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20/10/2022 | FRANCE | N°19/06403

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 20 octobre 2022, 19/06403


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 19/06403 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MS3L





[S]



C/

SAS DIMOTRANS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Juillet 2019

RG : F18/00362





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022













APPELANTE :



[T] [S]

née le 29 Octobre 1965 à [Localité 6]

(Tunisie)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Christopher REINHARD de la SARL ROUMEAS AVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société DIMOTRANS GROUP

[Adresse 2]

[Adresse ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/06403 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MS3L

[S]

C/

SAS DIMOTRANS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Juillet 2019

RG : F18/00362

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022

APPELANTE :

[T] [S]

née le 29 Octobre 1965 à [Localité 6] (Tunisie)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Christopher REINHARD de la SARL ROUMEAS AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société DIMOTRANS GROUP

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Thierry CARRON de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie PALLE, Présidente

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Françoise CARRIER, Magistrat honoraire

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 16 avril 2012, Mme [T] [S] a été embauchée par la société Dimotrans, exerçant une activité de commissionnaire de transports, sous contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'agent commercial Annexe 4 Groupe 1 coefficient 100 statut cadre de la Convention collective nationale du transport routier et des activités auxiliaires du transport, au sein de l'agence de [Localité 3].

Suivant avenant du 20 juin 2013, elle a été nommée responsable régionale des ventes et placée sous l'autorité du directeur commercial France à compter du 1er juillet 2013 moyennant une rémunération mensuelle brute portée à 3 200 euros.

Au début de l'année 2014, la société Dimotrans a entamé une réorganisation de son activité commerciale, notamment sur la région Rhône-Alpes, sur laquelle l'appelante exerçait ses fonctions, par suite du rachat et de l'intégration de deux sociétés.

Mme [S] a été placée en arrêt de travail du 13 février au 14 septembre 2014 suite à un avis d'inaptitude temporaire rendu par le médecin du travail lors d'une visite occasionnelle à l'initiative de la salariée.

Elle a été examinée par le médecin du travail dans le cadre d'une visite de pré-reprise organisée le 12 septembre 2014.

Le 15 septembre 2014, date prévue pour sa reprise, Mme [S] s'est présentée à son poste. Elle a été reçue par le directeur d'agence, M. [X] et par Mme [E], directrice des ressources humaines, qui lui ont remis une convocation à la visite de reprise fixée au 18 septembre à 14h10 en lui indiquant qu'ils ne souhaitaient pas qu'elle reprenne le travail avant cette visite compte tenu de la durée de son arrêt de travail.

A la suite de cet entretien, Mme [S] a été reconduite chez elle par la directrice des ressources humaines, Mme [E], la collaboratrice de cette dernière, Mme [Z], ramenant le véhicule de Mme [S] au domicile de celle-ci.

La salariée a de nouveau été placée en arrêt maladie à compter du 16 septembre 2014.

Par un courrier recommandé du 24 septembre 2014, Mme [S] s'est plainte de l'accueil qui lui avait été réservé à son retour dans l'entreprise et d'avoir été autoritairement ramenée chez elle, alors qu'il était simple de l'aviser par écrit de ce qu'elle était dispensée de reprendre avant la visite du 18 septembre, et a fait valoir que l'attitude des responsables de la société avait provoqué un nouvel arrêt de travail jusqu'au 31 octobre 2014.

Mme [E] a répondu à ce courrier le 7 octobre, en indiquant n'avoir agi qu'en vue de préserver la santé et la sécurité de Mme [S].

Par courrier du 21 octobre 2014, Mme [S] a demandé à la société Dimotrans de procéder à une déclaration d'accident du travail à raison des faits survenus le 15 septembre. L'employeur s'est exécuté.

Dans le même temps, Mme [S] avait saisi l'inspection du travail qui a interrogé l'employeur. Celui-ci a répondu que l'intéressée n'avait pas fait l'objet d'une mise à pied conservatoire lors des événements du 15 septembre 2014. Aucune suite n'a été donnée par l'inspection du travail.

L'arrêt de travail de Mme [S] a été prolongé jusqu'au 18 septembre 2016.

Mme [S] ayant été à nouveau déclarée apte, une nouvelle tentative de reprise du travail a eu lieu mi-septembre 2016, date à laquelle il lui a été proposé un avenant à son contrat de travail. Mme [S] a été à nouveau en arrêt de travail à compter du 26 septembre 2016.

