U] de sa demande en paiement de la somme de 11.655 euros au titre du manque à gagner sur les commissions et honoraires,

Déboute Mme [U] de sa demande en paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société Entrevue Immobilière à payer à Mme [U] une indemnité de procédure de 3.000 euros, à hauteur d'appel,

Condamne la société Entrevue Immobilière aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/04567
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;19.04567 ?
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