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27/10/2022 | FRANCE | N°18/07329

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 27 octobre 2022, 18/07329


N° RG 18/07329 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L7MY









Décision du Tribunal de Grande Instancede BOURG-EN-BRESSE

Au fond du 13 mai 2014





RG : 12/00009







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 27 Octobre 2022







APPELANTE :



Mme [B] [J] exerçant sous l'enseigne SILHOUETTE HARMONIE ET BEAUTE

née le 18 Septembre 1968 à TETOUAN (MAROC)<

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[Adresse 6]

[Localité 2]



Représentée par la SELARL CONCORDE ' DROIT IMMOBILIER, avocat au barreau de LYON, toque : 406









INTIME :



M. [C] [O]

né le 18 Mars 1954 à MEXICO (MEXIQUE)

[Adresse 4]

[Localité 3] (ES...

N° RG 18/07329 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L7MY

Décision du Tribunal de Grande Instancede BOURG-EN-BRESSE

Au fond du 13 mai 2014

RG : 12/00009

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 27 Octobre 2022

APPELANTE :

Mme [B] [J] exerçant sous l'enseigne SILHOUETTE HARMONIE ET BEAUTE

née le 18 Septembre 1968 à TETOUAN (MAROC)

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL CONCORDE ' DROIT IMMOBILIER, avocat au barreau de LYON, toque : 406

INTIME :

M. [C] [O]

né le 18 Mars 1954 à MEXICO (MEXIQUE)

[Adresse 4]

[Localité 3] (ESPAGNE)

Représenté par la SELARL PIRAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 704

Représenté par Me Sabine VIALLE, avocat au barreau D'ANNECY

INTERVENANTE :

SELARL MJ SYNERGIE

Prise en son établissement secondaire

[Adresse 5]

[Localité 1] (AIN)

Représentée par la SELARL CONCORDE ' DROIT IMMOBILIER, avocat au barreau de LYON, toque : 406

******

Date de clôture de l'instruction : 22 Octobre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Octobre 2021

Date de mise à disposition : 6 janvier 2022 prorogée au 10 mars 2022, 7 avril 2022,30 juin 2022, 29 septembre 2022, 15 décembre 2022 avancée au 27 octobre 2022 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Annick ISOLA, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Mme [D] épouse [O] a consenti à la Société Générale un bail commercial portant sur des locaux situés à [Adresse 7] par acte du 28 mai 1977 pour une durée de neuf ans commençant à courir le 1er février 1977.

Par acte authentique du 20 septembre 1999, un avenant à ce bail a été conclu entre M. [C] [O] venant aux droits de Mme [D] et la société Graine de Beauté venant aux droits de la Société Générale.

La société Graine de Beauté a cédé son fonds de commerce à Mme [B] [J] par acte authentique du 22 mai 2000 comportant bail. L'acte précise notamment que le bail porte sur des locaux d'une superficie de 167 m², qu'il a été renouvelé le 1er janvier 1999 pour se terminer à pareille époque 1er janvier 2008, que le loyer a été réduit à 11 342,21 euros par an hors charges à compter du 22 mai 2000, qu'il est révisable en fonction des variations de l'indice trimestriel du coût de la construction, que les réparations de l'article 606 du code civil et l'impôt foncier sont à la charge du bailleur et que sont autorisées les activités suivantes : institut de beauté et tout ce qui concerne les soins corporels à caractère esthétique.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 mars 2012, M. [O] a demandé que soit appliquée la révision indiciaire triennale et a réclamé un loyer de 1427,04 euros par mois à compter du 29 mars 2012.

Suivant mémoire du 27 juillet 2012, il a réitéré sa demande. Mme [J] s'est opposée à cette augmentation, motif notamment pris de l'état des locaux affectés par des infiltrations.

Une expertise judiciaire a été ordonnée ; l'expert a déposé son rapport le 10 octobre 2013, retenant une valeur locative annuelle de 22'400 euros hors-taxes.

