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20/10/2022 | FRANCE | N°20/04547

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 20 octobre 2022, 20/04547


N° RG 20/04547

N° Portalis DBVX - V - B7E - NDMI









Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT-ETIENNE

Au fond du 23 juin 2020



1ère chambre civile



RG : 18/03090

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 20 Octobre 2022







APPELANTE :



S.A.R.L. BL VENTURE

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par MaÃ

®tre Charles SAVARY, avocat au barreau de LYON, toque : 1965









INTIMES :



M. [O] [E]

né le 21 Octobre 1981 à [Localité 5] (HAUTE SAVOIE)

[Adresse 2]

[Localité 5]



représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de ...

N° RG 20/04547

N° Portalis DBVX - V - B7E - NDMI

Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT-ETIENNE

Au fond du 23 juin 2020

1ère chambre civile

RG : 18/03090

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 20 Octobre 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. BL VENTURE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Maître Charles SAVARY, avocat au barreau de LYON, toque : 1965

INTIMES :

M. [O] [E]

né le 21 Octobre 1981 à [Localité 5] (HAUTE SAVOIE)

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547

et pour avocat plaidant la SELARL PERSPECTIVES MEROTTO FAVRE, avocat au barreau d'ANNECY

M. [G] [U]

[Adresse 7]

[Localité 4]

représenté par la SELARL FARRE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Mme [L] [V]

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par la SELARL FARRE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

******

Date de clôture de l'instruction : 25 Mai 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 20 Octobre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- [O] SEITZ, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, l'un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Par acte sous seing privé du 15 février 2016, la société BL Venture a acquis de Madame [B] un véhicule automobile Citroën DS3 Racing, immatriculé [Immatriculation 6].

Selon acte du 12 juillet 2016, la société BL Venture a revendu ce véhicule à Madame [V] et Monsieur [U], contre versement d'un prix de 17.500 euros.

Suivant acte sous seing privé du 08 décembre 2017, Madame [V] et Monsieur [U] ont cédé ce véhicule à Monsieur [E], au prix de 15.700 euros.

Monsieur [E] a entrepris les jours suivants de faire changer les pneus de son véhicule. Il a appris en cette occasion que l'automobile souffrait de désordres.

Son assureur protection juridique a diligenté une expertise amiable au contradictoire de Madame [V] et Monsieur [U].

L'expert [P] a examiné le véhicule et déposé un rapport le 23 juillet 2018, concluant à l'existence de séquelles d'un accident antérieur.

Par assignation signifiée le 26 septembre 2018, Monsieur [E] a fait citer Madame [V] et Monsieur [U] devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne, en résolution de la vente, restitution du prix et indemnisation des frais exposés pour l'achat, l'entretien et la remise en état du véhicule.

Monsieur [U] et Madame [V] ont appelé la société BL Venture en garantie par exploit du 04 décembre 2018.

Selon jugement du 23 juin 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :

- prononcé la résolution de la vente conclue le 8 décembre 2017 entre Monsieur [E] et les consorts [V]/[U] pour manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance,

- condamné Monsieur [E] à restituer aux consorts [V] / [U] le véhicule Citroën DS3 immatriculé CP587EY,

- condamné les consorts [V] / [U] à verser à Monsieur [E] les sommes de :

' 15.700 euros en remboursement du prix de vente

' 773,14 euros au titre de la réparation de l'échappement

' 625,43 euros au titre de la révision du véhicule effectuée par l'acquéreur

' 34,90 euros au titre du remplacement de la jauge d'huile

' 516 euros au titre des frais de mutation de la carte grise,

- condamné la société BL Venture à garantir Madame [V] et Monsieur [U] de l'intégralité des sommes mises à leur charge (prix du véhicule, frais afférents à la vente, coût des impenses, condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile),

- condamné in solidum les consorts [V]/[U] à verser à Monsieur [E] une indemnité au titre des frais irrépétibles de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les consorts [V]/[U] et la société BL Venture aux dépens.

Par déclaration déposée le 14 août 2020, la société BL Venture a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 15 octobre 2020, la société BL Venture demande à la cour, au visa des articles 1603, 1604 et 1641 du code civil :

d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

' prononcé la résolution de la vente conclue le 8 décembre 2017 entre Monsieur [E] et les consorts [V] / [U] pour manquement des vendeurs de leur obligation de délivrance,

' condamné Monsieur [E] à restituer aux consorts [V]/[U] le véhicule Citroën DS3 immatriculé CP587FY,

' condamné les consorts [V]/[U] à verser à Monsieur [E] les sommes de :

- 15.700 euros au titre du prix de vente préalablement acquitté

- 773,14 euros au titre du prix de vente préalablement acquitté

- 625,43 euros au titre de la révision du véhicule effectué par l'acquéreur

- 34,90 euros au titre du remplacement de la jauge d 'huile

- 516 euros pour la mutation de la carte grise,

' condamné la société BL Venture à garantir Madame [V] et Monsieur [U] de l'intégralité des sommes mises à leur charge (prix du véhicule, frais afférents à la vente, coût des impenses, condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile),

' condamné in solidum les consorts [V]/[U] à verser à Monsieur [E] une indemnité de frais irrépétibles de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné in solidum les consorts [V]/[U] et la société BL Venture aux dépens avec distraction au profit de Maître Xicluna, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

statuant à nouveau, sur la demande en résolution de la vente :

- de dire que Monsieur [U] et Madame [V] n'ont pas manqué à leur obligation de délivrance conforme lors de la vente du véhicule Citroën DS3 intervenue le 8 décembre 2017 avec Monsieur [E],

