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25/10/2022 | FRANCE | N°20/04675

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 25 octobre 2022, 20/04675


AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE





COLLÉGIALE



RG : N° RG 20/04675 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NDV4





S.A. [7]



C/

URSSAF RHÔNE ALPES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SAINT-ETIENNE

du 12 Novembre 2018

RG : 20170748





AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D



PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022
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APPELANTE :



S.A. [6] venant aux droits de la société [7]

RCS de PARIS n° [N° SIREN/SIRET 2]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Damien DECOLASSE de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barr...

AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE

COLLÉGIALE

RG : N° RG 20/04675 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NDV4

S.A. [7]

C/

URSSAF RHÔNE ALPES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SAINT-ETIENNE

du 12 Novembre 2018

RG : 20170748

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022

APPELANTE :

S.A. [6] venant aux droits de la société [7]

RCS de PARIS n° [N° SIREN/SIRET 2]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Damien DECOLASSE de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, substitué par Maître BIRGY

INTIMÉE :

URSSAF RHÔNE ALPES

[Adresse 9]

[Localité 3]

représenté par Me Thomas MERIEN de la SELARL AXIOME AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie PALLE, Présidente

Bénédicte LECHARNY, Conseiller

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Rhône (l'URSSAF du Rhône) a procédé à un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires AGS pour les années 2010 et 2011 au sein de l'établissement de [Localité 8] de la société [7], aux droits de laquelle vient la société [6] (la société).

L'URSSAF du Rhône a notifié à la société une lettre d'observations datée du 11 octobre 2012 portant sur douze chefs de reprise et entraînant un redressement pour un montant total de 131 312 euros.

Après observations de la société, l'URSSAF du Rhône a ramené le montant du redressement à la somme de 82 794 euros.

Le 27 décembre 2012, l'URSSAF de la Loire a adressé à la société deux mises en demeure d'avoir à payer la somme de 92 472 euros, à titre de cotisations et de majorations.

Le 3 octobre 2014, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable ayant rejeté sa contestation de la validité des mises en demeure et des chefs de redressement.

Par jugement du 12 novembre 2018, ce tribunal a :

- dit que la compétence de l'URSSAF du Rhône pour procéder au contrôle est établie par la convention générale de réciprocité dont elle était signataire, de même que l'URSSAF de la Loire,

- dit que l'avis de contrôle a régulièrement fait référence au texte visant la convention générale de réciprocité,

- dit que la réponse de l'inspecteur de l'URSSAF aux observations de la société ne fait l'objet d'aucun formalisme particulier et n'avait donc pas à être signée des trois inspecteurs ayant procédé au contrôle,

- débouté la société de sa demande d'annulation de la lettre d'observations et de la mise en demeure,

- dit que le redressement de l'URSSAF opéré au titre de la réduction salariale et de la réduction forfaitaire patronale sur les heures structurelles est justifié pour son entier montant,

- dit que le redressement de l'URSSAF opéré au titre de l'avantage en nature pour les véhicules est justifié tant dans son principe que dans son montant,

- dit que le redressement de l'URSSAF opéré au titre des indemnités de repas pour leur réintégration partielle dans la base de calcul des cotisations sociales, de la CSG et de la CRDS est justifié tant dans son principe que dans son montant,

- confirmé la décision de la commission de recours amiable,

- débouté la société de ses demandes d'annulation des chefs de redressement susvisés,

- condamné la société à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes (ci-après, l'URSSAF) la somme de 57 051 euros au titre des cotisations et 9 678 euros au titre des majorations de retard initiales et complémentaires calculées à la date de la mise en demeure, outre les majorations de retard complémentaires à calculer conformément aux dispositions de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale à la date du paiement du solde,

- débouté la société de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à dépens.

Le jugement lui ayant été notifié le 16 novembre 2018, la société en a relevé appel le10 décembre 2018.

