La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2022 | FRANCE | N°19/06694

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 20 octobre 2022, 19/06694


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 19/06694 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTQT





[D]



C/

Etablissement MAÎTRE [L] [N]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3]

SARL FORMATIVES

SELARL MJ ALPES RD

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D [Localité 12]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 12 Septembre 2019

RG : F14/04632



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCI

ALE C



ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022













APPELANTE :



[A] [D] épouse [U]

née le 08 Juillet 1973 à CONSTANTINE (ALGERIE)

[Adresse 2]

[Localité 7]



représentée par Me Florence ALLIGIER, avocat ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/06694 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTQT

[D]

C/

Etablissement MAÎTRE [L] [N]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3]

SARL FORMATIVES

SELARL MJ ALPES RD

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D [Localité 12]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 12 Septembre 2019

RG : F14/04632

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022

APPELANTE :

[A] [D] épouse [U]

née le 08 Juillet 1973 à CONSTANTINE (ALGERIE)

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Florence ALLIGIER, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 12]

[Adresse 10]

[Localité 9]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

Société FORMATIVES

[Adresse 8]

[Localité 3]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON,

ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel CAPUS, avocat au barreau d'ANGERS

Société MJ ALPES prise en la personne de Me [O] [F] ès-qualités de mandataire liquidateur de la société SAVOIE DECISION

[Adresse 11]

[Localité 5]

représentée par Me Anthony SCARFOGLIERO de la SELARL SVMH JUDICIAIRE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Maître [L] [N] és qualité de mandataire liquidateur de la Société. FORMATIVES RHÔNE-ALPES

[Adresse 1]

[Localité 6]

non représentée

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie PALLE, Présidente

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Françoise CARRIER, Magistrat honoraire

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [A] [U] a été embauchée le 12 mars 2013 en qualité de formateur et responsable pédagogique qualité, qualification cadre, suivant un contrat à durée déterminée à temps partiel par la SARL Savoie Décision jusqu'au 31 août 2013.

Aux termes  du  contrat  de travail, les fonctions de Mme [U] étaient les suivantes :

« la formation, la conception des interventions (travaux de recherches et préparations de cours), les réunions pédagogiques, l'élaboration de sujets, les travaux de correction, les tâches administratives et activités connexes liées, ainsi que la gestion des candidats et élèves accueillis en Master, la mise en place de leur alternance et leur suivi en entreprise».

La convention collective applicable est celle des organismes de formation.

Suivant un avenant du 15 août 2013, le contrat de Mme [U] a évolué en contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2013. La durée du travail a été fixée à 94 heures mensuelles, correspondant à 21,70 heures par semaine, soit un temps partiel de 62% pour un salaire de base de 3 466,66 euros bruts.

Par jugement du 10 décembre 2013, le tribunal de commerce d'Annecy a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Savoie Décision.

Par jugement du 28 février 2014, ce même tribunal a prononcé la cession des actifs de la société Savoie Décision au profit de la SARL Formatives avec faculté de substitution au profit d'une société à créer, la date d'entrée en jouissance par le repreneur étant fixée au 1er mars 2014. Ce jugement a également converti le redressement judiciaire de la société Savoie Décision en liquidation judiciaire et désigné Me [F] en qualité de liquidateur.

La SARL Formatives Rhône-Alpes s'est substituée à la société Formatives pour la reprise des actifs de la société Savoie Décision, de sorte que le contrat de travail de Mme [U] lui a été transféré.

Mme [U] a été placée en arrêt de travail le 17 septembre 2014 jusqu'au 16 novembre 2014.

Le 21 novembre 2014, elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.

A nouveau placée en arrêt de travail le 25 novembre 2014, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon le 26 novembre 2014 à l'effet de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

A la suite à deux visites médicales des 29 juin et 16 juillet 2015, elle a été déclarée inapte à son poste.

Par courrier du 21 septembre 2015, la société Formatives Rhône-Alpes lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Mme [U] a fait appeler en cause dans la procédure prud'homale la SARL Formatives qu'elle considère comme son co-employeur, et la SARL MJ Alpes, venant aux droits de Me [F] en qualité de liquidateur de la société Savoie Décision.