- de dire que le véhicule Citroën DS3 vendu par Monsieur [U] et Madame [V] à Monsieur [E] n'est pas atteint de vices cachés,

- de débouter Monsieur [E] de sa demande en résolution de la vente pour manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme,

- de débouter Monsieur [E] de sa demande en résolution de la vente pour vices cachés,

- de débouter Monsieur [E] de sa demande en remboursement des frais de réparation de l'échappement, de la révision du véhicule, du remplacement de la jauge à huile et au titre de la mutation de la carte grise,

- de débouter Monsieur [E], Monsieur [U] et Madame [V] de l'ensemble de leurs demandes, fins et moyens dirigés contre la société BL Venture,

statuant à nouveau sur l'appel en garantie de Madame [V] et Monsieur [U] à l'encontre de la société BL Venture :

- de constater que Monsieur [U] et Madame [V] n'ont pas sollicité en première instance la résolution judiciaire de la vente intervenue le 12 février 2016 entre eux et la société BL Venture,

- de débouter Monsieur [U] et Madame [V] de leur demande tendant à être relevés et garantis par la société BL Venture de toutes les condamnations pouvant être prononcées à leur encontre dans l'instance qui les oppose à Monsieur [E],

- de débouter Monsieur [E], Monsieur [U] et Madame [V] de l'ensemble de leurs demandes, fins et moyens dirigés contre la société BL Venture,

statuant à nouveau sur l'indemnité prononcée en application de l'article 700 du code de procédure civile :

- de condamner in solidum Monsieur [E], Monsieur [U] et Madame [V] à verser à la société BL Venture la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner in solidum Monsieur [E], Monsieur [U] et Madame [V] aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Savary, avocat, sur son affirmation de droit.

La société BL Venture fait valoir en premier lieu que l'expertise amiable de Monsieur [P] ne revêt pas de caractère contradictoire à son égard, qu'elle ne lui est pas opposable et ne peut fonder sa condamnation.

Elle rappelle en second lieu que l'expert a relevé la conformité matérielle de la chose vendue au modèle convenu entre Monsieur [E] et ses vendeurs, de même qu'il a confirmé le bon comportement routier du véhicule. Elle conclut en conséquence à l'absence de tout manquement des consorts [U] [V] à leur obligation de délivrance.

Elle rappelle que le véhicule litigieux a fait l'objet d'une procédure « véhicule gravement endommagé » initiée au mois de mai 2014, en suite de laquelle il n'a pu être remis en circulation que sur production d'une expertise attestant de sa capacité à rouler dans des conditions normales de sécurité. Elle estime en conséquence que Monsieur [E] ne serait pas fondé à se prévaloir d'un risque pour sa sécurité au regard des séquelles de l'accident survenu en 2014.

Elle conteste par ailleurs que les vices litigieux puissent être antérieurs à la cession consentie aux consorts [V]/[U], en relevant que :

- plus de 18.000 kilomètres ont été effectués avec le véhicule depuis la vente intervenue avec la société BL Venture,

- aucune préconisation n'a été formulée par le concessionnaire Citröen, lors de la révision effectuée à la demande de la société BL Venture,

- aucune demande de prise en charge n'a été effectuée auprès de la société BL Venture par les consorts [V]/[U], alors qu'ils bénéficiaient d'une garantie,

- Madame [V] a eu un sinistre avec ce véhicule courant 2016,

- postérieurement à ce sinistre, les pneumatiques ont été remplacés à deux reprises par Madame [V] en l'espace de deux mois,

- l'expert amiable ne date pas l'apparition des désordres relevés.

Elle conteste également le caractère occulte des vices au sens de l'article 1641 du code civil.

Concluant en troisième lieu sur les conséquences d'une éventuelle résolution de la vente, la société BL Venture fait valoir que les frais de simple entretien du véhicule durant sa possession par Monsieur [E] ne peuvent donner lieu à dommages et intérêts.

Elle soutient en dernier lieu que le vendeur intermédiaire ne peut être relevé et garanti de la restitution du prix consécutive à une résolution, dans la mesure où une telle restitution ne constitue pas un préjudice indemnisable.

Au terme de ses conclusions notifiées le 07 avril 2021, Monsieur [O] [E] demande à la cour, au visa des articles 1604 et 1641 du code civil, de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne du 23 juin 2020 en ce qu'il a :

prononcé la résolution de la vente conclue le 8 décembre 2017 entre Monsieur [E] et les consorts [V]/[U] pour manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance,

condamné Monsieur [E] à restituer aux consorts [V]/[U] le véhicule Citroën DS3 immatriculé CP587FY,

condamné les consorts [V]/[U] à verser à Monsieur [E] les sommes de :

' 15.700 euros au titre du prix de vente préalablement acquitté

' 773,14 euros au titre de la réparation de l'échappement

' 625,43 euros au titre de la révision du véhicule effectuée par l'acquéreur

' 34,90 euros au titre du remplacement de la jauge d'huile

' 516 euros pour la mutation de la carte grise,

condamné in solidum les consorts [V]/[U] et la société BL Venture aux dépens avec distraction au profit de Maître Xicluna, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

réformant pour le surplus et statuant à nouveau :

- de condamner in solidum les consorts [V]/[U] à verser à Monsieur [E] une indemnité d'article 700 du code de procédure civile de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles de1ère instance et d'appel, outre les entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la société Baufumé-Sourbé, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire :

- de prononcer la résolution de la vente conclue le 08 décembre 2017 entre Monsieur [E] et les consorts [V]/[U] en raison des vices cachés rédhibitoires affectant le véhicule Citroën DS3 immatriculé CP- 587-FY,

