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27/10/2022 | FRANCE | N°19/03576

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 27 octobre 2022, 19/03576


N° RG 19/03576

N° Portalis DBVX-V-B7D-MMEO









Décision du

Tribunal d'Instance de LYON

Au fond

du 17 avril 2019



RG : 2018j00145







Société TBS SRL



C/



SAS AG PLAST





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022







APPELANTE :



Société TBS SRL

[Adresse 4]


[Localité 2] ITALIE



Représentée par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 215









INTIMÉE :



SAS AG PLAST Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié de droit audit siège social

[Adresse 3]

[Localité 1]



...

N° RG 19/03576

N° Portalis DBVX-V-B7D-MMEO

Décision du

Tribunal d'Instance de LYON

Au fond

du 17 avril 2019

RG : 2018j00145

Société TBS SRL

C/

SAS AG PLAST

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022

APPELANTE :

Société TBS SRL

[Adresse 4]

[Localité 2] ITALIE

Représentée par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 215

INTIMÉE :

SAS AG PLAST Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié de droit audit siège social

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie CHAUVE-BATHIE, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

Assitée de Me Lionel COUTACHOT de la SELAS LIONEL COUTACHOT, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

******

Date de clôture de l'instruction : 15 Octobre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 27 Octobre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, président

- Raphaële FAIVRE, vice-président placé

- Marianne LA-MESTA, conseiller

assistés pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffier placé

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 30 janvier 2015, la société italienne TBS SRL établie à Milan a conclu avec la SAS AG Plast, spécialisée dans la fabrication de produits en matières plastiques, un contrat de 'réalisation d'un outillage dallette, rampe et clips' stipulant qu'il a pour objet : « la fabrication d'un outillage dont la description est en annexe pour la fabrication de pièces dallette, rampe et clips ». Le contrat stipulait que le prix des pièces était augmenté d'une quote-part d'amortissement de l'outillage jusqu'à extinction de celui-ci fixée à 0,112 euros par pièce et stipulait que l'outillage restera la propriété de la société AG Plast jusqu'à l'amortissement total du coût. Le contrat de réalisation d'outillages signé le même jour et annexé au premier contrat prévoyait une finalisation du moule le 15 février 2015 et une première livraison fin février 2015. Il portait en outre une mention ainsi libellée : « cadence palette 60.000 pièces/mois » et un nombre de jours d'ouverture garantis de 22 jours par mois.

Reprochant à la société AG Plast de ne pas avoir respecté la production de dallettes mensuelles et d'avoir violé la clause contractuelle interdisant d'utiliser ce moule pour d'autres sociétés, la société TBS a, selon courrier de son conseil du 18 septembre 2017, mis la société AG Plast en demeure de respecter ses obligations contractuelles. Puis, par courrier recommandé du 17 octobre 2017, la société TBS a notifié à la société AG Plast la résiliation du contrat aux torts de cette dernière.

Par ordonnance du 24 avril 2018 le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a ordonné la restitution à la société TBS du moule 'angle' utilisé pour la fabrication des pièces et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la présente ordonnance. Puis, par acte du 19 janvier 2018, la société TBS a assigné au fond la société AG Plast devant le tribunal de commerce de Lyon en réparation de son préjudice.

Par acte d'huissier du 19 janvier 2018, la société TBS a fait délivrer assignation à la société AG Plast devant le tribunal de commerce de Lyon en indemnisation au titre d'une perte de marge et de retards d'approvisionnement.

Par jugement du 17 avril 2019, ce tribunal a :

dit les contrats du 30 janvier 2015 valables,

condamné la société AG Plast à payer à la société TBS la somme de 11.905,11 euros correspondant aux pénalités payées par cette dernière à ses clients en raison des retards d'approvisionnement,

débouté la société TBS de sa demande de dommages et intérêts correspondant à sa perte de marge,

débouté la société TBS de sa demande de restitution du moule ayant fait l'objet du contrat du 30 janvier 2015,

dit que si la société TBS souhaite prendre possession du moule, elle devra en payer le prix de 47.066,87 euros à la société AG Plast et que suite à ce paiement, la société AG Plast mettra à disposition le moule dans les locaux de la société TBS qui en deviendra propriétaire,

condamné la société TBS au règlement des factures n° 702772, 722473, 702539 et 702585 d'un montant total de 74.432,60 euros TTC à la société AG Plast,

débouté la société TBS de toutes ses autres demandes, fins et prétentions,

rejeté l'ensemble des autres demandes de la société AG Plast,

condamné la société TBS à payer à la société AG Plast la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société TBS aux entiers dépens.