A la suite d'une visite de reprise du 27 février 2017, Mme [S] a été déclarée apte à reprendre son poste avec cette restriction : 'à revoir dans 28 jours'.

A son retour au sein de l'agence de [Localité 3], elle a été reçue par MM. [C] (directeur de l'agence transports) et [R] (responsables des ventes Rhône pour le site de [Localité 3]) qui lui ont notifié les changements suivants : retour à ses fonctions initiales d'agent commercial sur l'un des secteurs de l'agence avec maintien de son statut cadre et de sa rémunération, assorti d'une formation sur le nouvel outil de gestion commerciale pour mettre à jour ses compétences.

Par courrier du 16 mars 2017, Mme [S] s'est plainte d'avoir été rétrogradée. Elle a, par la suite, été à nouveau placée en arrêt de travail pour maladie.

Le 6 février 2018, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ainsi que le versement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement nul, harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement du 25 juillet 2019, le conseil de prud'hommes l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Mme [S] a relevé appel de ce jugement, le 18 septembre 2019.

Aux termes de conclusions notifiées le 11 décembre 2019, la salariée demande en substance à la cour de réformer le jugement et de :

- prononcer la rupture du contrat de travail au torts de la société Dimotrans et dire que cette rupture produit les effets d'un licenciement nul, subsidiairement d'un licenciement abusif,

- condamner la société Dimotrans au paiement des sommes suivantes :

' 3 466, 66 euros par an outre intérêts à taux légal à compter du 1er janvier de l'année suivante et 346, 66 euros par an au titre des congés payés afférents à titre de rappel de primes sur objectif 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, subsidiairement 19 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d'une rémunération variable,

' rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, année 2012 : 3 738 euros outre 373,80 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2013,

' rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, année 2013 : 9 019,46 euros outre 901,94 euros au titre des congés payés afférents, outre intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2014,

' rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, année 2014 : 1 239,04 euros outre 123,90 euros au titre des congés payés afférents, outre intérêts à taux légal à compter du 1er janvier 2015,

' 3 433,45 euros à titre de dommages-intérêts pour non-information des droits à repos de remplacement,

' 23 710 euros nets à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

' 42 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité,

' 65 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement pour licenciement abusif,

'11 854,86 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 185,48 euros au titre des congés payés afférents,

' 6 671,14 euros à titre d'indemnité de licenciement, arrêtée au 20 février 2020, et sauf à parfaire,

' 2 331,73 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés non pris,

' 30 000 euros en réparation du préjudice né de l'exécution déloyale du contrat de travail,

' 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'obtenir une prime d'intéressement,

' 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier de la prime de participation,

' 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- fixer la moyenne de ses salaires à la somme de 3 951, 62 euros.

Aux termes de conclusions notifiées le 10 mars 2020, la société Dimotrans demande à la cour de :

- in limine litis (sic) : dire que les demandes de Mme [S] relatives aux heures supplémentaires, au repos compensateur de remplacement et à l'indemnité prévue par l'article L.8223-1 du code du travail sont frappées de prescription et débouter Mme [S] de ces demandes,

- confirmer le jugement,

- débouter Mme [S] de ses demandes relatives à sa rémunération variable, à l'intéressement et à la participation, au titre d'un harcèlement moral et d'une discrimination et de résiliation judiciaire du contrat de travail,

- condamner Mme [S] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est rappelé que les demandes tendant à voir "constater" ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour; qu'il en est de même des demandes tendant à voir 'dire et juger' lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur la prescription

La prescription n'est pas une exception de procédure devant être présentée avant toute défense au fond mais une fin de non recevoir susceptible, selon l'article 123 du code de procédure civile, d'être soulevée en tout état de cause.

Selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Le demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titres des trois années précédant la rupture du contrat.

Le délai de prescription court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

Aux termes de l'article 2241 du code civil, la prescription est interrompue par une demande en justice, c'est à dire une demande formée devant une juridiction.

En l'espèce, Mme [S] n'a formé qu'en cause d'appel et par ses conclusions notifiées le 11 décembre 2019 ses demandes en paiement d'heures supplémentaires pour la période 2012-2014.

Or en application des dispositions susvisées, les sommes dues à titre de salaires ou d'accessoires du salaire échues antérieurement au 11 décembre 2016 sont prescrites, de sorte que les demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires des années 2013 à 2015 et les demandes connexes de repos compensateur de remplacement et d'indemnité pour travail dissimulé sont irrecevables.

