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05/10/2022 | FRANCE | N°19/03550

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 05 octobre 2022, 19/03550


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/03550 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MMCH



[P]

Syndicat DE LA PLATEFORME CHIMIQUE DE [Localité 9]

C/

Société KEM ONE

Société ARKEMA FRANCE



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 30 Avril 2019

RG : 17/01571



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2022





APPELANTS :



[S] [P]

né le 15 Juin 1969 à [Localité 12]<

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[Adresse 3]

[Localité 1]



représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Pascale REVEL de la SCP REVEL MAHUS...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/03550 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MMCH

[P]

Syndicat DE LA PLATEFORME CHIMIQUE DE [Localité 9]

C/

Société KEM ONE

Société ARKEMA FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 30 Avril 2019

RG : 17/01571

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2022

APPELANTS :

[S] [P]

né le 15 Juin 1969 à [Localité 12]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Pascale REVEL de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Syndicat DE LA PLATEFORME CHIMIQUE DE [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Pascale REVEL de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Société KEM ONE

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 6]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Caroline MO de la SARL SOCOS, avocat au barreau de LYON

Société ARKEMA FRANCE

[Adresse 5]

[Localité 7]

représentée par Me Gérald PETIT, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Elisa BARDAVID de la SCP Société civile professionnelle Bardavid Tourneur, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

[S] [P] a été embauché du 15 janvier au 23 novembre 1993 puis de nouveau du 4 janvier 1994 au 30 juin 1995 par la SA ELF ATOCHEM en qualité d'opérateur au sein du service de fabrication, coefficient 150, suivant contrats de travail à durée déterminée conclus pour le remplacement de salariés absents puis, à compter du 1er juillet 1995, sous la forme d'un contrat de travail à durée indéterminée soumis à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes (IDCC 44).

L'exécution du contrat de travail d'[S] [P] a été poursuivie par la société ATOFINA puis, d'octobre 2004 à septembre 2012, par la SA ARKEMA.

[S] [P] a été nommé aux fonctions de technicien d'intervention, coefficient 225, le 1er mars 2000, et occupait au dernier état de la relation de travail l'emploi d'AMENT, coefficient 250.

L'exécution du contrat de travail d'[S] [P] a été poursuivie par la SASU KEM ONE à compter d'octobre 2012.

Monsieur [S] [P] a occupé plusieurs mandats syndicaux et de représentant du personnel à compter de mai 2008 :

- Membre du comité d'établissement à compter de mai 2008, dont il a été le secrétaire adjoint entre mai 2008 et 2011, puis secrétaire 2012,

- Membre du comité central d'entreprise depuis 2011,

- Délégué syndical CGT du site de [Localité 8] depuis 2012,

- Membre du comité exécutif fédéral de la fédération nationale des industries chimiques du syndicat CGT.

Enfin, Monsieur [P] a été désigné par le syndicat CGT comme assesseur du pôle social du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, fonctions auxquelles il a été nommé par décision du premier président de la cour d'appel de Lyon du 22 novembre 2020.

Le tribunal de commerce de Lyon, par jugement du 27 mars 2013, a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de la SASU KEM ONE, et désigné la SELARL AJ PARTENAIRES en qualité d'administrateur et Me [I] [Z] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 20 décembre 2013, le tribunal de commerce de Lyon a arrêté le plan de redressement de la SASU KEM ONE et désigné la SELARL AJ PARTENAIRES en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Le 18 mai 2017, [S] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de demandes indemnitaires et salariales à l'encontre de la SASU KEM ONE au titre de la discrimination syndicale dont il exposait avoir fait l'objet au cours de la relation de travail et de l'exécution déloyale du contrat de travail par son employeur.

Et, le 7 décembre suivant, [S] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de demandes similaires, formées à l'encontre de la SA ARKEMA.

Par jugement du 20 mars 2018, le tribunal de commerce a constaté l'achèvement de l'exécution du plan de redressement de la SASU KEM ONE, et la fin des missions confiées à la SELARL AJ PARTENAIRES et à Me [I] [Z] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et de mandataire judiciaire.

Par jugement en date du 30 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon ' section industrie ' a :

ORDONNÉ la jonction des procédures inscrites sous les numéros RG : 17/1569 et 17/4395 conformément à l'article 367 du code de procédure civile et dit que la procédure serait désormais suivie sous le n° RG n°17/1569 ;

JUGÉ que les demandes vis-à-vis de la société ARKEMA étaient prescrites et donc irrecevables ;

DÉBOUTÉ [S] [P] de l'ensemble de ses demandes ;

DÉBOUTÉ le syndicat KEM ONE de sa demande reconventionnelle ;

ORDONNÉ la mise hors de cause de l'UNEDIC, délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 10] ;

ORDONNÉ que les éventuels dépens restent à la charge de chacune des parties.

[S] [P] et le syndicat de la plateforme chimique de [Localité 8] ont interjeté appel de cette décision le 21 mai 2019 à l'encontre de la SA ARKEMA et de la SASU KEM ONE.

Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 6 mai 2022 auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [S] [P] et le syndicat de la plateforme chimique de [Localité 8] sollicitent de la cour de :

CONFIRMER le jugement rendu le 30 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a débouté la société KEM ONE de sa demande reconventionnelle ;

CONFIRMER le jugement rendu le 30 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS-CGEA ;

INFIRMER le jugement rendu le 30 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a jugé les demandes de Monsieur [P] vis-à-vis de la société ARKEMA prescrites et donc irrecevables ;

INFIRMER le jugement rendu le 30 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a débouté Monsieur [P] de toutes ses demandes ;

INFIRMER le jugement rendu le 30 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a débouté le syndicat CGT KEM-ONE [Localité 9] de toutes ses demandes ;

En conséquence, et statuant à nouveau,

JUGER recevables les demandes de [S] [P] ;

JUGER bien fondées les demandes de [S] [P] ;

En conséquence,

METTRE hors de cause la SELARL ALLIANCE MJ es qualités de mandataire liquidateur et l'AGS-CGEA ;

RÉFORMER intégralement le jugement entrepris ;

Dès lors, à titre principal, s'agissant de [S] [P],

JUGER que Monsieur [P] a été victime d'une discrimination syndicale ou, à tout le moins, d'une exécution déloyale du contrat de travail ;

REPOSITIONNER Monsieur [P] de la manière suivante, depuis le mois d'avril 2014, au coefficient 275

CONDAMNER la société KEM ONE à verser les sommes suivantes :

- 3 076,86 euros à titre de rappel du salaire de base, outre 307,69 euros à titre de rappel du salaire de base, outre 2 181,65 euros de congés payés afférents (sauf à parfaire),

- 40 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNER, pour l'avenir, l'application du coefficient attribué et du salaire de base moyen dudit coefficient ;

ORDONNER la remise des bulletins de salaire afférents et des justificatifs de paiements auprès des organismes des cotisations dues sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision, la cour se réservant la faculté de liquider ladite astreinte ;

ORDONNER l'affichage de la décision à intervenir à l'entrée de l'établissement de [Localité 13], dans le mois suivant la notification du jugement, et pendant une durée de 2 mois, et ce sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement, la cour se réservant la faculté de liquider ladite astreinte.

