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20/10/2022 | FRANCE | N°19/06702

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 20 octobre 2022, 19/06702


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 19/06702 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTRV





[V]



C/

SARL ALLIANCE SERVICES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 13 Septembre 2019

RG : 18/01071

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022







APPELANT :



[I] [V]

né le 14 Décembre 1965 à [Localité 5] (69)

[Adresse 2]
>[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, ayant pour avocat plaidant Me Elise DETRY de l'AARPI ARCANNE, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/06702 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTRV

[V]

C/

SARL ALLIANCE SERVICES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 13 Septembre 2019

RG : 18/01071

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022

APPELANT :

[I] [V]

né le 14 Décembre 1965 à [Localité 5] (69)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, ayant pour avocat plaidant Me Elise DETRY de l'AARPI ARCANNE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société CODICE ALLIANCE SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Xavier BONTOUX de la SAS FAYAN-ROUX, BONTOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Domitille CREMASCHI, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie PALLE, Présidente

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Françoise CARRIER, Magistrat honoraire

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

A compter du 2 avril 2002, M. [V] (le salarié) a été employé, par contrat de travail à durée déterminée puis à durée indéterminée, par la société Codice alliance services, en qualité de releveur de compteur polyvalent.

Le 7 avril 2017, il était victime d'un accident du travail.

A cette occasion, l'employeur a souhaité récupérer un véhicule prêté à titre gracieux au salarié.

Celui-ci s'est plaint de harcèlement, d'une erreur sur son bulletin de salaire, de la reprise anormale de ce véhicule de prêt, de sa classification non conforme et d'une activité anormale durant son arrêt de travail.

Le 13 avril 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le versement des indemnités correspondantes.

Par jugement du 13 septembre 2019, rendu par la formation paritaire, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes et prétentions ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné le salarié aux dépens.

Par déclaration d'appel effectuée au RPVJ le 1er octobre 2019, le salarié a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions n° 3 déposées le 3 mai 2022, le salarié demande à la cour de:

 - dire et juger recevable et bien fondé son appel ;

- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes ;

Statuant à nouveau :

- dire et juger que l'employeur s'est rendu coupable de harcèlement moral ou, à tout le moins, a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail ;

- condamner l'employeur à lui verser la somme de 20 000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral ou à tout le moins du manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail ;

- condamner l'employeur à lui verser la somme de 12 207,35 euros bruts à titre de rappels de salaire sur heures supplémentaires outre 1 220,74 euros de congés payés afférents ;

- condamner l'employeur à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses conclusions déposées le 29 avril 2022, l'employeur demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes et prétentions ;

- condamné le salarié aux entiers dépens ;

- à titre principal, sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles :

- juger que les demandes non formulées par le salarié dans le cadre de sa requête déposée le 13 avril 2018 devant le conseil de prud'hommes de Lyon sont des demandes nouvelles ;

- en conséquence, juger ses demandes nouvelles irrecevables ;

- à titre subsidiaire, sur les demandes du salarié :

- juger que la demande au titre du harcèlement moral est infondée ;

- juger que la demande au titre des heures supplémentaires est infondée ;

En conséquence, débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause,

- condamner le salarié à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 mai 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de relever que la cour n'est saisie d'aucune prétention, ni d'aucun moyen relativement au chef du disposif rejetant la demande de résiliation du contrat de travail, de sorte que celui-ci est définitif.

Sur la recevabilité de la demande en reconnaissance et indemnisation du harcèlement moral et au titre des heures supplémentaires

L'employeur soutient que, depuis le 1er août 2016, et les nouvelles dispositions de l'article R. 1452-2 du code du travail, les demandes qui n'ont pas été mentionnées dans le cadre de la requête ne peuvent, conformément au droit commun, être présentées en cours de procédure, à peine d'irrecevabilité.

Il indique que les demandes additionnelles ne peuvent être ajoutées en cours de procédure que si elles ont un lien suffisant, en application de l'article 70 du code de procédure civile.

Il considère que, en raison de la disparition du principe d'unicité d'instance depuis le 1er août 2016, les demandes nouvelles en appel sont régies par les dispositions des articles 565 et 566 du code de procédure civile.

Il estime que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation du contrat de travail et présente à hauteur d'appel des demandes relatives aux conditions d'exécution de son contrat de travail, qui sont irrecevables.

Le salarié fait valoir que les demandes constituent un complément de celles formées en première instance à titre principal, et fait valoir qu'il avait présenté initialement devant le conseil de prud'hommes une demande au titre des heures supplémentaires, et avait invoqué des faits de harcèlement moral ou à tout le moins d'exécution déloyale du contrat de travail.

