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20/10/2022 | FRANCE | N°20/04640

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 20 octobre 2022, 20/04640


N° RG 20/04640

N° Portalis DBVX - V - B7E - NDSX









Décision du Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond du 07 juillet 2020



4ème chambre



RG : 18/08169

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 20 Octobre 2022







APPELANTE :



Mme [J] [U]

née le [Date naissance 3] 1973

[Adresse 4]

[Localité 6]



représentée par l

a SELARL BS2A BESCOU ET SABATIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 579









INTIMEES :



MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par la SELARL VITAL-DURAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de...

N° RG 20/04640

N° Portalis DBVX - V - B7E - NDSX

Décision du Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond du 07 juillet 2020

4ème chambre

RG : 18/08169

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 20 Octobre 2022

APPELANTE :

Mme [J] [U]

née le [Date naissance 3] 1973

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par la SELARL BS2A BESCOU ET SABATIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 579

INTIMEES :

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par la SELARL VITAL-DURAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : T.1574

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE SAVOIE

[Adresse 2]

[Localité 7]

(ordonnance de caducité partielle du 19 janvier 2021)

******

Date de clôture de l'instruction : 08 Juin 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 20 Octobre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Julien SEITZ, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, l'un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Madame [J] [U] a souffert le 20 avril 2015 un accident de la circulation sur la voie publique, ayant été renversée par un véhicule terrestre à moteur alors qu'elle traversait la rue [Adresse 8] à [Localité 9], à hauteur du numéro 43.

Amenée à l'hôpital par la conductrice, Madame [O] [Y], dont le véhicule professionnel était assuré auprès de la société Mutuelles du Mans assurances, Madame [U] a présenté un bilan lésionnel faisant état de contusions multiples au thorax, à la hanche droite, à l'épaule droite et aux cervicales, ainsi que d'une entorse à la cheville gauche, sans nécessité d'hospitalisation.

La société Mutuelles du Mans assurances a ouvert une procédure d'indemnisation amiable et Madame [U] a été examinée les 06 juin et 23 novembre 2016 par le docteur [D].

Ce médecin a déposé son rapport le 01 décembre 2016, sur la foi duquel la société Mutuelle du Mans Assurances a versé une première provision de 500 euros.

Le 12 mai 2017, la société Mutuelles du Mans assurances a formulé une proposition d'indemnisation à hauteur de 5.640 euros, déduction faite de la provision versée, que Madame [U] a contesté par l'intermédiaire de son conseil, motifs tirés de ce que cette offre ne prenait pas en compte la perte de ses gains professionnels, l'incidence de l'accident sur sa carrière, et les frais divers occasionnés.

Par courriel du 30 janvier 2018, la société Mutuelles du Mans assurances a proposé une indemnisation complémentaire de 5.485,07 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels et de 175 euros au titre des frais divers.

Par ordonnance du 24 avril 2018, le juge des référés près le tribunal de grande instance de Lyon a condamné la société Mutuelles du Mans assurances à verser à Madame [U] une provision complémentaire de 5.640 euros à titre de provision complémentaire à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel.

Par exploits signifiés les 18 et 24 juillet 2018, Madame [U] a fait assigner la société MMA IARD assurances mutuelles (ci-après l'assureur) et la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie devant le tribunal de grande instance de Lyon, en liquidation de l'indemnisation des préjudices nés de l'accident de la circulation.

Par jugement du 07 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- dit que le véhicule conduit par Madame [O] [Y] et assuré par la société MMA IARD assurances mutuelles était impliqué dans l'accident survenu le 20 avril 2015 à [Localité 9] ;

- condamné la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à Madame [U] la somme de 6.267,58 euros, provisions déduites, à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices, avec intérêts au double du taux légal du 21 décembre 2015 au 12 mai 2017 sur la somme de 12.407,58 euros, et capitalisation des intérêts conformément à l'ancien article 1154 du code civil,

- débouté Madame [U] du surplus de ses demandes indemnitaires,

- condamné la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à Madame [U] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens de l'instance.