S'agissant du syndicat CGT KEM-ONE [Localité 13],

JUGER recevable, la demande d'intervention formulée par le syndicat CGT KEM-ONE [Localité 13] ;

JUGER bien fondées, les demandes formulées par le syndicat CGT KEM-ONE [Localité 13] ;

En conséquence,

CONDAMNER la société KEM ONE au paiement des sommes suivantes :

- 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire, s'agissant de [S] [P],

JUGER que Monsieur [P] a été victime d'une discrimination syndicale ou, à tout le moins, d'une exécution déloyale du contrat de travail ;

Société ARKEMA,

CONDAMNER la société ARKEMA à verser à Monsieur [P] les sommes suivantes :

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination syndicale,

- 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Société KEM ONE,

REPOSITIONNER Monsieur [P] de la manière suivante, depuis le mois d'avril 2014, au coefficient 275

CONDAMNER la société KEM ONE à verser les sommes suivantes :

- 3 076,86 euros à titre de rappel du salaire de base, outre 307,69 euros de congés payés afférents (sauf à parfaire),

- 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination syndicale,

- 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNER, pour l'avenir, l'application du coefficient attribué et du salaire de base moyen dudit coefficient ;

ORDONNER la remise des bulletins de salaire afférents et des justificatifs de paiements auprès des organismes des cotisations dues sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision, la cour se réservant la faculté de liquider ladite astreinte ;

ORDONNER l'affichage de la décision à intervenir à l'entrée de l'établissement de [Localité 13], dans le mois suivant la notification du jugement, et pendant une durée de 2 mois, et ce sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement, la cour se réservant la faculté de liquider ladite astreinte ;

S'agissant du syndicat CGT KEM-ONE [Localité 13],

JUGER recevable, la demande d'intervention formulée par le syndicat CGT KEM-ONE [Localité 13] ;

JUGER bien fondées, les demandes formulées par le syndicat CGT KEM-ONE [Localité 13] ;

En conséquence,

CONDAMNER la société KEM ONE et la société ARKEMA au paiement, chacune, des sommes suivantes :

- 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre infiniment subsidiaire,

CONDAMNER in solidum les sociétés KEM ONE et ARKEMA aux éléments suivants :

- S'agissant de Monsieur [P],

JUGER que Monsieur [P] a été victime d'une discrimination syndicale ou, à tout le moins, d'une exécution déloyale du contrat de travail ;

REPOSITIONNER Monsieur [P] de la manière suivante, depuis le mois d'avril 2014 :

- à titre principal, au coefficient 225

- à titre subsidiaire, au coefficient 205 ;

CONDAMNER la société KEM ONE à verser les sommes suivantes :

- à titre principal, 21 816,56 euros à titre de rappel du salaire de base, outre 2 181,65 euros de congés payés afférents (sauf à parfaire),

- à titre subsidiaire, 9 670,56 euros à titre de rappel du salaire de base, outre 967,06 euros de congés payés afférents (sauf à parfaire),

- 40 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNER, pour l'avenir, l'application du coefficient attribué et du salaire de base moyen dudit coefficient ;

ORDONNER la remise des bulletins de salaire afférents et des justificatifs de paiements auprès des organismes des cotisations dues sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision, la cour se réservant la faculté de liquider ladite astreinte ;

ORDONNER l'affichage de la décision à intervenir à l'entrée de l'établissement de [Localité 13], dans le mois suivant la notification du jugement, et pendant une durée de 2 mois, et ce sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement, la cour se réservant la faculté de liquider ladite astreinte ;

S'agissant du syndicat CGT KEM-ONE [Localité 13],

JUGER recevable, la demande d'intervention formulée par le syndicat CGT KEM ONE [Localité 13] ;

JUGER bien fondées, les demandes formulées par le syndicat CGT KEM-ONE [Localité 13] ;

En conséquence,

CONDAMNER la société KEM ONE au paiement des sommes suivantes :

- 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

En toutes hypothèses, s'agissant tant de Monsieur [P] que du syndicat CGT KEM-ONE [Localité 13],

STATUER ce que droit sur les dépens.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 9 mai 2022 auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA ARKEMA sollicite de la cour de :

A titre principal,

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon en date du 30 avril 2019 ;

DÉCLARER les demandes d'[S] [P] et du syndicat CGT à son égard irrecevables ;

DÉBOUTER [S] [P] et le syndicat CGT de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

CONDAMNER Monsieur [P] et le syndicat CGT aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire, si la cour devait juger que les demandes de Monsieur [P] et du syndicat CGT Kem One sont recevables à son égard,

DÉBOUTER [S] [P] et le syndicat CGT de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

CONDAMNER Monsieur [P] et le syndicat CGT aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 9 mai 2022 auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SASU KEM ONE sollicite de la cour de :

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Lyon du 30 avril 2019 ;

En conséquence,

DIRE ET JUGER que [S] [P] n'a pas été victime d'une discrimination syndicale ou d'une exécution déloyale du contrat de travail ;

REJETER l'intégralité des demandes de [S] [P] ;

REJETER l'intégralité des demandes du syndicat CGT de la plateforme chimique de [Localité 8] ;

A titre reconventionnel,

CONDAMNER [S] [P] à lui payer 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 12 mai 2022, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 21 juin suivant.

SUR CE :

- Sur la discrimination syndicale :

[S] [P] soutient en substance qu'il peut prétendre, de manière rétroactive à compter d'avril 2014, à un reclassement à hauteur du coefficient conventionnel de classification qu'il aurait dû pouvoir atteindre, à un rappel de salaire afférent, ainsi qu'à la réparation de l'entier préjudice tant matériel que moral qu'il a eu à subir du fait de la discrimination dont il a fait l'objet au cours de la relation de travail à raison de ses mandats et engagements syndicaux, caractérisés en substance par :

- Le non-respect des dispositions législatives, ou des stipulations conventionnelles ou des accords d'entreprise sur le suivi de la carrière des salariés disposant de mandats syndicaux en ce que :

* la SA ARKEMA n'a pas respecté les termes de son « engagement unilatéral » par accord cadre sur l'exercice du droit syndical du 12 juillet 2006, de procéder à un suivi annuel de la carrière de ses salariés mandatés, pour la comparer à celle des salariés non mandatés de la même catégorie professionnelle, ces entretiens individuels n'étant intervenus que ponctuellement et n'ayant pas permis la valorisation des connaissances générales acquises dans l'exercice des mandats syndicaux ;

* la SA ARKEMA n'a pas plus respecté les termes de l'accord-cadre sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les sociétés du groupe ARKEMA du 23 juillet 2007 qui prévoient l'organisation d'un entretien d'orientation de carrière pour les salariés âgés de plus de 35 ans et/ou ayant au moins 5 ans d'ancienneté, d'un entretien de bilan de 2ème partie de carrière pour les salariés atteignant 45 ans et disposant d'au moins cinq ans d'ancienneté, et l'organisation d'entretiens individuels à une périodicité annuelle ;