Sur la demande en paiement de la rémunération variable pour la période 2015/2019

La salariée fait valoir que le contrat de travail comme l'avenant précisaient qu'il était associé à la rémunération mensuelle brute une prime sur objectifs dont les modalités de fixation et de versement étaient déterminées par avenant séparé, qu'aucun avenant n'ayant jamais été établi, elle est fondée à obtenir le versement de la rémunération convenue telle qu'arbitrée par le juge.

L'employeur fait valoir que la seule mention d'une prime, sans que ni le montant ni les modalités de versement de celle-ci ne soient prévus au contrat de travail ne peut être considérée comme un engagement contractuel ; qu'il a été dans l'impossibilité de proposer à Mme [S] des objectifs commerciaux en raison de ses arrêts maladie et qu'en l'absence de toute activité professionnelle, la salariée n'est pas fondée à prétendre à une rémunération variable.

Le contrat de travail prévoyant expressément que la salariée percevrait en sus de sa rémunération mensuelle brute une prime d'objectif en fonction d'objectifs fixés chaque année en concertation avec l'employeur, cette rémunération variable revêt un caractère contractuel, peu important qu'aucun avenant précisant ses objectifs et fixant les conditions de calcul de cette rémunération n'ait été signé par la suite.

Selon l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, le contrat fait la loi des parties.

En l'espèce, l'employeur qui n'a soumis aucun avenant définissant les objectifs à la salariée a manqué à son obligation contractuelle de fixer les objectifs d'un commun accord avec celle-ci.

Le manquement de l'employeur à cette obligation emporte obligation pour lui de verser au salarié l'intégralité de la rémunération variable contractuellement prévue pour chaque exercice.

Lorsque l'objectif de résultat dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable n'a pas été déterminé, il appartient au juge de fixer cette dernière en fonction des critères prévus au contrat et des accords conclus expressément ou implicitement les années précédentes par les parties ou des éléments de la cause.

En l'espèce, les éléments de la cause permettent à la cour de fixer le montant de la prime d'objectif annuelle à 2 000 euros.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de rappel de primes pour les années 2015 à 2019 à hauteur de la somme de 10 000 euros (2 000 x 5 ) outre 1 000 euros au titre des congés payés afférents.

Selon l'article 1153, devenu 1231-6 du code civil, les dommages-intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de sommes d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure.

En l'espèce, Mme [S] n'a formulé sa demande de rappel de primes qu'aux termes de ses conclusions d'appel notifiées le 11 décembre 2019, de sorte que les intérêts n'ont couru qu'à compter de cette date.

Sur le harcèlement moral

La salariée fait valoir :

- que la réorganisation des services commerciaux ayant eu des conséquences sur son emploi a été mise en place en 2014 sans qu'elle en soit informée, que les fonctions qui lui ont été initialement confiées lui ont peu à peu été retirées, qu'elle n'a pas eu de réponse à sa demande d'explications du 2 février 2014 ce qui l'a amenée à consulter un médecin à l'aéroport [5] le 7 février 2014,

- qu'elle a été rétrogradée au rang de commerciale itinérante à l'agence de [Localité 3], que cette rétrogradation a été diffusée par mail au mois de février 2014 sans qu'elle ait été préalablement informée,

- qu'un courrier de son conseil en date du 4 mars 2014 est resté sans suite, que son état de santé s'est dégradé d'où son premier arrêt de travail,

- que lors de la tentative de reprise de septembre 2014, les conditions de son accueil et de sa reconduite à domicile traduisent une volonté de mise à l'écart et sont caractéristiques d'un harcèlement moral, qu'elles ont constitué un accident du travail, la présence de M. [X], directeur d'exploitation de l'agence de [Localité 3], qui n'était pas son supérieur hiérarchique étant la preuve de sa rétrogradation,

- qu'une reprise à mi-temps thérapeutique a été proposée le 17 septembre 2015 par le médecin du travail et qu'elle n'a pas été informée du refus de l'employeur,

- qu'il lui a été demandé de rembourser les sommes perçues au titre du maintien du salaire,

- que le poste de commerciale qui lui a été proposé lors de sa tentative de reprise du mois de septembre 2016 n'était pas similaire à son précédent poste et n'offrait pas les mêmes perspectives de carrière, que sa mise à l'écart a été à l'origine d'un nouvel arrêt maladie,

- que lors de la tentative de reprise du travail de février 2017, elle ne disposait plus de bureau, ni de cartes de visite, de connexion, ou d'ordinateur, que sa rétrogradation définitive lui a été notifiée lors d'une réunion du 10 mars 2013,

- qu'elle a été sommée de justifier de son absence suite au décès de sa mère alors qu'elle avait averti le service des ressources humaines de son absence.