La cour relève que l'action du salarié ayant été engagée le 13 avril 2018, le principe d'unicité de l'instance, qui résultait de l'article R. 1452-7 du code du travail n'est plus applicable depuis le 1er août 2016, de sorte que le salarié n'est plus recevable à présenter à hauteur d'appel des demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail.

En l'espèce, il est constant que le salarié a demandé aux premiers juges de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, et formé en conséquence des demandes indemnitaires relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents, à l'indemnité légale de licenciement et à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il formait également une demande en versement de rappels de salaire, au titre des heures supplémentaires, et les congés payés afférents.

Or, s'il est constant que la demande en reconnaissance du harcèlement moral invoquée par le salarié n'est ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément nécessaire des demandes formées en première instance au titre de la rupture du contrat de travail, au sens de l'article 566 du code de procédure civile, et qu'elle ne tend pas aux mêmes fins, au sens de l'article 565 du code de procédure civile, elle constitue un complément de la demande en versement d'heures supplémentaires, en ce qu'elle s'appuie sur ce défaut de paiement d'heures supplémentaires pour caractériser l'un des manquements reprochés par le salarié à l'employeur en première instance et à hauteur d'appel, tant de manière autonome, aux fins de paiement de la créance salariale correspondante, que dans le cadre du harcèlement.

La demande en reconnaissance de harcèlement doit être dès lors déclarée recevable.

Sur la demande en rappel d'heures supplémentaires

A titre infirmatif, le salarié soutient que l'exécution de ses misions a rendu indispensable l'exécution de nombreuses heures supplémentaires, étant tenu de travailler les week-ends pour assurer l'affichage des avis de passage, comme en attestent différents collaborateurs, et que l'employeur compensait illégalement l'accomplissement d'heures supplémentaires sous formes de primes.

Il fait valoir que, selon son décompte, il accomplissait 5 heures supplémentaires par semaine. Sur la base d'un taux horaire de 12,53 euros, majoré de 25 % (soit 15,66 euros), il comptabilise les heures supplémentaires en multipliant le nombre d'heures hebbomadaires par 4,33, puis 12 mois et 3 années, ce qui conduit au versement de la somme de 12 207,35 euros, outre 1 220,75 euros au titre des congés payés.

A titre confirmatif, l'employeur indique que le salarié n'a jamais fait de demande durant les quinze annnées de collaboration et entend souligner qu'il ressort des attestations produites par le salarié qu'il travaillait certains samedis et pas tous les samedis. Il expose que le temps de travail est décompté par un logiciel s'agissant des activités de relevés, qui n'a jamais été contesté, dont il résulte qu'il n'a jamais effectué de relevés le samedi. Il soutient que l'activité d'affichage devait se réaliser durant le relevé des compteurs et ne prenait que 2 à 3 heures par semaine.

Il soutient n'avoir jamais demandé au salarié de travailler le samedi et que sa charge de travail lui permettait d'accomplir son travail en semaine, d'autant que l'activité de relevage de compteurs était en chute libre.

La cour retient qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suf'samment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies a'n de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables, notamment les articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail, et, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, les éléments versés par salarié consistent en différentes attestations.

M. [R] indique ainsi que lui-même et le salarié faisaient de l'affichage à [Localité 5] « tous les samedis matin », « qui était obligatoire ». M. [W] relate qu'il devait afficher « tous les samedis matin » avec le salarié, ce qui lui prenait 3 ou 4 heures. M. [Y] déclare que le salarié venait l'aider à faire son affichage le samedi matin ou parfois le dimanche.

Le salarié produit un relevé d'activité de l'employeur concernant le mois d'octobre 2015 qui indique 174,03 heures. Il demande le versement d'heures supplémentaires, à raison de 5 heures par semaine, sur 52 semaines, durant trois ans.

La cour considère ainsi que le salarié apporte des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande, permettant à l'employeur d'y répondre.

L'employeur produit des relevés d'activité du salarié pour la période de janvier à août 2017, qui indiquent, ce qui n'est pas contesté par le salarié, qu'aucun relevé de compteur n'était effectué le samedi. Cependant, le salarié, comme les témoins qu'il cite, indiquent que ce ne sont pas des activités de relevés de compteur qui étaient effectuées le samedi mais des activités d'affichage, pour lesquelles l'employeur ne fournit aucun élément.