Par déclaration formée le 21 août 2020, Madame [U] a relevé appel de ce jugement, limité aux chefs suivants :

- la condamnation de la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à Madame [U] la somme de 6.267,58 euros, provisions déduites, à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices, avec intérêts au double du taux légal du 21 décembre 2015 au 12 mai 2017 sur la somme de 12.407,58 euros, et capitalisation des intérêts conformément à l'ancien article 1154 du code civil,

- le rejet du surplus des demandes indemnitaires de Madame [U],

- la condamnation de la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à Madame [U] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamnation de la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens de l'instance.

Par ordonnance du 19 janvier 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité partielle de la déclaration d'appel, en tant que dirigée contre la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie.

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées le 21 novembre 2020, Madame [J] [U] sollicite qu'il plaise :

- réformer le jugement en ce qu'il a limité l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 6.257,58 euros, provisions déduites,

- condamner la compagnie d'assurance Mutuelles du Mans assurances à lui verser la somme de 70.556,12 euros en réparation des préjudices subis par cette dernière, avec intérêt au taux légal, doublé à compter du 21 décembre 2015, date de l'expiration du délai de cinq mois fixé par les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances, et capitalisation des intérêts par année civile,

- déduire de cette somme le montant des provisions déjà versées par la compagnie d'assurance Mutuelles du Mans assurances de montants de 5.640 euros et de 500 euros,

- condamner la compagnie d'assurance Mutuelles du Mans assurances au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la compagnie d'assurance Mutuelles du Mans assurances aux entiers dépens de l'instance.

Madame [U] soutient, sur la foi de certificats médicaux et d'un arrêt de travail établis en 2017, que les séquelles de l'accident l'auraient placée dans l'impossibilité de poursuivre une activité professionnelle rémunérée jusqu'au 23 novembre 2016 et qu'il conviendrait en conséquence de réformer le jugement entrepris, en ce qu'il a limité l'indemnisation accordée à la période du 20 avril 2015 au 03 janvier 2016.

Elle ajoute que les séquelles de l'accident l'auraient contrainte à abandonner son travail d'opératrice de salle blanche en Suisse, de par l'impossibilité de demeurer des heures durant en station debout et d'effectuer des trajets de deux heures par jour. Elle querelle sur ce point le rapport de l'expert, en affirmant que celui-ci aurait omis de tenir compte de la pénibilité réelle de cet emploi et de l'importance des trajets quotidiens. Elle ajoute avoir dû entamer une réorientation et une formation professionnelle ayant abouti à un emploi moins rémunérateur et sollicite à ce titre l'allocation d'une somme de 8.000 euros.

L'appelante soutient également que sa pièce n°20 et l'absence de toute réclamation de la part de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie démontreraient l'absence de versement de toute rente par cet organisme. Elle sollicite partant la somme de 11.200 euros en indemnisation de son déficit fonctionnel permanent.

Elle ajoute que le tribunal a sous-estimé le préjudice en lien avec les souffrances endurées et prétend à ce titre à une indemnisation de 6.500 euros.

Elle conteste enfin le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de préjudice d'agrément formée à raison de l'impossibilité de continuer à pratiquer le footing, motif tiré de ce qu'elle ne démontrait pas se livrer antérieurement à cette activité sportive, en affirmant que tel était bien le cas.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 17 février 2021, la société MMA IARD assurances mutuelles sollicite, au visa des dispositions de la loi du 05 juillet 1985, qu'il plaise :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- rejeter la demande formée par Madame [U] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens d'appel.

Concluant en premier lieu sur l'indemnisation sollicitée au titre de la perte de gains professionnels actuels, l'assureur relève que l'expert ayant examiné Madame [U] n'a pas retenu d'arrêt de travail en lien avec l'accident passé la période du 02 décembre 2015 et s'étonne de ce que l'avis d'arrêt de travail pour la période du 03 janvier 2016 au 12 décembre 2016 ait été établi le 06 septembre 2017 de manière rétroactive. Il plaide en tout état de cause que la preuve du lien causal entre cet arrêt de travail prolongé et l'accident n'est pas démontré. Il rappelle enfin que les notions d'arrêt de travail et de consolidation médico-légale ne se confondent pas.

