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13/10/2022 | FRANCE | N°19/06837

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 13 octobre 2022, 19/06837


N° RG 19/06837

N° Portalis DBVX-V-B7D-MTZT









Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 19 septembre 2019



RG : 2017j01196







Sté. coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES



C/



[E] [M]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 13 Octobre 2022







APPELANTE :
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Sté. coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Florence CHARVOLIN de la SELARL ADK, avocat au barreau de LYON, toque : 1086







INT...

N° RG 19/06837

N° Portalis DBVX-V-B7D-MTZT

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 19 septembre 2019

RG : 2017j01196

Sté. coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES

C/

[E] [M]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 13 Octobre 2022

APPELANTE :

Sté. coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Florence CHARVOLIN de la SELARL ADK, avocat au barreau de LYON, toque : 1086

INTIMÉE :

Mme [Z] [E] [M]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Brice LACOSTE de la SELARL LACOSTE CHEBROUX BUREAU D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1207

******

Date de clôture de l'instruction : 27 Novembre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 13 Octobre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, président

- Raphaële FAIVRE, vice-président placé

- Marianne LA-MESTA, conseiller

assistés pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffier placé.

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 7 novembre 2011, la Banque Populaire Loire et Lyonnais a consenti à la société Noor SARL un prêt artisan n°07038653 d'un montant de 120'000'€, au taux de 4,25% l'an, remboursable en 84 mensualités, destiné au financement de la création d'un hammam.

Par acte sous seing privé du 30 septembre 2011, Mme [Z] [E] [M], gérante de la société Noor, avait préalablement contracté un engagement de caution solidaire au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 36 000 € et pour une durée de 108 mois.

Par jugement du 8 novembre 2016, le tribunal de commerce de Lyon a placé la société Noor en liquidation judiciaire et désigné Me [Y] en qualité de liquidateur judiciaire.

Suivant courrier recommandé du 22 décembre 2016, la Banque Populaire Loire et Lyonnais a déclaré ses créances échues d'un montant de 2 279,33'€ à titre chirographaire (solde débiteur du compte courant professionnel) et d'un montant de 51 846,18'€ à titre privilégié (prêt artisan n°07038653).

Par jugement du 30 mai 2017, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Noor pour insuffisance d'actif.

Après vaines mises en demeure des 26 octobre et 22 décembre 2016 ainsi que du 23 mars 2017, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, venant aux droits de la Banque Populaire Loire et Lyonnais, a fait assigner Mme [E] [M], par acte d'huissier de justice en date du 28 juin 2017, en paiement de la somme de 36'120,16'€ selon un décompte arrêté au 2 mai 2017.

Par jugement du 19 septembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

dit que le cautionnement du 30 septembre 2011 est manifestement disproportionné aux biens et revenus de Mme [E] [M] lors de sa conclusion,

dit que le patrimoine de Mme [E] [M] au moment où elle est appelée, ne lui permet pas de faire face à son obligation,

dit et jugé que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes ne peut se prévaloir du cautionnement du 30 septembre 2011, dont elle réclame l'exécution, en raison de sa disproportion eu égard aux revenus et au patrimoine de Mme [E] [M],

débouté la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de sa demande en paiement de la somme de 36'120,26'€,

débouté la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de sa demande d'indemnisation au titre de la résistance abusive et injustifiée,

condamné la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à payer la somme de 5'000'€ à Mme [E] [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpe a interjeté appel par acte du 4 octobre 2019 en sollicitant l'infirmation du jugement du 19 septembre 2019 en toutes ses dispositions.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 mai 2020, fondées sur l'ancien article 1134, les articles 1343-2, 1343-5 et 2288 et suivants du code civil, ainsi que sur l'ancien article L.341-4 du code de la consommation, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, venant aux droit de la Banque Populaire Loire et Lyonnais, demande à la cour de réformer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

débouter Mme [E] [M] de l'intégralité de ses demandes, condamner Mme [E] [M], en sa qualité de caution solidaire et indivisible de la société Noor SARL, à lui payer la somme de 36'120,16'€, outre intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2017, au titre des sommes dues ès qualités de caution solidaire,

condamner Mme [E] [M] à lui payer la somme de 450'€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et la somme de 2'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

lui accorder le bénéfice de la capitalisation des intérêts, conformément aux termes de l'article 1343-2 du code civil,

condamner Mme [E] [M] aux entiers dépens de l'instance, dont ceux d'appel distraits au profit de Me Florence Charvolin, avocat, sur affirmation de son droit, ainsi qu'aux frais relatifs à toutes mesures conservatoires.