* de même, son employeur n'a pas respecté les stipulations de l'accord relatif au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein de la société KEM ONE SAS du 25 juin 2014, qui prévoyait un suivi de carrière par la direction de l'établissement pour les titulaires de mandats syndicaux, et, compte-tenu de l'absence de loyauté de l'employeur dans la conduite des entretiens annuels dont il a ponctuellement pu bénéficier, il a refusé de participer aux entretiens auxquels il avait été convoqué pour en 2017 et 2018 ;

* la SA ARKEMA n'a pas plus respecté ses obligations légale (article L. 6315-1 du code du travail) et conventionnelle (article 7 de la convention collective des industries chimiques), d'organiser un entretien annuel de suivi de carrière, d'information du salarié quant à la possibilité de solliciter un bilan d'étape professionnel, de procéder à un entretien de seconde partie de carrière ou d'organiser tous les deux ans un entretien professionnel, les formulaires annexés aux compte-rendus d'entretiens individuels étant très insuffisamment remplis ;

* la circonstance, évoquée par la SAS KEM ONE, que d'autres salariés sans engagement syndical n'auraient pas bénéficié de suivis de carrière complets n'est pas de nature à exonérer l'employeur de sa responsabilité à raison des manquements lui étant imputables à son égard ;

* c'est précisément l'absence de suivi de carrière qui explique que le salarié ait pu être maintenu dans des niveaux de coefficient discriminatoires, n'ait pas bénéficié de la moindre formation professionnelle, et n'ait pas vu sa rémunération mensuelle moyenne réajustée ;

- La stagnation de carrière à compter de l'exercice des mandats syndicaux puisque, alors qu'il avait bénéficié, antérieurement à ses premiers mandats exercés à compter de 2008, d'une évolution de carrière rapide, il n'a plus bénéficié d'aucune évolution de positionnement à compter de cette date ;

- L'évolution de carrière moins favorable qu'il a connue par rapport à des salariés placés dans une situation identique, en ce que :

* les données relatives au coefficient 190 dont il bénéficie, et aux délais moyens pour atteindre le coefficient supérieur mettent également en évidence un avancement anormal de carrière ;

* d'ailleurs, les salariés actuels de l'équipe technique à laquelle il appartenait au jour de son départ en retraite, sont tous positionnés au coefficient 205 en dépit d'une ancienneté moindre, ce qui caractérise une atteinte au principe « à travail égal salaire égal » ;

- L'absence de formation, en ce qu'il a été privé, pendant sa période d'emploi du bénéfice de formations, en dépit des stipulations conventionnelles en rappelant l'importance pour permettre une évolution de carrière adaptée comme l'épanouissement du salarié, d'une part, et de son classement dans la catégorie du « public prioritaire » visée par les stipulations de l'accord d'entreprise du 26 novembre 2014.

La SA ARKEMA soutient en substance, que :

- Depuis le 2 juillet 2012, Monsieur [P] est employé par la société Kem One, seule responsable en tant que nouvel employeur de Monsieur [P] de l'exécution du contrat de travail pendant cette période et seule redevable des dettes et obligations afférentes à cette période ;

- aucune discrimination syndicale ne peut être invoquée ni pour la période antérieure à 2002 ni sur la période 2008 à 2012 à défaut de preuve d'activités syndicales connues de l'employeur ;

- En tout état de cause, des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale expliquent son maintien au coefficient 175 pendant 18 années puis au coefficient 190 entre 2002 et 2012 au regard des fonctions occupées et son évolution de salaire : il n'existait au cours de la période d'emploi s'étendant de 1979 à 2012 ni disposition légale ni dispositions conventionnelle, ni usage ni pratique contraignante en vigueur dans l'entreprise prohibant qu'un salarié reste au même coefficient pendant plusieurs années ou imposant de faire progresser le coefficient d'un salarié ou imposant de le faire bénéficier d'augmentations individuelles ;

- le salarié ne démontre aucune atteinte au principe d'égalité de traitement par rapport aux salariés dans une situation comparable à la sienne tant en termes de coefficient que de salaire et de formations ;

- Monsieur [P] a bénéficié de plusieurs augmentations individuelles ;

- Monsieur [P] a bénéficié de mesures de formation assurant le maintien de ses compétences ;

- Les accords collectifs ont été appliqués à son égard de la même manière qu'à l'égard des salariés non mandatés ;

- Aucun manquement de nature à causer un préjudice effectif à Monsieur [P] ne peut lui être reproché, les griefs invoqués par le salarié étant purement formalistes et celui-ci ne démontrant pas avoir été lésé en terme de rémunération, de formations et de coefficient de sorte qu'il ne peut demander la réparation d'un préjudice inexistant.

La SASU KEM ONE fait principalement valoir en réponse que :

- les mandats syndicaux exercés par l'intéressé ont été discontinus, et celui-ci n'établit pas que son employeur avait connaissance de son engagement syndical par ailleurs ;

- l'examen de l'évolution de la classification de [S] [P] ne révèle aucune discrimination syndicale, pas plus que la comparaison de son évolution avec d'autres salariés dont la situation est comparable à la sienne ;

- [S] [P] n'a jamais émis le souhait de changer de service afin de pouvoir évoluer sur un autre coefficient ;

- l'évolution de Monsieur [P] au coefficient 205 ou au coefficient 225 impliquerait d'imposer à la société une redéfinition de l'ensemble des coefficients du service puisque les Opérateurs Matières Premières ne peuvent être classés au-delà du coefficient 190, les seuls salariés bénéficiant d'un coefficient supérieur sont des salariés ayant été classés au coefficient 205 du fait de leur précédent poste ;

- au contraire, Monsieur [P] sollicite son repositionnement sur le coefficient 225 (poste de tableau 2B au sein du service posté) ou sur le coefficient 205 (poste de tableau 2A au sein du service posté) alors qu'il ne s'agit pas de son sous-service, qu'il n'a pas sollicité de changement de sous-service, et qu'il n'a aucunement suivi l'évolution et les formations nécessaires pour évoluer sur les postes correspondants aux coefficients sollicités ;

- Contrairement à ce qu'il soutient, [S] [P] n'a aucunement bénéficié d'un traitement défavorable en matière de formations mais a, au contraire, pu bénéficier des formations pouvant lui permettre d'évoluer sur son poste de travail et de maintenir ses compétences ;

- [S] [P] a pu bénéficier de nombreux entretiens individuels annuels, et n'a eu à souffrir d'aucun traitement défavorable par rapport aux autres salariés de la société.

* * * * *

Il résulte des dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation, en raison de ses activités syndicales.

Aux termes de l'article L.1134-1 du même code, il appartient en cas de litige au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008. Et il incombe alors à l'employeur, au vu des éléments ainsi produits, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme alors sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, il apparaît que si l'appelant ne justifie d'aucun engagement ni militantisme syndical préalablement connu de son employeur, [S] [P] a notamment été élu de façon ininterrompue à compter de mai 2008, en qualité de membre du comité d'établissement de [Localité 8] de la SA ARKEMA sur les listes du syndicat CGT, et désigné à compter de 2012 par ce syndicat en qualité de délégué syndical pour le site de [Localité 8].