La société TBS a interjeté appel par acte du 22 mai 2019 en ce qu'il :

l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts correspondant à sa perte de marge,

l'a débouté de sa demande de restitution du moule ayant fait l'objet du contrat du 30 janvier 2015,

a dit que si elle souhaite prendre possession du moule, elle devra en payer le prix de 47.066,87 euros à la société AG Plast et que suite à ce paiement, la société AG Plast mettra à disposition le moule dans les locaux de la société TBS qui en deviendra propriétaire,

l'a condamné au règlement des factures n° 702772, 722473, 702539 et 702585 d'un montant total de 74.432,60 euros TTC, à la société AG Plast,

l'a débouté de toutes ses autres demandes, fins et prétentions,

l'a condamné à payer à la société AG Plast la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a condamné aux entiers dépens.

Par conclusions du 9 juin 2020 fondées sur l'article 1134 du code civil en sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, la société TBS demande à la cour de':

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

dit les contrats du 30 janvier 2015 valables

condamné la société AG Plast à payer à la société TBS la somme de 11.905,11 euros correspondant aux pénalités payées par cette dernière à ses clients en raison des retards d'approvisionnement,

infirmer le jugement déféré sur les autres points et statuant à nouveau,

juger que la société AG Plast a manqué à ses obligations nées du contrat du 30 janvier 2015, notamment en ce qu'elle n'a jamais été en mesure d'assurer une capacité de production mensuelle de 60.000 pièces, que celle-ci soit due à un manque de diligence de sa part ou à une défectuosité du moule,

juger que le défaut d'amortissement du moule et son impossibilité d'en prendre possession sont imputables aux inexécutions contractuelles de la société AG Plast,

juger que ces inexécutions contractuelles lui ont été préjudiciables,

condamner la société AG Plast à lui payer la somme de 295.064,75 euros correspondant à la perte de marge brute qu'elle a subie sur la période du 31 janvier 2015 au 31 août 2017 sur la vente de dalles,

condamner la société AG Plast à lui payer la somme de 11.905,11 euros correspondant aux pénalités payées par cette dernière à ses clients en raison des retards d'approvisionnement de la société AG Plast,

juger que la demande de remboursement de la quote-part d'amortissement versé pour l'acquisition du moule ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel,

condamner la société AG Plast à lui payer la somme de 76.359,56 euros correspondant à la quote-part d'amortissement versé pour l'acquisition du moule,

ordonner la compensation entre les créances respectives des parties,

condamner la société AG Plast à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais et honoraires d'huissier nécessaires au séquestre du moule, distraits au profit de Me Pousset-Bougere, avocat.

Par conclusions du 11 juin 2020 fondées sur les articles 1176, 1162, 1131, 1147 et 1165 anciens du code civil et sur l'article 564 du code de procédure civile, la société AG Plast demande à la cour de':

la recevoir en son appel incident,

déclarer mal fondé l'appel de la société TBS,

déclarer la demande de la société TBS en paiement de la somme de 76.359,56 euros correspondant au prix versé pour l'acquisition du moule irrecevable comme étant nouvelle et mal fondée,

confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il :

l'a condamnée à payer à la société TBS la somme de 11.905,11 euros correspondant aux pénalités supposées payées par cette dernière à ses clients,

a rejeté la demande de condamnation de la société TBS à lui payer la somme de 47.066,87 euros au titre du solde du prix du moule,

a dit que, suite au paiement de la somme de 47.066,87 euros par la société TBS, la société AG Plast mettra à disposition le moule dans les locaux de la société TBS,

statuant à nouveau,

juger que la société TBS ne démontre pas que les pénalités de retard qu'elle a supportées sont imputables à des retards de livraison de ses commandes,

en conséquence, débouter la société TBS de sa demande de dommages et intérêts à ce titre d'un montant de 11.905,11 euros,

juger que la société TBS n'a pas réglé le solde du prix du moule,

condamner la société TBS à lui payer la somme de 47.066,87 euros au titre du solde du prix du moule,

juger que la société AG Plast n'a pas contracté d'obligation de livraison du moule,

juger que le moule sera restitué à la société TBS aux frais de celle-ci, la restitution s'opérant par une mise à disposition du moule dans les locaux de la société AG Plast, dans les 8 jours de l'encaissement de la somme de 47.066,87 euros,

condamner la société TBS à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

condamner la société TBS aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 octobre 2020, les débats étant fixés au 22 septembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs conclusions écrites précités.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le contrat ayant été régularisé entre les parties avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, complété par la loi du 20 avril 2018 ratifiant cette ordonnance, il demeure soumis à la loi ancienne, y compris pour ses effets légaux et pour les dispositions d'ordre public, conformément à l'article 9 de cette ordonnance.