Par jugement du 27 juillet 2016, le tribunal de commerce d'Annecy a prononcé la liquidation judiciaire de la société Formatives Rhône-Alpes et désigné la SELARL [L] [N] en qualité de liquidateur judiciaire. Cette dernière a régulièrement été appelée à l'instance.

Par jugement du 12 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a :

- mis hors de cause la SARL Formatives et la SELARL MJ Alpes prise en sa qualité de liquidateur de la SARL Savoie Décision,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du licenciement de Mme [U] en raison des manquements graves de la SARL Formatives Rhône-Alpes à ses obligations légales, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé la créance de Mme [U] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Formatives Rhône-Alpes aux sommes suivantes :

' 16 000 euros bruts, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 5 000 euros bruts, à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat,

' 1 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré le jugement opposable à l'Association UNEDIC Délégation AGS CGEA de Rennes dans la limite de leurs garanties légales,

- dit que les intérêts légaux sont arrêtés au jour du jugement d'ouverture,

- débouté Mme [U] du surplus de ses demandes,

- fixé le salaire mensuel brut de Mme [U] à 3 466,66 euros,

- débouté la SARL Formatives et la SELARL MJ Alpes, ès-qualités, de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la SARL Formatives Rhône-Alpes.

Mme [U] a interjeté appel de cette décision, le 1er octobre 2019.

Au terme de conclusions, notifiées aux intimés constitués le 2 janvier 2020 et signifiées à la SELARL [L] [N] le 16 janvier 2020, Mme [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à voir qualifier la SARL Formatives co-employeur avec la société Formatives Rhône-alpes et requalifier le contrat de travail en temps complet,

- inscrire au passif de la SARL Savoie Décision à titre de rappel de salaire couvrant   la    période  du  1er  septembre  2013  au  28  février 2014, la  somme  de

11 779,56 euros outre 1 177,95 euros de congés payés afférents, avec intérêts de droit à compter de la demande,

- inscrire au passif de la SARL Formatives Rhône-Alpes, les sommes suivantes :

' outre intérêts de droit à compter de la demande :

' 37 301,94 euros de rappel de salaire sur la base d'un temps complet, couvrant la période du 1er mars 2014 au 21 septembre 2015, outre 3 730,19 euros de congés payés afférents,

' 15 489,90 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1549 de congés payés afférents,

' outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir,

' 30 979,81 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

' 20 000 euros nets de toutes charges sociales, à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat,

' 40 000 euros nets de toutes charges sociales, à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- condamner de manière solidaire la SARL Formatives au paiement de ces sommes,

- ordonner à Me [F], ès-qualités de mandataire ad'hoc de la SARL Savoie Décision, la rectification des feuilles de paie des mois de septembre 2013 à février 2014, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir,

' ordonner à Me [N], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Formatives Rhône-alpes, la rectification des feuilles de paie du mois de mars 2014 au mois de septembre 2015, et des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi), sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du jugement à intervenir,

- inscrire au passif de la SARL Formatives Rhône-alpes 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance,

- condamner de manière solidaire la SARL Formatives au paiement de ces sommes,

- déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA-AGS.

Aux termes de conclusions notifiées le 30 mars 2020, la SARL Formatives demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les demandes formulées par Mme [U],

- confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

' prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du licenciement de Mme [U], produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' fixé la créance de Mme [U] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Formatives Rhône- Alpes aux sommes de 16 000 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 000 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat et 1600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' déclaré le jugement opposable à l'AGS -CGEA de Rennes dans la limite de leurs garanties légales,

' dit que les intérêts légaux sont arrêtés au jour du jugement d'ouverture,

- débouter Mme [U] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [U] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec faculté de distraction au profit de Me Laffly, avocat.

