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20/10/2022 | FRANCE | N°21/04516

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 20 octobre 2022, 21/04516


N° RG 21/04516

N° Portalis DBVX-V-B7F-NUSR









Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 29 avril 2021



RG : 2020f2912





[O]



C/



LA PROCUREURE GENERALE

SELARL MJ SYNERGIE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 20 Octobre 2022







APPELANT :



M. [C] [H] [O]

né le

[Date naissance 2] 1968 à [Localité 5] (ALGERIE)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Damien MENGHINI-RICHARD, avocat au barreau de LYON, toque : 301









INTIMEES :



Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Romain DUCROQ, substitut ...

N° RG 21/04516

N° Portalis DBVX-V-B7F-NUSR

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 29 avril 2021

RG : 2020f2912

[O]

C/

LA PROCUREURE GENERALE

SELARL MJ SYNERGIE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 20 Octobre 2022

APPELANT :

M. [C] [H] [O]

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 5] (ALGERIE)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Damien MENGHINI-RICHARD, avocat au barreau de LYON, toque : 301

INTIMEES :

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Romain DUCROQ, substitut général

SELARL MJ SYNERGIE Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [G] [L] ou Maître [K] [I] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL EXCLUSIV' domiciliée en cette qualité

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

****

Date de clôture de l'instruction : 8 Septembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 20 Octobre 2022

Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffière placée.

A l'audience, Raphaële FAIVRE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marianne LA-MESTA, conseillère

Arrêt Contradictoire rendu prononcé et signé par Madame Patricia GONZALEZ, Présidente, à l'audience publique du 20 Octobre 2022, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Sylvie GIREL, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Exclusiv', spécialisée dans le transport de marchandises, dirigée par M. [C] [H] [O] a été crée le 31 mai 2016 et a débuté son activité le 16 juin 2016.

Le 30 novembre 2017, M. [O], a déclaré l'état de cessation des paiements de la société Exclusiv'.

Par jugement du 12 décembre 2017, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société Exclusiv', a fixé la date de cessation des paiements au 12 juin 2016 et a désigné la SELARL MJ Synergie Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [G] [L] ou Me [K] [I], ès qualités de liquidateur judiciaire (le liquidateur judiciaire).

Par acte d'huissier de justice du 10 novembre 2020, le liquidateur judiciaire a fait assigner M. [O] devant le tribunal de commerce de Lyon afin que soit prononcée une mesure de faillite personnelle.

Par jugement du 29 avril 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

prononcé à l'encontre de M. [O], né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 5] (Algérie), l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pendant une durée de huit ans,

ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

rappelé qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, les condamnations prononcées sur le fondement du livre VI du code de commerce doivent faire l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers es tribunaux de commerce,

dit que les dépens sont tirés en frais privilégiés de la procédure.

M. [O] a interjeté appel de ce jugement, par acte du 20 mai 2021.

Par conclusions du 16 juin 2021, fondées sur les articles L.653-5 et L.653-8 du code du commerce, M. [O] demande à la cour de :

à titre principal :

infirmer purement et simplement le jugement déféré,

juger qu'il n'y a lieu au prononcé d'une sanction à son encontre,

condamner la SELARL MJ Synergie ès qualités aux dépens de l'instance,

à titre subsidiaire :

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé une interdiction de gérer de huit années,

réduire la durée de l'interdiction de gérer prononcée à son encontre à de plus justes proportions,

condamner la SELARL MJ Synergie ès qualités aux dépens de l'instance.

Au soutien de sa demande de réformation du jugement, l'appelant conteste le défaut de collaboration avec les organes de la procédure, l'absence de caractère complet de la comptabilité et le défaut de communication des documents visés par l'article L.622-6 du code de commerce et notamment la liste des créanciers.

Il conteste en outre avoir sciemment omis de déclarer l'état de cessation des paiements dans les 45 jours au motif qu'il est impossible de retenir une date de cessation des paiements le 12 juin 2017, soit antérieurement au début de l'activité de la société le 16 juin 2017. Il affirme que les premiers impayés de créances dues à l'URSAFF et à l'organisme d'assurance KLESIA, datent respectivement de janvier et du premier trimestre 2017, de sorte qu'il n'est pas démontré qu'il s'est volontairement soustrait à cette obligation de déclaration. Il estime que la motivation des premiers juges qui prononcent une interdiction de gérer "compte tenu de l'ancienneté du passif social et fiscal" est lacunaire.

Par conclusions du 17 juin 2021, fondées sur les articles L.653-1, R.653-1 et suivants et R.662-12 du code de commerce, le liquidateur judiciaire demande à la cour de':

déclarer recevable mais mal fondé l'appel formé par M. [O] à l'encontre du jugement déféré,

en conséquence, confirmer purement et simplement la décision déférée en toutes ses dispositions,

subsidiairement, prononcer à l'encontre de M. [O] une mesure d'interdiction de gérer,

en tout état de cause, condamner M. [O] aux entiers dépens de l'instance.

Dans ces écritures, le liquidateur judiciaire expose que M. [O] a collaboré de manière insatisfaisante avec les organes de la procédure et qu'il n'a pas tenue une comptabilité régulière, de sorte que ces fautes justifient le prononcé d'une mesure de faillite personnelle à titre principal. Il soutient qu'à défaut, il y a lieu de prononcer une mesure d'interdiction de gérer au motif que M. [O] n'a pas remis au liquidateur judiciaire la liste des créanciers visée par l'article L.622-6 alinéa 2 du code de commerce et qu'il a sciemment omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai de 45 jours. Il affirme que l'état de cessation des paiements a duré 17 mois, de sorte que l'appelant, en sa qualité de dirigeant de droit de la société ne pouvait l'ignorer eu égard à l'importance du passif essentiellement social et fiscal d'un montant de 90.715,05 euros.