- de dire et juger les consorts [V]/[U] vendeurs de mauvaise foi en application de l'article 1645 du code civil,

en conséquence et en contrepartie de la restitution par Monsieur [E] du véhicule Citroën DS3 immatriculé [Immatriculation 6] aux frais et pertes des vendeurs :

- de condamner solidairement ces derniers à verser à Monsieur [E] :

' 15.700 euros au titre du prix de vente préalablement acquitté

' 773,14 euros au titre de la réparation de l'échappement

' 625,43 euros au titre de la révision du véhicule effectuée par l'acquéreur

' 34,90 euros au titre du remplacement de la jauge d'huile

' 516 euros pour la mutation de la carte grise

' 1.134 euros pour l'acquittement en pure perte de l'assurance auto,

- de rejeter les demandes adverses de dommages et intérêts, de frais irrépétibles et de dépens en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de Monsieur [E],

- de condamner in solidum les consorts [V]/[U] à verser à Monsieur [E] une indemnité de frais irrépétibles de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction :

pour la 1ère instance au profit de Maître Xicluna en application de l'article 699 du code de procédure civile,

pour l'instance d'appel au profit de la société Baufumé-Sourbé, en application des mêmes dispositions.

à titre infiniment subsidiaire :

- de dire et juger que les vices cachés affectant le véhicule Citroën DS3 immatriculé [Immatriculation 6] au jour de la vente conclue le 08 décembre 2017 imposent une réduction du prix de vente convenu à hauteur du coût des réparations nécessaires et en conséquence condamner solidairement les consorts [V]/[U] à payer à Monsieur [E] les sommes suivantes :

' 773,14 euros au titre de la réparation de l'échappement

' 34,90 euros au titre du remplacement de la jauge d'huile

' 1.270 euros pour le remplacement des deux jantes

' 1.085,75 euros pour l'intervention sur le faisceau électrique afin de remédier au défaut du témoin d'air bag,

- de rejeter les demandes adverses de dommages et intérêts, de frais irrépétibles, et de dépens en ce qu'elles sont dirigées contre Monsieur [E],

- de condamner in solidum les consorts [V]/[U] à verser à Monsieur [E] une indemnité de frais irrépétibles de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction :

pour la 1ère instance au profit de Maître Xicluna en application de l'article 699 du code de procédure civile,

pour l'instance d'appel au profit de la société Baufumé-Sourbé, en application des mêmes dispositions.

Monsieur [E] fait valoir que les parties au contrat du 08 décembre 2017 étaient convenues de la vente d'une voiture de sport, ce qui implique la fiabilité des organes sécuritaires et de performance. Il ajoute que le carnet d'entretien et les factures d'intervention remises à l'occasion de la vente étaient vierges de toute indication quant à l'existence d'une procédure « véhicule gravement endommagé » et que la déclaration de cession mentionne un véhicule n'ayant pas subi de transformations notables susceptibles de modifier les indications du certificat de conformité.

Il précise avoir payé un prix supérieur à celui de la cotation argus.

Il soutient que ces différents éléments témoigneraient implicitement mais nécessairement de ce que les parties seraient contractuellement convenues de la vente d'un véhicule non accidenté. Il conclut en conséquence au manquement de Madame [V] et Monsieur [U] à leur obligation de délivrance, compte tenu de la cession d'un véhicule gravement accidenté dans le courant de l'année 2014.

En réponse aux conclusions adverses, Monsieur [E] soutient que ses vendeurs ne sauraient se prévaloir de l'absence de « modification notable » du véhicule pour conclure à sa conformité contractuelle, dans la mesure ou les réparations effectuées sur le véhicule emporteraient modification notable au sens de l'article R 321-16 du code de la route et de l'article 13 de l'arrêté du 19 juillet 1954.

Il ajoute que la vente d'un véhicule de sport emporte engagement de céder un véhicule aux qualités élevées, ce dont les consorts [V] et [U] auraient fait l'aveu judiciaire en page 11 de leurs conclusions. Il affirme partant que la simple conformité réglementaire de l'automobile ne permet pas de conclure à sa conformité contractuelle.

Monsieur [E] fait également valoir que l'inopposabilité alléguée du rapport d'expertise à la société BL Venture demeure sans conséquence sur ses prétentions, celles-ci n'étant point dirigées contre l'appelée en garantie.

Il fait observer en tout état de cause que ses demandes ne se fondent pas à titre exclusif sur le rapport d'expertise amiable.

Monsieur [E] conclut à titre subsidiaire sur le fondement de la garantie des vices cachés, en indiquant que les vices relevés par l'expert présenteraient une gravité majeure, compte tenu de leurs conséquences sur la sécurité de l'utilisateur, et revêtiraient un caractère occulte pour un acquéreur profane. Il conteste avoir pu se figurer l'existence de ces vices au regard des procès verbaux de contrôle technique fournis par les consorts [V]/[U] lors de la vente, en relevant que le second procès verbal ne reprenait pas les défauts évoqués précédemment ou ne permettait pas d'en mesurer l'ampleur. Il ajoute que ses vendeurs n'ont pu ignorer leur existence, compte tenu de la durée pendant laquelle ils ont fait usage du véhicule litigieux et considère qu'ils se trouvent tenus par voie de conséquence de l'indemnisation de ses préjudices, en sus de la restitution du prix.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 20 mai 2021, Madame [L] [V] et Monsieur [G] [U] demandent à la cour, au visa des articles 1604 et 1641 du code civil :