L'employeur verse une attestation de M. [O], se présentant comme releveur de compteurs, « comme M. [V] », qui indique que l'activité d'affichage pouvait s'effectuer en même temps que le travail de relève et qu'il pouvait l'accomplir entre le lundi et le vendredi exclusivement. Ce témoin précise qu'il ne lui a jamais été demandé de faire l'affichage le samedi ou le dimanche. Il mentionne encore que, majoritairement, son temps de travail par semaine était de trente heures.

Il résulte de ce qui précède, en raison de la diversité des conditions de travail révélées par les différentes attestations, que les fonctions occupées par le salarié permettait une certaine latitude d'organisation à celui-ci.

Toutefois, la feuille de géolocalisation d'octobre 2015, qui ne suscite aucune critique de l'employeur, indique que le salarié à effectué 174,03 heures supplémentaires, tandis que le bulletin de salaire de ce mois indique qu'il était censé en accomplir 151,67 et qu'il ne comporte aucun paiement heures supplémentaires, comme le bulletin de novembre 2015 d'ailleurs.

L'employeur n'apporte aucun élément sur ce point, alors qu'il a nécessairement dû être alerté par ce dépassement horaire.

En outre, l'employeur ne verse aucun décompte du temps de travail effectif du salarié permettant son contrôle.

Dès lors, le défaut de paiement d'heures supplémentaires est établi.

Il convient toutefois de relever que chacune des attestations produites par le salarié indique que celui-ci effectuait des affichages le samedi matin avec chacun des témoins, ce qui est matériellement impossible, à défaut de plus amples explications du salarié. En outre, le seul témoin qui précise la durée de l'intervention retient une durée (3 -4 h) moindre que celle du salarié (5 h). Il sera également noté que le salarié décompte les 52 samedis de l'année pour établir son décompte, sans prendre en considération les temps de congés.

De l'examen des éléments produits par les parties, il ressort que des heures supplémentaires ont été accomplies que la cour est en mesure de retenir à hauteur de la somme de 5 950 euros, outre 595 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le harcèlement moral

Le salarié soutient avoir déploré des manquements graves et répétés de son employeur, susceptibles de caractériser un harcèlement ou, à tout le moins, une violation de l'exécution loyale de son contrat de travail.

1 - Il fait valoir un défaut de paiement des heures supplémentaires.

Il indique à cet égard avoir dû travailler les week-ends pour assurer l'affichage des avis de passage et fait état de plusieurs attestations de collègues sur ce point, entraînant l'accomplissement d'heures supplémentaires dont l'employeur a été avisé, sans que les heures supplémentaires n'aient été rémunérées.

Il fait valoir que l'employeur, plutôt que de rémunérer les heures supplémentaires, versait des primes, pour son équipe et lui-même, lorsqu'ils étaient chargés d'effectuer des remplacements impromptus.Il estime a minima à 5 heures par semaine le nombre d'heures supplémentaires impayées.

Il indique que l'acceptation d'un bulletin de paye sans réserve ne vaut pas renonciation à toute réclamation ultérieure sur les salaires.

Il estime que le décompte horaire produit par l'employeur n'est pas fiable et précis, en relevant différentes erreurs qu'il comporte.

Il indique qu'il n'était pas seulement releveur, mais aussi coordinateur d'équipe, ce dont il justifie et ces deux fonctions ne pouvaient s'effectuer en même temps.

2 - Il fait valoir la géolocalisation des véhicules

Il indique que le véhicule qu'il utilisait avant l'attribution d'un véhicule de fonction était géolocalisé. Il estime que l'employeur doit apporter toute explication sur les circonstances de la mise en place de ce mode de surveillance, mis en place de manière illégale, et qu'il ne justifie pas de l'information individuelle des salariés ou de la consultation des instances représentatives du personnel.

3 - Il indique avoir travaillé le 1er mai 2017 en l'absence de majoration, ce dont il estime justifier.

4 - Il soutient que la rémunération variable résultait de critères d'appréciation opaques et pouvait être modifiée unilatéralement.

Il indique qu'une clause de variation du salaire doit être fondée sur des critères objectifs, indépendants de la volonté de l'employeur et ne pas faire peser le risque d'entreprise sur le salarié.

Il précise qu'une prime de rendement était prévue à son contrat de travail, qui était cependant purement discrétionnaire, l'employeur étant dans l'impossibilité d'en justifier le calcul, lui ayant au demeurant attribué une prime de rendement de 400 euros fixe, en considération de la sa mission de coordinateur, ce qui n'était pas adapté au mécanisme des primes de rendement.