Et il apparaît d'une première part, s'agissant du grief tiré par le salarié d'une discrimination en termes de suivi de carrière, que l'accord cadre sur l'exercice du droit syndical dans les sociétés du groupe ARKEMA, signé le 12 juillet 2006 entre la SA ARKEMA et les organisations syndicales représentatives, stipule notamment que :

« Article 7 : Carrière et évolution professionnelle des mandatés.

Article 7.1 : Appréciation globale :

L'évolution salariale et professionnelle des représentants du personnel est déterminée selon les règles et principes appliqués dans leur établissement ou société d'appartenance, sur la base de leurs compétences et de leurs qualifications professionnelles.

Cette appréciation doit toutefois prendre en compte les connaissances générales acquises dans l'exercice du mandat. La moindre disponibilité professionnelle liée à l'exercice du mandat ne doit pas être pénalisante.

(')

Article 7.2 : Garanties de non-discrimination :

Prenant en compte les éléments mentionnés à l'article 7.1 du présent accord, la Direction de la société ou de l'établissement déterminera la liste des titulaires de mandat nécessitant un suivi particulier.

Elle s'assurera à la fin de chaque année, que l'évolution du coefficient hiérarchique et de la rémunération individuelle de ces titulaires de mandat ne présente pas, à compétence égale, d'anomalie avec celle des salariés de même catégorie professionnelle dans la société d'appartenance. (...)

Pour être significative, l'évolution comparée devra s'apprécier sur une période suffisamment longue, de l'ordre de 3 ans.

(')

Cet examen individuel prendra en compte les connaissances acquises dans l'exercice du mandat, ainsi que les formations économiques et sociales reçues. La moindre disponibilité professionnelle ne doit pas être pénalisante ».

Mais, tandis que l'article 8.1 avait expressément prévu que les stipulations de l'accord seraient immédiatement applicables à la date de sa signature, la SA ARKEMA ne justifie pas que, ainsi qu'elle y était tenue aux termes des stipulations de l'accord collectif précédemment rappelées, elle aurait procédé, entre le 12 juillet 2006 et le transfert du contrat de travail d'[S] [P] à la SASU KEM ONE en octobre 2012, à l'examen de l'évolution du coefficient hiérarchique et de la rémunération individuelle de l'intéressé que prévoyait ces stipulations.

L'article 2.2.2.4, relatif à « La situation particulière des salariés mandatés dont l'activité syndicale excède 60 % de leur temps de travail » de l'accord relatif au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein d'ARKEMA FRANCE, conclu par cette société avec les organisations syndicales représentatives le 3 février 2011, prévoit par ailleurs que : « Compte-tenu de la part importante de l'activité syndicale dans leur temps de travail et par conséquent de la difficulté à évaluer leur activité professionnelle, la rémunération de ces salariés est examinée tous les trois ans au regard de l'évolution relative de la rémunération d'autres membres du personnel dont l'âge, l'ancienneté, les formations initiale et continue ainsi que les fonctions occupées sont comparables. Dès lors, l'évolution de la rémunération et de la classification de ces salariés mandatés dont l'activité syndicale excède 60 % de leur activité professionnelle sera au moins égale à la moyenne des évolutions constatées pour ces autres membres du personnel. Cette disposition s'inscrit dans la volonté de garantir le principe de non-discrimination ».

Mais là-encore, tandis que les stipulations du chapitre 7, article 3, avaient expressément prévu que les stipulations de l'accord seraient applicables pour les modalités relatives aux établissements « après la proclamation des résultats du premier tour des élections des membres du CE », la SA ARKEMA ne justifie pas que, ainsi qu'elle y était pourtant tenue aux termes des stipulations de l'accord collectif précédemment rappelées, elle aurait procédé à compter de cette date à l'examen comparatif de la rémunération consentie à [S] [P] qui exerce depuis 2012 des mandats syndicaux et de représentant du personnel à hauteur de 60 % au moins de la durée légale de référence pour un emploi à temps plein.

Il convient de relever, enfin, que l'avenant à l'accord relatif au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein de la société KEM ONE SAS, conclu le 25 juin 2014 et entré en vigueur dès le 1er juillet suivant, prévoit notamment (« Chapitre 2 ' La carrière et l'évolution professionnelle des mandatés ») que « Compte-tenu de la part importante de l'activité syndicale dans leur temps de travail, un examen annuel de l'évolution de carrière et de la rémunération des salariés dont l'activité syndicale excède 60 % de leur temps de travail sera réalisé annuellement par le responsable des ressources humaines de l'établissement ».

Et l'article L. 2141-5-1 du code du travail, créé par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, est venu prévoir que : « En l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariés mentionnés aux 1° à 7° de l'article L. 2411-1 et aux articles L. 2142-1-1 et L. 2411-2 au moins aussi favorables que celles mentionnées au présent article, ces salariés, lorsque le nombre d'heures de délégation dont ils disposent sur l'année dépasse 30 % de la durée de travail fixée dans leur contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l'établissement, bénéficient d'une évolution de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, au moins égale, sur l'ensemble de la durée de leur mandat, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l'entreprise ».

Il apparaît pourtant que la SASU KEM ONE ne justifie pas qu'elle aurait veillé périodiquement, à compter de l'entrée en vigueur des dispositions précitées, à ce qu'[S] [P] voit sa rémunération évoluer conformément à la moyenne des augmentations générales et individuelles consenties aux salariés de la même catégorie professionnelle dont l'ancienneté était comparable. Et [S] [P] fait valoir à cet égard que l'examen des situations de dix élus dont les heures de délégation représentaient 30 % au moins de la durée du travail, auquel a procédé la SASU KEM ONE à la fin de l'année 2017, a mis en évidence qu'il se trouvait dans les deux élus dont les augmentations individuelles de salaires avaient été les moins favorables.

Il convient de relever d'une seconde part, s'agissant du grief tiré par le salarié d'une discrimination en termes d'entretiens obligatoires en application des dispositions légales et conventionnelles que l'article L. 6315-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'issue de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, est venu prévoir que le salarié devait bénéficier tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur ne portant pas sur l'évolution de son travail mais consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Et, aux termes de ces dispositions, cet entretien, qui doit en outre intervenir à l'issue d'un mandat syndical, doit donner lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié.

Et l'article 7 « entretien professionnel » de l'accord du 26 novembre 2014 relatif à la formation professionnelle, étendu par arrêté du 21 juillet 2015 publié au journal officiel du 28 juillet 2015 à toutes les entreprises de la branche des industries chimiques, prévoit ainsi que, « Conformément à l'article L. 6315-1 du code du travail, dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, les salariés bénéficient, a minima, tous les 2 ans, d'un entretien professionnel avec leur employeur consacré à leurs perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualification et d'emploi. Cet entretien professionnel donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié. Cet entretien doit s'intégrer dans les dispositifs RH mis en place par les entreprises sans pour autant se confondre avec les entretiens annuels d'évaluation ».

