La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2022 | FRANCE | N°19/04834

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 05 octobre 2022, 19/04834


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/04834 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MPEC



[L] [H]

Société MJ SYNERGIE

C/

[N] [W]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 25 Juin 2019

RG : 17/00746

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2022





APPELANTS :



[U] [L] [H]

né le 15 Décembre 1969

[Adresse 9]

[Localité 2]

représenté par Me B

enjamin GAUTIER, avocat au barreau d'AIN



Société MJ SYNERGIE représentée par Me [F], ès qualités de liquidataire judiciaire de Monsieur [U] [L]

assignée en intervention forcée

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/04834 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MPEC

[L] [H]

Société MJ SYNERGIE

C/

[N] [W]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 25 Juin 2019

RG : 17/00746

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2022

APPELANTS :

[U] [L] [H]

né le 15 Décembre 1969

[Adresse 9]

[Localité 2]

représenté par Me Benjamin GAUTIER, avocat au barreau d'AIN

Société MJ SYNERGIE représentée par Me [F], ès qualités de liquidataire judiciaire de Monsieur [U] [L]

assignée en intervention forcée

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Benjamin GAUTIER, avocat au barreau d'AIN

INTIMÉ :

[C] [N] [W]

né le 31 Décembre 1985 à [Localité 10]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Anne BARLATIER PRIVITELLO de la SELARL BARLATIER, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Sara KEBIR de la SELARL WAVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

PARTIE ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 6]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Juin 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [U] [L] exerçait en son nom propre une activité artisanale de plaquiste et de pose de menuiserie.

M. [N] [W] a été embauché par M. [L] [H], suivant contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 13 septembre 2004, en qualité de plaquiste, coefficient 150, niveau I position 1 de la convention collective nationale du bâtiment.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 novembre 2016, M. [N] [W] sollicitait une rupture conventionnelle de son contrat de travail, le paiement des salaires des mois de septembre et octobre 2014, ainsi que le remboursement d'un prêt de trésorerie de 9 000 euros consenti à M. [L] le 17 juillet 2012.

Par courrier en date du 25 novembre 2016, M. [L] [H] refusait la rupture conventionnelle, informait M. [N] [W] de la régularisation de ses salaires et qu'il n'avait aucune connaissance du prêt de trésorerie invoqué.

M. [N] [W] a présenté sa démission par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 décembre 2016, avec effet au 31 décembre 2016.

M. [L] [H] a accusé réception de la démission par lettre recommandée avec accusé de réception le 13 décembre 2016.

Par courrier du 8 mars 2017, l'établissement bancaire de M. [N] [W] a rejeté le paiement du chèque pour défaut de provision. Le paiement des salaires a été effectif le 5 avril 2017.

Par requête en date du 22 mars 2017, M. [N] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de procéder à son repositionnement dans la classification conventionnelle et de condamner M. [L] à lui payer les rappels de salaires correspondant, outre un rappel de prime conventionnelle de vacances, la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice résultant de l'absence de formation, et à lui rembourser un reliquat de 8 000 euros au titre d'un prêt de trésorerie, outre une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix, par procès verbal du 23 janvier 2018.

Par jugement en date du 25 juin 2019, le conseil de prud'hommes en sa formation de départage, a :

- déclaré son incompétence pour statuer sur la requête formée par M. [N] [W] à l'encontre de M. [L] [H] relative au remboursement d'un prêt,

- ordonné le repositionnement de M. [N] [W] au niveau III, position 2, coefficient 230,

- dit que M. [L] [H] n'a pas respecté l'obligation de formation de M. [N] [W]

- condamné en conséquence M. [L] [H] à verser à M. [N] [W] les sommes suivantes :

celle de 14 371,92 euros bruts à titre de rappel de salaire,

celle de 1 437,19 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

celle de 1 446,99 euros bruts a titre de rappel d'indemnité de congés payés,

celle de 845,57 euros au titre de rappel de prime conventionnelle de vacances,

sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2017, date de réception de la convocation par l'employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure ;

celle de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement

- ordonné à M. [L] [H] de remettre à [N] [W] l'ensemble des documents de travail et de rupture rectifiés conformément à la présente décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente,