Aux termes de conclusions notifiées le 30 mars 2020, la SELARL MJ Alpes, agissant en qualité de liquidateur de la société Savoie Décision, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause, de débouter Mme [U] de toutes ses demandes dirigées à son encontre et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de conclusions notifiées aux parties constitués le 30 mars 2020 et signifiées à Me [N] le 10 avril 2020, l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de Rennes et l'UNEDIC délégation AGS-CGEA d'Annecy demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de résiliation judiciaire de Mme [U],

- débouter Mme [U] de l'intégralité de ses demandes,

Subsidiairement,

- 'réduire à de bien plus justes proportions au strict minimum légal, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail' (sic),

- débouter Mme [U] de ses demandes de dommages-intérêts 'de ce chef',

- débouter Mme [U] au titre d'une fixation et condamnation solidaire 'de sociétés',

En tout état de cause,

- déclarer inopposables à l'AGS les éventuelles créances nées antérieurement au 1er mars 2014,

- dire hors garantie les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'éventuelle astreinte,

- rejeter la demande d'exécution provisoire (sic) et d'intérêts au taux légal,

- dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L. 3253-15 du code du travail et L. 3253-17 du code du travail,

- dire que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte-tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

- les mettre hors dépens.

La SELARL [L] [N], liquidateur de la SARL Formatives Rhône-Alpes, régulièrement assignée par acte du 3 décembre 2019, remis à domicile, n'ayant pas constitué avocat, l'arrêt est réputé contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les manquements imputés à la société Formatives Rhône-Alpes

Selon l'article L.1222-1 du code du travail le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'exécution loyale du contrat implique, pour l'employeur, notamment le respect de ses engagements et la mise à disposition des moyens permettant l'exécution de la prestation de travail.

Selon l'article L. 4121-1 du même code, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L'obligation de l'employeur est une obligation de moyen renforcée et l'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en prouvant qu'il a mis en 'uvre des mesures de prévention.

Mme [U] invoque les manquements suivants de la part de la société Formatives Rhône-Alpes :

- la désorganisation et l'absence de locaux durant plus de six mois,

- un défaut de délivrance de bulletins de paie durant quatre mois, jusqu'à l'intervention de l'inspection du travail

- une surcharge de travail et une absence d'outils de travail,

- un cumul et un non-paiement de l'ensemble des heures travaillées,

- une rétention du complément de salaire aux indemnités journalières de sécurité sociale durant l'arrêt de travail,

- le non respect de l'obligation de sécurité à l'origine de son inaptitude.

La société Formatives fait valoir :

- qu'en raison des délais de constitution de la société repreneuse des actifs de la société Savoie Décision, de signature et d'enregistrement de l'acte de cession desdits actifs, la société Formatives Rhône-Alpes n'a pu prendre possession des locaux qu'au mois de juillet 2014, que Mme [U] était informée de cette situation,

- qu'elle a été régulièrement payée 'par anticipation' et que les bulletins de salaire lui ont bien été remis,

- que le décompte d'heures travaillées que Mme [U] s'est établi à elle-même a posteriori est dépourvu de valeur probante, qu'au surplus il est en contradiction avec les feuilles d'émargement qu'elle a signées et qu'il présente de multiples incohérences,

- que la salariée ne démontre pas avoir réalisé des heures supplémentaires à la demande de l'employeur,

- que s'agissant de la rétention du complément de salaire aux indemnités journalières de sécurité sociale, cette situation a été régularisée par l'employeur,

- qu'il n'est en définitive justifié d'aucun manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail.

L'AGS fait valoir :

- que ce n'est qu'à l'enregistrement du contrat de cession que la société Formatives Rhône-Alpes a pu prendre possession des locaux,

- que les salaires ont été payés par anticipation, que des bulletins de salaires ont été remis et les problèmes de locaux régularisés,

- que le décompte d'heures travaillées produit par la salariée comporte de nombreuses erreurs au regard des feuilles d'émargement signées par la salariée,

- que Mme [U] reconnaît avoir bénéficié de repos compensateurs en remplacement de la rémunération d'heures supplémentaires,

- que la situation relative au complément de salaire aux IJSS a été régularisée.

Il est acquis que la société Formatives Rhône-Alpes n'a pris possession des locaux qui lui avaient été cédés dans le cadre de la procédure collective de la société Savoie Décision qu'après l'enregistrement de l'acte de cession, en date du 8 juillet 2014, soit postérieurement à la fin de l'année scolaire.

