La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2022 | FRANCE | N°18/08202

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 27 octobre 2022, 18/08202


N° RG 18/08202

N° Portalis DBVX - V - B7C - MBQU









Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 11 septembre 2018



4ème chambre



RG : 15/05006

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 27 Octobre 2022







APPELANT :



M. [E] [P]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 5]



représenté par la SARL VJA AVOCATS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1132

et pour avocat plaidant Maître Hervé BROSSEAU, avocat au barreau de NANCY









INTIMEE :



SA CRÉDIT LYONNAIS

[Adresse 3]

[Localité 4]



r...

N° RG 18/08202

N° Portalis DBVX - V - B7C - MBQU

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 11 septembre 2018

4ème chambre

RG : 15/05006

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 27 Octobre 2022

APPELANT :

M. [E] [P]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par la SARL VJA AVOCATS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1132

et pour avocat plaidant Maître Hervé BROSSEAU, avocat au barreau de NANCY

INTIMEE :

SA CRÉDIT LYONNAIS

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Maître Pierre BUISSON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 140

et pour avocat plaidant la SELARL CABINET CUSIN, avocat au barreau de PARIS

******

Date de clôture de l'instruction : 04 Février 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Juillet 2022

Date de mise à disposition : 27 Octobre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Annick ISOLA, conseiller

assistés pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier

A l'audience, l'un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

M. [P] a souscrit trois prêts immobiliers auprès de la société Crédit Lyonnais (ci-après la banque) :

- suivant offre du 25 août 2010, acceptée le 6 septembre 2010,

- un prêt (n°1) d'un montant de 22 500 euros, remboursable sur 72 mois, au taux d'intérêt nominal de 0 %, le taux effectif global (TEG) stipulé étant de 1,04 % et le taux de période de 0,09 %.

- un prêt (n°2) d'un montant de 121 930 euros, remboursable en 300 mensualités, au taux d'intérêt nominal de 3,65 %, le taux effectif global (TEG) stipulé étant de 4,14 % et le taux de période de 0,35%.

- suivant offre du 14 octobre 2010 acceptée le 26 octobre 2010, un prêt (n°3) de 30 000 euros remboursable en 324 mois au taux d'intérêt nominal de 3,55 % l'an, le TEG étant de 4,17 % l'an et le taux de période de 0,35%.

Le 5 mai 2015, faisant valoir que les TEG indiqués seraient inexacts, M. [P] a assigné la banque devant le tribunal de grande instance de Lyon en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel et, subsidiairement, en déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Par jugement du 11 septembre 2018, le tribunal a débouté la banque de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription, débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

M. [P] a relevé appel de cette décision le 23 novembre 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 19 décembre 2019, il demande en substance, à la cour de réformer la décision critiquée et, statuant à nouveau, de :

- juger que le prêteur qui n'exécute pas le contrat en ce qui concerne le taux appliqué et la période ne peut prétendre qu'aux intérêts au taux légal et le condamner à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application de l'intérêt légal,

- déclarer abusive et par suite non écrite la clause recourant à une année de 360 jours pour calculer les intérêts, ordonner que l'amortissement du capital mis à disposition sera poursuivi sans substitution d'un autre taux d'intérêt et ordonner l'émission d'un nouveau tableau d'amortissement expurgé des conséquences des stipulations abusives

et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait perçues en sus de l'intérêt légal,

- subsidiairement, juger que la stipulation d'intérêts est nulle, ordonner le retour à l'intérêt légal et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application de l'intérêt légal ;

- prononcer la déchéance du prêteur au droit aux intérêts contractuels faute d'avoir intégré au calcul du TEG les coûts exacts de la dette, lui substituer le taux légal et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application de l'intérêt légal,

- condamner la banque à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, avec faculté de recouvrement direct au profit de Me Yann Vieuillé, avocat au barreau de Lyon,sur son affirmation de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 24 janvier 2020, la banque demande à la cour de confirmer le jugement critiqué et de condamner M. [P] à lui verser une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, dont distraction au profit de Me Buisson, avocat.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

- sur l'erreur affectant le calcul du TEG :

Il est constant qu'en cas d'erreur affectant la mention du TEG dans contrat de prêt, la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels n'est pas encourue mais le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et de l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016, que la mention, dans l'offre de prêt acceptée, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que ce calcul ait généré au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 précité.

En l'espèce, M. [P] critique la clause qui prévoit que les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an.

En se basant exclusivement, ainsi que le fait observer la banque, sur la seule première échéance du prêt n° 3, qui est d'une durée inférieure à un mois et se compte donc en jours, il soutient que le TEG exact serait de 3,599 % l'an et non de 3,55% l'an comme indiqué au contrat de prêt.

Par suite, même à la supposer avérée, l'erreur dénoncée induit une erreur inférieure à la décimale, ce dont il se déduit qu'aucune sanction n'est encourue.

- sur la durée de la période :

M. [P] fait valoir que la période mentionnée dans les contrats de prêt 'ne notifie strictement aucune durée', en violation de l'article R 312-1-II du code de la consommation.

Chacune des offres de prêt précise que la durée de la période est mensuelle.

L'article R 313-1 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, qui résulte du décret du 2 juin 2002, énonçait que « le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur », étant observé que l'article R 312-1-II cité par M. [P] dans ses écritures n'existait pas à la date à laquelle les prêts ont été souscrits.