L'employeur fait valoir :

- qu'il n'a pas supprimé le poste de Mme [S],

- que le nouvel organigramme a été adressé à l'ensemble des collaborateurs le 13 février 2014 et qu'il était disponible sur le réseau intranet de la société, de sorte que Mme [S] a pu en avoir connaissance, qu'elle a été informée de la nouvelle organisation par le courriel du dirigeant en date du 26 janvier 2014 et par un courriel du directeur commercial, M. [N] du 31 janvier 2014,

- que la nouvelle politique commerciale, recentrée sur la présence auprès des clients et prospects, n'a pas remis en cause la qualification et les prérogatives de Mme [S], que le traitement du reporting par le directeur commercial avait pour objectif de soulager Mme [S] de tâches administratives et non de la démettre de ses fonctions, que Mme [S] conservait la gestion de l'activité de Mehdi, que Mme [S] n'avait aucune 'propriété' (sic) sur les clients et que la réaffectation d'un seul client ne saurait établir une rétrogradation,

- que Mme [S] ne rapporte pas la preuve d'un lien entre la modification de l'organisation du service commercial de l'agence de [Localité 3] et la dégradation de son état de santé,

- que Mme [S] travestit les événements du 15 septembre 2014, qu'elle n'a pas été ramenée à son domicile de façon autoritaire mais avec son assentiment, que l'inspection du travail n'a donné aucune suite aux accusations de Mme [S], qu'en outre Mme [S] a toujours été rattachée administrativement à l'établissement de [Localité 3] ce qui justifiait l'intervention du directeur M [X],

- que c'est légitimement qu'il a nommé M. [R] au poste anciennement occupé par Mme [S] compte tenu de la durée de son absence, que ce poste n'étant plus vacant, il a respecté ses obligations en proposant à la salariée un poste équivalent comportant notamment le même niveau de rémunération et la même qualification que l'emploi initial,

- que la demande de remboursement des sommes perçues au titre du maintien du salaire était légitime dès lors qu la salariée n'était plus prise en charge par l'assurance maladie au titre des IJSS depuis le 26 septembre 2016,

- que Mme [S] a bénéficié d'une écoute toute particulière lors de sa reprise de février 2017 afin que son retour se passe dans les meilleures conditions possibles, qu'elle a bénéficié d'un entretien professionnel et qu'elle a été reçue par le dirigeant de la société au mois de mars 2017,

- qu'il n'a pas cherché à évincer la salariée ainsi qu'en atteste le fait qu'il n'a pas mis en oeuvre de procédure de licenciement pour absence prolongée et nécessité de procéder au remplacement définitif,

- que la salariée, qui a la charge de la preuve, ne démontre pas que les outils nécessaires à son activité ne lui ont pas été fournis,

- que s'agissant de son absence en raison du décès de sa mère, Mme [S] n'a pas respecté la procédure en vigueur dans l'entreprise, de sorte qu'il était légitime de considérer son absence comme injustifiée et de lui en demander compte,

- qu'il n'existe aucun lien avéré entre l'état de santé de Mme [S] et ses conditions de travail au sein de Dimotrans, que la salariée a été déclarée apte à plusieurs reprises ce qui dément que la dégradation de son état de santé trouve son origine dans ses conditions de travail,

- que Mme [S] n'a jamais saisi les représentants du personnel d'un harcèlement ni n'a évoqué de tels faits auprès de la médecine du travail.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1152-4, il appartient à l'employeur de prendre toute disposition pour prévenir ces agissements.

Selon l'article L.1154-1, il appartient au salarié qui s'en prétend victime de présenter les éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, d'apprécier si le salarié établit la matérialité des faits qu'il invoque et si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur la suppression du poste de Mme [S] en février 2014

Il est acquis que l'employeur a procédé en 2014 à une réorganisation des services commerciaux suite à l'intégration dans l'entreprise de nouvelles entités de transport.

Par courriel du 31 janvier 2014, Mme [S] a interrogé son supérieur hiérarchique, M. [N], directeur commercial groupe, sur la réorganisation de la force de vente, s'inquiétant des décisions définitives qui auraient été prises dans son périmètre de responsabilité sans en avoir été informée. Ce questionnement n'a pas reçu d'autre réponse qu'un courriel laconique indiquant à Mme [S] qu'elle avait été complètement informée de la réorganisation commerciale lors d'un entretien précédent.