Appelée une première fois à l'audience du 28 janvier 2020, l'affaire a fait l'objet d'une radiation du rôle. Elle a été réinscrite à la demande de la société le 28 août 2020.

Par conclusions adressées à la cour le 3 mai 2022 et modifiées à l'audience, auxquelles il convent de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de :

- la dire recevable en sa contestation,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

dit que le redressement de l'URSSAF opéré au titre de la réduction salariale et de la réduction forfaitaire patronale sur les heures structurelles est justifié pour son entier montant,

dit que le redressement de l'URSSAF opéré au titre de l'avantage en nature pour les véhicules est justifié tant dans son principe que dans son montant,

dit que le redressement de l'URSSAF opéré au titre des indemnités de repas pour leur réintégration partielle dans la base de calcul des cotisations sociales, de la CSG et de la CRDS est justifié tant dans son principe que dans son montant,

confirmé la décision de la commission de recours amiable,

débouté la société de ses demandes d'annulation des chefs de redressement susvisés,

condamné la société à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes (ci-après, l'URSSAF) la somme de 57 051 euros au titre des cotisations et 9 678 euros au titre des majorations de retard initiales et complémentaires calculées à la date de la mise en demeure, outre les majorations de retard complémentaires à calculer conformément aux dispositions de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale à la date du paiement du solde,

débouté la société de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit n'y avoir lieu à dépens,

Statuant à nouveau :

- constater le caractère infondé des différents chefs de redressement,

- annuler la décision de rejet partiel de la commission de recours amiable de l'URSSAF notifiée par un courrier en date du 5 août 2014 et le redressement entrepris,

- condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'URSSAF aux éventuels dépens,

- débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes.

A l'audience, la société indique qu'elle renonce expressément à sa demande tendant à voir infirmé le chef de jugement l'ayant déboutée de sa demande d'annulation de la lettre d'observations et de la mise en demeure.

Par conclusions adressées à la cour le 13 janvier 2022 et maintenues à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, l'URSSAF demande à la cour de :

- écarter des débats les pièces adverses 21 à 24 produites postérieurement à la période contradictoire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

dit que la compétence de l'URSSAF du Rhône pour procéder au contrôle est établie par la convention générale de réciprocité dont elle était signataire, de même que l'URSSAF de la Loire,

dit que l'avis de contrôle a régulièrement fait référence au texte visant la convention générale de réciprocité,

dit que la réponse de l'inspecteur de l'URSSAF aux observations de la société ne fait l'objet d'aucun formalisme particulier et n'avait donc pas à être signée des trois inspecteurs ayant procédé au contrôle,

débouté la société de sa demande d'annulation de la lettre d'observations et de la mise en demeure,

dit que le redressement de l'URSSAF opéré au titre de la réduction salariale et de la réduction forfaitaire patronale sur les heures structurelles est justifié pour son entier montant,

dit que le redressement de l'URSSAF opéré au titre de l'avantage en nature pour les véhicules est justifié tant dans son principe que dans son montant,

dit que le redressement de l'URSSAF opéré au titre des indemnités de repas pour leur réintégration partielle dans la base de calcul des cotisations sociales, de la CSG et de la CRDS est justifié tant dans son principe que dans son montant,

confirmé la décision de la commission de recours amiable,

débouté la société de ses demandes d'annulation des chefs de redressement susvisés,

condamné la société à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes (ci-après, l'URSSAF) la somme de 57 051 euros au titre des cotisations et 9 678 euros au titre des majorations de retard initiales et complémentaires calculées à la date de la mise en demeure, outre les majorations de retard complémentaires à calculer conformément aux dispositions de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale à la date du paiement du solde,

En tout état de cause :

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société à lui payer la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aucune partie ne sollicitant l'infirmation de ces chefs de dispositif, le jugement est définitif en ce qu'il a :

- dit que la compétence de l'URSSAF du Rhône pour procéder au contrôle est établie par la convention générale de réciprocité dont elle était signataire, de même que l'URSSAF de la Loire,

- dit que l'avis de contrôle a régulièrement fait référence au texte visant la convention générale de réciprocité,

- dit que la réponse de l'inspecteur de l'URSSAF aux observations de la société ne fait l'objet d'aucun formalisme particulier et n'avait donc pas à être signée des trois inspecteurs ayant procédé au contrôle,

- débouté la société de sa demande d'annulation de la lettre d'observations et de la mise en demeure.