Concluant en second lieu sur l'indemnisation sollicitée au titre de l'incidence professionnelle de l'accident, l'assureur rappelle que l'expert n'a pas retenu de contre-indication à la reprise de l'activité antérieure et se range à l'appréciation du premier juge en ce qu'il a rappelé qu'aucun élément ne permettait de retenir que Madame [U] aurait été contrainte d'abandonner son emploi à raison des séquelles de l'accident.

Il soutient en troisième lieu que l'indemnité arbitrée par le tribunal s'agissant des souffrances endurées s'avère conforme à la jurisprudence en la matière.

Il indique en quatrième lieu qu'en l'absence de production de la créance de l'organisme social venant indiquer si l'assurée a perçu une rente susceptible de venir en déduction de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, la cour ne peut se prononcer sur ce point. Il estime que la pièce n°20 de l'appelante, émanant de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône plutôt que de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie ou de la caisse suisse, revêtue d'une mention manuscrite attestant l'absence de versement d'une rente dont l'auteur demeure inconnu, n'est pas suffisamment probante à cet égard.

Il indique enfin que l'expert a expressément écarté le préjudice d'agrément allégué.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 08 juin 2021 et l'affaire a été appelée à l'audience du 08 septembre 2022, à laquelle elle a été mise en délibéré au 20 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les postes de préjudice non contestés :

En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Le tribunal judiciaire de Lyon a condamné l'assureur à payer à Madame [U] la somme de 6.267,58 euros tous chefs de préjudice confondus, déduction faite des provisions versées.

Madame [U] ayant interjeté appel de cette condamnation, la cour se trouve saisie de l'ensemble des chefs de préjudice au titre desquels Madame [U] a formé demande indemnitaire devant le premier juge.

Les parties s'abstiennent cependant de critiquer l'indemnisation accordée par le tribunal pour certains de ces postes de préjudice, en sollicitant que les montants arbitrés soient « confirmés » par la cour.

Ces postes de préjudice s'entendent :

- des dépenses de santé avant consolidation, indemnisées à hauteur de 90 euros,

- de l'assistance temporaire par tierce personne, indemnisée à hauteur de 660 euros,

- des frais divers, indemnisés à concurrence de 175 euros,

- du déficit fonctionnel temporaire, réparé à hauteur de 1.104 euros,

- du préjudice esthétique temporaire, indemnisé à concurrence de 400 euros.

Les parties ne contestent pas en outre le doublement des intérêts au taux légal du 25 décembre 2015 au 12 mai 2017, non plus que la capitalisation des intérêt échus.

La cour adopte les motifs pertinents par lesquels le premier juge a statué sur ces points et fait sienne les indemnisations correspondantes.

Sur les pertes de gains professionnels actuels :

Ce poste de préjudice correspond à la perte de gain générée par l'incapacité provisoire de travail, savoir les pertes de revenu effectivement éprouvées par la victime du fait de son dommage. La compensation de cette invalidité temporaire concerne uniquement les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime, jusqu'à la consolidation de son état médico-légal.

L'expert [D] a fixé la consolidation de l'état de Madame [U] à la date de son rapport définitif, soit le 26 novembre 2016, en notant la persistance de raideurs très modérées, d'une sensibilité cervicale, et d'un syndrome post-traumatique constitué d'une angoisse généralisée, en lien avec l'accident. Il a cependant expliqué que la poursuite d'un traitement par anxiolytiques et antidépresseurs passé la date de consolidation n'apparaissait plus imputable de façon directe et exclusive à celui-ci.