La salariée produit une copie de la main courante de l'infirmerie de l'aéroport de [5], en date du 7 février 2014, de laquelle il ressort qu'elle avait présenté ce jour-là un état de mal-être et d'angoisse et fait part à son interlocuteur d'un 'problème de restructuration du service dont elle était responsable sans information préalable' et de ce qu'elle se sentait mise à l'écart du service, 'pas d'informations, plus de réunions'. Elle justifie par sa convocation à la médecine du travail datée du 7 février 2014 qu'elle s'était rendue au service médical de l'aéroport faute d'avoir pu être reçue le jour-même par le médecin du travail. La consultation du médecin du travail le 12 février 2014 a abouti à son premier arrêt de travail pour inaptitude temporaire.

Il ressort également d'un échange de courriels du 10 février 2014 que Mme [S] a été déchargée de la gestion de deux des trois commerciaux juniors qu'elle supervisait, transférée à des commerciaux seniors.

La salariée produit également un courriel du 12 février 2014 adressé à M. [N] dans lequel elle s'étonne que le client Motovario, apporté par elle au mois de janvier 2014, ait été affecté à un autre commercial, M. [Y]. L'employeur ne conteste pas ce changement d'affectation.

Un organigramme daté du 12 février 2014 et diffusé le 13 fait effectivement apparaître que Mme [S] n'était plus responsable des ventes sous l'autorité du directeur commercial France mais commerciale itinérante sur le secteur de l'agence de [Localité 3].

La salariée produit une lettre de son conseil en date du 4 mars 2014 faisant notamment état de ce qu'elle n'avait pas été explicitement informée des décisions relatives à son poste qui semblait avoir été supprimé. Cette lettre est restée sans réponse de la part de l'employeur.

Sur la tentative de reprise du travail du 15 septembre 2014

Dans son courrier du 24 septembre 2014, Mme [S] décrit les circonstances de son accueil dans l'entreprise le 15 septembre en indiquant :

- qu'on ne lui avait pas laissé le temps de franchir le seuil de son bureau et qu'elle avait été conduite sans délai sous le regard étonné de ses collègues dans le bureau de la DRH, Mme [E],

- que si le contenu de l'entretien avec celle-ci et avec M. [X], le directeur de l'agence de [Localité 3], avait consisté à lui indiquer qu'elle devait attendre la visite de reprise à la médecine du travail fixée au 18 septembre avant de reprendre son poste, il régnait une tension extrême et qu'elle avait eu l'impression d'une mise en isolement afin de ne pouvoir parler à personne,

- qu'elle avait été autoritairement ramenée chez elle sous couvert du respect de l'obligation de sécurité alors qu'elle était en état de conduire,

- que cette mise en scène avait provoqué un nouvel arrêt de travail jusqu'au 31 octobre 2014.

Elle produit un certificat médical du docteur [U], psychiatre en date du 17 octobre 2014 qui a constaté un choc émotionnel survenu à l'occasion de ce retour en entreprise qui a été vécu comme une violence psychologique.

Toutefois, nul ne pouvant s'établir une preuve à lui-même, le récit fait par Mme [S] ne saurait faire la preuve de ses allégations.

La salariée ne justifie pas de la date à laquelle elle a avisé l'employeur de la fin de son arrêt de travail, de sorte qu'elle ne saurait reprocher à l'employeur de ne l'avoir pas informée avant sa venue dans l'entreprise de ce qu'elle était dispensée de reprendre dans l'attente de la visite de reprise.

La salariée ayant demandé dans son courrier du 21 octobre 2014 la prise en charge de son arrêt de travail au titre de la législation professionnelle, l'employeur lui a répondu par un courrier du 27 novembre 2014 qu'il ne comprenait pas cette demande estimant qu'il n'y avait pas eu d'accident du travail. Par jugement du 11 septembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Lyon a reconnu le caractère professionnel de l'accident dont Mme [S] a déclaré avoir été victime le 15 septembre 2014.

Elle justifie également qu'une proposition de mi-temps thérapeutique a été faite lors d'une visite de pré-reprise du 17 septembre 2015 à son initiative, proposition que l'employeur a refusée sans l'en informer.