- condamné M. [L] [H] à verser à M. [N] [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de M. [L] [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions des articles R.1454-14 et 15 du code du travail selon laquelle la condamnation de l'employeur au paiement des sommes visées par les articles R 1454-14 et 15 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l'article R.1454-28 du code du travail,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 216,96 euros,

- débouté les parties de plus amples demandes contraires au présent dispositif,

- condamné M. [L] [H] aux dépens de la présente instance,

- rappelé qu'en application de l'article R.1461-1 du code du travail, la présente décision est susceptible d'appel dans un délai d'un mois à compter de sa notification.

M. [L] [H] a interjeté appel de ce jugement, le 10 juillet 2019.

Par jugement en date du 6 novembre 2019, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a ouvert la procédure de redressement judiciaire de M. [L].

Par jugement du 8 janvier 2020, le tribunal de commerce de Bourg-en Bresse a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de M. [L] [H] et a nommé la SELARL Synergie en qualité de liquidateur judiciaire.

Par actes d'huissier en date des 17 décembre 2019 et 6 février 2020, M. [N] [W] a fait assigner en intervention forcée l'AGS CGEA et la société MJ Synergie devant la cour d'appel de Lyon.

M. [L] [H] demandait à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le repositionnement de M. [W] au niveau III, position 2, coefficient 230

- infirmer le jugement en ce qu'il dit qu'il n'avait pas respecté l'obligation de formation de M. [W]

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement des sommes suivantes :

rappel de salaire : 14 371,92 euros

indemnité compensatrice de congés payés afférents : 1 437,19 euros

rappel d'indemnité de congés payés : 1 446,99 euros

rappel de prime conventionnelle de vacances : 845,57 euros

article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros

- confirmer le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [W] au paiement de la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La société MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [L] [H], demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le repositionnement de M. [W] au niveau III, position 2, coefficient 230

- infirmer le jugement en ce qu'il dit que M. [L] n'avait pas respecté l'obligation de formation de M. [W]

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [L] au paiement des sommes suivantes:

* rappel de salaire : 14 371,92 euros

* indemnité compensatrice de congés payés afférents : 1 437,19 euros

* rappel d'indemnité de congés payés: 1 446,99 euros

* rappel de prime conventionnelle de vacances: 845,57 euros

* article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros

- confirmer le jugement pour le surplus

- statuant à nouveau, débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes

- condamner M. [W] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'UNEDIC, délégation d'AGS CGEA d'[Localité 8], demande à la cour de :

- dire et juger recevable et bien fondé, son appel incident

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné le repositionnement de M. [N] [W] au niveau III, position 2, coefficient 230

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que M. [L] [H] n'avait pas respecté l'obligation de formation de M. [N] [W]

- infirmer le jugement en ce qu'il a octroyé des sommes à titre de rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, d'indemnité de congés payés, de rappel de prime conventionnelle de vacances et au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouter M. [N] [W] de l'intégralité de ses demandes de ce chef

- débouter M. [N] [W] de ses demandes au titre de l'appel incident

- confirmer le jugement pour le surplus

Statuant a nouveau

- débouter M. [N] [W] de l'ensemble de ses demandes

En tout état de cause

- dire et juger que l'article 700 du code de procédure civile n'est pas garanti par l'AGS.

- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L. 3253-15 du Code du Travail et L. 3253-17 du code du travail.

- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour précéder à leur paiement

- la mettre hors dépens.