Au soutien de ses prétentions, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes fait valoir :

qu'il appartient à la caution, qui entend se prévaloir des dispositions de l'ancien article L 341-4 du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude, étant précisé que le souscripteur, tenu d'un devoir de loyauté envers la banque, ne saurait ensuite venir lui reprocher ses allégations mensongères,

que l'absence de fiche de renseignements n'a pas pour effet de dispenser la caution de rapporter la preuve de la disproportion manifeste, mais seulement de lui permettre d'en justifier par tous moyens,

que l'appréciation de la disproportion du cautionnement s'effectue au regard de l'ensemble des biens et revenus à la date de souscription de l'engagement, les parts sociales détenues par la caution faisant notamment partie du patrimoine devant être pris en considération,

qu'il résulte de l'article L650-1 du code de commerce, que le banquier n'est pas tenu d'un devoir de conseil consistant à orienter la décision du client, mais uniquement d'une obligation de mise en garde qui, au demeurant n'est due qu'à la caution non avertie et en cas de risque d'endettement excessif de cette dernière et non du débiteur principal,

que la déchéance du droit aux intérêts n'est applicable qu'en cas de défaut d'information de la caution dans les conditions prévues par les articles L 313-22 et L 341-6 du code de la consommation,

que les délais de paiement, prévus par l'article 1343-5 du code civil, ne sauraient trouver à s'appliquer à l'égard du débiteur qui s'est d'ores et déjà de lui-même accordé un tel délai et ne justifie pas de sa situation financière actuelle,

que la résistance abusive est caractérisée par la mauvaise foi du cocontractant obligeant le demandeur à intenter une action en justice.

En l'espèce, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes estime :

qu'au 18 juillet 2011, date à laquelle Madame [E] [M] a rempli la fiche de renseignements, celle-ci déclarait un revenu de 1 120 euros, outre 190 euros d'allocations familiales et 200 euros de pension, être redevable d'un loyer mensuel de 564 euros, outre 129 euros au titre d'un crédit en cours et disposer d'une épargne de 30 000 euros auprès de la Caisse d'Epargne, libre de toute garantie,

qu'au 25 octobre 2011, soit postérieurement à son engagement de caution, elle détenait encore à tout le moins une somme de 19 000 euros au titre de cette épargne, puisque le virement de cette somme vers le compte de dépôt ouvert à la Banque Populaire Loire et Lyonnais n'est intervenu que le 25 octobre 2011,

qu'elle était également détentrice de 70% du capital social de la société Noor, dont les statuts ont été rédigés le 29 septembre 2011, ce qui correspond à la somme de 7 000 euros, ainsi que d'un compte courant d'associé d'un montant de 21 738 euros, étant précisé qu'elle ne démontre pas que cette somme proviendrait du reste de son épargne,

que ce patrimoine de plus de 47 000 euros lui permettait donc de faire face à l'engagement souscrit,

que Mme [E] [M] doit être considérée comme une caution avertie, dès lors qu'elle a été accompagnée pendant plusieurs mois par l'association Rhône Développement Initiative pour la création de son entreprise et l'obtention des financements, qu'elle a auparavant exercé le métier de chargée de clientèle et qu'elle était assistée d'un expert-comptable,

que Mme [E] [M] ne présentait pas de risque d'endettement excessif, étant observé que les éléments dont elle fait état sur ce point concernent uniquement la société Noor et ne sont au demeurant pas avérés au regard du chiffre d'affaires prévisionnel sur les 3 années à venir et du résultat net escompté de plus de 36 000 euros au cours de cette même période,

que Mme [E] [M] a bien été destinataire des lettres d'information annuelle avant d'être assignée en paiement par acte d'huissier du 28 juin 2017,

qu'elle n'a jamais donné suite aux multiples tentatives de règlement amiable de la créance exigible depuis le mois d'octobre 2016, n'a effectué aucun règlement depuis lors et ne verse aucune pièce relative à sa situation financière actuelle, le document le plus récent produit étant un avis d'imposition 2017 sur ses revenus de l'année 2016,

que l'absence totale de paiement, même partiel, depuis qu'elle a été appelée en garantie, établit sa mauvaise foi.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2020, fondées sur les articles 332-1, L.341-4 et L.341-6 du code de la consommation, sur l'article L.313-22 du code monétaire et financier, ainsi que sur les articles 1289 et 1343-5 du code civil, Mme [E] [M] demande à la cour :