A titre liminaire, la cour observe, qu'il n'a pas été interjeté appel de la disposition du jugement déclarant valable les contrats signés le 30 juin 2015, de sorte que cette disposition est confirmée. La cour relève ensuite que, si la société AG Plast fait valoir que l'absence de réalisation de la condition suspensive y figurant entraîne l'absence de prise d'effet du contrat, elle n'en tire aucune conséquence au stade de ses prétentions, de sorte que la cour n'examinera pas ce moyen.

La cour relève enfin qu'au terme d'un dispositif difficilement intelligible, la société TBS sollicite infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de restitution du moule. Néanmoins, elle ne formule aucune demande de restitution de ce moule et demande seulement à la cour, statuant à nouveau, de condamner la société AG Plast à lui payer la somme de 76.359,56 euros correspondant à la quote-part d'indemnité versée pour l'acquisition du moule, laquelle prétention, incompatible avec une demande de restitution, confirme cette analyse, encore confortée par l'examen des moyens de l'appelante qui déclare expressément que la restitution du moule à son profit n'aurait aucun sens. Il s'en suit que la cour n'est donc pas saisie d'une demande de la société TBS en restitution du moule.

Sur la responsabilité de la société AG Plast

La société TBS expose d'abord que la société AG Plast a manqué à son obligation de produire 60.000 dallettes par mois. Au soutien de ce grief, elle fait valoir que pour tenir cette cadence, l'intimée devait fabriquer un moule en mesure de produire mensuellement 60.000 pièces et garantir un fonctionnement de l'usine 22 jours par mois. Elle affirme que l'intimée a reconnu dans ses écritures de première instance s'être engagée sur cette capacité de production mensuelle de 60.000 pièces et qu'elle s'est révélée incapable de l'atteindre, ce qu'elle a d'ailleurs reconnu, de sorte que sa responsabilité est engagée. Elle précise qu'aucune mention du «'contrat de réalisation d'outillage » ne corrobore la thèse selon laquelle une telle production serait indicative et le silence gardé par la société AG Plast aux courriers lui rappelant ses engagements en la matière équivaut à une approbation.

Elle fait également grief à la société AG Plast d'avoir accumulé des retards de production empêchant l'approvisionnement de ses propres clients. A ce titre, elle indique que si le tribunal a relevé qu'elle ne justifiait pas de l'existence de commandes fermes, en réalité, les provisionnels adressés chaque année par les clients tiennent lieu de commandes, de sorte qu'elle organise son fonctionnement sur la base des volumes y figurant, notamment s'agissant de son approvisionnement auprès de son fournisseur. Elle indique que le fait que les défaillances de la société AG Plast trouvent leur origine dans un défaut du moule ou dans des inexécutions fautives de celle-ci est sans pertinence et qu'elles l'ont empêché de fournir à ses clients suffisamment de dalles, entraînant des prévisionnels systématiquement revus à la baisse et un allongement de la durée d'amortissement du moule.

Pour sa part, la société AG Plast soutient qu'elle ne s'est jamais engagé à produire 60.000 pièces par mois mais que la mention figurant au «'contrat de réalisation d'outillage'» est relative aux caractéristiques du moule à fabriquer et signifie qu'il doit être en capacité de supporter une cadence de production de 60.000 pièces par mois. Elle estime que cette mention est claire et insusceptible d'interprétation. Elle indique qu'en tout état de cause, si un tel engagement de production existait, il serait nul pour absence de cause en l'absence de contrepartie dès lors que la société TBS n'avait aucune obligation d'acheter 60.000 pièces par mois.