M. [N] [W] demande à la cour de :

A titre principal

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné son repositionnement au niveau III, position 2, coefficient 230

Statuant à nouveau,

- requalifier la relation de travail au niveau IV, position 1, coefficient 250 de la convention collective,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de M. [L] [H] les sommes suivantes :

19 712,14 euros bruts à titre de rappels de salaire au taux conventionnel,

1 971,21 euros bruts au titre des congés payés afférents,

1 981,71 euros bruts à titre de rappel d'indemnités de congés payés,

1 160,01 euros au titre de rappel de prime conventionnelle de vacances

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné son repositionnement au niveau III, position 2, coefficient 230

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [L] [H] à lui payer les sommes suivantes :

14 371,92 euros bruts à titre de rappel de salaire,

1 437,19 euros bruts au titre des congés payés afférents,

1 446,99 euros bruts à titre de rappel d'indemnité de congés payés,

845,57 euros bruts au titre de rappel de prime conventionnelle de vacances,

Statuant à nouveau,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de M. [L] [H] les sommes suivantes :

14 371,92 euros bruts à titre de rappel de salaire,

1 437,19 euros bruts au titre des congés payés afférents,

1 446,99 euros bruts à titre de rappel d'indemnité de congés payés,

845,57 euros bruts au titre de rappel de prime conventionnelle de vacances,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les « sommes assorties des intérêts au taux légal sur ces deux sommes (rappel d'indemnité de congés payés et rappel de prime conventionnelle de vacances) à compter du 25 mars 2017, date de réception de la convocation par l'employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure

Statuant à nouveau,

- juger que les condamnations de nature salariale (rappel de salaire, congés payés afférents, indemnités de congés payés et prime conventionnelle de vacances) portent intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2017, date de réception de la convocation par l'employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure

A titre infiniment subsidiaire, en l'absence de repositionnement conventionnel

- condamner M. [L] [H] à lui payer la somme de 1 171,28 euros bruts à titre de rappel de prime conventionnelle de vacances

Statuant à nouveau,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de M. [L] [H] la somme de 1 171,28 euros bruts à titre de rappel de prime conventionnelle de vacances

En tout état de cause :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

jugé que M. [L] [H] n'avait pas respecté son obligation de formation

condamné M. [L] [H] à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du jugement de départage

Statuant à nouveau

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de M. [L] [H] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du jugement de départage

- ordonner à M. [L] [H] de lui remettre l'ensemble des documents de travail et de rupture rectifiés conformément au jugement, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement,

Statuant à nouveau,

- ajouter une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 20ème jour calendaire suivante la signification de l'arrêt à intervenir et se réservera le droit de la liquider

- condamner M. [L] [W] à lui payer à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant la première instance

- rejeter la demande de M. [L] [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- fixer la moyenne des salaires à la somme de 2 216,96 euros bruts,

- condamner M. [L] [H] aux dépens de la première instance

Statuant à nouveau, y ajoutant,

- débouter M. [L] [H] et les parties intervenantes de leurs demandes contraires aux présentes et de leurs demandes de condamnations dirigées contre lui

- condamner M. [L] [H] à lui payer à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la cause d'appel

- juger que les dépens seront à la charge de la liquidation judiciaire de M. [L] [H]

- juger que l'arrêt à intervenir sera commun et opposable au AGS CGEA d'[Localité 8] dans la limite de sa garantie légale

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022.

SUR CE :

La cour observe que les parties acquiescent au jugement qui a déclaré le conseil de prud'hommes incompétent pour statuer sur la requête formée par M. [N] [W] à l'encontre de M. [L] [H] relative au remboursement d'un prêt.

Sur la demande de repositionnement dans la classification conventionnelle et la demande de rappel de salaire afférente :

M. [L], la société Synergie, ainsi que la délégation de l'AGS CGEA d'[Localité 8] de l'Unedic font valoir que le conseil de prud'hommes n'a pas caractérisé les éléments permettant le repositionnement de M. [W] au coefficient 230 au sens de la convention collective.

Ils soutiennent que pour bénéficier d'un niveau de compagnon professionnel coefficient III.2

(230), le salarié doit, à tout le moins, effectuer des 'travaux délicats'et ce 'à partir d'instructions générales et sous contrôle de bonne fin', alors que M. [W] :

- ne réalisait pas de travaux délicats, a fortiori dans les conditions d'autonomie requises

- se cantonnait strictement à la pose d'éléments préfabriqués fournis directement aux bonnes dimensions et travaillait sous la surveillance permanente de M. [L]

- ne prenait pas de côtes, ne perçait pas d'ouvertures,

- exécutait des travaux ne nécessitant ni la lecture de plans, ni la tenue de documents d'exécution, critère requis pour obtenir le coefficient 210, donc a fortiori pour le coefficient 230,

- ne disposait pas non plus du niveau de formation requis à savoir un CAP ou un BEP.