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

prononcé la résolution de la vente conclue le 8 décembre 2017 entre Monsieur [E] et les consorts [V] / [U] pour manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance,

condamné Monsieur [E] à restituer aux consorts [V] / [U] le véhicule Citroën DS3 immatriculé CP587EY,

condamné les consorts [V] / [U] à verser à Monsieur [E] les sommes de :

' 15.700 euros en remboursement du prix de vente

' 773,14 euros au titre de la réparation de l'échappement

' 625,43 euros au titre de la révision du véhicule effectuée par l'acquéreur

' 34,90 euros au titre du remplacement de la jauge d'huile

' 516 euros au titre des frais de mutation de la carte grise

condamné in solidum les consorts [V] / [U] à verser à Monsieur [E] une indemnité au titre des frais irrépétibles de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum les consorts [V] / [U] et la société BL Venture aux dépens,

réformant pour le surplus et statuant à nouveau :

- de dire que Monsieur [U] et Madame [V] ont pleinement satisfait à leur obligation de délivrance conforme à l'égard de Monsieur [E],

- de dire que les défauts allégués par Monsieur [E] ne sont pas constitutifs de vices cachés dans la mesure ou ils ne nuisent pas à l'utilisation de la chose vendue et qu'ils étaient apparents,

par conséquent :

- de débouter Monsieur [E] de sa demande tendant à voir prononcer la résolution de la vente conclue le 8 décembre 2017 entre Monsieur [E] et les consorts [V] / [U],

- de débouter Monsieur [E] de sa demande tendant à voir prononcer une réduction du prix de vente du véhicule lui ayant été cédé par Monsieur [U] et Madame [V] le 8 décembre 2017,

- de débouter Monsieur [E] et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de Monsieur [U] et de Madame [V],

- de débouter Monsieur [E] de sa demande tendant à voir qualifier les consorts [V]/[U] de vendeurs de mauvaise foi,

- en tout état de cause, dire que Monsieur [U] et Madame [V] n'avaient pas connaissance des désordres allégués par Monsieur [E] de sorte qu'ils ne peuvent être qualifiés de vendeurs de mauvaise foi au sens de l'article 1645 du code civil,

en conséquence :

- de condamner Monsieur [U] et Madame [V] à la seule restitution du prix de vente du véhicule,

à titre subsidiaire, si par impossible la cour de céans devait dire et juger que la responsabilité de Monsieur [U] et de Madame [V] devait être retenue au titre des désordres affectant le véhicule cédé à Monsieur [E] le 8 décembre 2017 :

- de débouter le garage BL Venture de sa demande tendant à voir constater l'inopposabilité du rapport d'expertise amiable à son égard,

en conséquence :

- de condamner la société BL Venture à garantir Madame [L] [V] et Monsieur [U] de toutes les condamnations prononcées contre eux et en cela confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 23 juin 2020,

- de débouter la société BL Venture de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de Monsieur [U] et de Madame [V],

en tout état de cause :

- de condamner Monsieur [E] ou toute autre partie succombante à verser à Monsieur [U] et de Madame [V] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner les mêmes aux entiers dépens.

Monsieur [U] et Madame [V] précisent à titre liminaire que le seul sinistre survenu durant le temps de leur possession s'entend d'un accident à faible vitesse sur un parking, ayant causé des dommages sur la porte arrière et le bas de caisse avant gauche, dont ils ont assuré la réparation.

Ils se déclarent étrangers, en revanche, aux vices allégués par Monsieur [E] et rappellent avoir cédé le véhicule au visa d'un procès verbal de contrôle technique faisant état de défauts ne nécessitant pas de contre-visite.

Monsieur [U] et Madame [V] affirment que le véhicule vendu serait tout à la fois conforme aux engagement contractuels, ainsi qu'à la destination et aux qualités habituellement attendues d'un véhicule de ce type. Ils concluent en conséquence au rejet de la demande en tant que fondée sur l'obligation de délivrance.

Ils critiquent le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Etienne, en faisant valoir qu'il ne résulte pas nécessairement de la survenance d'un accident de type « véhicule gravement endommagé » une modification notable du véhicule au sens de la réglementation applicable. Ils ajoutent que l'absence d'indication, dans le certificat de cession, de toute modification de telle nature s'avère rigoureusement exacte au cas d'espèce.

Ils contestent qu'il leur ait appartenu de faire figurer dans le certificat de cession la mention d'une procédure « véhicule gravement endommagé » antérieure et soutiennent que l'absence d'indication en ce sens, ou de production des factures de réparation afférentes ne signifie point qu'ils se soient engagés à vendre un véhicule non accidenté.

Ils ajoutent que si le véhicule avait subi une transformation notable, Monsieur [E] n'aurait pu faire établir de certificat d'immatriculation et rappellent que l'expert a conclu à la conformité matérielle du véhicule au modèle indiqué dans l'acte de cession.

Monsieur [U] et Madame [V] concluent également à la conformité fonctionnelle du véhicule, en rappelant que les essais sur route réalisés par l'expert s'étaient avérés satisfaisants.

Ils ne reconnaissent point l'aveu judiciaire que leur prête Monsieur [E], en relevant que les indications visées par l'intéressé constituent la citation de ses propres déclarations et non point l'expression de leur propre position.

Ils estiment en second lieu que les conditions de l'action rédhibitoire de l'article 1641 du code civil ne se trouvent pas réunies, en l'absence de vice d'une gravité suffisante, de nature à diminuer ou empêcher l'usage auquel le véhicule se trouvait destiné. Ils affirment également que les défauts de la chose vendue revêtaient un caractère apparent, pour avoir été mentionnés dans le procès verbal de contrôle technique produit en amont de la vente, s'agissant des vices affectant l'airbag et l'échappement.