1. Sur la « loi TEPA : réduction salariale et déduction forfaitaire patronale - heures structurelles -absences non ou partiellement rémunérées » (points n° 2 et 3 de la lettre d'observations)

La société soutient qu'elle a valablement appliqué la réduction salariale et la déduction forfaitaire patronale, sans aucun prorata, pour déterminer le nombre d'heures supplémentaires éligibles à la TEPA. Elle fait valoir en effet que les périodes de congés payés, même dans le secteur du BTP, ne constituent pas des absences non rémunérées, dès lors que la Caisse nationale des entrepreneurs de travaux publics (CNETP) verse les indemnités de congés payés au nom et pour le compte de l'employeur, ce dernier étant bien le débiteur de l'obligation de payer les indemnités de congés payés au salarié et la caisse ne développant qu'une activité de gestion du paiement des congés payés, financés par l'employeur.

L'URSSAF réplique qu'alors que les salariés relevant de la catégorie ETAM bénéficient d'une convention en forfait heures, la société n'a pas proratisé les heures supplémentaires structurelles, en cas d'absence du salarié, pour déterminer le montant de la déduction forfaitaire patronale et de la réduction salariale, majorant ainsi à tort ces dernières. Elle soutient en effet que les heures supplémentaires structurelles correspondant à des périodes d'absence pour congés payés rémunérées par la CNETP, à laquelle la société adhère, n'ouvrent pas droit à la réduction de cotisations salariales et à la déduction forfaitaire de cotisations patronales. Elle ajoute que le bénéfice de cette réduction ne peut porter que sur des heures supplémentaires dont l'employeur a assuré personnellement le paiement.

Sur ce,

Il résulte de la combinaison des articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale, d'une part, de l'article 81 quater du code général des impôts et des textes auxquels celui-ci renvoie, d'autre part, en leurs rédactions applicables au litige, que les indemnités de congés payés calculées sur les heures supplémentaires structurelles, qui ne rémunèrent pas des heures de travail accomplies par les salariés, n'ouvrent pas droit à la réduction et à la déduction forfaitaire prévues par ces dispositions, qu'elles soient versées directement par l'employeur ou par l'intermédiaire d'une caisse de congés payés.

En l'espèce, il est constant que les salariés de la société relevant de la catégorie ETAM bénéficiaient d'une convention en forfait heures fixée à 162,50 ou 166,67 heures par mois, soit 37,50 ou 38,46 heures hebdomadaires, ce qui correspond à des durées collectives de travail supérieures à la durée légale de travail de 35 heures prévue par l'article L. 3121-11 du code du travail.

Ces salariés bénéficiaient ainsi d'heures supplémentaires structurelles résultant de la durée collective de travail supérieure à la durée légale.

En conséquence, en raison de la règle du maintien de salaire, lorsqu'ils étaient en congés, les salariés concernés étaient rémunérés sur la base d'heures supplémentaires qu'ils n'accomplissaient pas.

Dès lors, la société ne peut prétendre sur ce point, à la réduction et à la déduction forfaitaire prévue par les textes susvisés.

En outre, et comme l'ont retenu les premiers juges, il résulte des mêmes dispositions que le bénéfice de la réduction des cotisations salariales et de la déduction forfaitaire des cotisations employeur litigieuses ne peut porter que sur des heures supplémentaires dont l'employeur assure personnellement le paiement, ce qui n'est pas le cas en ce qui concerne les versements effectués par une caisse de congés payés.