L'employeur ne produit aucun élément justifiant des diligences faites pour organiser l'accueil des étudiants et des enseignants pendant la période courue à compter du 3 mars 2014, date à laquelle les anciens locaux de la société Savoie Décision ont dû être libérés, alors que la reprise d'une activité d'enseignement en cours d'année scolaire imposait d'anticiper les difficultés.

La salariée produit des échanges de courriels qui démontrent la désorganisation de l'activité d'enseignement reprise par la société Formatives Rhône-Alpes, tenant non seulement à l'absence de locaux à compter du 3 mars 2014 et à l'insuffisance des locaux brièvement mis à disposition à compter du 18 mars 2014, mais également à l'absence de communication de la direction à l'égard tant des étudiants, inquiets pour leur avenir et leurs examens, que des professeurs.

Elle justifie avoir été contrainte de se faire prêter gracieusement des locaux à [Localité 13] par un de ses amis chef d'entreprise afin d'effectuer les entretiens avec ses étudiants pendant la période mai-juin et septembre 2014.

Autre indicatif du manque d'organisation de l'employeur, aucun bulletin de paie n'a été délivré de mars à juillet 2014, la situation ayant été effectivement régularisée par la suite.

Alors que sa fiche de poste, telle qu'elle ressort du contrat de travail, ne comportait qu'une activité d'enseignement et les activités administratives strictement connexes, Mme [U] produit un compte-rendu de réunion du 11 septembre 2014 élargissant son périmètre d'intervention à des tâches purement administratives et de secrétariat, ce qui constitue une modification de son contrat de travail.

Elle produit en outre un relevé détaillé des horaires de cours réalisés entre les mois de mars et de septembre 2014, corroboré pour l'essentiel par les feuilles d'émargement signées des étudiants lors des cours face à face. Il en ressort qu'elle a assuré, en sus de son enseignement, des cours d'anglais en remplacement d'un enseignant absent et les heures de cours 'face à face', hors heures pédagogiques, suivantes : mars 88 heures dont 4 heures d'anglais, avril 105 heures dont 4 heures d'anglais, mai 105 heures dont 8 heures d'anglais, juin 102 heures, juillet 32 heures avant son départ en congés le 22 juillet.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre et doivent en conséquence être considérés comme probants faute d'être contredits de façon étayée par ce dernier. En outre, ils ne prennent pas en compte les heures pédagogiques, c'est à dire les heures de préparation des cours et/ou de correction des travaux.

Les échanges de courriels avec M. [C] [E], gérant de la société Formatives Rhône-Alpes, du début du mois de septembre 2014 font apparaître que Mme [U] assurait à cette période les soutenances et les rattrapages Masters 1 et 2. Elle y indiquait, sans être démentie, gérer seule toute la partie opérationnelle et pédagogique de la rentrée, ce qui suffit à établir qu'elle travaillait à plein temps au cours de cette période jusqu'au 16 septembre, date de son arrêt de travail.

Par courrier recommandé du 12 novembre 2014, l'employeur l'a mise en demeure de restituer immédiatement l'ensemble des informations nécessaires à l'activité de la société : notes, bulletins, archives des examens, mémoires des étudiants, fiches de notation des mémoires, plans de cours et disque dur externe. Ce courrier lui reprochait de n'avoir pas répondu à ses sollicitations répétées sur ce point et de mettre en péril l'établissement en faisant obstacle à la remise des attestations de réussite aux étudiants et à la conclusion d'une convention avec l'Université de [Localité 14], tous points que la salariée conteste.

L'employeur ne justifie d'aucune demande préalable de remise de documents alors que, la salariée étant en arrêt maladie, des courriels devraient en attester. Dans son courrier en réponse du 14 novembre 2014, la salariée indique que si elle détient une partie des copies d'examen et des mémoires c'est en raison du fait que l'entreprise n'avait pas de locaux entre juin et mi-septembre. Ses réponses précises concernant les autres éléments demandés démontrent l'inanité des demandes et des reproches de l'employeur et confirment les défaillances de l'entreprise en matière d'organisation administrative.