5 - Il fait état du climat de tension régnant au sein de l'entreprise, ce qu'il entend démontrer par différents courriels émanant des délégués du personnel. Il indique avoir dénoncé en 2015 l'agression verbale dont il avait été victime de la part de l'un de ses collaborateurs et que l'employeur n'a pas jugé utile d'intervenir, le collaborateur étant resté à son service de nombreux mois après l'incident.

6 - Il fait état d'une inégalité de traitement.

Il indique avoir plus de quinze ans d'ancienneté et avoir assumé des responsabilités de coordinateur mais ne s'être jamais vu accordé le statut de cadre, contrairement à M. [D].

7- Il soutient que les astreintes auxquelles il était tenu étaient illicites, au regard des dispositions de l'article L. 3121-9 du code du travail.

8 - Il soutient que le droit au repos n'a pas été respecté ; qu'il été fréquemment empêché de prendre ses congés et n'était autorisé à s'absenter que deux semaines par an. Il précise que les bulletins de salaire de l'entreprise n'indiquaient pas les compteurs de congés payés ; que pour les périodes de juin 2010 à mai 2011 et de juin 2014 à mai 2015, l'entreprise a rémunéré les 25 jours de congés auxquels il avait droit plutôt que de les lui laisser prendre et que, en décembre 2018, l'employeur lui a versé une indemnité compensatrice de congés payés de 7 382 euros, soit 60 jours de congés non pris.

9 - Il fait état d'une tentative de fraude de l'employeur, indiquant que l'employeur a embauché son frère en juillet 2017 par le biais d'une société tierce (Terre d'énergies), ce qui était parfaitement illicite puisque motivé par le remplacement d'un salarié, démissionnaire. Il considère que ce recours au CDD était doublement abusif, puisque le salarié remplacé n'était pas employé par la société tierce mais par l'employeur et que le motif de recours au contrat de travail à durée déterminée ne correspondait à aucun prévu par l'article L. 1242-1 du code du travail.

Il indique que l'employeur voulait que la rémunération de son frère lui soit versée en remboursement de frais, à charge pour le salarié de reverser les sommes correspondantes à son frère, ce à quoi il s'est opposé, à plusieurs reprises, en vain.

10- Il estime que son véhicule de fonctions lui a été retiré illicitement. Il considère que ce véhicule, dont il disposait depuis mars 2016 avec une carte de carburant, constituait un avantage en nature que l'employeur ne pouvait lui retirer en raison de la suspension de son contrat de travail.

11- Il fait valoir que l'employeur a continué à le solliciter durant son arrêt de travail consécutif à son arrêt de travail.

En réplique et de manière générale, l'employeur indique que, devant le conseil de prud'hommes, le salarié soutenait l'existence d'un harcèlement en se fondant sur quatre points (erreur sur bulletin de paie de juillet 2017, retraite de son véhicule, classification et conditions de travail) et que, devant le caractère fantaisiste de son argumentaire, tel que constaté que par le conseil de prud'hommes, il multiplie en appel les griefs et ajoute neuf griefs nouveaux, ce qui démontre en soi l'inanité de son argumentation.

Il entend souligner que, durant les quinze années d'exécution du contrat de travail, il ne s'était jamais plaint de sa situation.

De manière particulière, l'employeur indique que :

- les arrêts de travail du salarié ne sont pas la conséquence d'un quelconque harcèlement puisqu'ils sont consécutifs à un accident du travail et non à des difficultés relationnelles ;

- le bulletin de paie de juillet 2017 contient une erreur matérialisée par le paiement de 1 540 euros à titre de frais de déplacements, qui n'étaient pas dus ; seule erreur en 15 ans d'ancienneté, résultant de l'embauche du frère du salarié et de leur homonymie, qui a été immédiatement corrigée ;

- les allégations de fraude invoquées par le salarié sont farfelues et en tout cas non démontrées ;

- le véhicule de service mise à la disposition du salarié a été récupéré durant un long arrêt de travail ; ce n'était pas un véhicule de fonction, lesquels ne sont attribués dans l'entreprise qu'aux seuls directeur général adjoint et directeur Ile-de-France, les salariés ne disposant que de véhicules de service ;

- le contrat de travail du salarié précise la nécessité de disposer d'un véhicule personnel et si le salarié a bénéficié d'un véhicule de service, c'est à raison de la panne de son propre véhicule que le mécanicien de l'entreprise a essayé de réparer, en vain, et de ce que l'employeur lui a ainsi prêté un véhicule de service dans l'attente d'une solution personnelle pour le salarié, qui n'en a jamais trouvée ;