La société Synergie ajoute que les documents fournis par M. [W] en pièces n°18, 22, 26, 28 et 30 ne contiennent pas de descriptif des tâches suffisamment précis pour démontrer que M. [W] effectuait des travaux délicats et en autonomie, au sens de la convention collective.

M. [N] [W] soutient au contraire qu'il a travaillé seul en parfaite autonomie pendant l'absence de M. [L] [H], qu'il avait un lien direct avec les clients, les fournisseurs et les autres sociétés intervenantes sur les chantiers, que ses fonctions n'étaient pas limitées à la pose de plaque simple, sous la surveillance et l'assistance de son employeur, que de la sorte, il remplit toutes les conditions exigées par la convention collective nationale du bâtiment pour bénéficier du coefficient 250, et que l'absence de diplôme ne fait donc pas échec à son repositionnement.

****

Lorsqu'il est saisi d'une contestation sur la qualification attribuée au salarié, le juge doit se prononcer au vu des fonctions réellement exercées par le salarié. Il doit les comparer à la grille de la convention collective pour vérifier dans quelle catégorie se place l'emploi et les dispositions de la convention collective doivent être appliquées à la lettre.

En l'espèce, le premier juge a fondé sa décision sur attestation d'expérience rédigée par M. [L] qui détaille les tâches réalisées par M. [N] [W], ainsi que sur les attestations de satisfaction de plusieurs clients tels que Mme [V], M. [Y], M. [A] ou encore M. [P], peintre en bâtiment, lesquels témoignent des compétences de M. [N] [W] et de son aptitude à prendre en charge un chantier, en autonomie.

Le premier juge s'est également appuyé sur l'attestation de M. [M], cogérant de la société Maisons Valtrea qui a employé M. [N] [W] à compter du mois de février 2017, exposant que sa société avait souhaité poursuivre sa collaboration avec M. [N] [W] et lui avait proposé un poste dans une nouvelle structure créée spécialement pour le garder comme sous-traitant des maisons Valtrea.

Il en résulte que le salarié a suffisamment justifié qu'il effectuait des travaux délicats de son métier à partir d'instructions générales, qu'il disposait d'une certaine autonomie sous contrôle de bonne fin et qu'il était à même de prendre des initiatives se rapportant à la réalisation des travaux qui lui étaient confiés, ce qui correspondant aux activités, à l'autonomie et à l'initiative d'un emploi de niveau III et de position 2 de la classification des ouvriers de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment de moins de dix salariés du 8 octobre 1990.

Il est par ailleurs établi par les éléments du débat que M. [N] [W] disposait, au terme de douze années au service de M. [L] de très bonnes connaissances techniques, ce dont témoigne la durée de la relation contractuelle et l'absence de tout élément contraire à ce niveau de technicité.

Enfin, le niveau III, position 2 exige une formation professionnelle reconnue (diplôme bâtiment de niveau IV de l'éducation nationale) et/ou une expérience équivalente et prévoit le tutorat éventuel des apprentis et des nouveaux embauchés, de sorte que l'employeur ne saurait se prévaloir, pour s'opposer au repositionnement sollicité , au fait que M. [N] [W] n'était pas titulaire d'un diplôme professionnel tel qu'un CAP ou un BEP, la convention collective permettant de tenir compte d'une expérience équivalente en l'absence de diplôme.

Et, si les diplômes professionnels du bâtiment sont pris en compte pour l'attribution des coefficients hiérarchiques, conformément au dispositions des articles 12-3 et 12-4 de la convention collective applicable, il ne résulte d'aucune disposition que l'absence de diplôme serait de nature à faire obstacle à l'attribution des coefficients hiérarchiques, l'expérience professionnelle suppléant cette absence.