Ayant relevé que Madame [U] justifiait d'un arrêt de travail total pour la période du 20 avril 2015 au 02 décembre 2015 et alléguait sans en justifier d'une autorisation de son médecin traitant pour une reprise du travail à 50 % du 03 décembre 2015 au 03 janvier 2016, Monsieur [D] a retenu que l'arrêt d'activité professionnelle total ou partiel imputable à l'accident s'étendait sur les mêmes périodes.

Madame [U] conteste l'analyse de l'expert et soutient que son incapacité temporaire d'exercer une activité professionnelle se serait poursuivie jusqu'au 12 décembre 2016.

Elle admet que l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels soit fixée à la somme de 549,83 euros pour la période du 20 avril 2015 au 09 octobre 2015, mais sollicite que la réparation soit portée aux sommes de 20.800 euros pour la période du 10 octobre 2015 au 09 septembre 2016 et de 10.732,42 euros pour la période du 10 septembre 2016 au 23 novembre 2016. Elle formule une réclamation totale de 37.427,12 euros dont elle n'explicite pas le calcul.

Pour justifier de son incapacité temporaire de retourner à l'emploi en relation avec le dommage causé par l'accident, Madame [U] produit un certificat médical établi le 21 juillet 2017 par son médecin traitant, aux termes duquel ce professionnel indique que l'appelante « n'a pu reprendre une activité professionnelle à partir du 03 janvier 2016 au 12 décembre 2016, pour raisons médicales ».

Elle se prévaut également d'un duplicata de prolongation d'arrêt de travail établi le 06 septembre 2017 par le même médecin, pour la période du 03 janvier 2016 au 12 janvier 2016.

Elle produit en troisième lieu un certificat établi par le docteur [T], psychiatre, en date du 18 janvier 2018, selon lequel ce professionnel indique l'avoir reçue en consultation les 21 septembre, 12 octobre et 09 novembre 2016 et certifie que « l'état de santé sur le plan mental de Madame [U] ne lui permettait pas de travailler », en précisant que l'intéressée « mettait ces consultations en rapport avec les séquelles de son accident du 20 avril 2015 ».

La cour relève toutefois :

- que le certificat médical du 21 juillet 2017 se contente d'évoquer des « raisons médicales » indéterminées,

- que l'avis d'arrêt de travail n'est pas motivé et qu'il a été établi de manière rétroactive,

- que le certificat du 18 janvier 2018 se réfère aux déclarations de Madame [U] quant à l'origine des troubles psychiques, sans que le médecin ne se prononce sur la crédibilité de ces assertions.

Aucun de ces documents ne permet en conséquence de mettre l'impossibilité alléguée de travailler en relation causale certaine avec l'accident du 20 avril 2015.

Il est acquis par ailleurs que Madame [U] n'a jamais fait état, en cours d'expertise, d'un quelconque arrêt de travail ou incapacité de travailler passé le 03 janvier 2016. L'appelante a eu connaissance de la période d'incapacité temporaire retenue par l'expert au dépôt du rapport intermédiaire du 06 juin 2016 et ne lui a transmis aucun élément de nature à modifier son appréciation, tel un avis de prolongation d'arrêt de travail.

Elle a affirmé à l'expert avoir entamé le 25 mai 2016 une formation professionnelle de gestionnaire de paie au Greta de [Localité 6] (rapport d'expertise intermédiaire du 06 juin 2016 p.4). Le suivi d'une telle formation, équivalente à l'emploi, permet d'exclure toute incapacité temporaire de travail à l'époque concernée et d'écarter les affirmations non circonstanciées du médecin traitant selon lesquelles Madame [U] se serait trouvée dans l'incapacité de travailler du 03 janvier 2016 au 12 décembre 2016.

La cour observe pour finir que l'expert a commenté le syndrome de stress post-traumatique à versant dépressif et anxiogène souffert par Madame [U] ensuite de l'accident, sans jamais retenir que ce trouble psychique aurait fait obstacle à l'exercice d'une activité professionnelle, contredisant en cela les affirmations du docteur [T].

La preuve n'est donc pas suffisamment rapportée de ce que l'incapacité temporaire de travailler se serait poursuivie au-delà du 03 janvier 2016.