Ils contestent enfin avoir eu connaissance des vices allégués, en affirmant que Monsieur [E] procédait sur ce point par affirmation. Ils rappellent à cet égard que la procédure « véhicule gravement endommagé » est antérieure de deux ans à leur propre acquisition.

Monsieur [U] et Madame [V] s'estiment fondés à rechercher subsidiairement la garantie de leur propre vendeur BL Venture, en soutenant que le rapport d'expertise amiable, régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, demeurerait parfaitement opposable à l'appelante. Ils ajoutent que ce rapport ne constitue pas la seule pièce sur laquelle se fondent les demandes.

Ils se prévalent, à l'appui de l'appel en garantie dirigé contre la société BL Venture, de son manquement allégué à son obligation de délivrance et de la garantie des vices cachés, en indiquant que tout manquement constaté à leur obligation de délivrance postule celui de leur propre vendeur, de même que toute obligation de garantir les vices de la chose vendue retenue à leur détriment implique de retenir le garantie de la société BL Venture à leur propre bénéfice.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 25 mai 2021 et l'affaire a été appelée à l'audience du 08 septembre 2022, à laquelle elle a été mise en délibéré au 20 octobre 2022.

MOTIFS

Sur le manquement allégué des consorts [U]/[V] à leur obligation de délivrance :

Conformément à l'article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. Cette obligation impose au vendeur de fournir une chose en tous points conforme aux spécifications convenues avec l'acquéreur.

En revanche, le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants du code civil.

La conformité matérielle de la chose vendue aux stipulations contractuelles se trouve donc sanctionnée par l'obligation de délivrance, alors que sa conformité fonctionnelle relève de l'action en garantie des vices cachés.

L'expert [P] a relevé que le véhicule vendu répondait aux modèle et spécifications techniques convenus entre Monsieur [E] et les consorts [V]/[U]. Pour conclure néanmoins au manquement de ses vendeurs à leur obligation de délivrer une chose conforme, Monsieur [E] soutient qu'il résulterait implicitement mais nécessairement de l'absence de mention de la survenance antérieure d'une procédure « véhicule gravement endommagé » dans le carnet d'entretien et les factures de réparation communiqués au moment de la cession, du paiement d'un prix supérieur à la cotation argus et de l'affirmation faite par le vendeur, sur le certificat de cession, de l'absence de modification notable du véhicule, la preuve de ce que les parties étaient convenues de faire porter la vente sur un véhicule n'ayant jamais subi d'accident significatif.

Il ajoute plus généralement que la vente d'un véhicule de sport postulerait la même exigence.

La cour juge cependant que la vente d'un véhicule sportif n'implique pas l'obligation faite au vendeur de fournir une automobile n'ayant jamais souffert d'accident, sanctionnée par l'obligation de délivrance, mais celle de céder une voiture présentant des performances élevées, sanctionnée par la garantie des vices cachés.

La cour relève également que l'indication portée en page 11 des conclusions des consorts [V] [U], sur laquelle Monsieur [E] se fonde pour soutenir que les intéressés auraient fait l'aveu judiciaire de ce que la fiabilité des organes sécuritaires et de performance du véhicule participait des caractéristiques essentielles de la chose vendue et revêtait un caractère contractuel, constitue en réalité une citation de ses propres conclusions, et non l'affirmation de ses vendeurs.

Elle n'emporte donc pas aveu judiciaire.

En outre, l'indication faite dans le certificat de cession de l'absence de modification notable portée au véhicule renvoie à l'article R 321-16 du Code de la Route, aux termes duquel « tout véhicule isolé ou élément de véhicule ayant subi des transformations notables est obligatoirement soumis à une nouvelle réception. Le propriétaire du véhicule ou de l'élément de véhicule doit demander cette nouvelle réception au préfet ».

La liste des modifications notables au sens de cette disposition figure à l'article 13 de l'arrêté du 19 juillet 1954 et Monsieur [E] n'établit pas en quoi le véhicule litigieux aurait subi l'une de ces transformations, à effet d'emporter délivrance non conforme.

De manière plus générale, la mention de l'absence de modification notable dans un certificat de cession a pour seul objet de répondre aux obligations réglementaires prévues en matière de réception administrative et ne saurait, de par cet objet limité et précis, emporter convention de livrer un véhicule n'ayant jamais souffert d'accident.

Le règlement par Monsieur [E] d'un prix de vente supérieur à l'argus et l'absence de mention de la procédure « véhicule gravement endommagé » survenue en 2014 sur le carnet d'entretien et les factures de réparation communiquées à l'acquéreur ne suffisent enfin à présumer la commune volonté des parties de faire porter la vente sur un véhicule non accidenté, quand même porterait-elle sur un véhicule de sport.

La preuve n'est donc pas rapportée de ce que les parties seraient convenues de la cession d'un véhicule n'ayant jamais subi d'accident et il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente sur le fondement du manquement des consorts [U]/[V] à leur obligation de délivrance.

Sur l'action en garantie des vices cachés dirigée contre les consorts [U]/[V] :

Conformément à l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

En vertu de l'article 1645 du même code, le vendeur est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur, s'il connaissait les vices de la chose.

Monsieur [E] se prévaut de cinq vices dont il soutient qu'ils constitueraient des vices rédhibitoires au sens de l'article 1641:

- la déformation de la jauge d'huile, elle-même provoquée par la déformation du carter,

- l'existence d'une fuite sur le joint d'étanchéité du carter,

- une fuite du catalyseur d'échappement provoquant des remontées de gaz dans l'habitacle,

- une déformation de la partie intérieure des jantes avant du véhicule,

- un dysfonctionnement du système d'airbag.