S'agissant des retards de livraison, elle indique n'avoir eu que des difficultés de livraison épisodiques, une seule fois en 2015, deux fois en 2016 et une fois en 2017, pour des quantités minimes, qui ne permettent pas de caractériser une défaillance générale dans l'exécution des commandes passées. Elle affirme qu'en tout état de cause, les commandes passées par la société TBS n'étaient affectées d'aucun délai de livraison contractuellement accepté, et n'ont fait l'objet d'aucune réclamation, de sorte qu'aucun retard ne peut lui être reproché. Elle ajoute que sa responsabilité ne peut être retenue en raison du non respect de délais de livraison putatifs qui n'ont jamais été précisés et donc à fortiori acceptés et alors qu'elle ignorait les éventuels engagements de la société TBS à l'égard de ses partenaires, dont l'existence n'est au demeurant pas rapportée.

En application de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article 1156 du même code, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes. Enfin, en application de l'article 1162 du même code, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.

En l'espèce, les parties ont signé le 30 janvier 2015 un contrat intitulé « contrat de réalisation d'un outillage dallette, rampe et clips » dont l'article 1 est ainsi libellé : « le présent contrat a pour objet la réalisation aux frais de la société AG Plast d'un outillage dont la description est en annexe, pour la fabrication des pièces suivantes : dallette + rampe + clips ».

Le second contrat régularisé le même jour entre les parties, intitulé « contrat de réalisation d'outillages » dont il n'est pas contesté qu'il constitue l'annexe visée au premier contrat, porte des indications comme suit :

« Outillages :

Moule Dallette 73.500 euros Rampe 29.600 euros Clip 3.800 euros

Cadence dallette 60.000 pièces/mois

Nombre de jours d'ouvertures garantis 22 jours/mois ».

Ce second contrat comporte également une rubrique intitulée « plan de référence » précisant la matière de composition du moule et le délai de sa réalisation, ainsi qu'une rubrique intitulée « montant de la réalisation » détaillant le prix de la matière, le poids des pièces réalisées à l'aide du moule et le prix unitaire de la pièce.

Il ressort de ces clauses claires et non ambiguës que ce second contrat, constitutif d'annexe au contrat de base, a pour objet de décrire l'outillage, en l'espèce le moule, permettant la fabrication des dallettes, rampes et clips. Il le décrit ainsi dans toutes ses composantes, énonçant l'ensemble de ses caractéristiques, de sorte que la notion de cadence mensuelle, qui s'entend d'une qualité théoriquement réalisable par unité de temps, désigne incontestablement la capacité de production du moule et non pas un engagement mensuel de production souscrit par la société AG Plast, laquelle au surplus souligne très justement que l'appelante ne s'est jamais engagée contractuellement à lui acheter 60.000 pièces par mois.

Au surplus, sauf à vider de leur signification les clauses contractuelles prévoyant le transfert de propriété du moule à la société TBS après amortissement, cette cadence de 60.000 pièces ne saurait s'entendre d'un objectif mensuel de production, lequel conduirait à fabriquer 720.000 dallettes en une seule année, soit la quasi totalité des quantités d'amortissement sur 30 mois fixées par le contrat à 875.000 unités.

Enfin, contrairement à ce que soutient encore l'appelante, la cour relève que la société AG Plast n'a aucunement reconnu dans ses écritures de première instance s'être engagée à produire 60.000 dallettes par mois, ce que cette dernière dément au demeurant fermement, et alors que la preuve d'un tel engagement ne peut résulter des seules affirmations en ce sens faites par l'appelante dans divers courriers, l'absence de réponse de l'intimée à ces correspondances ne signifiant aucunement une approbation de leur contenu. En conséquence, la société TBS ne peut utilement faire grief à la société AG Plast de ne pas avoir respecté une capacité de production de 60.000 pièces par mois.

S'agissant du grief tenant au retard dans la production des pièces, il est constant que le rythme de production des pièces fabriquées par le moule a été affecté à plusieurs reprises au cours de l'année 2017 en raison de la survenance d'un départ de feu, d'un problème lié au bois dans la matière, de pannes du moule et du transformateur électrique, comme en attestent les courriels de la société AG Plast du 3 janvier, 6 février, 3 mars, 30 mars, 20 avril, 27 avril, 10 mai, 17 mai, 23 mai, 23 juin, 27 juillet, 3 août et 24 août 2017.