Pour calculer la perte de gains actuels au titre de la période du 10 octobre 2015au 02 décembre 2015, le tribunal a justement retenu, sur la foi du « compte de salaire 2015 » produit par Madame [U] que l'intéressée avait perçu un revenu mensuel net moyen de 3.354,45 francs suisses de janvier à mars 2015, correspondant à un revenu de 3.206,01 euros au taux de change de référence de la BCE pratiqué le 31 mars 2015, qu'elle aurait conservé si l'accident n'était pas servenu. C'est à tort en revanche qu'il en a retranché l'aide au retour à l'emploi, perçue du 10 octobre 2015 au 02 décembre 2015 à concurrence de 31,93 euros par jour, alors que cette prestation, non mentionnées par l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, ne donne pas lieu à recours subrogatoire. Il convient en conséquence d'arrêter la perte de gains à la somme de 5.578,33 euros sur la période considérée.

Pour la période du 03 décembre 2015 au 03 janvier 2016, le tribunal a justement retenu que Madame [U] avait été privée de 50 % de la somme de 3.372,80 euros, correspondant à l'application de son revenu journalier moyen, déterminé sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours, à la période de 52 jours écoulée du 03 décembre 2015 au 03 janvier 2016 inclus, soit du montant de 1.686,40 euros. C'est à tort en revanche qu'il en a retranché l'aide au retour à l'emploi à concurrence de 1.021,76 euros. Il convient en conséquence d'arrêter la perte de gains professionnels actuels à la somme de 1.686,40 euros pour la période considérée.

L'indemnité globale accordée de ce chef de préjudice sera donc portée à 7.814,56 euros.

Sur l'incidence professionnelle économique de l'accident :

Ce poste de préjudice tend à indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, tel le préjudice subi par la victime du fait de sa dévalorisation sur le marché du travail, sa perte éventuelle d'une chance professionnelle ou la nécessité de devoir abandonner la profession exercée avant le dommage au profit d'une autre activité. Il inclut notamment les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste.

Madame [J] [U] fait valoir que le métier d'opératrice en salle blanche, qu'elle exerçait depuis plusieurs années en Suisse à la date de l'accident, nécessite une bonne condition physique, en ce qu'il implique de rester en position debout et de soulever des charges de plusieurs kilogrammes pour alimenter les lignes.

Elle ajoute que son lieu de travail en Suisse se situait à une heure de route de son domicile.

Elle soutient que les séquelles de l'accident auraient fait obstacle à ce qu'elle puisse assumer ces trajets et poursuivre cet emploi difficile, et l'auraient obligée à tenter une reconversion en gestionnaire de paie, qui ne lui aurait pas permis de retourner à l'emploi.

Elle conteste les conclusions de l'expert, selon lesquelles elle se serait trouvée en mesure de reprendre son emploi, en lui faisant grief d'avoir méconnu la pénibilité accrue provoquée par les séquelles de l'accident au regard des conditions particulières de cette activité professionnelle et des trajets à effectuer.

L'expert [D] a largement commenté l'état physique de Madame [U] en son rapport du 23 novembre 2016, pour conclure :

- à la persistance d'une raideur très modérée de l'épaule droite, dominante, dans les mouvements extrêmes de rotation externe et dans les mouvements main/colonne,

- à l'absence d'amyotrophie à ce niveau,

- à la persistance d'une raideur très modérée de la cheville gauche ne s'exprimant qu'en varus, sans amyotrophie, avec sensibilité persistante au niveau de la sous-malléolaire externe,

- à l'existence de douleurs au niveau cervical, sans raideur patente observée ou signe neurologique déficitaire au niveau des membres supérieurs,

- à la présence d'une excellente mobilité lombaire,

- à une absence de raideur au niveau des hanches.

Il a expliqué, sur la foi de ces éléments, qu'il n'existait pas de contre-indication à la reprise de la profession d'opératrice en salle blanche et rien ne permet d'affirmer qu'il n'aurait pas tenu compte, dans son appréciation, des trajets à effectuer ou de la nécessité de travailler en station verticale.