- le véhicule de service récupéré a été vendu à un employé de l'entreprise, après qu'il a été proposé au salarié, qui l'a refusé, de sorte qu'il est grotesque de prétendre qu'il s'agit d'une mesure de rétorsion à la suite de la réclamation du salarié concernant le mois de juillet 2017 ;

- les fonctions du salarié, qui ne peut sérieusement prétendre avoir été membre de la direction, était d'encadrer occasionnellement une équipe en tant que coordonnateur depuis 2004, ce qui l'amenait à faire le lien entre les releveurs et résoudre des problématiques ponctuelles ;

- si aucun avenant n'est nécessaire, le salarié n'étant doté d'aucun pouvoir disciplinaire, même si son avis pouvait être requis ;

- le salarié ne forme aucune demande au titre de la requalification et de rappels de salaires ;

- sur le plan de la rémunération, il indique que, conscient de ce que l'activité de coordination du salarié pouvait avoir des conséquences, à la marge, sur sa part de rémunération variable, fixée sur le nombre de compteurs relevés, il lui a alloué une prime de rendement de 400 euros, de sorte qu'il n'y a aucun arbitraire et que le salarié a bénéficié d'un traitement particulièrement favorable ;

- le salarié ne précise pas quels employés auraient bénéficié de primes supérieures tous les mois ;

- il indique que le marché du relevage de compteur est en chute libre depuis la mise en place des compteurs électriques connectés et, en 2017, 60 % des compteurs seulement restaient par rapport au début du marché et la situation s'est aggravée depuis ;

- il conteste avoir demandé au salarié de travailler pendant un arrêt de travail et le document produit par le salarié établit au contraire que les instructions étaient de ne pas déranger le salarié, lequel a travaillé de sa propre initiative ;

- les critiques concernant la géolocalisation des véhicules ne sont pas abouties  et l'employeur produit la déclaration auprès de la CNIL, dont la finalité est indiquée, ainsi que le procès-verbal de réunion des délégués du personnel sur ce sujet, de même que l'avenant au contrat de travail ayant informé le salarié de l'existence de ce dispositif ;

- l'entreprise n'a jamais organisé d'astreinte et lorsque la charge de travail a baissé, les salariés restaient chez eux en étant intégralement rémunérés, le salarié étant dès lors rémunéré sur l'intégralité de la journée, à la différence de l'astreinte, qui ne donne pas lieu à une rémunération intégrale mais à une contrepartie sous forme de repos ou financière ,

- le salaire soutient avoir travaillé le 1er mai 2017, sans majoration de salaire, sans former toute demande salariale sur ce point ;

- il relève que les griefs concernant la géolocalisation, le travail du 1er mai 2017, les tensions dans l'entreprise, l'impossibilité de prendre les congés, sont soulevés pour la première fois le 31 décembre 2019 pour soutenir une résiliation judiciaire au 31 décembre 2018 ;

- l'historique des saisies de la semaine du 27 avril au 2 mai 2017 démontre qu'aucun relevé n'a été effectué le 1er mai 2017, par aucun employé de l'entreprise ;

- concernant les tensions dans l'entreprise, le salarié reproche à l'entreprise de ne pas avoir licencié un salarié, pour des faits datant de 2015, et il ne peut utilement se prévaloir de trois courriels de 2011 ;

- concernant l'impossibilité de prendre les jours de congés payés, il relève que le salarié affirme ne pas avoir bénéficié de congés durant deux périodes de références mais ne sollicite aucun paiement ni dédommagement, ces faits étant au demeurant prescrits ; il indique que les bulletins de salaire établissent, notamment en octobre 2015 et janvier 2017, que le salarié a bénéficié de congés payés et que si le salarié a perçu une indemnité compensatrice à la fin de son contrat c'est qu'il a été dans l'impossibilité de prendre effectivement ses congés entre août 2017 et décembre 2018, en raison de son arrêt de travail;

La cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 4121-1 dispose que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il résulte de la combinaison de l'article L. 1152-1 susvisé de l'article L. 1154-1 du code du travail, en sa rédaction applicable à l'espèce, que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent  de  présumer  l'existence  d'un  harcèlement  moral  au  sens  de l'article

L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge de vérifier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Un acte isolé et unique ne peut pas constituer un harcèlement moral, quand bien même cet acte se serait maintenu dans le temps.

Sur le grief de défaut de paiement des heures supplémentaires :

Les faits sont établis, comme cela a été précédemment retenu.

La matérialité de ce fait est établie.

Il convient de relever également que le salarié reproche à l'employeur de convertir les heures supplémentaires en primes.