Il convient de relever à cet égard qu'[S] [P] a pu bénéficier d'entretiens professionnels à l'occasion des entretiens individuels annuels tenus les 14 juin 2016 et 16 juillet 2019. Et ces compte-rendus d'entretien portent effectivement mention des échanges entre le salarié et son employeur concernant ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualification et d'emploi. Il peut néanmoins être relevé que la mention par le salarié de son souhait d'évolution professionnelle dans un délai « de 1 à 5 ans » dans le compte-rendu d'entretien professionnel 2019 afin de « Ne pas être le seul technicien de maintenance avec Bac + 2 à être au coefficient 250 », a été suivie du seul « Commentaire de la hiérarchie (N+1) » : « ras ».

Mais, contrairement à ce que soutient le salarié, son employeur n'était tenu par aucune disposition légale ou conventionnelle de procéder à une information individuelle ou collective de ses salariés déjà embauchés de ce que, aux termes de l'article L. 6315-1 du code du travail créé par la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, ils pouvaient bénéficier à leur demande d'un bilan d'étape professionnelle dès lors qu'ils comptaient deux années d'ancienneté dans l'entreprise.

Il convient de relever néanmoins que les stipulations de l'accord cadre sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les sociétés du groupe ARKEMA conclu le 23 juillet 2007 prévoient notamment (« 4.3.4 ' L'entretien individuel annuel ») que « L'Entretien Individuel Annuel (') constitue un acte essentiel de management » et « doit être l'occasion, chaque année », d'une évaluation de la performance du salarié au regard des objectifs qui lui ont été fixés, mais également « de faire le point sur :

- ses compétences, celles mises en 'uvre dans le poste et celles à acquérir soit pour tenir pleinement ce poste, soit pour se préparer à une évolution professionnelle ;

- ses besoins en formation ;

- ses souhaits d'évolution de carrière ».

Ainsi, aux termes de ces stipulations, « Les différents éléments recueillis lors de ces entretiens individuels doivent permettre de définir les mesures appropriées à chacun des salariés dans le cadre des besoins de la société ou de l'établissement ».

Et l'accord relatif au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein d'Arkema France du 3 février 2011 est venu préciser (« 2.2.2.1) L'entretien Individuel Annuel (EIA) ») que, « A l'instar de tous les salariés Arkema France, l'EIA reste pour le salarié mandaté un moment privilégié d'échange avec sa hiérarchie. Avec lui, il fera le point sur l'année écoulée : ses réalisations, l'atteinte de ses objectifs professionnels, ses compétences et ses formations accomplies (...) ».

Il apparaît pourtant qu'au cours de sa période d'emploi au sein de la SA ARKEMA, [S] [P] qui avait pu bénéficier d'entretiens individuels annuels les 22 décembre 2000, 31 janvier 2002, 18 février 2003, 2 mars 2004, 9 février 2005, 13 septembre 2006, 16 novembre 2007 et 19 novembre 2008, n'a plus bénéficié de tels entretiens jusqu'au transfert de son contrat de travail à la SASU KEM ONE en octobre 2012.

Et, au sein de la SASU KEM ONE, [S] [P] n'a pu bénéficier d'entretiens individuels annuels qu'à compter du 5 mars 2015, puis de nouveau les 14 juin 2016, 24 octobre 2017 et 16 juillet 2019.

Il apparaît ainsi qu'[S] [P], postérieurement à son élection en qualité de représentant du personnel en mai 2008, n'a bénéficié d'aucun entretien individuel annuel au sein de la SA ARKEMA entre novembre 2008 et octobre 2012 puis, au sein de la SASU KEM ONE, entre octobre 2012 et mars 2015 et de nouveau pour l'année 2018.

Il doit être relevé parallèlement que le compte-rendu de l'entretien individuel annuel du 5 mars 2015 porte expressément mention de l'appréciation portée par l'employeur, dans son évaluation des « comportements et capacités démontrés dans le poste » (s'agissant tout particulièrement de son « aptitude au management »), sur l'exercice par [S] [P] de son mandat syndical, et plus particulièrement sur sa « capacité à gérer son équipe de représentants, à coordonner les messages, à alerter la Direction en amont sur des sujets de crispation » ou le respect « par l'équipe CGT de [Localité 8] » des dispositions de l'accord d'entreprise sur l'exercice du droit syndical.

L'employeur a ainsi été amené à considérer à l'issue de l'évaluation de l'activité professionnelle d'[S] [P] au cours de la période sous revue : « Travail sérieux de la part de Monsieur [P] en tant que Délégué Syndical. Implication nécessaire en 2015 sur les négociations inhérentes au projet chaudière et le suivi de la mise en oeuvre des modifications d'organisation. Il sera également nécessaire de garantir un meilleur « maillage » syndical aux bornes de l'établissement, pour être en mesure d'assurer une remontée homogène des problématiques ».

Et plus encore, lors de l'entretien individuel annuel du 14 juin 2016, l'employeur évoque notamment, à l'occasion de l'évaluation du salarié, son « engagement syndical remarquable pour l'établissement de [Localité 8] » et sa « volonté de bien faire au regard de ses convictions syndicales », tout en insistant sur la nécessité pour l'intéressé de « développer sa capacité à coopérer avec le service RH et ne pas s'inscrire dans une posture d'opposition systématique afin de privilégier quand cela est possible l'intérêt commun », comme sur le constat que le « leadership syndical reconnu » d'[S] [P] « ne pourrait pas convenir en l'état à un leadership managerial qui se doit de reposer sur une attitude positive afin de motiver et tirer vers le haut une équipe et de savoir conduire des projets tournés vers le changement ».

Et l'entretien du 14 juin 2016 a été l'occasion pour l'employeur de procéder à l'évaluation du respect par [S] [P] de l'objectif qui lui avait été assigné pour l'année écoulée de « Veiller à la bonne application des règles du droit syndical Kem One par l'ensemble des représentants du personnel CGT du site », et d'indiquer en synthèse au salarié, compte-tenu de l'implication qu'il avait démontrée dans ses missions syndicales, que celui-ci « (devait) faire un choix quant à son évolution professionnelle en 2016 (et) développer sa capacité à faire coexister la tenue de son poste de travail avec ses mandats syndicaux (changement de casquette / positionnement) ».

Il doit être relevé parallèlement que, aux termes des stipulations de l'article 4.3.2 de l'accord cadre sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les sociétés du groupe ARKEMA conclu le 23 juillet 2007, l'employeur est tenu de faire bénéficier ses salariés d'un entretien d'orientation de carrière destiné à « accompagner les salariés dans leur évolution professionnelle, en particulier au moment où ils rentrent dans la phase de maturité professionnelle, ce qui peut correspondre aux salariés âgés d'environ 35 ans et/ou ayant au moins 5 années d'ancienneté dans le Groupe ».

Mais, alors qu'il avait déjà atteint l'âge de 35 ans et disposait d'une ancienneté d'au moins cinq années dans le groupe ARKEMA à la date d'entrée en vigueur de cet accord, [S] [P] semble n'avoir jamais bénéficié d'un entretien d'orientation de carrière de la part de la SA ARKEMA.