Aux termes de son rapport d'expertise amiable du 23 juillet 2018, Monsieur [P] a relevé :

- que les traces et éclats de peinture sur le pare-choc avant et le support d'aile avant gauche révélaient que le pare-choc avait été changé et repeint,

- que l'extrémité de la jauge d'huile avait été meulée pour permettre son déplacement dans son conduit, et que le conduit inférieur au niveau du carter d'huile semblait déformé ou obstrué par un corps étranger ou la déformation du déflecteur du carter,

- que le joint d'étanchéité du carter d'huile fuyait et que cet élément n'était pas d'origine, ce qui attestait d'un démontage antérieur,

- que la partie inférieure du collecteur d'échappement avait été remplacée à la demande de Monsieur [E],

- que les deux jantes arrières étaient déformées par des impacts, les photographies jointes au rapport démontrant que ces déformations se situaient sur la partie intérieure des jantes,

- que Monsieur [E] se plaignait d'un allumage aléatoire du voyant d'airbag,

- que ces désordres étaient antérieurs à la conclusion de la vente conclue entre Monsieur [E] et les consorts [V]/[U],

- qu'une procédure « véhicule gravement accidenté » avait été ouverte en mai 2014.

L'expert amiable a cependant indiqué que l'essai dynamique mis en 'uvre sur un trajet de 5 kilomètres s'était révélé conforme.

Par note complémentaire du 20 mai 2019 adressée à Monsieur [E], Monsieur [P] a précisé :

- que les désordres relevés constituaient les séquelles d'un dommage mécanique réparé dans des conditions aléatoires, par le meulage de la jauge à huile, dans l'intention de limiter l'intervention et d'éviter la dépose du carter moteur, malgré sa fuite suite à l'impact,

- que la « partie mécanique » ne permettait pas au conducteur de contrôler le niveau d'huile, ni de respecter correctement le plan de service du constructeur,

- que le remplacement de la partie inférieure de l'échappement, effectué à la demande de Monsieur [E], se justifiait par l'existence d'une fuite sur le flexible du pot catalytique endommagé par le sinistre antérieur et non remplacé lors de la vente, de manière à pallierla remontée des gaz d'échappement dans l'habitacle, de nature à incommoder le conducteur et à l'empêcher d'utiliser correctement le véhicule,

- que le dysfonctionnement initialement ponctuel du système d'airbag, signalé par témoin d'alerte, avait progressivement revêtu un aspect permanent et remettait en cause l'aspect sécuritaire du véhicule, la sécurité du conducteur n'étant pas assurée en cas d'impact,

- qu'en dépit de ces désordres et de l'existence d'un grave dommage antérieur, l'essai routier n'avait pas permis de déceler d'anomalie sur le comportement routier, au niveau de la direction, du freinage ou des suspensions.

L'existence des défaut affectant le carter d'huile, l'échappement et l'airbag se trouve confirmée par les procès verbaux de contrôle technique en dates des 27 septembre et 07 décembre 2017, portant mention :

- de la détérioration du « coussin gonflable »,

- de l'existence d'une fuite moteur,

- d'une détérioration importante de la partie avant de l'échappement.

Compte tenu du temps très restreint écoulé entre l'achat du véhicule par Monsieur [E] le 08 décembre 2017 et la découverte des désordres, survenue entre le 20 décembre 2017 et le 10 janvier 2018, ainsi que de l'absence d'accident documenté sur la même période, susceptible d'expliquer l'apparition des désordres, il ne fait aucun doute que ceux-ci préexistaient la vente conclue avec les consorts [U]/[V].

Les éléments en la cause ne permettent pas d'affirmer que la déformation de la face interne des jantes, dont l'expert n'a pas constaté qu'elle affectait la tenue routière du véhicule, serait de nature à rendre l'automobile impropre à l'usage auquel Monsieur [E] la destinait, ou qu'elle aurait tellement diminué cet usage qu'il ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il l'avait connue.

Il en va de même de la fuite du carter, dont l'expert ne précise aucunement les conséquences.

Il est manifeste en revanche que les conséquences attachées par l'expert aux autres désordres, tenant à un risque sur la sécurité du conducteur s'agissant de l'airbag, à l'impossibilité de contrôler le niveau d'huile et de suivre les préconisations d'entretien du constructeur s'agissant de la jauge d'huile, ou à l'impossibilité d'employer correctement le véhicule, de par la gêne occasionnée au pilote, s'agissant des remontées de gaz en lien avec les dommages au pot catalytique, rendent l'automobile impropre à l'usage auquel Monsieur [E] la destinait, savoir l'emploi d'une voiture de sport dans des conditions de sécurité et de performance élevées.

Reste à déterminer si ces trois désordres présentaient un caractère apparent pour l'acquéreur.

La cour retient à cet égard que le défaut affectant la déformation et le meulage d'une jauge d'huile située dans le moteur n'était pas décelable par un acquéreur non professionnel.

Elle retient également que si la détérioration du pot d'échappement se trouvait signalée dans les procès verbaux de contrôle technique des 27 septembre et 07 décembre 2017, les remontées de gaz en résultant n'étaient pas décelables sans faire usage du véhicule pendant une durée significative. Le vice affectant le pot d'échappement ne revêtait donc pas un caractère apparent dans toute son ampleur et ses conséquences à la conclusion de la vente.

Elle observe en troisième lieu que le procès verbal de contrôle technique du 07 décembre 2017 ne fait pas état de la « détérioration du coussin gonflable » mentionnée dans le procès verbal de contrôle du 27 septembre 2017, de sorte que Monsieur [E] pouvait considérer ce défaut comme réglé.