Par jugement du 13 mai 2014, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a :

- fixé le loyer indexé pour la période du 29 mars 2012 au 1er février 2014 à 1427,04 euros hors-taxes par mois outre intérêts au taux légal sur la différence entre les loyers, payés depuis cette date et le loyer résultant de la fixation, à compter de la signification du jugement

- fixé le montant du loyer du bail renouvelé au 1er février 2014 à la somme de 21'570 euros par an hors taxes et hors charges soit 1797,50 euros par mois avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2014,

- condamné Mme [J] à payer à M. [O] les sommes de 919,64 euros au titre des charges impayées pour les années 2011, 2012 et 2013 et 6449,08 euros hors-taxes au titre des loyers impayés de décembre 2013 à mars 2014 compris, rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [J] aux dépens incluant les frais d'expertise.

Le premier juge a considéré en substance que compte tenu des infiltrations récurrentes, auxquelles le bailleur n'avait pas remédié, il convenait de retenir une surface pondérée de 107,85 m² et non 112 m² comme l'avait fait l'expert, qu'il appartenait à Mme [J] d'agir contre le propriétaire pour les réparations immobilières, que les facteurs locaux de commercialité avaient évolué favorablement, que les loyers du voisinage conduisaient à retenir une valeur locative moyenne de 200 euros le mètre carré et que la clause d'indexation contractuelle devait être appliquée pour la période du 29 mars 2012 au 1er février 2014.

Mme [J] a relevé appel de ce jugement le 29 juillet 2014.

Par ordonnance du 20 octobre 2015, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer formée par Mme [J] dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire de M. [X] désigné à sa demande en référé le 1er avril 2014 aux fins de décrire les désordres affectant l'immeuble, d'en rechercher l'origine et d'évaluer le coût des réparations nécessaires.

Mme [J] a cessé l'exploitation du commerce en décembre 2015.

L'expert judiciaire [X] a déposé son rapport le 18 juillet 2016. Dans le cadre de l'instance au fond engagée devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, le juge de la mise en état lui a confié un complément d'expertise par ordonnance du 29 janvier 2018 à la suite de l'effondrement du plafond du local commercial.

Par ordonnance du 12 juin 2018, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de la procédure du rôle des affaires en cours.

Mme [J] a sollicité le rétablissement de l'affaire au rôle par conclusions déposées au greffe le 11 octobre 2018, la procédure a été réinscrite au rôle des affaires en cours.

Par conclusions déposées au greffe le 17 mai 2019, Mme [J] demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- fixé le montant du loyer indexé pour la période du 29 mars 2012 au 1er février 2014 à la somme mensuelle de 1 427,04 euros HT par mois outre intérêts au taux légal sur la différence entre les montants réglés depuis cette date et le montant résultant de la présente fixation des loyers, à compter de la signification de la présente décision,

- fixé le montant du loyer du bail renouvelé au 1er février 2014 à la somme de 21 570 euros HT par an hors charges, soit 1 797,50 euros par mois outre intérêts au taux légal à compter du 14 février 2014,

- condamné la locataire à régler les charges de l'année 2011 à 2013 pour un total de 919,64 euros,

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis à sa charge les dépens incluant les frais d'expertise.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau sur ces chefs, de :

A titre principal :

- dire et juger que le juge des loyers n'avait pas le pouvoir de renouveler le bail qui se poursuit tacitement,

- dire et juger qu'il n'est pas rapporté la preuve qu'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité aurait entraîné par elle-même une variation de la valeur locative de plus de 10%,

- dire et juger que le juge des loyers n'a pas correctement plafonné le loyer révisé à compter du 29 mars 2012,

- en conséquence, fixer le montant du loyer révisé à compter du 29 mars 2012 à la somme de 11 342, 21 euros par an, hors taxes et hors charges.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire le loyer révisé devait être fixé à la valeur locative, fixer le montant du loyer révisé à compter du 29 mars 2012 à la somme de 14 288 euros HT par an, hors charges, soit 1 190,67 euros HT par mois.