Madame [U] n'apporte aucun élément médico-légal de nature à remettre en cause cette appréciation circonstanciée et procède en la matière par simple allégation.

Elle ne démontre point en outre la nécessité d'entreprendre une reconversion professionnelle en lien avec les séquelles de l'accident, non plus qu'une quelconque dévalorisation sur le marché du travail en relation causale avec celui-ci.

Il convient en conséquence de rejeter sa demande formée du chef de l'incidence professionnelle économique de l'accident.

Sur le déficit fonctionnel permanent :

Ce poste vient réparer le préjudice non-économique résultant de la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel causée par l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie quotidienne.

Il indemnise non seulement le déficit fonctionnel, mais également les douleurs physiques et psychiques postérieures à la consolidation et leur impact sur les conditions d'existence de la victime.

Les parties ne contestent pas, en l'espèce, le déficit fonctionnel permanent de 8% évalué par l'expert [D], non plus que la valeur du point de déficit de 1.400 euros fixée par le premier juge au regard de l'âge de l'appelante à la date de consolidation.

Le déficit fonctionnel de Madame [U] devrait donc être indemnisé à concurrence d'une somme de 11.200 euros.

Le tribunal judiciaire de Lyon a cependant rappelé exactement que les pensions d'invalidité ou les rentes d'accident du travail versées par les tiers-payeurs ont vocation à s'imputer sur l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, lorsqu'aucune indemnisation des pertes de gain futurs n'a été accordée.

Cette imputation, prévue par l'article 31 de la loi n°85-677 du 05 juillet 1985, est automatique et la juridiction appelée à statuer sur la réparation du préjudice corporel ne peut faire droit à une demande indemnitaire formée du chef du déficit fonctionnel permanent sans disposer au préalable de la connaissance du versement ou de l'absence d'une pension d'invalidité ou d'une rente pour accident du travail.

Or, le tribunal judiciaire de Lyon a relevé qu'en l'absence de justification par la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie de ses débours, il ne disposait d'aucune pièce de nature à justifier du versement ou de l'absence de telles rente et pension, de sorte qu'il a rejeté la prétention élevée du chef du déficit fonctionnel permanent.

Madame [U] produit à hauteur de cour la photocopie d'une attestation de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône en date du 01 février 2019, sur laquelle il est indiqué qu'aucune indemnité journalière n'a été versée sur la période du premier janvier 2015 au premier février 2019, avec rajout manuscrit de la mention « ni de rente à ce jour ».

Ainsi que le fait observer la société MMA IARD assurances mutuelles, la cour ne peut s'assurer de la personne auteur de cette mention manuscrite. Il est impossible en outre de déterminer à quel type de rente cette personne fait référence.

Cette pièce émane enfin de la caisse primaire du Rhône. A supposer que Madame [U] soit désormais affiliée à cet organisme, alors qu'elle réside en Haute-Savoie et que les attestations antérieures émanent de la caisse primaire de Haute Savoie, elle ne suffit pas, en tout état de cause, à établir la preuve de l'absence de versement d'une rente accident du travail ou d'une pension d'invalidité par la SUVA suisse.

Le fait que la Caisse de Haute Savoie ne se soit pas faite représenter en première et en seconde instance ne permet pas d'en tirer de conclusions certaines quant à l'absence de versement d'une rente ou d'une pension.

Il convient en conséquence de rejeter la demande d'indemnisation du déficit fonctionnel permanent.

Sur les souffrances endurées :

Ce poste de préjudice vient indemniser les souffrances physiques et psychiques endurées par la victime entre l'accident et la date de sa consolidation, du fait des blessures subies et des traitements administrés.

Madame [U] a souffert de contusions multiples au thorax, à la hanche droite, à l'épaule droite et aux cervicales, ainsi que d'une entorse à la cheville gauche. Elle s'est plainte, en cours d'expertise, de douleurs cervicales et dorsales, ainsi qu'aux deux hanches et à la cheville gauche.