Il ressort par ailleurs du rapport d'expertise que l'allumage du voyant lumineux de l'airbag ne se déclenchait que par intermittence, ce qui interdit de considérer que le désordre affectant cet élément d'équipement ait revêtu un caractère apparent lors de la vente.

Les désordres affectant l'échappement, la jauge d'huile et le système airbag constituent en conséquences des vices rédhibitoires au sens de l'article 1641, justifiant la résolution de la vente, la restitution du véhicule et la répétition du prix.

Monsieur [U] et Madame [V] ont employé le véhicule durant 1 an et 5 mois et ont parcouru près de 10.000 kilomètres à son bord. Ils ne pouvaient donc ignorer la survenance de remontées de gaz dans l'habitacle, qu'ils se sont abstenus de signaler lors de la vente.

Cette circonstance les constitue de mauvaise foi et ils se trouvent tenus, en sus de la restitution du prix, d'indemniser Monsieur [E] de l'ensemble des préjudices nés des vices cachés. Ces préjudices s'entendent :

- des frais de réparation de l'échappement d'un montant de 773,14 euros, qui ne représentent pas de simples frais d'entretien exposés en contrepartie de la jouissance du bien, mais des frais de réparation de l'un des vices, en relation causale directe avec celui-ci,

- des frais de remplacement de la jauge d'huile de 34,90 euros, exposés pour la réparation de l'un des vices,

- des frais de mutation de la carte grise de 516 euros.

En revanche, les frais de révision exposés le 26 décembre 2012 ne portent pas sur des pièces et équipements affectés par les vices rédhibitoires précédemment relevés et n'entretiennent pas de relation causale avec ceux-ci. Ils constituent la contrepartie de l'usage du véhicule, dont l'expert a rappelé qu'il demeurait utilisable. Ils ne peuvent en conséquence donner lieu à réparation.

En outre, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a exactement retenu que le coût de l'assurance obligatoire n'avait pas été exposé en pure perte, l'expert ayant constaté que le véhicule était en état d'être utilisé. Le tribunal de Saint-Etienne a cependant omis de statuer sur la demande correspondante.

Il convient en conséquence :

- de prononcer la résolution de la vente sur le fondement de l'article 1641 du code civil,

- de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a :

condamné Monsieur [E] à restituer aux consorts [V]/[U] le véhicule Citroën DS3 immatriculé CP587EY,

condamné les consorts [V]/[U] à verser à Monsieur [E] les sommes suivantes :

' 15.700 euros en remboursement du prix de vente

' 773,14 euros au titre de la réparation de l'échappement

' 34,90 euros au titre du remplacement de la jauge d'huile

' 516 euros au titre des frais de mutation de la carte grise

et condamné les consorts [V]/[U] in solidum à verser à Monsieur [E] une indemnité au titre des frais irrépétibles de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de rejeter la demande de dommages et intérêts en tant que visant le coût de l'assurance obligatoire,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les consorts [U]/[V] à payer la somme de 625,43 euros en indemnisation des frais d'entretien exposés le 29 décembre 2017 et de rejeter cette demande non fondée.

Sur l'appel en garantie dirigé par Monsieur [U] et Madame [V] contre la société BL Venture :

Quant à l'opposabilité du rapport d'expertise [P] à la société BL Venture :

La cour rappelle à titre liminaire que le juge ne peut se fonder exclusivement sur un rapport d'expertise non contradictoire, non plus qu'il ne peut s'appuyer exclusivement sur un rapport d'expertise privée.

Il résulte en l'espèce du rapport d'expertise amiable de Monsieur [P] que la société BL Venture a été appelée aux opérations d'expertise par le conseil des consorts [V]/[E]. Cette expertise revêt par conséquent un caractère contradictoire à son égard.

En outre, la cour entend appuyer son analyse sur l'examen croisé du rapport de Monsieur [P] et des conclusions du cabinet Aixea, déposées le 20 mai 2014 ensuite de la procédure « véhicule gravement endommagé ». Sa décision ne se fondera donc pas exclusivement sur le rapport d'expertise privé de Monsieur [P].

Il convient partant d'écarter le moyen tiré de l'inopposabilité du rapport d'expertise de Monsieur [P] à la société BL Venture.

Quant au fond :

Les consorts [V] / [U] ne démontrent pas en quoi le véhicule litigieux différerait des caractéristiques convenues lors de la vente survenue le 12 juillet 2016. Il n'y a pas lieu en conséquence de faire droit à leur appel en garantie en tant que fondé sur l'obligation de délivrance d'une chose conforme.

Il ressort en revanche du rapport d'expertise Aixea du 20 mai 2014, établi dans le cadre de la procédure « véhicule gravement endommagé », que le véhicule litigieux a subi un choc avant ayant causé des dommages considérables aux éléments mécaniques et de carrosserie, impliquant, entre autres réparations :

- le changement des jantes avant,

- le remplacement du carter d'huile,

- le changement d'un module airbag,

- le remplacement du catalyseur.

Ces dommages correspondent parfaitement aux vices relevés par l'expert [P] et aucun autre accident de nature à causer ces désordres n'est documenté.

L'accident survenu au mois d'octobre 2016 n'a pu provoquer les dommages litigieux, l'attestation de Madame [J] révélant qu'il s'est produit à l'occasion de man'uvres de stationnement, alors que les véhicules impliqués circulaient à faible vitesse.