Les stipulations de l'article 2.2.2.2 de l'accord de groupe du 3 février 2011 laissent par ailleurs à l'employeur une faculté dans la tenue d'un « entretien annuel d'exercice d'un mandat syndical », dont la SA ARKEMA n'a jamais estimé devoir faire bénéficier [S] [P].

Enfin, nonobstant la part de son temps de travail consacrée aux mandats de représentant du personnel et de délégué syndical qu'il exerce de façon ininterrompue depuis le transfert à la SASU KEM ONE de son contrat de travail à compter d'octobre 2012, [S] [P] n'a bénéficié d'aucun examen annuel de l'évolution de sa carrière et de sa rémunération par la direction de l'établissement de [Localité 8] auquel il était rattaché, en méconnaissance des stipulations du « chapitre 2 ' La carrière et l'évolution professionnelle des mandatés » de l'avenant à l'accord relatif au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein de la société KEM ONE SAS conclu le 25 juin 2014.

Il apparaît d'une troisième part, s'agissant du grief tiré par le salarié d'une entrave à son évolution professionnelle, que, suite à son embauche à compter du 15 janvier 1993 en qualité de d'agent de production au coefficient 150, groupe II, de la convention collective, [S] [P] a été promu en qualité d'employé qualifié technique au coefficient 190 (groupe III) à compter de février 1995, puis aux coefficients 225, 235 et 250 (groupe IV) en qualité de technicien d'intervention en mars 2000, avril 2005 et septembre 2007.

Mais, postérieurement à l'exercice de son premier mandat de représentant du personnel en mai 2008, [S] [P] n'a plus bénéficié d'aucune progression de son niveau de classification, au sein de la SA ARKEMA puis de la SASU KEM ONE, et se trouvait toujours positionné au coefficient 250 de la convention collective au jour de la saisine du juge prud'homal.

L'examen des données sociales compilées pour les besoins de la négociation collective annuelle et des rapports de situation comparée pour l'égalité professionnelle homme/femme met parallèlement en évidence qu'[S] [B] présente, depuis 2015 au moins, un âge, une ancienneté globale et une ancienneté dans le coefficient excédant de plusieurs années les moyennes d'âge et d'anciennetés des salariés bénéficiant dans l'entreprise de ce niveau de classification.

Et les données du « rapport de l'expert-comptable pour le CCE de décembre 2017 » que verse aux débats [S] [P] mettent en évidence que les salariés bénéficiant d'un niveau de classification 325 et 360 présentaient en 2015 et 2016 une ancienneté (à hauteur de 21/22 ans pour le coefficient 325 et de 25/23 ans pour le coefficient 360) et un âge moyens (de 49/48 ans pour le coefficient 325 et de 51 ans pour le coefficient 360) proches de ceux qu'il présentait alors (s'agissant d'une ancienneté de 22 ans en 2015, année de ses 46 ans).

Il convient de relever d'une quatrième part, s'agissant du grief tiré par le salarié d'une entrave à son évolution salariale, qu'[S] [P] avait été embauché à compter du 15 janvier 1993 par la SA ELF ATOCHEM en qualité d'agent de production en contrepartie d'appointements de base de 6 365,89 francs par mois (soit 970,47 euros environ), outre prime de poste (liée au rythme de travail) notamment.

En mai 2008, à la période de son premier mandat de représentant du personnel, les appointements de base d'[S] [P] avaient été portés à la somme de 2 061,34 euros bruts par mois.

La rémunération mensuelle de base d'[S] [P] a par la suite été portée à :

- 2 092,26 euros en janvier 2009,

- 2 113,18 euros puis 2 163,18 euros en janvier puis février 2010,

- 2 276,44 euros puis 2 366,44 euros en janvier puis octobre 2011,

- 2 413,77 euros en janvier 2012,

- 2 435,49 euros, 2 505,49 euros puis 2 513,01 euros en février, mars puis juillet 2014,

- 2 533,11 euros en février 2015,

- 2 553,37 euros en février 2016,

- 2 581,46 euros puis 2 626,46 en février et avril 2017,

- 2 657,98 euros en février 2018,

- puis 2 711,14 euros à compter de février 2019.

Il convient de relever d'une cinquième part, s'agissant du grief tiré par le salarié d'une absence de formation que, si l'employeur n'est pas tenu de faire bénéficier ses salariés d'une formation qualifiante, [S] [P] soutient que son employeur n'a pas veillé au maintien de ses connaissances techniques dans les domaines de l'électricité (et aux formations permettant le renouvellement de ses habilitations électriques notamment) et de l'instrumentation, et qu'il n'a plus bénéficié que d'un volume de formations professionnelles réduit à compter de l'exercice de ses premiers mandats.

Il apparaît ainsi, au terme de ces constatations, qu'[S] [P] présente des faits qui, appréciés dans leur ensemble et compte-tenu notamment de leur nature, de leur persistance dans le temps au cours de la relation de travail et de leur convergence, laissent supposer l'existence d'une discrimination au cours de la relation de travail à raison de son engagement et de ses mandats syndicaux.

* * * * *

Or, il convient de constater en premier lieu, s'agissant de la discrimination dans le suivi de carrière dénoncé par [S] [P], que la SA ARKEMA ne justifie par aucun motif objectif des raisons de l'absence d'examen, entre la date de l'entrée en vigueur de l'accord cadre sur l'exercice du droit syndical dans les sociétés du groupe ARKEMA de juillet 2006 et de l'accord relatif au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein d'ARKEMA FRANCE de février 2011, et la date du transfert du contrat de travail de l'intéressé à la SASU KEM ONE, de l'évolution du coefficient hiérarchique et de la rémunération individuelle de l'intéressé selon les modalités que prévoyaient les stipulations de ces accords collectifs.

La SASU KEM ONE ne justifie pas plus des raisons objectives qui l'auraient empêchée de procéder à un entretien d'orientation de carrière conforme aux stipulations de l'accord collectif du 23 juillet 2007 ni, surtout, à un examen annuel ou périodique de l'évolution de la carrière et de la rémunération d'[S] [P], conformément aux stipulations de l'accord collectif du 25 juin 2014 ainsi que, à compter de leur entrée en vigueur, aux dispositions de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015.

Or, il ressort de l'article L. 6111-1 du code du travail que toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle ou liée à l'exercice de ses responsabilités syndicales. Pourtant, en dépit de la nature, de la diversité et de l'importance des mandats syndicaux et de représentant du personnel qu'il a exercés à compter de 2008, la SA ARKEMA puis la SASU KEM ONE n'ont jamais estimé devoir mettre en 'uvre un suivi de l'évolution professionnelle d'[S] [P] permettant l'évaluation des acquis tirés de l'exercice de ses responsabilités syndicales et, a fortiori, la validation de tels acquis.

Et il apparaît en second lieu, s'agissant de la discrimination en termes d'entretiens obligatoires dénoncée par [S] [P] que l'intéressé avait initialement été convoqué à un entretien professionnel le 24 novembre 2009, qu'il a refusé, et a expressément fait savoir à son employeur par courriel du 20 décembre 2010 qu'il refusait tout entretien professionnel pour l'année considérée.