Il convient d'écarter les documents produits par le salarié concernant d'autres personnes que lui-même. Le salarié justifie cependant de courriels adressés à l'entreprise dans lesquels il indique demander le paiement d'heures de travail, pour lui-même et d'autres personnes, éléments auxquels l'employeur n'apporte aucune explication, tandis que ses bulletins de salaires, notamment pour le mois visés par le courriel (mai 2017), ne comportent aucune mention de paiement des heures supplémentaires. Si ce bulletin indique le paiement d'une prime, dont l'employeur donne une explication, il ne peut en être déduit que le paiement de cette prime correspondait, pour l'employeur, au règlement des heures supplémentaires, dont il a été retenu en outre qu'elles n'avaient pas été réglées.

La matérialité de ce fait n'est pas établie.

Sur la géolocalisation des véhicules :

Elle ressort de la pièce n° 35 de l'appelant. L'employeur reconnaît la mise en place de cette géolocalisation.

Sous réserve de ce que le salarié n'articule aucun grief personnel concernant ces faits, la matérialité de ces faits est établie.

Sur le travail le 1er mai 2017 : le salarié s'appuie uniquement sur un courriel adressé à l'employeur dans lequel il déclarait avoir effectué 6 heures le 1er mai 2017. L'employeur justifie cependant, par la production du calendrier de relève couvrant la période du 27 avril au 2 mai 2017 que le salarié n'a eu aucune activité le 1er mai 2017.

La matérialité de ce fait n'est pas établie.

Sur la rémunération variable résultait de critères d'appréciation opaques et pouvait être modifiée unilatéralement :

Le contrat de travail, du 23 septembre 2003 comporte en son article 5 une clause d'attribution d'une prime - dite de rendement - variable.

Le salarié reproche à l'employeur de ne pas fournir les bases de calcul de cette prime.

L'employeur indique qu'une prime de 400 euros fixe a été attribuée au salarié en raison des fonctions de coordinateur, ce qui ne relevait d'aucun arbitraire.

Toutefois, l'employeur reconnaît ainsi implicitement avoir substitué une prime, qui par son appellation, renvoyait à la productivité du salarié, par une prime visant à rémunérer les responsabilités qu'il assumait dans son travail.

Par ailleurs, l'employeur, qui ne soutient pas que seul le salarié aurait perçu cette prime de « rendement », ne produit aucun élément permettant de justifier que cette prime relevait, pour le salarié, sur des éléments objectifs.

La matérialité de ce fait est établie.

Sur le climat de tension régnant au sein de l'entreprise :

Le salarié fait état d'un échange de courriels entre le 30 juin 2011 et le 1er juillet 2011 (pièce 38 de l'appelant), qui fait état d'une altercation entre le salarié et l'employeur. Il est produit une échange de courriel (pièce n° 37) avec une personne qui semble être un délégué du personnel concernant des difficultés soulevées par le salarié concernant l'exécution des tâches de releveur, mais aucune tension particulière entre personnes n'en ressort. Un autre échange de courriel du 3 novembre 2016 (pièce n° 39) fait état d'un problème de maladie du salarié, sans qu'il soit relevé de tension. Le salarié produit également une lettre du 11 août 2015, dans lequel il se plaint auprès de l'employeur d'une altercation avec un autre employé de l'entreprise (pièce n° 36).

Ramenés à la période durant laquelle le salarié a été employé dans l'entreprise, soit entre 2003 et 2018, et en relevant que les deux incidents dont il fait état le concernent exclusivement, avec deux personnes différentes, il ne saurait en être déduit l'existence d'un climat de tension dans l'entreprise.

La matérialité de ce fait n'est pas établie.

Sur l'inégalité de traitement :

Le salarié soutient avoir fait l'objet d'une inégalité de traitement au regard de M. [D], auquel le statut de cadre a été reconnu, alors que sa prestation de travail était d'une qualité moindre que la sienne. Toutefois, ce grief ne repose, en l'état du dossier, que sur une approche purement subjective de la situation. Notamment, le salarié ne justifie pas avoir demandé un poste de cadre. Il ne peut dès lors soutenir que c'est abusivement qu'il ne l'a pas obtenu. Les pièces qu'il verse à son dossier ne démontrent pas qu'il exerçait des fonctions de cadre.

La matérialité de ce fait n'est pas établie.

Sur les astreintes illicites :

Le salarié verse à son dossier un calendrier « relevé [Localité 5] Nord-Sud » couvrant la période du 6 janvier 2017 au 4 août 2017, qui parait indiquer les lieux d'intervention d'une dizaine d'employés, dont le salarié. Le 22 mai 2017, sur la ligne le concernant, apparaît la mention « astreinte ».