Sur la tentative de reprise de septembre 2016

Déclarée apte le 19 septembre 2016, il est acquis que la salariée n'a pas retrouvé son poste lors de sa reprise du travail, l'employeur lui faisant valoir que le poste avait été attribué à M. [R] au mois d'août précédent compte tenu de la durée de son absence.

Dans les jours suivants, il lui a été soumis un avenant à effet du 1er septembre 2016 au terme duquel il lui était proposé un poste de commerciale itinérante au sein de l'agence de [Localité 3] alors qu'antérieurement elle occupait un poste transversal de responsable des ventes, ce qui apparaît comme une rétrogradation.

Mme [S] n'a pas accepté cet avenant et a de nouveau été en arrêt de travail le 26 septembre 2016 prescrit par son médecin traitant.

Par un courrier du 29 décembre 2016, l'employeur lui a notifié qu'elle était débitrice d'une somme de 5 488,30 euros au titre d'un maintien du salaire indu depuis le 26 septembre 2016.

Sur la tentative de reprise du travail de mars 2017

Le 10 mars 2017, il a été notifié à Mme [S] qu'elle occuperait désormais un poste de commerciale itinérante sur le secteur de l'Ain, sans gestion d'équipe, sous la direction de M. [R], motif pris d'une réorganisation du service commercial en son absence pour 'répondre aux exigences du marché'.

Mme [S] ne produit aucun élément démontrant qu'elle n'avait plus de bureau au sein de l'agence de [Localité 3]. Elle justifie par contre avoir demandé qu'il lui soit commandé des cartes de visite et l'employeur ne justifie pas avoir répondu à cette demande. Les échanges de courriels du mois de mars 2017 avec les services fournitures et ressources humaines mentionnant son adresse personnelle démontrent qu'elle ne disposait d'aucune connexion, ni par son téléphone portable, ni sur l'ordinateur portable de la société.

Elle a été sommée de justifier de son absence depuis le 17 mars suite, au décès de sa mère, alors qu'elle avait averti Mme [P] du service RH de son absence jusqu'au 22 mars.

Ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils constituent des actions déstabilisantes répétées afin d'amener la salariée, dont le poste avait été supprimé pour motif économique, à accepter une modification de son contrat de travail ou à quitter l'entreprise.

Sur les éléments fournis par l'employeur

Selon l'article R.4624-23 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret du 27 décembre 2016 et applicable à la tentative de reprise du mois de septembre 2014, l'employeur doit assurer l'effectivité de son obligation en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés et ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail sans lui avoir fait passer une visite de reprise.

A la date du 15 septembre 2014, Mme [S] n'avait bénéficié que d'une visite de pré-reprise, organisée à son initiative le 12 septembre 2014. Il était donc légitime pour l'employeur de l'empêcher de reprendre le travail de jour-là et d'attendre la visite de reprise fixée au 18 septembre 2014. L'attestation précise et circonstanciée de Mme [Z], que rien ne permet d'écarter des débats, démontre l'état de fragilité et de bouleversement de Mme [S] ayant justifié que celle-ci soit reconduite à son domicile le 15 septembre 2014 de sorte que les décisions de l'employeur sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le vécu traumatique de cet épisode par Mme [S] ne saurait conférer au comportement reproché à l'employeur à cette occasion le caractère de harcèlement.

L'incompréhension exprimée par l'employeur dans son courrier du 27 novembre 2014 sur la demande de déclaration d'accident du travail est justifiée au regard de ces éléments et ne traduit pas d'animosité à l'égard de la salariée. Le fait que l'existence d'un accident du travail ait été reconnue ultérieurement par une décision judiciaire au vu d'éléments médicaux dont ne disposait pas l'employeur ne modifie en rien cette analyse. L'employeur indiquait en outre dans son courrier régulariser la déclaration d'accident du travail demandée par la salariée dans son courrier du 21 octobre 2014.

Quant au courrier du 29 décembre 2016 relatif à un indu de maintien du salaire, il fait suite à un courrier de la CPAM informant l'employeur que Mme [S] ne bénéficiait plus des IJSS. La perception des indemnités journalières conditionnant le versement du maintien du salaire, il était impératif pour l'employeur d'informer la salariée de cette situation déterminante du solde négatif figurant sur le bulletin de salaire joint au courrier. Il est donc établi que les termes de ce courrier sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par contre, l'employeur n'a pas justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement les griefs suivants :

- son refus implicite de répondre au questionnement de la salariée en date du 31 janvier 2014 sur les modalités précises de la réorganisation en cours concernant son poste. Si dans son courriel du 2 février 2014, Mme [S] remercie M. [N] pour sa réponse, cela ne signifie pas qu'elle ait admis avoir été pleinement informée de la réorganisation en cours alors qu'il peut s'agir d'une simple réponse de politesse à l'égard de son supérieur hiérarchique.