Or, il est constant que les congés payés des salariés susvisés étaient versés directement par l'employeur mais que celui-ci se faisait rembourser le montant correspondant par la CNETP, laquelle supportait le coût réel, y compris les cotisations sociales patronales, des indemnités de congés payés.

Dès lors, ne supportant pas personnellement le paiement de ces indemnités, la société ne pouvait prétendre aux déductions et réductions litigieuses.

Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a confirmé les chefs de redressement n° 2 et 3 dans leur principe et leurs montants, et de condamner la société à payer à l'URSSAF la somme de 3 770 euros (3 317 euros au titre du point n° 2 et 453 euros au titre du point n° 3), outre les majorations de retard afférentes à calculer par l'URSSAF.

2. Sur l'avantage en nature véhicule (point n° 5 de la lettre d'observations)

La société fait valoir que la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de juger, à de nombreuses reprises, que la situation décrite dans la lettre d'observations ne caractérisait aucun avantage en nature. Elle fait valoir que les salariés sont sociétaires de l'association des utilisateurs de véhicules de la région lyonnaise et du Sud-Est qui met à leur disposition un véhicule dont elle assume les frais ; que les sociétaires règlent leur cotisation à l'association, laquelle émet des factures sur la société en contrepartie de l'utilisation professionnelle de ces véhicules par les sociétaires de l'association également salariés de la société. Elle soutient que seuls les kilomètres parcourus pour les besoins de l'activité de la société lui sont facturés, de sorte que les salariés n'ont pas bénéficié d'un avantage résultant d'une prise en charge de l'usage privé des véhicules par la société et estime que le paiement par la société de la taxe sur les véhicules de société est indifférent. A titre subsidiaire, elle conteste l'évaluation réalisée de ce prétendu avantage par le recours à la taxation forfaitaire, alors qu'elle a transmis aux inspecteurs les informations et documents leur permettant d'évaluer l'avantage consenti sur la base des dépenses réellement engagées.

L'URSSAF réplique que les inspecteurs du recouvrement ont constaté que certains salariés de la société bénéficient de la mise à disposition permanente de véhicules de tourisme pour effectuer leurs déplacements professionnels et personnels. Elle fait observer que ces véhicules sont fournis par l'association des utilisateurs de véhicules de la région lyonnaise et du Sud-Est qui a pour unique activité de permettre à ses adhérents (exclusivement des cadres et ETAM de la société) de faire l'économie de dépenses qu'ils auraient dû normalement supporter ; que la société règle chaque mois à l'association des factures au titre de la « redevance KM professionnels », les salariés adhérents versant quant à eux une redevance annuelle comprise entre 810 et 1 656 euros ; qu'il importe peu que les véhicules soient mis à disposition des intéressés par l'intermédiaire de l'association, dès lors que l'octroi de cet avantage est opéré en considération de l'appartenance du salarié à l'entreprise ; que l'éventuelle participation du salarié aux frais de voiture ne remet pas en cause le principe de l'avantage en nature, mais vient minorer la valeur de cet avantage du montant de la participation ; qu'aucun justificatif des kilomètres parcourus à titre professionnel n'a été fourni par la société permettant de vérifier que les montants versés à l'association couvrent exclusivement les kilomètres professionnels ; que la société n'apporte pas la preuve que les déplacements personnels des salariés restent effectivement à leur charge ; que la société a effectué auprès de l'administration fiscale une déclaration TVS n° 2855 (taxe due sur les véhicules de sociétés) au titre des véhicules de tourisme possédés par l'association. Sur le chiffrage, elle indique que les inspecteurs ont sollicité de la société plusieurs documents, dont la production partielle ne leur a pas permis d'évaluer l'avantage consenti aux salariés, de sorte qu'il a été retenu, conformément à l'arrêté du 10 décembre 2012, 12 % du coût d'achat des véhicules utilisés, selon les déclarations transmises par la société.