Toutefois, durant les périodes d'astreinte, le salarié n'est pas présent au travail mais disponible. L'employeur indique qu'il ne s'agissait pas d'astreinte mais, en raison de la baisse de son activité, qu'il n'imposait aucune tâche précise au salarié, contrairement aux autres jours et les rémunérait sur l'intégralité de leur journée de travail.

L'examen du bulletin de salaire confirme qu'aucune absence de quelque nature que ce soit n'a été décomptée au salarié, de sorte qu'il a été rémunéré comme s'il avait effectué un travail effectif durant l'intégralité des jours travaillés du mois, dont ceux désignés, improprement, comme astreintes.

La matérialité des faits n'est pas établie.

Sur le droit au repos

Le salarié soutient avoir été empêché par l'employeur de prendre ses congés.

Toutefois, le salarié ne produit aucun justificatif d'une demande de congés qui lui aurait été refusé par l'employeur ou d'aucun échanges à ce sujet. Les conditions dans lesquelles lui ont été réglés les congés payés en 2011, 2014 et 2018 ne sont pas probantes, chacune des parties apportant son explication sans élément objectif permettant d'en justifier.

La matérialité des faits n'est pas établie.

Sur la tentative de fraude de l'employeur

Le salarié verse à son dossier l'attestation établie par son frère dans laquelle celui-ci indique avoir travaillé pour l'entreprise entre le 11 et le 25 juillet 2017 et que son salaire a été « versé » par l'employeur sur le bulletin de paye du salarié, sous la forme de frais, à charge pour le salarié de lui rétrocéder.

Il est produit un courriel de l'employeur du 31 juillet 2017 qui indique savoir qu'il devait verser au frère du salarié 140 euros par jour de retard, soit 1 540 euros pour 11 jours de travail, outre des frais.

Le salarié produit un courriel adressé à l'employeur le 3 août 2017 dans lequel il s'étonne de ce que la somme de 1 540 euros lui ait été versée sur sa paye de juillet 2017, correspondant « aux frais pour son frère ». Il demandait à l'employeur de refaire la fiche de paye.

L'employeur verse à son dossier les fiches de paye d'avril 2017 à mars 2018, mais pas celle de juillet 2017.

En revanche, la fiche de paye produite par le salarié mentionne le versement de la somme de 1 540 euros à titre de frais.

L'employeur, le 4 août 2017, répondait que « le fait que ce soit sur ta fiche de paie ne change absolument rien, les frais de déplacement ne rentrent pas dans le chiffre d'affaires imposable dans les impôts. Tu ne seras donc pas imposé dessus ».

L'employeur, qui prétend qu'il s'agit d'une erreur, produit un contrat de travail établi par une autre société, ainsi qu'une fiche de paye de septembre 2017. Il ne fournit aucune explication à ce qu'il puisse disposer de tels documents alors qu'ils émanent d'une autre entreprise, cependant que les courriels de l'employeur des 31 juillet et 4 août 2017 établissent clairement qu'il devait être bénéficiaire, puisqu'il en déterminait le montant, de la prestation de travail du frère du salarié.

La chronologie des faits et des documents produits conduit ainsi a retenir le contrat de travail et la fiche de paye de septembre 2017 sont de pures régularisations qui ne correspondent pas à la réalité, qui auraient pu aboutir à une fraude, lequel aurait été ainsi tenu de rémunérer la prestation de travail effectuée son frère à l'aide des sommes, fictives, versées par l'employeur à titre de remboursement de frais.

La matérialité des faits est établie.

Sur le retrait illicite du véhicule de fonction

Le salarié ne justifie d'aucun document contractuel aux termes desquels il devait bénéficier d'un véhicule de fonction et de la carte de carburant afférente. Il ne fournit aucun éléments relatif à l'exécution du contrat de travail se rapportant à l'usage d'un tel véhicule. Son droit à disposer d'un véhicule de fonction n'est dès lors pas établi. Le caractère illicite d'un retrait ne saurait dès lors être retenu.

L'employeur soutient que le salarié ne disposait pas d'un véhicule de fonction mais d'un véhicule de service qui lui avait été prêté en raison de la panne du véhicule personnel du salarié.

En toutes hypothèses, la réalité des faits invoqués par le salarié n'est pas établie.

Sur la sollicitation du salarié durant son arrêt de travail

Le salarié indique avoir été victime d'un accident du travail le 7 août 2017 mais avoir été sollicité par l'employeur les 21, 22 et 23 août 2017 (pièces n° 32, 33 et 34 de l'appelant).