En toute hypothèse :

- rejeter toutes les demandes de M. [O],

- le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance, outre les dépens.

- le condamner à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Par conclusions déposées au greffe le 19 juillet 2019, M. [O] demande à la cour de confirmer le jugement du 13 mai 2014 en ce qu'il a :

- fixé à la somme de 1 427,04 euros HT par mois à compter du 29 mars 2012 et jusqu'au 1er février 2014 le montant du loyer dû, sauf en ce qu'il fixé les intérêts au taux légal sur la différence entre les montants réglés depuis cette date et le montant résultant de la présente fixation des loyers, à compter de la signification de la décision,

- condamné Mme [J] à régler les charges de l'année 2011 à 2013 pour un total de 919,64 euros ;

- condamné Mme [J] aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise réglés par ses soins et s'élevant à la somme de 2 872,29 euros.

Le réformer pour le surplus et en conséquence :

- condamner Mme [J] à payer les intérêts moratoires sur la différence entre le loyer réglé et le loyer dû à compter du 29 mars 2012,

- fixer le montant du loyer du bail au 1er février 2014 à la somme de 22 400 euros HT par an, soit 1 866,67 euros par mois, outre intérêts au taux légal à compter du 14 février 2014, et jusqu'au prononcé de la décision judiciaire décidant de la résiliation du bail,

- condamner Mme [J] à régler les charges de l'année 2013 à 2015 pour un total de 1 139,52 euros ;

- condamner Mme [J] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de première instance,

- condamner Mme [J] à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens qui seront repris ci-après.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 octobre 2019.

MOTIVATION

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Il sera rappelé qu'aucune des parties n'a formé de critique de la condamnation à payer les loyers pour 6449,08 euros hors-taxes au titre des loyers impayés de décembre 2013 à mars 2014 compris et de réclamation sur ce point dont la cour n'est en conséquence pas saisie.

Ainsi que le fait valoir Mme [J], le bail n'a pas été renouvelé mais s'est prolongé par tacite reconduction à l'issue de la période de neuf années. Le bail initial a été conclu le 1er février 1977. L'acte authentique de cession du fonds de commerce date son renouvellement au 1er janvier 1999 à la suite d'une erreur de plume qui a été rectifiée par les parties, lesquelles retiennent toutes deux dans leurs écritures celle du 1er février. Comme l'a fait le tribunal, la cour retiendra la date du 1er février 1999.

- sur la valeur locative

Aux termes des dispositions de l'article L 145-33 du code de commerce, 'le montant des loyers des baux à renouveler ou à réviser doit correspondre à la valeur locative. À défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

- 1° les caractéristiques du local considéré

- 2° la destination des lieux

- 3° les obligations respectives des parties

- 4° les facteurs locaux de commercialité

- 5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Un décret en conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments'.

En l'espèce, l'expert [U] a évalué la valeur locative en tenant compte de l'état du local qu'il a estimé majoritairement bon tout en relevant les traces d'humidité ou d'infiltration d'eau sur certains plafonds, de sa superficie de 152,49 m², de l'évolution des facteurs locaux de commercialité et des prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Les parties s'accordent pour retenir le prix de 200 euros du mètre carré énoncé par l'expert au vu des prix couramment pratiqués dans le voisinage et s'opposent exclusivement sur l'état des locaux et sur l'évolution des facteurs de commercialité qui seront donc seuls examinés par la cour.

Mme [J] soutient que les coefficients de pondération retenus tant par l'expert que par le tribunal auraient dû être minorés en raison des conséquences des désordres qu'elle a subis et rappelle que l'expert [X] a évalué la perte d'exploitation qui s'en est suivie à 188'000 euros pour la période 2009 - 2014. Elle estime qu'au regard de l'état d'entretien et de vétusté du local, la surface totale pondérée ne peut excéder 71,44 m².