Il résulte par conséquent des débats que M. [N] [W] justifie de sa demande de repositionnement au niveau III, position 2, coefficient 230 de la convention collective, mais que ces éléments ne permettent pas en revanche un repositionnement au niveau IV, position 1 qui correspond à des travaux complexes réalisés à partir de directives d'organisation générale ou encore à l'organisation du travail des ouvriers constituant l'équipe et dont il assure la conduite, ainsi qu'à une autonomie impliquant des initiatives relatives à la réalisation technique des tâches à effectuer ainsi qu'aux missions de représentation afférentes.

En effet, le niveau IV s'applique à des maîtres ouvriers ou des chefs d'équipe, niveau pour lequel M. [N] [W] ne justifie pas de la maîtrise du poste et de la technicité requises.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné le repositionnement de M. [N] [W] au niveau III, position 2, coefficient 230 et en ce qu'il a condamné M. [L] à lui payer les sommes suivantes :

* 14 371,92 euros bruts à titre de rappel de salaire,

* 1 437,19 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 1 446,99 euros bruts à titre de rappel d'indemnité de congés payés,

sauf à dire que ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de M. [L].

Sur la demande de rappel de prime de vacances:

M. [N] [W] sollicite un rappel au titre de la prime de vacances sur la base du salaire conventionnel réévalué.

La société Synergie s'oppose à cette demande au motif que la prime de vacances a déjà été versée par la caisse des congés payés du bâtiment conformément aux dispositions de l'article 5.25 de la convention collective applicable, en vertu duquel :

' Une prime de vacances sera versée, en sus de l'indemnité de congé, à l'ouvrier ayant au moins 1 675 heures de travail au cours de l'année de référence (...), dans les conditions prévues pour l'application de la législation sur les congés payés dans le bâtiment et les travaux publics. (...)

Le taux de la prime de vacances est de 30% de l'indemnité de congé correspondant aux 24 jours ouvrables de congés institués par la loi du 16 mai 1969, c'est à dire calculée sur la base de deux jours ouvrables de congés par mois de travail ou 150 heures de travail.

La prime de vacances qui ne se cumule pas avec les versements qui auraient le même objet, est versée à l'ouvrier en même temps que son indemnité de congé.'

Mais M. [N] [W] verse aux débats un courriel de la caisse de congés du bâtiment du grand est du 23 avril 2018 informant le salarié que la situation comptable de l'entreprise [L] [H] [U] ne lui permettait pas de verser la totalité des indemnités de congés payées prévues par les dispositions de l'article D. 3141-31 du code du travail en raison d'une défaillance de l'employeur dans le paiement de ses cotisations.

La caisse indique qu'elle:' verse l'indemnité de congés payés au prorata des périodes pour lesquelles les cotisations ont été payées, par rapport à l'ensemble de la période d'emploi accomplie pendant l'année de référence, sans que cela dégage l'employeur défaillant de l'obligation de payer à la caisse l'ensemble des cotisations, majorations de retard et pénalités qui restent dues. Après régularisation de la situation de l'employeur, la caisse verse au salarié le complément d'indemnité de congés payés dû, calculé suivant les mêmes principes.'

Ainsi, la caisse de congés payés a indiqué comme date limite de sa responsabilité le 31 mai 2016 et a notifié à M. [N] [W] l'impossibilité de lui payer les 17 jours restants sur 2017.

La société Synergie qui souligne que l'obligation repose en l'espèce sur la caisse de congés du bâtiment, mais qui ne justifie pas que l'employeur a régularisé le paiement de ses cotisations pour la période considérée, n'établit pas en conséquence, que le salarié aurait été rempli de ses droits au titre de la prime de vacances.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. [L] à payer à M. [N] [W] la somme de 845, 57 euros à titre de rappel de prime de vacances conformément au repositionnement retenu ci-dessus, sauf à dire que cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de M. [L].