Le ministère public, par observations du 8 octobre 2021, communiquées contradictoirement aux parties, sollicite la confirmation du jugement déféré et s'en remet aux conclusions du mandataire judiciaire.

MOTIFS

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs conclusions écrites précitées.

Il y a également lieu au préalable de rappeler qu'aux termes de l'article 954, alinéa 2 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, de sorte qu'en l'espèce, elle n'est pas saisie d'une demande de faillite personnelle, laquelle est exposée par l'intimée à titre principal dans ses écritures mais n'est pas reprise au dispositif de celles-ci. Les moyens exposés au soutien de cette demande ne seront donc pas examinés par la cour.

Sur l'interdiction de gérer

Selon l'article L.653-8 alinéa 2 et 3 du code de commerce, 'l'interdiction de gérer peut être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 qui, de mauvaise foi n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur judiciaire ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L.622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture et qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation".

Cette sanction suppose d'établir le caractère volontaire de l'omission, lequel découle à la fois de la connaissance de l'état de cessation des paiements, et de celle de l'obligation légale de demander l'ouverture de la procédure collective dans le délai de 45 jours.

En l'espèce, pour prononcer la mesure d'interdiction de gérer, les premiers juges ont retenu comme constituée la faute invoquée par le liquidateur judiciaire à l'encontre de M.[O] tenant à l'omission volontaire de déclarer l'état de cessation des paiements dans les 45 jours au sens des dispositions précitées.

Le moyen de l'appelant tenant à ce que la date de cessation des paiement ne saurait être fixée au 12 juin 2016, soit antérieurement au début d'activité de la société le 16 juin 2016, est inopérant alors d'une part qu'à la date retenue par le tribunal, la société, qui était immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés depuis le 31 mai 2016, pouvait ainsi faire l'objet d'une telle mesure et alors d'autre part que le juge de la sanction ne dispose d'aucune autonomie pour fixer la date de cessation des paiements puisque l'article R. 653-1, alinéa 2 du code de commerce dispose en effet que 'pour l'application de l'article L. 653-8, la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de celle retenue dans le jugement d'ouverture de la procédure ou d'un jugement de report en application de l'article L. 631-8'. Le juge n'a donc pas à rechercher si, à cette date, le débiteur était bel et bien en état de cessation des paiements.

En revanche, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, et à ce que soutient l'intimé, ni l'importance du passif, ni la durée de l'état de cessation des paiements ne suffisent à établir que M. [O], qui a déposé sa déclaration de cessation des paiements le 30 novembre 2017, a agi sciemment de manière tardive, alors que l'ancienneté du passif n'est pas démontrée, comme en atteste le rapport dressé par le liquidateur judiciaire le 23 juillet 2019 en application de l'article R.621-20 qui relève que le passif d'un montant de 88.735,16 euros se compose de créances sociales et fiscales correspondantes pour l'essentiel à des cotisations au titre de l'année 2017, sans davantage de précision quant à leur date exacte d'exigibilité et étant au surplus observé qu'il n'est fait état de l'existence d'aucune procédure d'exécution à l'encontre de l'appelant au cours de l'année 2017 au titre du règlement de ce passif.

Dans ces circonstances, faute d'établir que M. [O] avait une connaissance d'un passif ancien insusceptible d'être apuré par l'état des actifs de la société, ce dernier est bien fondé à soutenir qu'aucune faute tenant au défaut de déclaration de l'état de cessation des paiement dans le délai légal de 45 jours n'est démontrée à son encontre.

S'agissant du second grief invoqué, il est relevé que dans son rapport dressé le 23 juillet 2019, le liquidateur judiciaire a conclu qu'une action en sanction était envisageable à l'encontre de M.[O] "compte tenu de l'omission de remettre la liste des créanciers".

Il ressort des pièces produites que ce dernier n'a pas satisfait à cette obligation et ce malgré les demandes réitérées formulées en ce sens par le liquidateur judiciaire par courrier du 13 décembre 2017 puis selon courriels des 21 décembre, 4 juin et 22 juin 2017, de sorte que la mauvaise foi de l'intéressé ayant présidé à cette omission est caractérisée. Il convient donc de confirmer le jugement déféré par substitution de motifs, le grief tenant au défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours étant écarté.

Sur la sanction

Compte tenu du manquement précédemment établi, M. [O] est passible d'une sanction d'interdiction de gérer prévue par la loi.

Eu égard au seul grief retenu contre M.[O] tenant à l'omission de transmettre la liste des créanciers et alors qu'il n'est ni allégué ni à fortiori démontré que ce dernier a déjà fait l'objet d'une sanction professionnelle de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en fixant à un an la durée de cette sanction qui doit être proportionnée au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l'appelant.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dépens de première instance et d'appel ne constituent pas des frais privilégiés de la procédure collective mais sont à la charge de M. [O]. Le jugement déféré doit être infirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé une interdiction de gérer de huit ans à l'encontre de M.[O] et en ce qu'il a dit que les dépens seront tirés en frais privilégiés de partage,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Prononce à l'encontre de M. [O], né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 5] (Algérie), l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pendant une durée de un an,

Condamne M. [O] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/04516
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;21.04516 ?
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