En revanche, la société TBS qui n'allègue ni à fortiori ne démontre aucune faute de la société AG Plast à l'origine de ces dysfonctionnements de la machine, déclarant seulement que le fait que ces défaillances trouvent leur origine dans un défaut du moule ou dans des inexécutions fautives est sans pertinence, n'est en conséquence pas fondée à rechercher la responsabilité de l'intimée, laquelle nécessite de caractériser à son encontre une faute à l'origine de ce retard de production.

Par ailleurs, si la société AG Plast reconnaît avoir fait face épisodiquement à des difficultés d'approvisionnement, notamment le 22 avril 2015, le 8 février 2016, le 22 décembre 2016, le 28 décembre 2016 et le 3 mars 2017, la cour relève, comme le soutient d'ailleurs l'intimée, qu'il n'est aucunement justifié de l'existence de délais de livraison contractuellement convenus entre les parties.

Pour retenir l'existence d'un retard de livraison, c'est à tort que les premiers juges ont donc retenu un modèle économique de la relation commerciale basé sur des livraisons des pièces directement auprès des magasins revendeurs des produits, alors d'une part que cette affirmation est contestée par la société AG Plast et que d'autre part, elle n'est pas de nature à établir l'existence de délais de paiements opposables à l'intimée, puisqu'elle n'est corroborée par aucune pièce du dossier, notamment des documents de transmission à l'intimée des prévisionnels de commandes des fournisseurs.

Dans ces conditions, la société AG Plast est bien fondée à soutenir que la société TBS ne peut, sauf à méconnaître le principe de l'effet relatif des contrats, lui opposer ses propres engagements à l'égard de ses fournisseurs, dont au demeurant il n'est pas démontré qu'ils comportaient des délais de livraison.

Enfin et au surplus, contrairement à ce qu'ont encore retenu à tort les premiers juges, la société TBS ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice résultant des retards des livraison. En effet, le courriel de la société King Fischer ainsi que la facture de la société B&Q, rédigés en anglais et non traduit sont dépourvus de toute force probante. Par ailleurs, la facture de la société Conforma du 25 octobre 2017 appliquant une pénalité pour non respect du taux de service entrepôts pour la période du 1er août 2017 au 31 août 2017, dont rien ne permet d'établir qu'elle se rapporte à un retard de production imputable à la société AG Plast, faute de justifier de la commande correspondante passée auprès d'elle sur la même période, n'est pas de nature à établir que ce préjudice trouve son origine dans une défaillance de cette dernière. Les affirmations de paiements de pénalités contenus dans des courriels adressés par la société TBS à son fournisseur sont également impropres à démontrer la réalité de ce préjudice en ce qu'elle constituent des preuves à soi-même.

En considération de ces éléments, la société TBS échoue à démontrer que les conditions de la responsabilité de la société AG Plast sont réunies, de sorte qu'elle est mal fondée en ses demandes indemnitaires et le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a condamné cette dernière à une indemnité au titre d'un retard de livraison.

Sur la demande en paiement de factures formée par la société AG Plast

La société AG Plast fait valoir que la société TBS reste lui devoir la somme de 74.432,60 euros au titre de factures impayées pour des commandes livrées et que malgré deux mises en demeure aucun règlement n'est intervenu.

La société TBS réplique que compte tenu de la défaillance de la société d'AG Plast dans l'exécution de ses obligations, elle était fondée à refuser de régler les factures en application du principe d'exception d'inexécution.

Il appartient à celui qui invoque l'exception d'inexécution en alléguant que son cocontractant n'a rempli que partiellement son obligation, d'établir cette inexécution. Il appartient en outre au juge de déterminer si cette inexécution est suffisamment grave pour affranchir l'autre partie de ses obligations.

En l'espèce, c'est par des motifs exacts que la cour adopte que les premiers juges ont constatés l'existence de trois factures n° 702772, n° 722473, n° 702539 et n°702585, émises par la société AG Plast en exécution de livraisons non contestées par la société TBS et qu'elle n'a toutefois pas réglée. Dans ces circonstances et alors qu'aucune inexécution fautive du contrat n'est démontrée à l'encontre de la société AG Plast, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société TBS a lui régler la somme de 74.432,60 euros TTC au titre du paiement de ces quatre factures.