Elle indique avoir subi un premier dégât des eaux en mars 2008 et produit le rapport d'expertise amiable établi à la demande de son assureur le 8 juin 2009 qui atteste de désordres affectant la salle d'eau, la salle de soins affectée notamment par des infiltrations au niveau du puits de lumière, le plafond du couloir et le radiateur au niveau duquel les essais ont mis en évidence entre 25 et 40 % d'humidité, et la vitrine dans laquelle en cas d'orage l'eau s'écoule depuis un joint de faux plafond.

Elle se prévaut également d'un constat d'huissier du 5 janvier 2011 qui confirme la présence de traces et de dégradations causées par les infiltrations, et d'un autre constat de septembre 2013 qui évoque des traces d'humidité.

M. [O] répond que l'expert [U] qui a examiné les lieux en 2013 a trouvé le local bien adapté et en bon état malgré plusieurs traces d'humidité, et a précisé qu'il ne pouvait être retenu 'un état de fuites d'eau permanent et non réparable' et que ses conclusions contredisent les constatations du cabinet [A] produites par Mme [J], qui ne sont pas contradictoires et s'appuient sur les affirmations de la preneuse et non sur des observations. Il relève que M. [A] a constaté que l'ensemble du local était occupé, de même que l'expert judiciaire [X] en 2014 et 2015. Il affirme avoir réalisé les travaux lui incombant et soutient que Mme [J] est seule responsable de l'état actuel du salon. Il conteste la pondération supplémentaire opérée par le premier juge au motif qu'elle n'est pas destinée à apprécier l'état général du local mais son utilisation commerciale.

Il demande à la cour de retenir les coefficients de pondération fixés par l'expert et fait observer que l'activité de spa et de hammam n'entre pas dans l'objet du bail, qu'il ne l'a pas autorisée et que celle-ci est à l'origine de l'humidité constatée par l'expert judiciaire.

L'article R 145-3 du code de commerce précise que dans le cadre de la détermination de la valeur locative, les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail.

L'article R 145-8 du même code dont excipe Mme [J] traite des obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire et des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Or, il ne résulte pas des stipulations contractuelles citées ci-avant que le bailleur se soit déchargé sur la locataire d'obligations qui lui incombent.

L'expert [U] qui a visité les lieux le 17 mai 2013 a indiqué que l'activité exercée correspondait à celle décrite dans le bail et a noté un problème d'étanchéité du puits de lumière dans la pièce n°5, ainsi que des traces d'humidité aux plafonds des pièces n° 8, 9 et 17. Il a précisé qu'il ne pouvait être retenu un état de fuites permanent et non réparable. Ces désordres ont été pris en considération dans sa détermination de la valeur locative (p12 du rapport).

Le rapport privé de M. [A] qui a visité les lieux pour le compte de Mme [J] le 10 octobre 2013 conclut quant à lui à des dégâts d'eau importants affectant quatre cabines, la salle d'eau du hammam, la cuisine, le placard du couloir, celui de la cuisine et la vitrine et qui ont pour origine le défaut d'étanchéité de la terrasse supérieure, notamment autour des skydomes ou lanterneaux, et des remontées d'eau par capillarité et/ou par les canalisations d'évacuation.

L'expert judiciaire [X] qui a examiné les lieux le 26 août 2014 a noté des traces d'infiltrations sur le plafond et les murs de la salle d'épilation, de la cuisine, du cabinet de soins, de la salle d'alphalipologie, des murs saturés d'humidité dans le hammam ainsi que sur 1m² du plafond de cette pièce, le plafond de la salle de gommage saturé d'humidité, des traces de couleur noirâtre sur les parois de trémies des lanterneaux ainsi que des remontées d'humidité dans le placard du couloir. Il a indiqué que les infiltrations et/ou remontées d'eau étaient persistantes malgré les travaux diligentés par le bailleur.