- l'employeur ne justifie pas avoir informé la salariée de sa décharge de la gestion des commerciaux juniors et n'établit pas que la charge de travail de la salariée ait justifié cette décharge, ni que celle-ci l'ait sollicitée. Pas plus, il ne justifie que l'affectation de clients à une autre commercial que celui ayant apporté l'affaire était une pratique courante dans l'entreprise ou qu'elle ait été justifiée par des circonstances particulières, peu important à cet égard que la salariée n'ait pas été 'propriétaire' du client.

- l'employeur ne justifie pas que Mme [S] ait été informée autrement que par la diffusion de l'organigramme daté du 12 février 2014 de ce qu'elle n'était plus responsable des ventes, mais commerciale itinérante pour l'agence de [Localité 3] sous la responsabilité, non plus du directeur commercial France, mais du directeur d'exploitation de l'agence de [Localité 3]. Alors que son poste était fondamentalement modifié, aucun avenant en ce sens n'a été soumis à la salariée avant la diffusion de ce document. Le courriel de M. [H] à l'ensemble du personnel en date du 26 janvier 2014 dont elle se prévaut ne porte que sur les grandes lignes, et de façon très elliptique, de la réorganisation en cours, de sorte que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'avoir informé la salariée des conséquences de cette réorganisation sur son poste.

- l'absence de vacance du poste de Mme [S] lors de la reprise de septembre 2016 du fait de la nomination de M. [R] au poste de 'responsable des ventes agence [Adresse 4]' alors, d'une part, que ce poste ne correspond pas au poste occupé antérieurement par Mme [S] qui était un poste transversal et donc inter-agences et, d'autre part, que les atermoiements de l'employeur et l'édition d'un nouvel organigramme début 2014 font apparaître que le poste avait été supprimé, ce que confirme le fait que, nonobstant l'absence prolongée de la salariée, il n'ait pas été procédé à son remplacement avant la nomination de M. [R] intervenue quinze jours avant sa reprise.

- l'absence d'information de la salariée du refus de la reprise à mi-temps thérapeutique proposée par le médecin du travail lors d'une visite de pré-reprise à la demande de la salariée en date du 17 septembre 2015.

- l'absence d'outils de travail lors de la reprise de mars 2017.

Ainsi sont établies de la part de l'employeur des actions déstabilisantes répétées afin d'amener la salariée dont le poste avait été supprimé pour motif économique à accepter une modification de son contrat de travail ou à quitter l'entreprise, caractérisant un harcèlement moral.

Il résulte des éléments médicaux versés aux débats et de la chronologie des faits que la fragilité psychique de la salariée manifestée après chaque reprise du travail est en lien direct avec le climat d'insécurité créé par l'employeur à compter de 2014 aux fins de faire accepter par la salariée la modification de son contrat de travail sans passer par la procédure de licenciement économique.

Le préjudice souffert par Mme [S] du fait du harcèlement dont elle a été victime sera justement réparé par une indemnité de 13 500 euros.

Sur la discrimination

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées dans le dispositif. En l'espèce, le dispositif des conclusions ne comporte aucune demande indemnitaire au titre d'une discrimination, de sorte que la cour n'a pas à se prononcer sur ce point.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Mme [S] n'articule aucun moyen au soutien de cette demande et en tout état de cause n'établit pas la matérialité d'un préjudice distinct de celui souffert du fait du harcèlement moral, de sorte qu'elle doit en être déboutée.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

La salariée invoque :

- sa rétrogradation,

- le non versement de sa part de rémunération variable,

- la non fourniture de ses outils de travail,

- le harcèlement et la discrimination.

Selon l'article 1184, devenu 1224 du code civil, l'une ou l'autre des parties à un contrat synallagmatique peut demander la résiliation judiciaire en cas d'inexécution des obligations découlant de ce contrat.

Il appartient à la juridiction prud'homale de rechercher si les manquements invoqués par le salarié à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire sont ou non d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur en empêchant la poursuite du contrat de travail.

Sans qu'il y ait lieu à examiner les autres griefs, les faits de harcèlement moral retenus en l'espèce sont d'une gravité telle qu'ils empêchaient la poursuite du contrat de travail et qu'ils justifient la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à la date de la présente décision.