Sur la demande en paiement de la somme de 76.359,56 euros au titre de l'indemnisation du versement d'une quote-part d'amortissement du moule en pure perte

La société TBS fait valoir que son carnet de commandes réalisé du 31 janvier 2015 au 31 août 2017 fait état de 1.036.166 dalles commandées, de sorte que le moule aurait dû déjà être amorti, ce qui n'a pas été le cas compte tenu du fait que la société AG Plast n'a pas été en capacité de produire 60.000 pièces par mois. Elle ajoute que l'intimée n'a pas honoré les dernières commandes passées en août 2017, de sorte qu'elle a été contrainte de s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs. Elle ajoute que la restitution de ce moule n'aurait aujourd'hui aucun sens d'autant qu'il a vraisemblablement été endommagé par les négligences de la société AG Plast qui ne l'a pas utilisé de manière adéquate afin d'éviter les défaillances annexes. Elle estime donc avoir versée une quote-part d'amortissement en pure perte. En réponse à la société AG PLAST elle affirme que cette demande n'est pas nouvelle en cause d'appel, dès lors qu'elle constitue une demande complémentaire à celle de restitution du moule formée en première instance et ce compte tenu de l'évolution du litige résultant du jugement de première instance.

La société AG Plast soutient quant à elle que cette demande est nouvelle en appel. Subsidiairement, elle fait valoir que si l'amortissement du moule tel que fixé au contrat n'a jamais été atteint c'est en raison de l'insuffisance des commandes passées par la société TBS. Elle indique que le moule est en parfait état de fonctionnement et qu'en réalité la société TBS a depuis le mois d'août 2017 décidé de s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs. Elle ajoute qu'en l'absence de fautes retenues à son encontre, le contrat a été résilié aux torts de la société TBS de sorte que cette dernière est tenue au paiement du solde du moule d'un montant de 47.066,87 euros. Elle indique que le contrat ne prévoyant aucune obligation de livrer le moule à la société TBS, il appartiendra à cette dernière d'en prendre livraison dans ses locaux. Elle fait valoir que la société TBS reste devoir la somme de 47.066,87 euros au titre de l'amortissement du moule dès lors qu'elle a seulement acquitté la somme de 59.683,13 euros (sur le prix du moule de 106.750 euros) et non pas 76.359,56 euros comme alléguée par l'appelante.

S'agissant de la recevabilité de cette demande

En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Conformément à l'article 566 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Selon l'article 567, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, la demande en paiement de la somme de 76.359,56 euros au titre de la quote-part versée au titre de l'amortissement du moule ne constitue pas une demande nouvelle, dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que la demande en restitution du moule formulée en première instance, la société TBS revendiquant ainsi l'indemnisation du préjudice dont elle s'estime victime et résultant de l'absence d'amortissement du moule qu'elle impute à la société AG Plast. En conséquence le moyen d'irrecevabilité tiré du caractère nouveau en appel de cette demande est écarté.

S'agissant du bien fondé de la demande

Le contrat intitulé «'contrat de réalisation d'un outillage dallette, rampe et clips » prévoit que l'outillage reste la propriété de la société AG Plast jusqu'à l'amortissement total du coût fixé à une quote-part d'amortissement de 0,122 euros par pièce pour une quantité d'amortissement de 875.000 unités, répartie prévisionnellement en 250.000 unités l'année 1, en 315.000 unités l'année 2 et en 310.000 unités l'année 3. Le contrat prévoyait également la possibilité pour la société TBS de devenir propriétaire de l'outillage à tout moment, par versement anticipé du solde de l'amortissement du moule à la date du règlement.

La cour relève d'abord qu'il est admis par les parties que l'objectif de production de 875.000 unités nécessaire au transfert de propriété n'a pas été atteint. Or, si la société TBS soutient avoir passé commande à la société AG Plast de 1.036.166 dalles entre le 31 janvier 2015 et le 31 août 2017, cette affirmation n'est assortie d'aucune offre de preuve, aucun carnet de commande relatif à cette période n'étant versé aux débats. Par ailleurs, le courrier de réclamations adressé par le conseil de l'appelante à la société AG Plast le 18 septembre 2017 lui faisant grief de ne pas respecter l'engagement de production mensuelle, de ne pas satisfaire aux commandes passées, l'obligeant à s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs et la mettant en demeure de cesser tout approvisionnement d'une autre société, constitue une preuve à soi-même, et aucune pièce versée aux débats ne vient corroborer la réalité des griefs qui y sont énoncés. Contrairement à ce que soutient l'appelante, ce courrier n'est donc pas de nature à démontrer que l'intimée n'aurait pas honoré les dernières commandes passées en août 2017.