S'agissant du renouvellement de la convention avec l'Université de [Localité 14] et du règlement des intervenants, Mme [U] produit une attestation de M. [B], responsable du Master 2 Qualité de cette université, de laquelle il ressort que l'Université refusait de délivrer les attestations de réussite en raison du non respect par la société Formatives Rhône-Alpes de la procédure convenue, en particulier du non paiement des intervenants de [Localité 14], de sorte qu'imputer la responsabilité de cette situation à Mme [U] relève de la mauvaise foi.

Mme [U] établit ainsi avoir été placée dans une situation de pression continuelle depuis le mois de mars 2014 et ce y compris pendant son arrêt-maladie.

Elle justifie que lorsqu'elle a demandé la rectification de son bulletin de salaire de septembre qui avait retenu 51 heures 27 de travail alors qu'elle invoquait avoir effectué 70 heures, l'employeur lui a répondu que sa rémunération étant mensualisée (sic), son salaire devait être proratisé au nombre de jours de travail avant l'arrêt peu important les heures effectivement réalisées.

En outre, alors que par un courriel du 10 juillet 2014, l'employeur avait accepté de transformer les heures complémentaires effectuées chaque mois en jours de récupération sur la période du 22 juillet au 22 août, il a refusé lors de l'établissement du solde de tout compte de lui payer les congés payés afférents en considérant que la salariée était en congés payés à cette période.

Il a également retenu le complément de salaire à l'arrêt de travail de la période de décembre 2014 au 16 juillet 2015, situation qui n'a été régularisée que postérieurement à la rupture et après une mise en demeure.

La salariée produit un certificat médical du docteur [X], du 10 juin 2015, duquel il ressort que, patiente sans antécédents neuro-psychiatriques, elle a présenté en septembre 2014 un épisode dépressif majeur sur fond d'épuisement professionnel ayant nécessité un suivi médical très rapproché et un traitement et, en novembre 2014, un trouble anxieux instable, doublé d'une catatonie majeure qui s'est prolongée jusqu'au mois de mars 2015.

Elle produit de multiples attestations de collègues et d'anciens élèves qui démontrent son professionnalisme et son engagement pour la réussite de ses étudiants, nonobstant les graves dysfonctionnements de l'établissement.

Ces éléments précis et concordants permettent à la cour de retenir que la dégradation de l'état de santé de la salariée et l'inaptitude qui s'en est suivie trouvent leur cause dans les mauvaises conditions de travail, la charge de travail et la pression vécues par la salariée à compter du mois de mars 2014.

Les manquements imputés à l'employeur sont ainsi établis.

Mme [U] a subi un préjudice en ce que l'exécution de son travail a été rendue plus pénible et sa vie personnelle et sa santé en ont été atteintes. Le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation de l'indemnité réparant ce préjudice en la fixant à la somme de 5 000 euros, de sorte que le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la requalification du contrat de travail en temps plein

La salariée invoque l'irrégularité formelle de son contrat de travail qui ne prévoit pas la répartition du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ainsi que le fait qu'elle a effectué de nombreuses heures complémentaires au delà des seuils convenus ou autorisés, de sorte qu'elle était à la disposition permanente de l'employeur et sans visibilité sur son emploi du temps.

La SELARL MJ Alpes, en qualité de liquidateur de la société Savoie Décision, fait valoir  que :

- Mme [U], qui soutient avoir accompli de nombreux dépassements d'heures, ne produit pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour étayer sa demande,

- les décomptes fournis concernent des heures effectuées de mars à septembre 2014, période postérieure à la reprise de son contrat de travail par la société Formatives Rhône-Alpes.

L'AGS fait valoir que la demande de rappel d'heures supplémentaires réclamé n'est pas justifiée.

Selon l'article L. 3123-14 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'article L. 3123-21 du même code dispose que toute modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois est notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu.

L'article L. 3123-17 dispose que le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L.3122-2 ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2.[...].

Et l'article 5.6.3 de la convention collective des organismes de formation dispose que

[...] des heures de travail en dépassement du volume contractuel prévu au contrat de travail peuvent être effectuées si la direction en informe au préalable les salariés concernés et précise le volume, les conditions et la période sur laquelle les heures complémentaires seront réalisées.