Sur ce,

En application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations pour le calcul des cotisations sociales, toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les avantages en nature.

Revêtent le caractère d'avantages en nature, au sens de ce texte, devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales, les avantages constitués par l'économie de frais de transport réalisée par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition d'un véhicule dont l'entreprise assume entièrement la charge.

Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 modifié, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.

La preuve de l'avantage en nature peut résulter des procès-verbaux dressés par les agents de contrôle, qui font foi jusqu'à preuve contraire, en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations et des éléments produits aux débats que certains salariés de la société disposent, en permanence, de véhicules fournis par l'association des utilisateurs de véhicules de la région lyonnaise et du Sud-Est, dont ils sont adhérents, pour leurs besoins tant professionnels que personnels, ce point n'étant pas contesté par la société.

Pour apprécier l'existence d'un avantage en nature, il convient de rechercher si la société, en sa qualité d'employeur, prend en charge le coût de l'usage personnel du véhicule mis à disposition des salariés.

Aux termes de la lettre d'observations, les inspecteurs du recouvrement énoncent que :

- la société « met à disposition des véhicules de tourisme, de façon permanente, par l'intermédiaire de l'association [5] »,

- la société « paie chaque mois des factures au profit de l'[5] [...] à titre de - redevance KM professionnels-. Le montant de ces factures correspond à des indemnités kilométriques versées par la société [...] au profit de l'association, en contrepartie de l'utilisation professionnelle de véhicules de tourisme que cette dernière met à disposition de certains salariés de l'entreprise.

La facture établie par l'association comporte les informations suivantes : identité du collaborateur, son n° d'adhérent, l'immatriculation du véhicule, la marque et le type du véhicule, le nombre de kilomètres professionnels retenus, la valeur unitaire de l'indemnité kilométrique, et le décompte TTC. »,

- « Les salariés de la société [...] qui adhèrent à l'[5] (essentiellement des cadres et des ETAM) bénéficient de la mise à disposition à titre permanent du véhicule par l'association puisqu'ils peuvent l'utiliser tant à des fins personnelles que personnelles sans aucune limitation (trajets semaine, week-end et vacances).

En contrepartie, les salariés concernés règlent une cotisation annuelle, dont le montant est fonction de la catégorie de véhicules mis à leur disposition. En 2010 et 2011, la redevance est comprise entre 810 € et 1656 € par an pour une année complète d'utilisation »,

- « Les ressources de l'association sont principalement constituées par l'ensemble des remboursements de frais versés sous forme d'indemnités kilométriques par les entreprises qui emploient les utilisateurs de véhicules, chaque fois que ces véhicules sont utilisés à des fins professionnelles.

La redevance annuelle acquittée par les utilisateurs contribue au financement de l'association dans une moindre mesure.

A l'aide de ces ressources, l'association règle les factures de location et les différentes factures de carburant, d'huiles, d'entretien et de réparation des véhicules mis à la disposition de ses membres. »,

- « Par ailleurs, sur les années contrôlées 2010 et 2011, il a été constaté que la société [...] a effectué auprès de l'administration fiscale une déclaration TVS n°2855 (taxe due sur les véhicules de sociétés) au titre des véhicules de tourisme possédés par l'[5] ».

Il ne ressort pas de ces constatations la preuve de la prise en charge par l'employeur du coût de l'usage personnel du véhicule mis à disposition. Les inspecteurs relèvent au contraire que la société « paie chaque mois des factures au profit de l'[association] à titre de - redevance KM professionnels - (...) en contrepartie de l'utilisation professionnelle » du véhicule mis à disposition et que le salarié adhérent s'acquitte d'une cotisation annuelle en contrepartie de l'utilisation personnelle du véhicule.