Il a conclu que des défauts majeurs affectent l'étanchéité de la toiture terrasse et sont à l'origine des infiltrations au droit des cinq lanterneaux et du plafond de la salle de gommage, qu'il existe des remontées intrinsèques d'humidité par le sol au niveau des placards de la cuisine et du couloir, et que l'isolation sommaire des cinq lanterneaux est incompatible avec l'activité du salon de beauté qui provoque de la condensation, précisant que ces difficultés devaient être réglées par le propriétaire.

Il a ajouté que les défauts d'étanchéité affectant la façade, à l'origine des infiltrations le long de la vitrine ressortaient de la compétence du syndicat des copropriétaires et que l'humidité anormale des murs et du plafond du hammam résultaient de l'installation par Mme [J] de cet équipement sans dispositif particulier de traitement et de renouvellement d'air.

Les conclusions de l'expert judiciaire [X] confirment donc les observations de M. [A].

Il apparaît en conséquence que les travaux financés par le bailleur n'ont pas suffi pour remédier aux désordres. M. [O] justifie en effet de factures pour une somme totale de 11 239,48 euros entre 2008 et 2011 pour financer la recherche de fuites et les réparations dans les lieux loués (y compris le devis du 14 avril 2009 qui concerne bien la toiture-terrasse, contrairement à ce que soutient Mme [J]) mais les constatations de M. [X] démontrent que l'étanchéité de la toiture-terrasse n'était pas assurée en 2014, ce que confirme M. [O] lui-même en justifiant avoir exposé une somme supplémentaire de 4 182,75 euros, mais en octobre 2016 seulement, pour faire poser une nouvelle étanchéité sur celle du toit-terrasse.

Ces désordres ont ainsi duré tout au long de l'exploitation des locaux par Mme [J], lui occasionnant une gêne incontestable et affectant leur esthétique, ainsi qu'en témoignent les photographies versées aux débats, quand bien même les lieux ont-ils pu être utilisés ainsi que le fait observer M. [O]. Or, il incombait au bailleur d'assurer le clos et le couvert des locaux pour mettre fin aux infiltrations et aux remontées d'eau.

Dans ces conditions, l'exploitation du commerce ayant été perturbée par ces dégâts des eaux récurrents dans une mesure et sur une durée bien supérieures à celles qu'a évoquées le tribunal qui n'avait pas connaissance des conclusions de M. [X], il convient d'appliquer une pondération supplémentaire aux surfaces louées, en application de l'article R 145-3 du code de commerce déjà cité. Les coefficients retenus par l'expert et par le tribunal seront ainsi réduits de 0,2, sauf en ce qui concerne la salle de massage qui n'a pas subi de désordres (rapport [X] p 14), le local technique et le palier, non cités par M. [X], la pièce 16 qui n'est pas identifiable et le hammam dont les désordres sont dus à l'absence d'installation par Mme [J] d'un dispositif de renouvellement de l'air ; la surface du hammam ne sera pas pondérée. L'entrée qui est éclairée par la vitrine et dont l'expert [X] indique qu'elle subit une fissure sur 3 mètres en largeur sera pondérée à 0,8.

pièce et surface

coeff.