à titre principal, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire le cautionnement était considéré comme valable :

de condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes au paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice pour un montant équivalent à celui demandé par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, soit la somme de 36'120,26'€, outre intérêts, sauf à parfaire,

d'ordonner la compensation des dommages et intérêts qui lui seront versés avec les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

à titre infiniment subsidiaire :

de prononcer la déchéance des pénalités et intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de la nouvelle communication, pour chaque période n'ayant pas donné lieu à information,

de juger que les paiements effectués par le débiteur principal seront affectés prioritairement au règlement du principal de la dette,

en tout état de cause :

de lui accorder les plus larges délais de paiement que la loi autorise, en cas de condamnation à son encontre,

de juger que les intérêts des condamnations à intervenir ne se capitaliseront pas par année entière,

de juger n'y avoir lieu à exécution provisoire,

de débouter la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

de condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à lui verser la somme de 5'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ses demandes, Mme [E] [M] expose :

qu'au jour de la conclusion du contrat de cautionnement, ses biens et revenus ne lui permettaient pas de faire face au paiement de la somme de 36 000 euros,

qu'en effet, la fiche de renseignement qu'elle avait remplie un mois et demi avant la souscription du contrat litigieux, mentionne un reste à vivre de 817 euros pour deux personnes, de sorte qu'après déduction des charges fixes, elle n'était manifestement pas en mesure de rembourser la somme de 36 000 euros,

que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes ne pouvait ignorer que la somme de 30 000 euros renseignée au titre de son patrimoine ne pouvait être prise en considération, car ces fonds étaient destinés à la constitution de l'apport de 44 200 euros exigé par la Banque pour l'octroi du prêt de 120 000 euros, apport qu'elle a personnellement abondé à hauteur de 19 000 euros,

qu'elle a également utilisé une partie de cette épargne, en l'occurrence 7 000 euros pour constituer le capital social de la société Noor au moyen d'un virement opéré le 15 septembre 2011 à la demande de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes,

qu'à cet égard, la banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes aurait dû prendre soin de lui faire réactualiser la fiche de renseignements au jour de la conclusion du contrat de prêt,

que le reste de l'épargne disponible à la date de la signature de son engagement de caution a permis d'alimenter son compte courant d'associé,

que ses parts sociales ne peuvent pas non plus être prises en compte, dès lors que la société n'existait pas au jour de l'engagement de caution et qu'en tout état de cause, la valorisation desdites parts ne saurait être de 10 000 euros, dans la mesure où le passif de la société Noor était grevé d'un prêt de 120 000 euros,

qu'il est donc totalement erroné de dire que son patrimoine se chiffrait à 47 000 euros,

que la disproportion entre son engagement de caution et ses revenus et biens a perduré depuis lors, puisqu'elle ne possède aucun patrimoine, vit seule avec sa fille mineure, n'a pas été imposable au titre des revenus perçus entre 2011 et 2016 et doit de surcroît rembourser la somme de 5 875 euros au titre du prêt NACRE contracté en 2011 pour compléter l'apport personnel nécessaire à l'octroi du prêt,

qu'au moment de la signature de son engagement de caution, elle était totalement profane de la vie des affaires et que sa qualité de gérante ne saurait suffire à faire d'elle une caution avertie, ce d'autant qu'elle a acquis cette qualité postérieurement à son engagement,

qu'en tant que caution non avertie, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes était tenue à son égard d'une obligation de conseil et d'un devoir de mise en garde qu'elle n'a manifestement pas respecté en ne prenant pas la peine de l'avertir des risques financiers encourus au regard de la fragilité de son projet de création d'entreprise dans une zone franche urbaine avec des perspectives de développement limitées,

qu'il en est résulté une perte de chance de ne pas contracter ce cautionnement laquelle doit être indemnisée à hauteur d'un montant équivalent à celui exigé par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes,

que le défaut de preuve de l'envoi de la lettre d'information annuelle de la caution entraîne la déchéance du droit aux intérêts en vertu de l'article L 341-6 du code de la consommation, étant précisé qu'une assignation en justice ne dispense pas le créancier de poursuivre l'exécution de cette obligation annuelle,

que sa situation financière précaire, telle que décrite ci-dessus, justifie l'octroi des plus larges délais de paiement autorisés par l'article 1343-5 du code civil,

qu'il n'est nullement démontré par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes qu'elle aurait fait preuve de résistance abusive'et que la Banque ne prouve au demeurant pas l'existence d'un préjudice financier distinct du retard de paiement.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS

Sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution

L'article L.341-4 du code de la consommation (dans sa version antérieure au 1er juillet 2016 applicable au cautionnement litigieux signé le 30 septembre 2011), dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui prétend que son engagement était disproportionné au jour de la souscription, de le prouver.

En revanche, il incombe au créancier qui entend se prévaloir d'un engagement disproportionné au jour de la souscription, de prouver que le patrimoine de la caution lui permet d'y faire face au moment où elle est appelée, soit au jour de l'assignation.

La disproportion s'apprécie au jour de la conclusion de l'engagement au regard du montant de celui-ci et des biens et revenus de la caution en prenant en compte son endettement global.

Si le créancier a recueilli ces éléments auprès de la caution, la disproportion s'apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

En l'espèce, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes et Madame [E] [M] produisent tous deux un document intitulé « renseignements confidentiels sur la caution solidaire proposé » complété et signé le 18 juillet 2011 par Mme [E] [M] sous sa mention manuscrite "certifié sincère et exact" , aux termes duquel celle-ci déclare :

qu'elle est divorcée avec un enfant à charge,

qu'elle est en cours de création d'entreprise,

que ses ressources mensuelles, qui s'élèvent à 1 510 euros par mois au total, sont constituées de 1 120 euros de revenus professionnels, d'allocations familiales d'un montant de 190 euros et d'une pension alimentaire à hauteur de 200 euros,

qu'elle supporte des charges mensuelles d'un montant global de 693 euros, à savoir un loyer de 564 euros et 129 euros au titre du remboursement d'un crédit automobile dont les échéances doivent se poursuivre jusqu'en août 2012,

qu'elle dispose d'un patrimoine mobilier de 30 000 euros, en l'occurrence un compte épargne ouvert à la Caisse d'Epargne, libre de tout nantissement.

Il s'infère des informations figurant sur cette fiche qu'en juillet 2011, le solde mensuel disponible de Madame [E] [M] était d'ores et déjà complètement absorbé par l'ensemble des dépenses de la vie courante qu'elle devait assumer pour un foyer composé de deux personnes, dont un enfant mineur.

Elle n'était par conséquent pas en mesure de consacrer une quelconque part de ses revenus au remboursement de son engagement de caution ou à la constitution d'une épargne, ainsi que l'a considéré à juste titre le tribunal de commerce.

Dans ce contexte, seul son patrimoine pouvait être pris en compte pour apprécier sa capacité à faire face à cet engagement. Or, l'unique actif dont elle disposait en juillet 2011 était le compte épargne de 30 000 euros, ce montant étant à l'évidence insuffisant pour honorer le paiement de la somme de 36 000 euros.

Il s'ensuit qu'au vu des renseignements communiqués le 18 juillet 2011, l'engagement de Madame [E] [M] était manifestement disproportionné à ses revenus et biens.

La fiche est cependant antérieure de plus de 2 mois à l'engagement de caution intervenu le 30 septembre 2011. La disproportion devant s'apprécier à cette date, les parties sont donc admises à apporter des éléments complémentaires s'ils sont justifiés.

A cet égard, Madame [E] [M] verse notamment une décision d'attribution d'aide financière de la Maison du Rhône du 22 août 2013 permettant de confirmer qu'elle assume la charge de sa fille [T] [O] née le [Date naissance 1] 2004. Elle fournit également son avis d'imposition 2012 dont il résulte qu'en 2011 elle a perçu un revenu annuel de 11 243 euros, soit 936 euros par mois en moyenne, ce qui signifie que ses ressources ont nécessairement diminué après le mois de juillet 2011 et partant que sa situation budgétaire globale s'est dégradée, puisqu'il n'est pas allégué que ses charges se seraient corrélativement amoindries.

Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, son patrimoine immobilier n'a pas connu d'évolution favorable entre le 18 juillet 201 et le 30 septembre 2011

Il est certes exact que lors de la constitution de la SARL Noor, qui a été immatriculée le 6 octobre 2011, mais dont les statuts ont été rédigés le 29 septembre 2011 (pièce n° 1 de l'appelante), Madame [E] [M] est devenue titulaire de 70% du capital social de l'entreprise, soit 7 000 euros.

Mais, elle justifie, par la production de l'ordre de virement enregistré le 15 septembre 2011 et intitulé «'apport en capital'» (pièce n°25 de l'intimée), que cette somme provient d'un prélèvement opéré sur un livret B n°FR 76 (') 1344024.68.84 ouvert à la Caisse d'Epargne, étant souligné que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes ne soutient pas qu'elle aurait disposé d'un autre compte d'épargne que celui figurant sur la fiche renseignée le 18 juillet 2011.

Il en découle que le montant total de ses actifs mobiliers était toujours de 30 000 euros au 30 septembre 2011, à savoir 7 000 euros au titre des parts sociales et 23 000 euros au titre du compte épargne.

Les autres moyens développés tant par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, que par Madame [E] [M] au sujet de la modification de ses actifs mobiliers n'ont en revanche pas à être examinés, car ils sont inopérants. En effet, au vu de l'offre de preuve produite, il y a lieu de retenir que les changements patrimoniaux invoqués par les parties, que ce soit dans le sens de l'appauvrissement pour Madame [E] [M] (investissement du solde de son épargne dans l'entreprise, plus particulièrement pour constituer le compte courant d'associé) ou dans celui de l'enrichissement pour la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes (prise en compte dudit compte courant d'associé à hauteur de 21 738 euros) sont intervenus postérieurement à la date de signature de l'engagement.

Madame [E] [M] se prévaut ainsi d'un ordre de virement enregistré le 25 octobre 2011 concernant le transfert de son épargne vers le compte courant d'associé, tandis que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes se borne à se référer aux comptes annuels de la société Noor pour l'exercice clos au 31 décembre 2012 afin d'évaluer le montant de ce compte courant d'associé mais ne verse aucun document permettant d'établir que l'intimée aurait été en possession de ces fonds à la date du 30 septembre 2011. L'analyse de l'ordre de virement du 25 octobre 2011du 25 octobre 2011, dont fait état Madame [E] [M] et repris par la partie adverse (pièce n°22 de la Banque) révèle au demeurant que les fonds ayant servi à abonder ce compte d'associé proviennent du même livret B n°FR 76 (') 1344 0246 884 ouvert à la Caisse d'Epargne que celui utilisé pour constituer les parts sociales, ce qui signifie qu'in fine, le patrimoine mobilier total de Madame [E] [M] est resté le même entre le 30 septembre 2011 et le 25 octobre 2011, seule sa composition s'étant trouvée modifiée.

Au regard de ce qui précède, la disproportion manifeste de l'engagement de caution de Madame [E] [M] apparaît démontrée.

Il convient dès lors de vérifier si la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes rapporte la preuve que la caution, au moment où elle a été appelée en paiement, était en mesure de faire face aux obligations résultant de son engagement.

Madame [E] [M] a été appelée en paiement par Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes aux termes d'une assignation délivrée le 28 juin 2017, à hauteur d'une somme de 36 120,16 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2017.

Il ne peut qu'être constaté que la Banque ne produit aucune pièce relative au revenus et au patrimoine de Madame [E] [M] à cette date.

En conséquence, faute d'établir qu'au jour de l'assignation Madame [E] [M] disposait des capacités contributives lui permettant d'honorer le paiement de la somme qui lui était réclamée, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes est mal fondée à se prévaloir du cautionnement. Et sans plus ample discussion sur les autres chefs de demande formés par l'intimée qui deviennent sans objet, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a débouté la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la caution.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Succombant en ses prétentions, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes supporte les dépens d'appel comme ceux de première instance qui sont confirmés et garde la charge de ses frais irrépétibles.

Il apparaît enfin équitable de confirmer les dispositions du jugement de première instance relatives à l'article 700 du code de procédure civile et de débouter Madame [E] [M] de sa demande à ce titre en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

et y ajoutant,

Condamne la Société Coopérative Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement,

Déboute Mme [Z] [E] [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/06837
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;19.06837 ?
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