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20/10/2022 | FRANCE | N°21/07237

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 20 octobre 2022, 21/07237


N° RG 21/07237 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N3RU









Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 16 septembre 2021



RG : 2020f02281





[Z]



C/



S.E.L.A.R.L. [T]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 20 Octobre 2022







APPELANT :



M. [W] [Z]

né le [Date naissance 2] 1971 à [LocalitÃ

© 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Emmanuelle POHU, avocat au barreau de LYON, toque : 764 et ayant pour avocat plaidant Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON, toque : 261





INTIMEE :



S.E.L.A.R.L. [T] en sa qualité de liquidateur judicia...

N° RG 21/07237 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N3RU

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 16 septembre 2021

RG : 2020f02281

[Z]

C/

S.E.L.A.R.L. [T]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 20 Octobre 2022

APPELANT :

M. [W] [Z]

né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Emmanuelle POHU, avocat au barreau de LYON, toque : 764 et ayant pour avocat plaidant Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON, toque : 261

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MEDICOM, venant aux droits de Maître [S] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Thomas KAEMPF de la SELARL BK AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 438

******

Date de clôture de l'instruction : 8 septembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 septembre 2022

Date de mise à disposition : 20 octobre 2022

Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffière placée.

A l'audience, Rapahële FAIVRE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marianne LA-MESTA, conseillère

Arrêt Contradictoire rendu prononcé et signé par Madame Patricia GONZALEZ, Présidente, à l'audience publique du 20 Octobre 2022, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Sylvie GIREL, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Medicom, spécialisée dans la création de publicité de tout outil de promotion et de communication sur tous supports, la formation et le conseil, l'activité de commissionnaire, d'intermédiaire et de mandataire en publicité, a été créée le 4 juin 2012 et gérée depuis cette date par M. [W] [Z].

Par jugement du 13 novembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a ordonné la liquidation judiciaire de la société Medicom, a nommé Me [B] ès qualités de liquidateur judiciaire et a fixé la date de cessation des paiements au 31 août 2018. Par jugement du 19 décembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a transféré le mandat de Me [B] à la SELARLU [T], représentée par Me [T] (le liquidateur judiciaire).

Dans le cadre des opérations de liquidation, le liquidateur judiciaire a déterminé que l'insuffisance d'actif de la société Medicom s'élevait à la somme de 1.756.275 euros, soit un passif de 1.776.840,12 euros pour un actif réalisé de 20.565,12 euros.

Par acte d'huissier de justice du 5 août 2020, le liquidateur judiciaire a fait délivrer assignation à M. [Z] devant le tribunal de commerce de Lyon en vue de sa condamnation au paiement de la totalité de l'insuffisance d'actif de la société Medicom.

Par jugement du 16 septembre 2021, ce tribunal a :

dit et jugé que M. [Z] a été le dirigeant de droit de la société Medicom,

dit et jugé que l'insuffisance d'actif de la société Medicom est certaine et s'élève à la somme totale de 1.756.725 euros,

dit et jugé que M. [Z] a commis les fautes de gestion suivantes :

*défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements de la société Medicom dans le délai de 45 jours,

*absence de tenu de comptabilité régulière pour les exercices 2015, 2016 et 2017,

constaté le lien de de causalité entre les fautes de gestion et l'aggravation de l'insuffisance d'actif est bien établi,

condamné M. [Z] à payer à la SELARLU [T] représentée par Me [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Medicom, la somme de 1.756.725 euros,

dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire du présent jugement,

condamné M. [Z] à payer à la SELARLU [T] représentée par Me [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Medicom la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [Z] aux entiers dépens.

M. [Z] a interjeté appel par acte du 29 septembre 2021.

L'affaire a été fixée à bref délai en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Par conclusions du 22 novembre 2021, M. [Z] demande à la cour de :

infirmer le jugement en ce qu'il a :

dit et jugé qu'il a été dirigeant de droit de la société Medicom,

dit et jugé que l'insuffisance d'actif de la société Medicom est certaine et s'élève à la somme totale de 1.756.725 euros,

dit et jugé qu'il a commis les fautes de gestion suivantes :

absence de déclaration de l'état de cessation des paiements de la société Medicom dans le délai de 45 jours,

absence de tenu de comptabilité régulière pour les exercices 2015, 2016 et 2017,

constaté que le lien de causalité entre les fautes de gestion et l'aggravation de l'insuffisance d'actif est bien établi,

l'a condamné à payer à la SELARLU [T] représentée par Me [P] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Medicom, la somme de 1.756.725 euros,

l'a condamné à payer à la SELARLU [T] représentée par Maître [P] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Medicom, la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a condamné aux entiers dépens,

statuant à nouveau :

débouter la SELARLU [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

condamner la SELARLU [T] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SELARLU [T] aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions du 16 décembre 2021, fondées sur l'article L.651-2 du code de commerce, le liquidateur judiciaire demande à la cour de :

-confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a :

dit et jugé que M. [Z] a été le dirigeant de droit de la société Medicom,

dit et jugé que l'insuffisance d'actif de la société Medicom est certaine et s'élève à la somme totale de 1 756 725 euros,

dit et jugé que M. [Z] a commis les fautes de gestion suivantes :

absence de déclaration de l'état de cessation des paiements de la société Medicom dans le délai de 45 jours,

absence de tenu de comptabilité régulière pour les exercices 2015, 2016 et 2017,

constaté le lien de causalité entre les fautes de gestion et l'aggravation de l'insuffisance d'actif est bien établi,

condamné M. [Z] à lui payer la somme de 1.756.725 euros,

dit qu'il n'y a pas lieu à l'exécution provisoire du jugement,

condamné M. [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [Z] aux entiers dépens,

débouter M. [Z] de toutes ses demandes, fins et prétentions, en ce qu'elles ne sont pas fondées,

statuant à nouveau :

la dire recevable et fondée en ses demandes, y faisant droit,

dire et juger que M. [Z] était le dirigeant de droit de la société Medicom,

dire et juger que l'insuffisance d'actif de la société Medicom s'élève à la somme de 1.756.275 euros,

juger que M. [Z] a commis les fautes de gestion suivantes :

absence de déclaration de l'état de cessation des paiements de la société Medicom dans le délai de 45 jours,

absence de tenu de comptabilité régulière pour les exercices 2015, 2016, 2017 et 2018,

juger que ces fautes sont à l'origine du passif créé par la société Medicom,

en conséquence :

condamner M. [Z] à lui payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif de la société Medicom,

en tout état de cause :

condamner M. [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner le même aux entiers dépens de l'instance.

Le ministère public, par observations du 22 avril 2022, communiquées contradictoirement aux parties, sollicite qu'il soit fait droit aux demandes du liquidateur judiciaire.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs conclusions écrites précitées.

Sur la qualité de dirigeant de droit de M. [Z]

Si M. [Z] sollicite réformation du jugement déféré en ce qu'il a retenu sa qualité de gérant de droit de la société Medicom, la cour observe que cette demande n'est motivée ni en fait ni en droit, étant relevé que sa qualité de gérant de la société résulte de ses propres déclarations devant les services de police lors de son audition du 4 mars 2020 ainsi que de l'extrait K bis de la société versé aux débats. Il convient donc de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur la responsabilité de M. [Z] pour insuffisance d'actif

Pour s'opposer à toute responsabilité au titre du passif de la société M. [Z] fait d'abord valoir que dans son rapport initial du 14 janvier 2019 le mandataire judiciaire déclarait n'avoir relevé aucun fait justifiant l'application d'une sanction commerciale.

Il ajoute que la cessation des paiements ne pouvait être fixée par le tribunal de commerce au 31 août 2018 au motif qu'à cette date il ignorait que la dette fiscale de la société résultant de la rectification opérée par les services fiscaux était exigible et définitive, de sorte que le grief tenant au défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours n'est pas caractérisé.

Il expose enfin que la preuve de l'irrégularité de la comptabilité ne peut résulter du seul redressement fiscal, qui est un droit autonome et alors que les anomalies alléguées sont contestées. Il ajoute qu'il se déduit de l'absence de démission de l'expert comptable, qu'il lui a été fourni l'ensemble des éléments nécessaires à la tenue d'une comptabilité régulière.

Le liquidateur judiciaire réplique qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour de modifier la date de cessation des paiements fixée par le tribunal de commerce, laquelle résulte au demeurant des propres déclarations de l'appelant. Il précise que les conclusions du rapport initial de Me [T], ont été rédigées dans les deux mois de l'ouverture de la procédure collective, alors que la fraude organisée par M. [Z] n'était pas encore connue, ce qui en explique la teneur.

La Selaru [T], ajoute que l'article L.651-2 du code de commerce n'impose pas de démontrer que l'omission de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours, qui constitue une faute de gestion, résulte d'une abstention volontaire. Il expose également que M. [Z] ne pouvait en tout état de cause pas ignorer l'état du passif, compte tenu de l'ancienneté des créances dont la plus ancienne date de 2014 et alors que l'état de cessation des paiements était caractérisé depuis le mois de mai 2017 par suite d'une prise d'inscription par la caisse de retraite Agira pour préserver ses droits par suite du défaut de paiement d'une créance de 33.777,50 euros.