expert

coeff. tribunal

coeff. cour

surface pondérée

débarras - 7,00 m²

0,5

0,3

2,1

salle carrelée -36,80 m²

0,5

0,3

11,04

couloir - 3,50 m²

0,5

0,3

0,9

cabine 1 - 10,10 m²

0,8

0,6

8,08

salle gommage - 11,50

0,8

0,6

6,90

balnéo 2 - 9,75 m²

1

0,8

0,6

5,67

hammam - 3,60 m²

1

0,8

1

3,60

local technique - 1,00 m²

0,2

0,2

0,2

couloir - 8,90 m²

0,5

0,3

2,67

cuisine - 7,90 m²

0,6

0,4

3,16

arrière-cuisine - 1,50 m²

0,3

0,1

0,15

palier - 1,60 m²

0,8

0,8

1,28

pièce 16 - 14,50 m²

0,8

0,8

11,60

entrée - 20 m²

1

0,8

16

vitrine - 1,27 m²

1

0,5

0,3

0,381

salle de massage- 12,17

1

1

12,17

vitrine - 1,40 m²

1

0,5

0,3

0,42

total : 152,49 m²

86,321 m²

- sur la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité

M. [O] se prévaut des conclusions de l'expert [U], Mme [J] répond qu'il n'est pas démontré dans le jugement de changements concrets des éléments favorisant la commercialité de l'emplacement.

L'expert a étudié la modification des facteurs locaux de commercialité entre le 1er janvier 1999 et le 29 mars 2012, date de la demande en révision du loyer formée par le bailleur. Les éléments objectifs sur lesquels il s'est fondé pour conclure à l'amélioration notable de ces facteurs sont l'emplacement du commerce dans l'artère principale et commerciale de la commune, la présence d'un parking gratuit de 16 places en face du commerce considéré, l'augmentation de la population de la ville de 13,49 % entre 1999 et 2010, dont des cadres et professions intellectuelles supérieures représentant la deuxième catégorie présente sur la commune après la catégorie des employés, le revenu fiscal de référence des habitants qui est supérieur de 27,45 % à la moyenne nationale, les 60 entreprises supplémentaires qui se sont implantées sur la commune entre 2006 et 2011, la création de deux lignes de bus comportant deux arrêts en centre-ville et un environnement commercial des lieux loués. L'expert relève la présence de deux autres instituts de beauté dans un rayon très proche et de 10 commerces de ce type implantés sur la commune.

Le premier juge a énoncé qu'il était certain que les facteurs de commercialité depuis l'année 1999 sont au minimum constants sinon évolutifs dans un sens favorable au commerce concerné qui s'exerce dans la rue principale d'une ville qui a connu une expansion démographique très importante, commerce de proximité bien visible et facilement accessible notamment en voiture.

Cependant, l'expert ne précise pas si l'augmentation de la population de la ville et celle du niveau de vie de ses habitants pendant la période considérée s'est ou non accompagnée de l'augmentation du nombre des instituts de beauté dans la localité ou le secteur depuis 1999, si le nombre de places de stationnement s'est accru depuis le dernier renouvellement du bail et comment la création de deux lignes de bus est susceptible d'avoir une incidence sur le commerce de Mme [J]. Il n'est en conséquence pas démontré depuis 1999 une modification des facteurs locaux de commercialité qui ait pu avoir un impact économique sur le commerce considéré. Le bailleur ne produit pour sa part aucune pièce sur ce point.

En conséquence, faute de démonstration objective d'une incidence positive potentielle des éléments recensés par l'expert sur l'activité commerciale de Mme [J] et faute d'une augmentation de plus de 10 % de la valeur locative des lieux loués, il n'y a pas lieu à déplafonnement du loyer révisé contrairement à ce qu'a décidé le premier juge.

- sur le montant du loyer

Aucune des parties ne critique le prix de 200 euros par mètre carré retenu par l'expert après comparaison des prix pratiqués dans le voisinage. Une fois ce prix appliqué à la surface pondérée, la valeur locative ressort à la somme de 86,32 x 200 = 17 234 euros hors-taxes et hors charges soit 1 438,66 euros par mois.

La durée du bail est supérieure à 12 ans par l'effet de sa tacite prorogation. Toutefois, ce loyer ne sera pas déplafonné, M. [O] n'ayant pas sollicité le bénéfice de l'article L145-34 dernier alinéa du code de commerce qui n'est pas d'ordre public.

Aux termes de l'acte du 22 mai 2000, l'indice à appliquer pour la révision du prix du bail est l'indice trimestriel du coût de la construction, soit celui du premier trimestre 1999 (1017), date du renouvellement du bail aux termes de l'acte du 22 mai 2000, et celui du premier trimestre 2012 (1617) date de la demande du bailleur, de sorte que le montant du loyer plafonné s'élève à :

11 342,21 x 1617/1071 = 17 124,51 euros par an.