Dans ces conditions, la société TBS qui admet s'être approvisionnée auprès d'autres fournisseurs et qui échoue à rapporter la preuve des manquements contractuelles de l'intimée, qui l'auraient contrainte à recourir à cet approvisionnement extérieur et qui auraient fait échec au transfert de propriété du moule suivant les modalités d'amortissement prévu au contrat ne démontre pas avoir versé une quote-part d'amortissement en pure perte, étant au surplus relevé que les allégations selon lesquelles le moule a vraisemblablement été endommagé par les négligences de la société AG Plast qui ne l'a pas utilisé de manière adéquate, qui ne sont pas davantage assortie d'une offre de preuve sont ainsi purement hypothétiques. Il convient donc de débouter l'appelante de sa demande en paiement de la somme de 76.359,56 euros au titre de l'indemnisation du versement d'une quote-part d'amortissement du moule en pure perte et étant relevé qu'en l'absence de preuve de fautes commises par la société AG Plast dans l'exécution du contrat, sa résiliation unilatérale à l'initiative de la société TBS n'est pas intervenue aux torts de l'intimée. Dans ces conditions, la demande de l'appelante de compensation entre les créances respectives des parties ne peut davantage prospérer.

Sur la demande en paiement du solde du moule formée par la société AG Plast

Il ressort de l'application des articles 3 et 5 du « contrat de réalisation d'un outillage dallette, rampe et clips » régularisé entre les parties qu'en l'absence de production des 875.000 unités nécessaires au transfert de propriété du moule, et compte tenu de la résiliation du contrat, aucun transfert de propriété du moule n'est intervenu au profit de société TBS, ce qui est au demeurant admis par les parties.

La cour relève par ailleurs, que l'intimée qui demande la confirmation du jugement de première instance rejetant la demande de restitution du moule formée par la société TBS, n'est ainsi pas fondée à demander à cette dernière paiement du solde nécessaire au transfert de propriété à son profit, laquelle société TBS ne sollicite au demeurant pas à hauteur d'appel la restitution de cet outillage.

Compte tenu de ces éléments, il n'y a pas davantage lieu de dire que le moule sera restitué à la société TBS aux frais de celle-ci par la société AG Plast et que la restitution s'opérera par une mise à disposition du moule dans les locaux de la société AG Plast, dans les huit jours de l'encaissement de la somme de 47.066,87 euros.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Succombante dans l'appel, la société TBS doit supporter les dépens et les frais irrépétibles qu'elle a supportés en première instance, comme en appel de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur ces deux points et de condamner la société TBS à payer à la société AG Plast une indemnité complémentaire de procédure à hauteur d'appel de 3.000 euros outre les dépens d'appel. Il convient également de débouter la société TBS de sa demande d'indemnité de procédure formée à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société AG Plast à payer à la société TBS la somme de 11.905,11 euros au titre des pénalités pour retards d'approvisionnement et en ce qu'il a dit que si la société TBS souhaite prendre possession du moule, elle devra en payer le prix de 47.066,87 euros à la société AG Plast et que suite à ce paiement, la société AG Plast mettra à disposition le moule dans les locaux de la société TBS qui en deviendra propriétaire,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute la société TBS de sa demande en paiement de la somme de 11.905,11 euros au titre des pénalités pour retards d'approvisionnement,

Déclare recevable la demande en paiement de la somme de 76.359,56 euros à titre d'indemnisation du versement d'une quote-part d'amortissement du moule en pure perte formée par la société TBS à hauteur d'appel,

Déboute la société TBS de sa demande en paiement par la société AG Plast de la somme de 76.359,56 euros à titre d'indemnisation du versement d'une quote-part d'amortissement du moule en pure perte,

Déboute la société TBS de sa demande de compensation de créances entre les parties,

Déboute la société AG Plast de sa demande en paiement par la société TBS de la somme de 47.066,87 euros au titre du solde du prix du moule,

Déboute la société AG Plast de sa demande de restitution du moule à la société TBS, par mise à disposition du moule dans ses locaux, dans les huit jours de l'encaissement de la somme de 47.066,87 euros,

Déboute la société TBS de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

Condamne la société TBS à payer à la société AG Plast une indemnité de procédure de 3.000 euros à hauteur d'appel,

Condamne la société TBS aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/03576
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;19.03576 ?
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