Sur les demandes financières

La salariée est fondée à obtenir paiement de l'indemnité compensatrice de préavis soit trois mois de salaire outre les congés payés afférents.

La salariée se prévaut d'un salaire mensuel de 3 951,62 euros, y compris le rappel de salaire demandé au titre d'heures supplémentaires. Cette demande ayant été déclarée irrecevable, il convient de retenir le salaire fixe contractuel de 3 200 euros et d'y ajouter le salaire variable précédemment arbitré à 2 000 euros par an, de sorte que le salaire mensuel s'établit à 3 366,66 euros.

Il convient en conséquence d'allouer à la salariée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 10 099,98 euros outre 1 009,99 euros au titre des congés payés afférents.

Au regard de son ancienneté à la date du présent prononcé de la résiliation judiciaire, Mme [S] est fondée à se voir allouer la somme réclamée de 6 671,14 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Il convient de faire droit à sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés non pris qui n'est pas discutée à hauteur de la somme de 2 331,73 euros.

Selon l'article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article L.1152-1 est nulle.

L'article 1235-3-1 du code du travail dispose que lorsque le licenciement d'un salarié est nul et que ce dernier ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois.

Au regard de l'âge de la salariée, 57 ans, des circonstances entourant la rupture des relations contractuelles et des difficultés de réinsertion professionnelle prévisibles, le préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 20 200 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les demandes au titre de l'intéressement et de la participation

Mme [S] fait valoir qu'il existait un accord d'intéressement et un accord de participation dans l'entreprise et qu'elle a été injustement privée de la prime d'intéressement et de la prime de participation.

L'employeur fait valoir que Mme [S] ne rapporte pas la preuve de ses droits à prime d'intéressement et de participation, qu'elle ne précise pas les périodes concernées par ses demandes, qu'en tout état de cause, Mme [S] a été remplie de ses droits pour le régime de participation au titre des exercices 2013 et 2014, que pour les exercices 2015-2019, aucune prime de participation n'a été versée, que de même pour la période 2012-2015, aucune prime d'intéressement n'a été versée, les critères prévus par l'accord n'étant pas remplis, que pour l'exercice 2018, Mme [S] ne peut prétendre à prime d'intéressement laquelle est conditionnée à la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice de référence.

Il produit un compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise en date du 30 avril 2015 duquel il ressort qu'aucune participation, ni intéressement n'ont été versés pour l'année clôturée le 31 décembre 2014. Il ne justifie pas de ce que cette situation s'est poursuivie entre 2015 et 2019.

Si la prime d'intéressement est aux termes de l'article 4 de l'accord du 3 mars 2016 conditionnée par la présence dans l'entreprise, la salariée est fondée à se voir indemniser de la perte de chance de percevoir une prime subie par la faute de l'employeur à l'origine de son absence dans l'entreprise.

La cour trouve dans les pièces versées aux débats les éléments lui permettant de fixer l'indemnisation du préjudice subi par la salariée du fait de la perte de chance de percevoir chacune des primes en cause à la somme respective de 1 800 euros à titre de dommages-intérêts au titre de chacune d'elles .

Sur les demandes accessoires

L'employeur qui succombe supporte les dépens et une indemnité de procédure dans la mesure fixée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Réforme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE irrecevables comme prescrites les demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, de repos compensateur de remplacement et d'indemnité pour travail dissimulée sont irrecevables ;

PRONONCE la résiliation du contrat de travail à la date de ce jour aux torts de la société Dimotrans produisant les effets d'un licenciement nul ;

FIXE la moyenne des salaires de Mme [S] à la somme de 3 366,66 euros ;

CONDAMNE la société Dimotrans à payer à Mme [T] [S] les sommes suivantes :

- 10 000 euros au titre des primes d'objectif cumulées des années 2015 à 2019 et 1 000 euros au titre des congés payés afférents, outre intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2019,

- 13 500 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 10 099,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 009,99 euros au titre des congés payés afférents,

- 20 200 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 2 331,73 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés non pris,

- 1 800 euros en réparation de la perte de chance de percevoir une prime de participation,

- 1 800 euros en réparation de la perte de chance de percevoir une prime d'intéressement;

DÉBOUTE Mme [T] [S] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE la société Dimotrans à payer à Mme [T] [S] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Dimotrans aux dépens.

La greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 19/06403
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;19.06403 ?
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