Ainsi que le fait valoir la banque, la périodicité des versements ne s'exprime pas en nombre de jours, mais par le rythme des paiements, de sorte que la précision que les paiements sont mensuels correspond aux prévisions du texte ; en décider autrement reviendrait à ajouter à celui-ci une exigence qu'il ne comporte pas ; aucune sanction du prêteur n'est en conséquence encourue sur ce point.

- sur le taux de période

M. [P] fait valoir que les prêts contreviennent aux dispositions de l'article R 313-1 du code de la consommation en ce que leur indication avec un chiffre d'une valeur absolue n'est pas suivie du taux suivi de l'indication %.

En l'espèce, les indications des prêts sont présentées sous la forme suivante :

- taux d'intérêt hors assurance : 3,65

- TEG mensuel : 0,35

- TEG annuel : 4,14

La banque répond que tout lecteur de bonne foi et en tout cas doté d'une intelligence moyenne conclut que le taux effectif global est de 4,14 % puisqu'il s'agit d'un taux et que le taux de période (mensuel) est de 0,35 % puisqu'il s'agit aussi d'un taux.

Les indications ci-dessus reproduites étant suffisamment claires pour tout lecteur, le grief allégué n'est pas constitué.

- sur l'absence de communication à l'emprunteur d'un TEG « rapporté» sur la durée de 365  jours :

Les offres de prêt indiquent : 'nous vous précisons que le taux effectif global des prêts est indiqué sur la base du montant exact des intérêts rapportés à 365 jours l'an'.

M. [P] soutient qu'il résulte de cette formulation que le taux périodique a été calculé sur la durée de mois comptés pour 30 jours seulement et que le TEG a été obtenu après un « passage » sur une base de calcul de 365 jours, alors que le prêteur a énoncé un taux annuel parfaitement proportionnel au taux mensuel, ce qui démontre que le TEG a été obtenu sur la base de mois de 30 jours et que le contrat n'a pas été appliqué. Il affirme que si le prêteur avait calculé le TEG sur la base d'une année de 365 jours, il aurait obtenu un taux de 4,26 %, et non de 4,14 % comme indiqué au contrat.

Ainsi que le fait valoir la banque, le calcul dont se prévaut M. [P] repose sur un nombre erroné dans la mesure où il affecte le taux de période d'un multiplicateur de 12,1666667 qui correspond au résultat de l'opération (365/360) x12 alors qu'une année ne comprend que 12 mois et non 12,1666667 et que tant le taux de période que le TEG mentionnés dans les actes de prêt ont nécessairement été arrondis pour ne comprendre que deux chiffres après la virgule, et ce conformément au d) de l'annexe à l'article R 313-1 du code de la consommation.

Au surplus, l'inexactitude alléguée n'étant pas au détriment de l'emprunteur, aucun grief n'est caractérisé.

- sur le caractère abusif de la clause proposant d'adhérer à des modalités d'amortissement calculées sur une durée qui n'est pas l'année civile en ce qu'elle n'aurait pas été expliquée à l'emprunteur, d'une part et qu'elle majore le taux convenu au détriment du consommateur, d'autre part :

Ce moyen n'avait pas été soulevé par M. [P] en première instance.

L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, énonce que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il revient en conséquence aux juges du fond d'examiner le caractère abusif d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours et d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il est constant que cette approche est objective et qu'il incombe à l'emprunteur qui en invoque l'existence de rapporter la preuve que la clause qu'il entend voir qualifier d'abusive a un impact concret sur le coût du crédit, le seul fait qu'elle soit susceptible de priver le consommateur de la possibilité de connaître le coût de son prêt étant sans emport (cf Ccass. 1ère civile, 11 mars 2020, n° 19 -10.858, 5 mars 2020, n°19 -11.275, 9 septembre 2020 n° 19 -14.934, 2 février 2022, n°20 -10.036).

Or, ainsi que le fait valoir à juste titre la banque, M. [P] procède par affirmation mais ne démontre nullement que la clause qu'il critique serait de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties ; il n'allègue même aucun préjudice matériel qui en résulterait pour lui et ne propose pas davantage une quantification de cet éventuel préjudice dans ses écritures, qui permettrait de considérer que le déséquilibre est significatif.

La clause critiquée ne sera donc pas déclarée abusive.

- sur la demande d'annulation de la stipulation conventionnelle des intérêts en ce qu'elle prévoit leur calcul sur une autre période que l'année civile normalisée de 30,4166 jours :

M. [P] fait valoir que des cours d'appel se sont prononcées en 2015, 2016 et 2017 dans le sens de l'annulation d'une telle stipulation d'intérêts en ce qu'elle viole frontalement les dispositions d'ordre public du code de la consommation.

Il est aujourd'hui constant qu'en cas d'erreur affectant la mention du TEG dans le contrat de prêt, la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels n'est pas encourue mais le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

C'est pourquoi la demande d'annulation ne peut être que rejetée.

En l'absence d'erreur affectant le TEG et de caractère abusif de la clause stipulant le calcul des intérêts conventionnel, il convient de dire que la banque n'a manqué à aucune de ses obligations et de débouter M. [P] de sa demande en paiement de dommages-intérêts, le jugement étant confirmé de ce chef.

M. [P], partie perdante, sera condamné aux dépens.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la banque et de rejeter la demande de M. [P] sur ce point.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 11 septembre 2018 ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de M. [P] tendant à réputer non écrite la clause recourant à une année de 360 jours pour calculer les intérêts ;

Le condamne aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Pierre Buisson, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile, et à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 18/08202
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;18.08202 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award