Ces heures, dites «complémentaires», correspondent aux heures de travail accomplies par un salarié à temps partiel, à l'initiative de la Direction, au-delà de la durée de travail prévue dans son contrat. Les salariés employés à temps partiel peuvent donc être amenés à effectuer des heures complémentaires si les conditions de recours aux heures complémentaires et les éventuelles circonstances prévisibles de surcroît d'activité sont prévues, soit conventionnellement, soit contractuellement. [...]La modification de la répartition de la durée du travail donne lieu à un délai de prévenance de 7 jours ouvrés.

Il se déduit de ces dispositions que le salarié à temps partiel doit connaître ses horaires de travail afin de ne pas être obligé de rester en permanence à la disposition de son employeur, l'objet du travail à temps partiel étant de dégager du temps libre pour le salarié ou lui permettre d'occuper un autre emploi à temps partiel.

Le contrat est ainsi présumé avoir été conclu à temps complet notamment si fait défaut la mention de la répartition du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et si ne sont pas respectées les mentions contractuelles sur la durée et la répartition du temps de travail.

Il s'agit d'une présomption simple que l'employeur peut renverser en rapportant la preuve contraire par tout moyen.

En l'espèce, le contrat de travail ne fait état que d'un volume d'heures mensuelles sans précision quant à la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et ne comporte aucune précision sur les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, ni sur la nature ou les modalités de modification de ces horaires.

S'agissant des heures complémentaires, le contrat de travail se contente d'indiquer : « Il est convenu que Mme [A] [U] pourra être amenée à effectuer des heures complémentaires qui ne pourront dépasser 1/10 ème de la durée du travail prévu ci-dessus.[...] En cas de modification de la répartition des heures de travail convenue au présent contrat, Mme [U] devra être préalablement informée au moins 7 jours (ouvrés) avant la date à laquelle elle aura lieu. »

En l'absence de mention dans le contrat de travail et dans l'avenant des jours travaillés dans la semaine, de la répartition entre les jours de la semaine et en l'absence de preuve par l'employeur que la salariée n'était pas à la disposition permanente de l'entreprise, le contrat doit être requalifié en contrat de travail à temps plein.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de rappel de salaire sur la base d'un complet :

- à hauteur de la somme de 11 779, 56 euros outre 1 177,95 euros de congés payés afférents pour la période du 1er septembre 2013 au 28 février 2014, ces sommes devant être inscrites au passif de liquidation judiciaire de la société Savoie Décision alors employeur de Mme [U],

- à hauteur de la somme de 37 301,94 euros outre 3 730,19 euros de congés payés afférents pour la période du 1er mars 2014 au 21 septembre 2015, ces sommes devant être inscrites au passif de la liquidation judiciaire de la société Formatives Rhône-Alpes, dernier employeur de Mme [U].

Sur le travail dissimulé

La salariée fait valoir que la société Formatives Rhône-Alpes, qui la sollicitait à l'excès, avait connaissance de la réalité de ses heures travaillées et que c'est intentionnellement que celle-ci a mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures largement inférieur à celui réellement accompli.

La société Formatives fait valoir que :

- le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi ne peut se déduire de la seule absence de la mention sur les bulletins de paie d'éventuelles heures supplémentaires contestées,

- Mme [U] ne démontre pas que la société Formative Rhône-Alpes se serait intentionnellement soustraite à ses obligations.

L'article L. 8221-5 du code du travail répute travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Selon l'article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d'emploi est caractérisée s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de salaire un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué.

En l'espèce, il a été précédemment retenu que la salariée démontrait la réalité des nombreuses heures complémentaires effectuées, ce que l'employeur ne pouvait ignorer au regard de la charge de travail qu'il lui imposait. Il ressort en outre de l'échange de courriels du 10 juillet 2015 relatif à la récupération sous forme de congés des heures complémentaires effectuées chaque mois par la salariée que l'employeur était informé de la situation.