La SA ARKEMA ne justifie pas, pour autant, des raisons de l'absence de tenue d'un entretien annuel d'évaluation avec son salarié au cours de sa période d'emploi postérieure, avant le transfert du contrat de travail de l'intéressé à la SASU KEM ONE en octobre 2012.

Pour sa part, la SASU KEM ONE ne justifie pas de motifs objectifs à l'absence d'organisation d'un entretien annuel d'évaluation avec son salarié à compter de la reprise du de travail en octobre 2012 et l'entretien finalement tenu en mars 2015, et à l'absence de tout entretien annuel pour l'année 2018.

La SASU KEM ONE ne peut valablement se prévaloir, à cet égard, de la circonstance que les collègues de travail d'[S] [P] au sein de l'établissement de [Localité 8] n'auraient pas bénéficié d'un traitement plus favorable en terme de suivi de carrière, alors, précisément, que les mandats de représentant du personnel exercés par le salarié imposaient un examen et un suivi spécifiques, permettant de le prémunir de toute atteinte anormale, directe ou indirecte, à l'évolution de sa carrière et de sa rémunération en raison de son engagement.

Il doit être constaté au demeurant que les entretiens annuels d'évaluation d'[S] [P] des 5 mars 2015 et 14 juin 2016 ont constitué pour la SASU KEM ONE l'occasion de porter une appréciation directe, dans l'évaluation portée sur son activité professionnelle, sur l'exercice par le salarié de ses mandats syndicaux.

Parallèlement, la SASU KEM ONE ne justifie pas plus des raisons de l'absence de suivi de la carrière et de l'évolution professionnelle de son salarié, pourtant titulaire depuis 2012 de mandats de représentant du personnel et de délégué syndical, en méconnaissance des stipulations de l'avenant à l'accord relatif au dialogue social, au droit syndical et à la représentation du personnel au sein de la société KEM ONE SAS conclu le 25 juin 2014.

Il doit être relevé néanmoins qu'[S] [P] a finalement pu bénéficier les 10 septembre 2019, 20 octobre 2020 et 7 juin 2021, d'« entretiens de suivi de carrière du salarié mandaté » lui ayant permis de détailler avec la représentante des ressources humaines de l'entreprise les actions de formation déjà entreprises, ainsi que celles restant à envisager, en lien notamment avec les perspectives effectives d'évolution professionnelles se présentant à lui.

Il apparaît en troisième lieu que la relative stagnation dénoncée par l'appelant dans son évolution professionnelle tend en réalité à être contredite par l'examen des données compilées dans les panels de comparaison produits par l'entreprise.

Il ressort ainsi de la comparaison entre l'évolution de carrière dont a bénéficié [S] [P] à compter de son embauche, et celles de vingt-huit salariés de l'entreprise se trouvant dans une situation similaire à la sienne au regard de leur âge, de leur période et de leur niveau d'embauche notamment, que cinq d'entre eux bénéficiaient fin 2015 d'un coefficient de classification supérieur à celui de l'appelant (trois d'entre eux étant classés au coefficient 275 quand les deux autres étaient classés au coefficient 300 de la convention collective), tandis que cinq d'entre eux bénéficiaient tout comme lui, à cette date, du coefficient 250.

Il résulte en outre des termes du courriel qui lui a été adressé le 17 novembre 2016 par la responsable des ressources humaines de l'entreprise et des mentions du compte-rendu de l'entretien individuel annuel de l'intéressé pour l'année 2016, que la SASU KEM ONE avait proposé le 16 novembre 2016 à [S] [P], sans que les termes précis de cette proposition ne soient connus, d'être promu au poste de « préparateur électricité à l'atelier central », au coefficient 275 de la convention collective. Et, suite au souhait exprimé par [S] [P] de conserver son poste de technicien électricité, et à son refus du poste qui lui avait ainsi été proposé, la SASU KEM ONE a finalement nommé [J] [K], élu en qualité de représentant du personnel sur les listes du syndicat CGT, pour exercer ces fonctions, en octobre 2017.

Il apparaît par ailleurs que les salariés exerçant, comme [S] [P], les fonctions de techniciens de maintenance de secteur, titulaires d'une qualification bac + 2, relèvent comme lui du coefficient 250.

Enfin, il ne ressort pas des pièces produites par les parties, et notamment des « entretiens de suivi de carrière du salarié mandaté » pour les années 2019, 2020 et 2021, qu'[S] [P] aurait, à un quelconque moment de la relation de travail, postulé sans succès à un poste relevant d'un niveau de classification supérieur, s'agissant notamment de postes relevant des niveaux de classification 275 ou 300 auxquels il se réfère.

Il doit ainsi être considéré que, compte-tenu notamment de l'évolution globale de sa carrière et de son positionnement au sein de la SA ARKEMA puis de la SASU KEM ONE, y compris au cours de la période postérieure à l'exercice de ses premiers mandats, la circonstance qu'[S] [P] est resté positionné à compter de septembre 2007 au coefficient 250, est à elle seule insuffisante à mettre en évidence une évolution de carrière moins favorable que celle des salariés placés dans une situation comparable.

Il résulte ainsi de l'ensemble des énonciations qui précèdent que l'évolution de carrière d'[S] [P] au sein de la SA ARKEMA puis de la SASU KEM ONE, à compter de l'exercice de ses premiers mandats de représentant du personnel tout particulièrement, repose sur la prise en compte d'éléments objectifs et ne relève d'aucun traitement discriminatoire de la part de son employeur.

Il apparaît en quatrième lieu, s'agissant de la progression salariale dont a bénéficié [S] [P] au cours de la relation de travail, qu'il peut être relevé que les données compilées dans les panels de comparaison produits par la SASU KEM ONE, qui se rapportent aux évolutions de rémunération dont ont bénéficié les salariés de l'entreprise se trouvant dans une situation similaire à celle de l'appelant au regard de leur âge, de leur ancienneté et de leur niveau d'embauche notamment, que ne critique pas utilement l'appelant, mettent en évidence que l'intéressé a en réalité pu bénéficier d'une progression salariale équivalente (voire très légèrement supérieure) à l'évolution moyenne des rémunérations des salariés de l'entreprise placés dans une situation comparable, y compris au cours de la période postérieure à l'exercice de ses premiers mandats.

Il ne peut ainsi être considéré, au terme de l'ensemble des énonciations qui précèdent, que l'évolution de la rémunération d'[S] [P] au sein de la SA ARKEMA puis de la SASU KEM ONE, à compter de l'exercice de ses premiers mandats de représentant du personnel tout particulièrement, procéderait d'un traitement discriminatoire de la part de son employeur.

Il apparaît en cinquième et dernier lieu, s'agissant de l'insuffisance des formations professionnelles dénoncée par l'appelant, qu'il apparaît qu'[S] [P] a en réalité pu bénéficier au cours de sa période d'emploi, à compter de 1995 au moins, de multiples actions de formation, à hauteur de 1 849,30 heures au total entre 1995 et 2017 (dont 369,30 heures entre 2008 et 2017).