La société verse aux débats les factures de « redevance kms professionnels » que lui adresse l'association chaque mois et qui identifient le salarié, le véhicule utilisé, ainsi que le nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel. Elle verse encore des notes de frais kilométriques professionnels signées par les salariés.

Il ressort des pièces du dossier que la société employeur ne fournit pas les véhicules, qu'elle prend en charge uniquement les kilomètres parcourus à titre professionnel et qu'elle ne s'acquitte pas des frais engagés par le salarié à titre privé.

Les arguments de l'URSSAF tirés de l'objet et du fonctionnement de l'association, du caractère forfaitaire de la redevance annuelle acquittée par les utilisateurs, du paiement par la société de la taxe sur les véhicules de tourisme possédés par l'association et du fait que la société n'a fourni aucun justificatif probant des kilomètres parcourus à titre professionnel par ses salariés sont insuffisants à établir la preuve que l'employeur assume la charge du coût de l'usage personnel des véhicules mis à disposition.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les salariés ne bénéficient pas d'un avantage en nature résultant de la mise à disposition à titre permanent d'un véhicule par l'employeur.

Aussi convient-il d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le redressement de l'URSSAF opéré au titre de l'avantage en nature pour les véhicules est justifié tant dans son principe que dans son montant et a condamné la société à payer à ce titre à l'URSSAF la somme 13 073 euros.

3. Sur les indemnités de panier : dépassement des limites (point n° 8 de la lettre d'observations)

La société fait valoir qu'il est d'usage que les salariés relevant de son secteur d'activité, soit la construction routière, ne prennent pas leur repas sur les chantiers, mais au restaurant, cet usage tenant à la particularité du processus de production routière effectué sur des chantiers mobiles itinérants et de courte durée, où le nombre de salariés est restreint. Elle explique, en effet, qu'au regard de l'environnement dans lequel travaillent ses ouvriers, il est impossible d'installer des structures fixes de restauration pour leur permettre de déjeuner dans des conditions saines et appropriées et inenvisageable de leur imposer de prendre leurs repas « à la gamelle » au milieu des engins, voire de la circulation, par tous les temps. Elle en déduit que ses salariés doivent pouvoir bénéficier de l'allocation forfaitaire prévue au 1° de l'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002.

L'URSSAF réplique que les inspecteurs ont réintégré à juste titre dans l'assiette des cotisations la différence entre le montant de l'indemnité de repas ou de restauration hors des locaux de l'entreprise prévue au 3° de l'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002, d'un montant de 8,20 euros en 2010 et de 8,30 euros en 2011, et celui de l'indemnité effectivement versée aux salariés concernés, dès lors que la société ne rapporte pas la preuve que ces salariés étaient contraints de prendre leurs repas au restaurant en raison de circonstances ou de conditions particulières de travail. Elle demande à la cour d'écarter les pièces adverses 21 à 24, produites postérieurement au contrôle. Subsidiairement, elle soutient que les attestations des salariés, rédigées de façon stéréotypée et non circonstanciées, sont dépourvues de valeur probante et émanent principalement de salariés ne faisant pas partie de l'établissement de [Localité 8].

Sur ce,

3.1. Sur les pièces n°21 à 24 de la société

Selon l'article R. 243-59, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, l'employeur est tenu de présenter aux inspecteurs du recouvrement tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui lui sont demandés par ces agents comme nécessaires au contrôle.

Il n'est ni justifié, ni même soutenu par l'URSSAF que la société n'a pas transmis durant le contrôle des documents qui avaient été sollicités.

En revanche, il est constant que la société a produit après la clôture des opérations de contrôle et de la phase contradictoire du contrôle plusieurs pièces qu'elle estime justificatives, numérotées 21 à 24 dans le cadre de la procédure en appel, dont les inspecteurs du recouvrement n'ont pas pu prendre connaissance et qu'ils n'ont pas pu discuter.