Le fait qu'un concessionnaire Citroën ait examiné le véhicule dans le courant de l'année 2016 sans formuler d'observation ou que les consorts [V]/[U] n'aient jamais fait jouer leur garantie contractuelle ne suffit à atténuer la valeur probante de ce faisceau d'éléments concordants, à raison desquels la cour présume que les vices cachés résultent de réparations insuffisantes et partielles survenues à l'occasion de la procédure « véhicule gravement endommagé » du mois de mai 2014.

La cour retient ainsi que précédemment que ces vices ne présentaient pas un caractère apparent pour des acquéreurs profanes. Ils étaient en revanche réputés connus de la société BL Venture, vendeur professionnel.

La société BL Venture doit par conséquent sa garantie à Monsieur [U] et Madame [V], sur le terrain de la garantie des vices cachés.

Le vendeur intermédiaire ne peut cependant être relevé et garanti de la restitution du prix de vente consécutive à une résolution sans rechercher lui-même la résolution de la cession conclue avec son propre vendeur, dans la mesure où cette restitution ne constitue pas un préjudice indemnisable, mais la simple conséquence de la reprise du véhicule.

Le jugement du tribunal de Saint-Etienne sera donc réformé en tant qu'il a fait porter la garantie sur la créance de restitution du prix de vente, et l'obligation de la société BL Venture ne portera que sur les autres chefs de condamnation, savoir les dommages et intérêts, les frais irrépétibles et les dépens de première et seconde instance.

Il sera confirmé en revanche en tant qu'il a condamné la société BL Venture, Monsieur [U] et Madame [V] in solidum aux dépens de première instance, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Xicluna.

Sur les frais irrépétibles et les dépens de seconde instance :

Monsieur [U], Madame [V] et la société BL Venture succombent à la présente instance. Il convient de les condamner in solidum à en supporter les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la société Beaufumé-Sourbé, avocat, sur son affirmation de droit.

L'équité commande par ailleurs de condamner Monsieur [U] et Madame [V] in solidum à payer à Monsieur [E] la somme de 3.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles exposés à hauteur de cour.

Elle commande également de condamner la société BL Venture à payer à Monsieur [U] et Madame [V] la somme de 3.000 euros en indemnisation des frais non répétibles de l'instance et à les relever et garantir des condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles et dépens d'appel.

Elle commande enfin de rejeter la demande formée par la société BL Venture au titre de frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé en dernier ressort,

Infirme le jugement prononcé par 23 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne entre les parties, en ce qu'il a :

- prononcé la résolution de la vente conclue le 8 décembre 2017 entre Monsieur [E] et les consorts [V]/[U] pour manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance,

- condamné les consorts [V]/[U] à verser à Monsieur [E] la somme de 625,43 euros au titre de la révision du véhicule effectuée par l'acquéreur,

- condamné la société BL Venture à relever et garantir les consorts [V]/[U] de la restitution du prix de vente versé par Monsieur [E] ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné Monsieur [E] à restituer aux consorts [V]/[U] le véhicule Citroën DS3 immatriculé CP587EY,

- condamné les consorts [V] / [U] à verser à Monsieur [E] les sommes suivantes :

' 15.700 euros en remboursement du prix de vente

' 773,14 euros au titre de la réparation de l'échappement

' 34,90 euros au titre du remplacement de la jauge d'huile

' 516 euros au titre des frais de mutation de la carte grise

- condamné la société BL Venture à garantir Madame [V] et Monsieur [U] des frais afférents à la vente, du coût des impenses et de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les consorts [V]/[U] à verser à Monsieur [E] une indemnité au titre des frais irrépétibles de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les consorts [V]/[U] et la société BL Venture aux dépens de première instance, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Xicluna, avocat ;

Statuant à nouveau :

Prononce la résolution de la vente conclue le 08 décembre 2017 entre Monsieur [O] [E] d'une part et Madame [L] [V] et Monsieur [G] [U] d'autre part, sur le fondement de l'article 1641 du code civil ;

Déboute Monsieur [O] [E] de ses demandes de dommages et intérêts formées aux titres des frais de révision du véhicule exposés le 29 décembre 2017 ;

Déboute Monsieur [G] [U] et Madame [L] [V] de l'appel en garantie dirigé contre la société BL Venture en tant que portant sur leur condamnation à restituer le prix de vente de 15.700 euros à Monsieur [O] [E] ;

Y ajoutant :

Déboute Monsieur [O] [E] de ses demandes de dommages et intérêts formées au titre des frais d'assurance du véhicule litigieux ;

Juge que la garantie due par la société BL Venture à Monsieur [U] et Madame [V] se limite en conséquence aux frais afférents à la vente (frais de mutation), au coût des impenses (frais de réparation de la jauge d'huile et frais de réparation de l'échappement) et à la condamnation prononcée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais irrépétibles et dépens de la procédure d'appel, ainsi que jugé ci-après ;

Condamne la société BL Venture à relever et garantir Madame [L] [V] et Monsieur [G] [U] de la condamnation prononcée au titre des dépens de première instance ;

Condamne Madame [L] [V], Monsieur [G] [U] et la société BL Venture in solidum aux dépens de l'instance d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la société Baufumé-Sourbé, avocat, pour ceux dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, sur son affirmation de droit ;

Condamne Madame [L] [V] et Monsieur [G] [U] in solidum à payer à Monsieur [O] [E] la somme de 3.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles exposés à hauteur de cour ;

Condamne la société BL Venture à payer à Madame [L] [V], Monsieur [G] [U] la somme de 3.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles exposés à hauteur de cour;

Condamne la société BL Venture à relever et garantir Madame [L] [V], Monsieur [G] [U] des condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles et dépens exposés en cause d'appel ;

Déboute la société BL Venture de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 20/04547
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;20.04547 ?
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