Et, conformément à l'opportunité évoquée pour la première fois lors des échanges avec la responsable des ressources humaines de la société lors de l'entretien du 16 juin 2016, [S] [P] a pu bénéficier en 2017 d'un bilan de compétences réalisé par la société ACTIVA CONSULTING, à hauteur de cinq demi-journées de travail réparties sur trois mois.

[S] [P] a en outre bénéficié de la formation « pratique et maintenance de l'instrumentation » d'une durée de soixante heures en 2017, et de la formation « pratique et maintenance des régulations PID simples » d'une durée totale de 30 heures en 2018, des formations « GEMSTART », « Autorisation de travail + permis » et « vérification des échafaudages » d'une durée cumulée de 9,5 heures en 2019, et des formations « conduite chariots élévateur type 3 », « extincteurs », « Koplan ' contributeur action », et « travail en hauteur ' port du harnais » d'une durée cumulée de 11,5 heures en 2020.

Enfin, les pièces versées aux débats par les parties permettent d'établir qu'[S] [P] n'a pas eu à souffrir d'un accès restreint à la formation professionnelle au cours de sa période d'emploi par rapport à des salariés de la SASU KEM ONE placés dans une situation comparable.

Les énonciations qui précèdent permettent ainsi de considérer que, contrairement à ce qu'il soutient, [S] [P] n'a fait l'objet d'aucune discrimination ' objective ou relative ' dans l'accès à la formation professionnelle au cours de sa période d'emploi.

* * * * *

Il apparaît par conséquent, au terme de l'ensemble de ces énonciations, qu'[S] [P] a été victime, au cours de sa période d'emploi, d'une discrimination de la part de son employeur, la SA ARKEMA puis la SASU KEM ONE, caractérisée par le non-respect par l'employeur des dispositions légales et des accords collectifs qu'elles avaient elles-mêmes conclus avec les organisations syndicales représentatives, relatives aux entretiens périodiques de suivi des évolutions de carrière et de rémunération des salariés titulaires de mandats syndicaux ou de représentants du personnel, mais également par la prise en compte explicite des modalités d'exercice par le salarié de ses mandats dans l'évaluation périodique de son activité professionnelle et donc, indirectement, dans les décisions qu'est amené à prendre l'employeur concernant l'évolution professionnelle dans l'entreprise du salarié.

Si les éléments ci-dessus exposés ne permettent pas de déterminer qu'il aurait effectivement été privé d'une possibilité de promotion par suite de la discrimination ainsi mise en évidence, de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté l'intéressé de la demande de repositionnement et de rappel de rémunération dont il les avait saisis, le non-respect par la SA ARKEMA puis la SASU KEM ONE des dispositions légales, conventionnelles et collectives élaborant un régime protecteur dans le suivi effectif du déroulement et de l'évolution de la carrière et de la rémunération des salariés exerçant des mandats de représentants du personnel, a généré pour [S] [P] un préjudice que les énonciations qui précèdent permettent d'évaluer ' compte-tenu de sa persistance dans le temps et de l'atteinte ainsi portée aux opportunités professionnelles de l'intéressé- à la somme de 6 000 euros.

La SASU KEM ONE contre laquelle la demande est dirigée à titre principal lui en devra réparation, par infirmation du jugement déféré.

- Sur l'intervention du syndicat CGT de la plateforme chimique de [Localité 8] :

Le syndicat CGT de la plateforme chimique de [Localité 8] fait valoir en substance, à l'appui de sa demande indemnitaire, que, en pratiquant une politique discriminatoire à l'encontre de Monsieur [P], la société KEM ONE a directement porté atteinte aux intérêts collectifs dont elle assure la défense.

La SA ARKEMA fait principalement valoir, en réponse, que les demandes du syndicat CGT, visant à obtenir, au visa de la défense de l'intérêt collectif de la profession, des dommages-intérêts au titre des prétendues fautes d'Arkema France à l'encontre de Monsieur [P] sont irrecevables en ce que :

- le syndicat CGT n'est pas partie à la procédure judiciaire engagée le 7 décembre 2017 par Monsieur [P] à l'encontre de la société et le pouvoir du syndicat pour agir en justice au titre du dossier de Monsieur [P] ne vise que la société Kem One, sans mentionner Arkema France ;

- les demandes de la CGT sont prescrites, ces demandes relevant de la prescription quinquennale de droit commun régissant la mise en cause de la responsabilité civile délictuelle (article 2224 code civil), Monsieur [P] n'étant plus employé depuis juillet 2012 par Arkema France et l'action contre Arkema France ayant été engagée en décembre 2017.

La SASU KEM ONE soutient notamment, pour sa part, que le syndicat CGT PLATEFORME CHIMIQUE DE [Localité 9] ne justifie d'aucun préjudice propre qui permettrait de fonder l'indemnisation sollicitée de 10.000 euros.

* * * * *

Il ressort des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail que les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Or, la violation, invoquée par le syndicat CGT de la plateforme chimique de [Localité 8], des dispositions relatives à toute discrimination syndicale est précisément de nature à porter un préjudice à l'intérêt collectif de la profession dont il assure la défense.

Et la discrimination syndicale dont a effectivement été victime [S] [P] au cours de sa période d'emploi au sein de la SA ARKEMA et de la SASU KEM ONE, dans les circonstances ci-dessus mises en évidence, a porté une atteinte à l'intérêt collectif de la profession défendu par le syndicat CGT de la plateforme chimique de [Localité 8] qui peut être évalué, compte-tenu de ses effets dissuasifs sur l'engagement et l'adhésion syndicale des salariés notamment, à la somme de 1 500 euros.

Conformément à la demande principale du syndicat CGT de la plateforme chimique de [Localité 8] tournée à l'encontre de la seule SASU KEM ONE, il convient de condamner cette société à réparation de ce chef.

- Sur les demandes accessoires :

La SASU KEM ONE, partie perdante au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être condamnée à supporter les dépens de l'instance.

Et il serait inéquitable, compte-tenu des circonstances de l'espèce tels qu'elles ressortent de l'ensemble des constatations qui précèdent notamment, de laisser à la charge d'[S] [P] et du syndicat CGT de la plateforme chimique de [Localité 8] l'intégralité des sommes qu'ils ont été contraints d'exposer pour la défense en justice de leurs intérêts, en première instance puis en cause d'appel, de sorte qu'il convient de condamner la SASU KEM ONE à leur verser respectivement les sommes de 2 500 euros et 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté [S] [P] et le syndicat CGT de la plateforme chimique de [Localité 8] de leurs demandes de dommages et intérêts, de participation aux frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la SASU KEM ONE à verser à [S] [P] la somme de six mille euros (6 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la discrimination syndicale dont il a fait l'objet au cours de sa période d'emploi ;

CONDAMNE la SASU KEM ONE à verser à [S] [P] la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SASU KEM ONE à verser au syndicat CGT de la plateforme chimique de [Localité 8] la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession dont il assure la défense ;

CONDAMNE la SASU KEM ONE à verser au syndicat CGT de la plateforme chimique de [Localité 8] la somme de mille euros (1 000 euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SASU KEM ONE de la demande qu'elle formait sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

CONDAMNE la SASU KEM ONE au paiement des dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/03550
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;19.03550 ?
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