Sur la demande de dommages-intérêts au titre du manquement à l'obligation de formation :

M. [N] [W] invoque son contrat de travail qui prévoit que l'emploi occupé présente des risques et que le salarié 'recevra une formation pointue à son embauche, des remises à niveau fréquentes'.

Le salarié fait valoir :

- qu'il n'a bénéficié que d'une seule formation de mise à niveau le 16 novembre 2015,

- qu'il ne lui a jamais été proposé aucune formation en matière de nouvelles techniques et technologies, sur l'évolution des procédés et produits, ou encore sur les nouvelles normes notamment en matière d'isolation.

M. [L] et la société Synergie soutiennent que M. [W] n'avait aucune expérience dans le bâtiment, que M. [L] lui a tout appris du métier et l'a donc formé, qu'il a bénéficié de la formation dispensée par les constructeurs, et que M. [W] ne démontre aucun préjudice lié à cette prétendue absence de formation.

La cour observe que le seul justificatif de formation au cours de la relation contractuelle est un document intitulé 'Justificatif formation Permea' daté du 16 novembre 2015, composé de 20 photos entourées ou barrées par le salarié en fonction des bonnes ou mauvaises pratiques, pour lequel il a eu la note de 19/20, et que ce document ne rend pas compte d'une formation effective dispensée au salarié.

Mais, M. [N] [W] qui soutient qu'il a été limité dans sa recherche d'emploi à la fonction de plaquiste, ainsi que dans sa négociation salariale, et qui ne produit aucun élément venant illustrer ses difficultés, étant précisé qu'il ne justifie pas de sa situation actuelle, l'attestation de M. [M] qui déclare l'avoir embauché à compter de février 2017 étant datée du 12 octobre 2017, ne justifie pas de son préjudice à l'appui de sa demande de dommages-intérêts qui doit en conséquence être rejetée.

Le jugement déféré qui a alloué au salarié la somme de 1 500 euros à ce titre sera en conséquence infirmé.

Sur les demandes accessoires :

Les sommes dues à titre de rappel de salaire, d'indemnité de congés payés, de prime conventionnelle de vacances ayant un caractère salarial, portent intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, le cours des intérêts étant ensuite arrêté à la date du jugement d'ouverture.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il n'a pas fait application de cette règle à l'ensemble de sommes dûes.

Il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte l'obligation de remise des documents de travail et de fin de contrat rectifiés, conformément au présent arrêt.

Les dépens d'appel, seront supportés par la Selarl MJ Synergie, ès qualités.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à M. [N] [W] une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à fixer au passif de la procédure collective la créance à ce titre, née antérieurement au jugement d'ouverture.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré sauf à fixer les condamnations prononcées au passif de la liquidation judiciaire de M. [L] [H], sauf en ce qu'il a condamné M. [L] [H] à payer à M. [N] [W] la somme de 1 500 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation et sauf sur le point de départ des intérêts

STATUANT à nouveau sur ces chefs et y ajoutant

FIXE la créance de M. [N] [W] au passif de la liquidation judiciaire de M. [L] [W] aux sommes suivantes:

* 14 371,92 euros bruts à titre de rappel de salaire,

* 1 437,19 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 1 446,99 euros bruts à titre de rappel d'indemnité de congés payés,

* 845,57 euros au titre de rappel de prime conventionnelle de vacances,

* 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

DIT que les rappels de salaire, indemnités de congés payés, rappels d'indemnité de congés payés et rappel de prime de vacances portent intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit en l'espèce à compter du 25 mars 2017, jusqu'à la date du jugement d'ouverture

DÉBOUTE M. [N] [W] de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement à l'obligation de formation

ORDONNE à la Selarl MJ Synergie, ès qualités, de remettre à M [N] [W] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,

REJETTE la demande en fixation d'une astreinte

DIT que l'AGS devra sa garantie dans les conditions prévues par la loi

CONDAMNE la Selarl MJ Synergie, ès qualités, à payer à M. [N] [W] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNE la Selarl MJ Synergie, ès qualités, aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/04834
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;19.04834 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award