Le caractère intentionnel de l'omission des heures complémentaires effectuées sur les bulletins de paie est dès lors établi, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande d'indemnité pour travail dissimulé à hauteur de la somme de 30 979,81 euros, correspondant à six mois de salaire sur la base d'un temps complet.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur

Selon l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, l'une ou l'autre des parties à un contrat synallagmatique peut demander la résiliation judiciaire en cas d'inexécution des obligations découlant de ce contrat. Il en résulte que le juge peut, à la demande du salarié, prononcer la résolution du contrat de travail en cas d'inexécution suffisamment grave par l'employeur de tout ou partie des obligations en découlant.

Il appartient à la juridiction prud'homale de rechercher si les manquements invoqués par le salarié à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire sont ou non d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur en empêchant la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, la multiplicité et la gravité des manquements de l'employeur à ses obligations rendaient impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de résiliation aux torts de l'employeur.

Sur l'existence d'une situation de co-emploi

Mme [U] fait valoir que, bien qu'embauchée par la société Formatives Rhône-Alpes, elle était sous la subordination de la société Formatives. Elle en veut pour preuve le fait que plusieurs courriers lui ont été adressés par cette société, notamment celui du 12 novembre 2014 lui demandant de restituer différents éléments relatifs à son enseignement pendant son congé maladie et que c'est M. [P] [E], directeur de Formatives, qui l'a reçue pour récupérer ces documents ; que le courrier du 21 novembre 2014 par lequel le gérant de la société Formatives Rhône-Alpes, M. [C] [E], l'a convoquée à un entretien préalable (procédure restée sans suite) était rédigé sur un papier à en-tête de la société Formatives ; qu'elle assurait la formation d'élèves de Master I et II en formation initiale, activité correspondant au code APE de la société Formatives et non à celui de la société Formatives Rhône-Alpes qui correspondait à l'activité de formation continue d'adultes.

Elle fait valoir également que les sociétés Formatives et Formatives Rhône-Alpes avaient le même objet social, partageaient le même domaine d'activité, que ses interlocuteurs privilégiés ont été M. [C] [E], dirigeant des deux sociétés, et Mme [T], responsable pédagogique de la société Formatives, tous éléments caractérisant une confusion d'intérêts, d'activité et de direction.

La SARL Formatives fait valoir :

- qu'elle n'est pas liée à Mme [U] par un contrat de travail,

- que Mme [U] ne soutient, ni n'établit l'existence entre elles d'un lien de subordination,

- que Mme [U] ne rapporte pas la preuve d'une ingérence abusive de sa part dans la gestion économique et sociale de la société Formatives Rhône-Alpes, ni que cette dernière ait été privée de ses prérogatives et de son autonomie; que le fait que la société Formatives Rhône-Alpes ait utilisé, par erreur, un papier à en-tête de la société Formatives ne suffit pas à démontrer une ingérence abusive.

Sur ce,

La reconnaissance de la qualité de co-employeur suppose soit un lien de subordination avec un tiers au contrat de travail soit une véritable confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre deux sociétés, que ne sauraient caractériser la simple existence de liens capitalistiques ou d'actions commerciales communes et la mobilité des dirigeants du groupe de sorte qu'une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale de cette dernière lui faisant perdre toute autonomie.

Le lien de subordination se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

C'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve. Cette preuve peut se faire par tout moyen.

L'emploi d'un papier à en-tête de la société Formatives par M. [C] [E], également dirigeant de la société Formatives Rhône-Alpes, et adressé à la salariée en cette seule qualité ne saurait faire la preuve du lien de subordination invoqué.

L'organisation de la remise des documents demandés par M. [P] [E], directeur de Formatives, dans le courrier du 12 novembre 2014, ne saurait suffire à caractériser un lien de subordination à l'égard de la société Formatives en l'absence de tout autre élément démontrant que la salariée a reçu ses instructions ou ses directives de cette dernière.

L'identité de dirigeants et d'activités des sociétés Formatives et Formatives Rhône-Alpes, pas plus que la dépendance capitalistique de la seconde à l'égard de la première, ne sauraient caractériser l'existence d'un co-emploi dès lors que la salariée ne rapporte pas la preuve d'éléments de fait démontrant une immixtion permanente de la société Formatives dans la gestion économique et sociale de la société Formatives Rhône-Alpes faisant perdre à cette dernière toute autonomie d'action.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [U] de ses demandes dirigées contre la société Formatives.