La valeur locative du bail étant supérieure au prix du bail révisé, le loyer sera donc fixé à la somme de 17124,51 euros par an soit 1427,04 euros par mois à compter du 29 mars 2012.

Mme [J] sera condamnée à payer des intérêts au taux légal sur la différence entre le loyer réglé et le loyer dû à compter de chaque échéance, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge.

- Sur l'arriéré de charges:

Le premier juge a mis à la charge de Mme [J] une somme de 919,64 euros au titre de la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères et de sa consommation d'eau pour les années 2011 à 2013. M. [O] réclame en outre la somme de1139,52 euros au titre des charges pour les années 2013 à 2015.

Mme [J] conclut au rejet de ces demandes au motif que les sommes réclamées ne sont pas justifiées, les avis d'imposition sur la taxe foncière ne faisant pas apparaître l'adresse de situation de l'immeuble et aucun document n'étant produit à l'appui de la demande concernant les années 2013 à 2015.

M. [O] produit l'avis des taxes foncières 2012 concernant l'immeuble situé [Adresse 6] et justifie de la somme due par Mme [J] au titre de la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères pour 104,84 euros. Il justifie également de la consommation d'eau de l'institut en produisant la facture de la société de gérance de distribution de l'eau pour toute la copropriété, qui est adressée au syndic bénévole de l'immeuble, M. [F], ainsi que le courriel de ce dernier justifiant qu'il a relevé la consommation d'eau du commerce, Mme [J] ayant consommé 291 m³ d'eau à 2,80 euros le mètre cube et étant redevable à ce titre de 814,80 euros. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Mme [J] à payer à M. [O] la somme de 919,64 euros au titre des charges pour la période courant du 17 mai 2011 au 16 mai 2013.

En ce qui concerne les charges dues pour la période du 17 mai 2013 au 16 avril 2015, M. [O] produit l'avis des taxes foncières 2014 sur lequel figure la somme de 877 euros dans la colonne relative à la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères. Toutefois, cette somme est placée dans l'encadré réservé au total des cotisations pour les deux immeubles du [Adresse 6] ; en outre, elle est suivie de la mention - 100 % qui récapitule la variation par rapport à l'année précédente, de sorte qu'il n'est pas suffisamment justifié de ce qu'une somme est due à ce titre. D'autre part, il n'est pas non plus justifié des relevés qui ont donné lieu à l'évaluation de la consommation d'eau de l'institut, la facture d'eau n'est pas produite. Dans ces conditions, la demande en paiement des charges pour la période de 2013 à 2015 sera rejetée.

Mme [J], partie perdante, supportera les dépens et pour des raisons tirées de l'équité sera condamnée à payer à M. [O] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ses demandes sur ce point étant rejetées ainsi que la réclamation formée par M. [O] au titre de ses frais de défense de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse le 13 mai 2014 en ce qu'il a condamné Mme [J] à payer à M. [O] la somme de 919,64 euros au titre des charges impayées pour les années 2011 à 2013 et à supporter les dépens comprenant les frais d'expertise ;

L'infirmant sur le surplus, fixe le montant du loyer indexé à compter du 29 mars 2012 à la somme de 17'124,51 euros par an soit 1427,04 euros par mois, hors taxes et hors charges, outre intérêts au taux légal sur la différence entre le montant réglé depuis cette date et le montant résultant de la présente fixation des loyers à compter de chaque échéance ;

Rejette la demande en paiement formée par M. [O] au titre des charges échues pour la période de 2013 à 2015 ;

Rejette la demande formée par M. [O] en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;

Condamne Mme [J] aux dépens et au paiement à M. [O] d'une somme de

4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et rejette ses demandes à ce titre.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 18/07329
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;18.07329 ?
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