Au terme de son rapport définitif du 26 novembre 2016, l'expert [D] a retenu l'existence d'une sensibilité persistante de la cheville gauche et de douleurs cervicales, sans raideur associée.

Il a évalué l'intensité des souffrances endurées par Madame [U] à 2,5 sur une échelle de 7, en prenant en considération les circonstances de l'accident, les périodes d'immobilisation et de rééducation, ainsi que les douleurs physiques et psychiques endurées tout au long du processus de consolidation.

Madame [U] ne produit aucune pièce de nature à contredire cette appréciation et c'est par une juste appréciation des éléments de fait que le premier juge a arrêté l'indemnisation correspondante à la somme de 5.000 euros, correspondant à un préjudice modéré.

Sur le préjudice d'agrément :

Ce préjudice se définit comme celui qui résulte d'un trouble spécifique lié à l'impossibilité totale ou partielle pour la victime de continuer à pratiquer une activité sportive ou de loisir.

Il appartient en conséquence à la victime de justifier d'une pratique sportive ou de loisir régulière antérieure au fait dommageable, ainsi que d'une impossibilité totale ou partielle d'en poursuivre l'exercice.

Madame [U] ne justifie pas en l'espèce s'être livrée de manière régulière à la pratique de la course à pied avant l'accident.

Il résulte par ailleurs du rapport d'expertise du 26 novembre 2016 que le préjudice d'agrément est « inexistant » et que la pratique du footing et de la musculation peut être reprise, malgré la persistance d'une « certaine baisse de performance au niveau du footing, compte tenu de la sensibilité latérale externe de la cheville gauche ».

La baisse de performance évoquée, d'ordre général, ne caractérise pas l'impossibilité, même partielle, de se livrer à la course à pied. Valable pour l'ensemble des activités impliquant la mobilité pédestre, elle participe du déficit fonctionnel permanent, et son indemnisation n'a pas vocation à s'opérer de manière distincte.

Il n'y a lieu pas en conséquence d'accorder l'indemnisation réclamée au titre du préjudice d'agrément.

Compte tenu des motifs qui précèdent, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à Madame [J] [U] la somme de 6.267,58 euros, provisions déduites, à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices, avec intérêt au double du taux légal du 21 décembre 2015 au 12 mai 2017 sur la somme de 12.407,58 euros, et capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil.

La société MMA IARD assurances mutuelles sera condamnée à verser la somme de 9.013,56 euros provisions déduites, avec intérêt au double du taux légal du 21 décembre 2015 au 12 mai 2017 sur la somme de 15.153,56 euros, et capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil.

Sur les frais irrépétibles et les dépens de l'instance :

 

La société MMA IARD assurances mutuelles succombe partiellement en cause d'appel et il y a lieu de la condamner aux entiers dépens.

L'équité commande par ailleurs de la condamner à payer à Madame [U] la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Madame [U] n'a pas maintenu sa demande d'infirmation des dispositions du jugement de première instance relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance et l'assureur en demande expressément la confirmation. Il convient, en l'absence de contestation, de confirmer les dispositions correspondantes.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à Madame [J] [U] la somme de 6.267,58 euros, provisions déduites, à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices, avec intérêt au double du taux légal du 21 décembre 2015 au 12 mai 2017 sur la somme de 12.407,58 euros, et capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté Madame [J] [U] du surplus de ses prétentions indemnitaires,

- condamné la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à Madame [J] [U] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens de première instance ;

statuant à nouveau :

Condamne la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à Madame [J] [U] la somme de 9.013,56 euros, provisions déduites, avec intérêt au double du taux légal du 21 décembre 2015 au 12 mai 2017 sur la somme de 15.153,56 euros, et capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil.

y ajoutant :

Condamne la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à Madame [J] [U] la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens de l'instance d'appel.

 

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 20/04640
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;20.04640 ?
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