Sur les indemnités de rupture

La résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [U] est fondée à obtenir paiement de l'indemnité compensatrice de préavis soit, sur la base d'un salaire mensuel de 5 163,30 euros, la somme de 15 489,90 euros outre 1 549 euros au titre des congés payés afférents.

Il ressort du procès-verbal de l'audience du 6 décembre 2018 que, sur question du président d'audience, il a été indiqué que la société Formatives Rhône- Alpes employait 4 salariés permanents.

Selon l'article L.1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au 21 septembre 2015 date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail correspondant à la date de la notification du licenciement, l'entreprise employant moins de onze salariés, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au regard de l'ancienneté, de l'âge de la salariée à la date du licenciement, à savoir 42 ans, des circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et des difficultés de réinsertion professionnelles prévisibles, étant observé qu'à hauteur d'appel celle-ci ne fournit aucun élément sur sa situation actuelle, le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme [U] du fait de son licenciement et le jugement déféré est confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 16 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

Selon l'article 1153, devenu 1231-6 du code civil, les dommages-intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de sommes d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure.

L'ouverture des procédures collectives a arrêté le cours des intérêts sur les créances de salaire conformément aux dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce, de sorte que seuls peuvent être inscrits au passif de la liquidation judiciaire les intérêts courus sur les créances salariales entre la date de la réception de la demande par les employeurs concernés et le 28 février 2014, s'agissant de la procédure collective de la société Savoie Décision et le 27 juillet 2016, s'agissant de la liquidation judiciaire de la société Formatives Rhône-Alpes.

En l'espèce, les demandes de Mme [U] en paiement de rappels de salaire, d'indemnités compensatrices de congés payés et de préavis n'ont été formulées que postérieurement à l'ouverture de ces procédures, de sorte que la salariée n'est pas fondée à prétendre aux intérêts.

La société Formatives Rhône-Alpes qui succombe pour l'essentiel supporte les dépens et une indemnité de procédure dans la mesure précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

RÉFORME le jugement déféré en ce qu'il a :

- mis hors de cause la SELARL MJ ALPES, liquidateur de la société Savoie Décision,

- débouté Mme [U] de ses demandes de requalification du contrat de travail en temps complet et de ses demandes de rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité pour travail dissimulé ;

Statuant à nouveau,

REQUALIFIE le contrat de travail de Mme [A] [U] en contrat à temps complet ;

FIXE la créance de Mme [A] [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société Savoie Décision aux sommes suivantes :

- 11 779,56 euros, à titre de rappel de salaires pour la période du 1er septembre 2013 au 28 février 2014, outre 1 177,95 euros au titre des congés payés afférents ;

FIXE la créance de Mme [A] [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société Formatives Rhône-Alpes aux sommes suivantes :

- 37 301,94 euros, à titre de rappel de salaire pour la période du 1er mars 2014 au 21 septembre 2015, outre 3 730,19 euros au titre des congés payés afférents,

- 15 489,90 euros, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 549 euros au titre des congés payés afférents,

- 30 979,81 euros, à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

DÉBOUTE Mme [A] [U] de sa demande au titre des intérêts au taux légal,

ORDONNE à la SELARL MJ Alpes, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Savoie Décision, de remettre à Mme [A] [U] les bulletins de paie rectifiés des mois de septembre 2013 à février 2014,

ORDONNE à la SELARL [L] [N], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Formatives Rhône-alpes, de remettre à Mme [A] [U] les bulletins de paie rectifiés du mois de mars 2014 au mois de septembre 2015, ainsi que les documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi), conformes aux dispositions du présent arrêt,

DIT n'y avoir lieu à astreinte,

CONFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'Association UNEDIC Délégation AGS CGEA de Rennes et d'Annecy dans la limite de leurs garanties légales,

CONDAMNE la SELARL MJ Alpes, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Formatives Rhône-Alpes, à payer à Mme [A] [U] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Formatives,

CONDAMNE la SELARL MJ Alpes, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Formatives Rhône-Alpes, aux dépens.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 19/06694
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;19.06694 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award