La société ne démontrant pas qu'elle n'était pas en mesure, dans la durée du contrôle, de produire les justificatifs versés ultérieurement dans le cadre du recours, il convient d'écarter ces pièces des débats.

3.2. Sur le bien-fondé du redressement

Il résulte de l'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002 modifié, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales, que l'indemnité forfaitaire allouée au travailleur salarié en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, lorsque ses conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas, prévue par le 3°, est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas le montant fixé au 1°, s'il est démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ces repas au restaurant.

En application de l'article 10 de ce même texte, le montant pour lequel l'indemnité prévue au 1° de l'article 3 est réputée utilisée conformément à son objet, a été fixé pour 2010 à la somme de 16,80 euros et pour 2011 à la somme de 17,10 euros.

En l'espèce, au regard de la nature de son activité et des usages constants de la profession, tenant aux conditions de travail des salariés sur des chantiers mobiles de construction de routes et d'ouvrages d'art, la société est fondée à considérer que ses salariés travaillant sur des chantiers qui, dans nombre d'hypothèses, rendent difficile la possibilité de se restaurer dans des conditions satisfaisantes, doivent pouvoir prendre leur repas au restaurant, afin de leur permettre de déjeuner dans un endroit sain, propre, abrité des intempéries ou des températures excessives, et ce alors qu'ils se trouvent sur des chantiers, éloignés de leur domicile et du siège de l'entreprise.

La prime de panier accordée aux salariés de la société étant inférieure aux plafonds de 16,80 euros et 17,10 euros fixés pour 2010 et 2011, elle était présumée utilisée conformément à son objet, de sorte que la société n'avait pas, contrairement aux affirmations de l'URSSAF, à justifier de la prise de repas effective au restaurant par les salariés.

Aussi convient-il d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que le redressement de l'URSSAF opéré au titre des indemnités de repas pour leur réintégration partielle dans la base de calcul des cotisations sociales est justifié tant dans son principe que dans son montant et a condamné la société à payer à l'URSSAF la somme de 27 448 euros.

4. Sur le rappel de CSG/CRDS sur les primes de panier supérieures à la limite d'exonération (point n° 9 de la lettre d'observations)

La cour ayant jugé qu'il n'y avait pas lieu à réintégration dans l'assiette des cotisations des indemnités de panier versées aux salariés, il convient d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que le redressement de l'URSSAF opéré au titre de la CSG et de la CRDS est justifié tant dans son principe que dans son montant et a condamné la société à payer à l'URSSAF la somme de 13 302 euros.

5. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Compte tenu de la solution donnée au litige en cause d'appel, il convient de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

La société, qui succombe pour partie, est tenue aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que le redressement de l'URSSAF Rhône-Alpes opéré au titre de l'avantage en nature pour les véhicules est justifié tant dans son principe que dans son montant,

- dit que le redressement de l'URSSAF Rhône-Alpes opéré au titre des indemnités de repas pour leur réintégration partielle dans la base de calcul des cotisations sociales, de la CSG et de la CRDS est justifié tant dans son principe que dans son montant,

- confirmé la décision de la commission de recours amiable,

- débouté la société [6] de ses demandes d'annulation des chefs de redressement susvisés,

- condamné la société [6] à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 57 051 euros au titre des cotisations et 9 678 euros au titre des majorations de retard initiales et complémentaires calculées à la date de la mise en demeure, outre les majorations de retard complémentaires à calculer conformément aux dispositions de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale à la date du paiement du solde,

LE CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

ANNULE les redressements opérés au titre des points n° 5 « Avantage en nature véhicule », n°8 « indemnités de panier : dépassement des limites » et n°9 « rappel de CSG/CRDS sur les primes de panier supérieures à la limite d'exonération »,

CONDAMNE la société [6] à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 3 770 euros, outre les majorations de retard complémentaires à calculer conformément aux dispositions de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale à la date du paiement du solde,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société [6] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 20/04675
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;20.04675 ?
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