Il estime que la faute tenant au caractère irrégulier de la comptabilité est caractérisé comme en atteste la proposition de redressement de l'administration fiscale qui a relevé un défaut partiel d'établissement de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, outre le dépôt de déclarations mensuelles de taxes sur le chiffre d'affaires minorées, la souscription de déclarations de résultats également minorées au titre de l'exercice 2016 ainsi que la passation d'écritures inexactes ou fictives dans les documents comptables au titre des exercices clos 2015 et 2016. Il rappelle que ces irrégularités ont justifiées la condamnation de M. [Z] à une peine de 12 mois d'emprisonnement assortie d'un sursis simple prononcée le 19 juin 2020.

Il indique que l'expert-comptable n'a jamais affirmé que la comptabilité était bien tenue, mais a seulement invoqué le secret professionnel lors de son audition par les services de police. Le liquidateur judiciaire relève encore que l'appelant a reconnu devant les services enquêteurs une négligence en tant que dirigeant pour avoir entré en comptabilité des factures irrégulières s'agissant de la TVA, admettant « avoir fermé les yeux sur pas mal de choses ».

Enfin, le liquidateur judiciaire expose que le dirigeant peut être condamné à supporter tout le passif de la personne morale, même si sa faute de gestion n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif, et ce conformément à la théorie de l'équivalence des conditions s'agissant du lien causal et estime que cette causalité est démontrée alors que la dette fiscale née des irrégularités commises par M. [Z] s'élève à 1.400.000 euros soit la grande majorité de l'insuffisance d'actif arrêté à 1.756.275 euros. Il ajoute que le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délia légal a contribué à faire courir les dettes sociales et de loyers, ainsi que certaines dettes fournisseurs.

En application de l'article L.651-2 alinéa 1er du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal, peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée (...).

Le succès de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif suppose donc la démonstration de l'existence d'une faute de gestion imputable au dirigeant de droit ou de fait de la personne morale débitrice, ainsi que d'une insuffisance d'actif et d'un lien de causalité entre cette faute et cette insuffisance d'actif.

La faute du dirigeant s'apprécie par référence à la conduite d'un dirigeant d'une personne morale similaire, normalement prudent, diligent et actif.

Le montant total de l'insuffisance d'actif sert de plafond au montant de la condamnation prononcée à l'encontre du dirigeant poursuivi : la condamnation peut être partielle ou totale, mais ne peut dépasser l'insuffisance d'actif.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Medicom présente une insuffisance d'actif d'un montant de 1.756.275 euros.

La cour relève en premier lieu, que le moyen de l'appelant tenant à ce que la date de cessation des paiements ne saurait être fixée au 31 août 2018 est inopérant alors que le juge de la sanction ne dispose d'aucune autonomie pour fixer la date de cessation des paiements, l'article R.653-1, alinéa 2 du code de commerce disposant en effet que 'pour l'application de l'article L.653-8, la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de celle retenue dans le jugement d'ouverture de la procédure ou d'un jugement de report en application de l'article L. 631-8', de sorte que le juge n'a donc pas à rechercher si, à cette date, le débiteur était bel et bien en état de cessation des paiements.

Par ailleurs, il ressort des éléments de la procédure que le passif déclaré de la société Medicom s'élève à la somme de 1.776.840,12 euros et que l'actif réalisé et recouvré dans la procédure se limite à la somme de 20.565,12 euros. Or, l'examen des déclarations de créances fait apparaître que la société Medicom restait notamment devoir des sommes échues depuis 2015 au titre d'impôts, d'échéances de cotisations sociales auprès de l'Urssaf impayées depuis novembre 2017, d'un arriéré de loyer de 21.476,22 euros au 13 novembre 2018, soit environ un an d'impayés de loyers, outre des sommes au titre de cotisations de TVA datant pour les plus anciennes de 2014.

Dès lors, l'importance du passif exigible conjugué à la faiblesse et à la nature de l'actif ainsi qu'à l'ancienneté de certaines dettes excluent que M. [Z] n'ait pas eu conscience de son impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

En outre, l'absence de toute démarche de ce dernier en vue d'apurer des dettes, pour certaines impayées depuis 4 ans à la date de l'ouverture de la procédure collective, notamment par la mise en place d'échéanciers avec ses créanciers signe une décision volontaire et réfléchie de ne pas déclarer l'état de cessation des paiements et solliciter l'ouverture d'une procédure collective dans le délai légal de 45 jours qui s'impose au gérant. L'élément intentionnel de cette faute de gestion tout comme l'élément matériel sont ainsi établis.