Il ressort de ces pièces du dossier que, le 21 août 2017, le salarié a été l'un des destinataires - de manière non nominative dans le texte - d'un courriel concernant une difficulté d'organisation du travail. Il n'est pas justifié que le salarié ait répondu.

Les 22 et 23 août 2017, le salarié était en revanche seul destinataire de deux courriels, adressés nominativement à lui, dans lequel l'employeur lui donne des informations sur les « circuits ». Il ne ressort du courriel du 22 août aucune demande explicite de l'employeur d'une action précise au salarié. Le courriel du 23 août demande au salarié s'il a une idée d'une personne pouvant effectuer des circuits.

Le 23 août est adressé un autre courriel au salarié, qui comporte une liste, sans plus d'indications.

Le salarié produit une attestation de M. [W], qui indique que l'employeur lui a demandé de contacter le salarié durant son arrêt de travail pour organiser la tournée.

Il en résulte que l'employeur a sollicité le salarié durant son arrêt de travail.

La matérialité des faits invoqués est dès lors établie.

En l'état de ces observations, il convient ainsi de relever que les faits matériellement établis par le salarié consistent en ce que des heures supplémentaires ne lui ont pas été payées, que son véhicule a pu être géolocalisé, que l'employeur ne peut justifier de ses critères de rémunération variable à son égard, qu'il a tenté d'associer le salarié au paiement du salaire de son frère dans des conditions irrégulières, et qu'il l'a sollicité durant un arrêt de travail.

L'ensemble de ces faits laisse présumer que l'employeur a pu commettre des manquements ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié. Dès lors, l'existence de faits de harcèlement est présumée.

En ce qui concerne la géolocalisation, l'employeur se borne à justifier de sa déclaration auprès de la CNIL (pièce n° 27 de l'intimé). Il ne justifie pas de l'information du salarié. Cependant la pièce n° 35 produite par le salarié est un courriel par lequel le salarié a adressé le 30 décembre 2019, à l'entreprise, un tableau récapitulant sa géolocalisation pour le mois d'octobre 2019. Il en résulte que le salarié était nécessairement informé de cette géolocalisation. Par ailleurs, il n'est ni soutenu ni établi que la géolocalisation visait le seul salarié. Il en ressort qu'il est établi que cette géolocalisation reposait sur des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

En revanche, il a été précédemement établi que l'employeur n'a pas rémunéré l'ensemble des heures supplémentaires accomplies par le salarié et qu'il n'est pas en mesure de justifier des critères de rémunération variables à l'égard du salarié, l'employeur n'étant pas en mesure de justifier de critères objectifs pour l'attribution de la prime de rendement, et qu'il a sollicité le salarié durant son arrêt de travail.

Par ailleurs, il a été également établi que l'employeur avait, contre son gré, incité le salarié à rémunérer son frère au titre des prestations de travail accomplies par celui-ci avec les sommes que l'employeur lui avait versées à titre de remboursement de frais personnels.

Sur ces points, l'employeur n'apporte aucun élément permettant de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions aient pu être justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Dès lors, il y a lieu d'indemniser le salarié du préjudice résultant des faits de harcèlement.

Il sera noté que le salarié ne soutient pas qu'une atteinte à sa santé physique ou mentale ou qu'une compromission de son avenir professionnel du salarié soit résultée de la dégradation de ses conditions de travail.

Au vu de la nature des manquements constituant les faits de harcèlement et de l'atteinte qui en est résultée pour le salarié, son préjudice sera indemnisé par l'allocation de la somme de 3 000 euros (bruts) à titre de dommages-intérêts.

Il n'y a pas lieu de statuer sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou d'exécution loyale du contrat, fondement subsidiaire invoqué par le salarié.

Sur les autres demandes

Compte tenu de l'issue du litige et de la succombance de l'employeur, le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné le salarié aux dépens et l'employeur est condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Au vu de l'équité, l'employeur sera condamné à verser au salarié la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. [V] au titre du rappel des heures supplémentaires et en ce qu'il a condamné ce dernier aux dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

DÉCLARE recevable la demande de M. [V] en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

CONDAMNE la société Codice alliances services à payer à M. [V] la somme de 5 950 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre celle de 595 euros au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNE la société Codice alliances services à verser à M. [V] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

MET les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Codice alliances services ;

REJETTE la demande de la société Codice alliances services au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Codice alliance services à verser à M. [V] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 19/06702
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;19.06702 ?
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