En s'abstenant, par son inaction prolongée, de placer la société sous la protection des mesures de sauvegarde des entreprises, M. [Z] l'a privé de toute possibilité d'assainir sa situation financière, contribuant ainsi à la création de l'insuffisance d'actif constatée.

De même, la cour observe que, nonobstant ses dénégations dans le cadre de la présente instance, M. [Z], qui a été condamné par le tribunal correctionnel de Lyon le 19 juin 2020, à une peine de 12 mois d'emprisonnement assortie du sursis pour fraude fiscale, s'est exprimé devant les services enquêteurs lors de son audition du 4 mars 2020, dans les termes ci après reproduits : « même si après quelques années et après mon contrôle fiscal, je me doutais que les sociétés se substituant à mes commerciaux n'étaient pas très claires, j'ai eu du mal à dire stop du jour au lendemain. J'avais peur de la faillite. J'aurais peut être mieux fait. C'est facile de parler à posteriori. Je ne nie pas les faits. J'ai appris que j'étais responsable. ('). Encore une fois quand j'ai été mis au courant qu'ils écrasaient la TVA, qu'ils ne payaient pas de charges, j'ai quand même continué à accepter ce mode de commissions pour mes commerciaux parce que c'était un engrenage. (') J'ai fermé les yeux sur pas mal de choses je l'avoue », de sorte que ces déclarations constituent une reconnaissance claire et sans ambiguïté des irrégularités comptables commises.

Cette faute pénale constitue ainsi a fortiori une faute engageant la responsabilité de M. [Z] sur le fondement de l'article L. 651-2 précité, dès lors qu'elle a été commise à propos de l'administration ou de la gestion de la personne morale en liquidation judiciaire, A ce titre, le moyen tenant à l'absence de démission de l'expert-comptable de la société, n'est pas de nature à accréditer les allégations tenant à la sincérité des comptes, étant au demeurant observé que, face aux enquêteurs, loin de donner un blanc-sein à la gestion de M.[Z], l'expert comptable, s'est retranché derrière le secret professionnel.

Contrairement à ce que soutient encore l'appelant, ces nombreux manquements à la législation fiscale et sociale dont il s'est rendu coupable en s'abstenant partiellement d'établir la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, en procédant au dépôt de déclarations mensuelles de taxes sur le chiffre d'affaires minorées, en souscrivant des déclarations de résultats également minorées au titre de l'exercice 2016 et en procédant à la passation d'écritures inexactes ou fictives dans les documents comptables au titre des exercices clos 2015 et 2016, et qui ont entraîné une taxation d'office, constituent des fautes de gestion, qui bien que non relevées initialement par le premier mandataire judiciaire, n'en sont pas moins parfaitement caractérisées.

Enfin, le lien de causalité entre ces fautes et l'insuffisance d'actif est parfaitement caractérisé, dès lors que ces déclarations fiscales irrégulières dont il est résulté des taxations d'office aux montants conséquents ont contribuées à ruiner la société Medicom en générant des dettes fiscales à hauteur de 1.400.000 euros, soit la quasi-totalité de l'insuffisance d'actif constaté.

Contrairement aux règles applicables en matière de droit commun de la responsabilité, le lien de causalité n'entre pas en compte pour l'évaluation du montant de la réparation du préjudice dans le cadre d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif .

Dès lors qu'il s'avère que les fautes de gestion de M. [Z] ont contribué majoritairement à la réalisation de l'insuffisance d'actif, et eu égard à sa situation personnelle en ce qu'il se déclare devant les services de police, sans revenus avec un enfant à charge, il y a lieu de le condamner à payer au liquidateur judiciaire la somme de 500.000 euros, le jugement déféré étant infirmé en ce sens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

M. [Z], qui succombant dans son recours, doit supporter les dépens de première instance et d'appel. Il doit conserver la charge de ses frais irrépétibles exposés dans toute l'instance et être condamné à verser au liquidateur judiciaire une indemnité de procédure au titre de la première instance et pour la cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. [W] [Z] à payer à la Sarlu [T], représentée par Me [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Medicom, la somme de 1.756.725 euros,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et ajoutant,

Condamne M. [W] [Z] à payer la somme de 500.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société Medicom,

Condamne M. [W] [Z] à verser à verser à la Sarlu [T], représentée par Me [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Medicom une indemnité de procédure de 4.000 euros à hauteur d'appel,

Déboute M. [W] [Z] de sa réclamation de frais irrépétibles en appel,

Condamne M. [W] [Z] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/07237
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;21.07237 ?
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