La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/09/2022 | FRANCE | N°19/07181

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 21 septembre 2022, 19/07181


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/07181 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUSU



[N]

C/

Société MJ SYNERGIE

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 24 Septembre 2019

RG : 18/01007

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2022





APPELANT :



[I] [N]

[Adresse 5]

[Localité 3]



re

présenté par Me Mehdi CHEBEL, avocat au barreau de LYON





INTIMÉES :



Société MJ SYNERGIE représentée par Me [J] [H] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société LYONNAISE DAL

[Adresse 1]

[Adresse 7]

[Localité ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/07181 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUSU

[N]

C/

Société MJ SYNERGIE

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 24 Septembre 2019

RG : 18/01007

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2022

APPELANT :

[I] [N]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représenté par Me Mehdi CHEBEL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Société MJ SYNERGIE représentée par Me [J] [H] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société LYONNAISE DAL

[Adresse 1]

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Arlette BAILLOT-HABERMANN, avocat au barreau de LYON

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Jean-bernard PROUVEZ de la SELARL CARNOT AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Juin 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 21 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société lyonnaise DAL exploitait une activité de pose de dalles, étanchéité, maçonnerie et était immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 1er mars 2014, avec pour gérant M. [O] [Z].

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, la Sarl Lyonnaise DAL a engagé M. [N] [I] en qualité d'aide poseur à compter du 17 novembre 2014.

La relation de travail était régie par la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment.

Par jugement du 26 janvier 2016, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société DAL et a désigné la Selarl MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier du 16 février 2017, Maître [H] informait M. [N] que l'examen de son dossier ne lui permettait pas de caractériser l'existence d'une prestation de travail exercée dans une relation contractuelle sous l'autorité de M. [O], gérant de la société.

Par requête du 6 avril 2018, M. [N] a saisi le conseil des prud'hommes de Lyon afin de voir reconnaître l'existence d'un lien de subordination entre la société Lyonnaise DAL et lui et de voir fixer au passif de la liquidation judiciaire un rappel de salaires de 10 567,23 euros et les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de préavis de 1 457,55 euros, une indemnité compensatrice de congés payés de 1 990,11 euros, une indemnité de licenciement de 388,68 euros, des dommages-intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 24 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit et jugé qu'il n'y a pas de lien de subordination entre la société Lyonnaise DAL et M. [I] [N]

- débouté M. [I] [N] de l'ensemble de ses demandes

- laissé les dépens de l'instance à la charge des parties.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 18 octobre 2019 par M. [N].

Par conclusions notifiées le 19 avril 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [N] demande à la cour de:

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau :

- juger qu'un lien de subordination l'unissait à la Sarl Lyonnaise DAL

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 26 janvier 2016

- juger que son licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse

En conséquence :

- fixer au passif de la Sarl Lyonnaise DAL la créance salariale se décomposant comme suit :

*rappels de salaire : 4 041 euros

*congés payés afférents : 404 euros

*indemnité compensatrice de congés payés : 1 990,11 euros

* indemnité compensatrice de préavis : 1 457,11 euros

* indemnité de licenciement : 388,68 euros

*dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 000 euros

*dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 5 000 euros

- condamner les AGS CGEA de [Localité 6] à garantir l'intégralité du paiement de ces sommes

- ordonner à la Selarl MJ Synergie en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Lyonnaise DAL, la remise d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi, conforme à l'arrêt rendu

- condamner solidairement la Sarl Lyonnaise DAL et les AGS CGEA de Chalon- Sur- Sâone à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamne solidairement la Sarl Lyonnaise DAL et les AGS CGEA de Chalon- Sur- Sâone aux entiers dépens au profit de Maître Chebel, avocat sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées le 14 avril 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société MJ Synergie agissant en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Lyonnaise DAL, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner M. [I] [N] aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées le 15 avril 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Chalon- Sur- Sâone demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que M.[N] n'était pas salarié

- débouter M. [N] de se demandes

- subsidiairement, rejeter l'ensemble des prétentions de M. [N]

- plus subsidiairement minimiser les sommes octroyées à M. [N]

En tout état de cause

- dire et juger que la garantie de l' AGS CGEA de [Localité 6] n'intervient qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles ;

- dire et juger que l'AGS CGEA de [Localité 6] ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des articles L. 3253-20, L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail ;

- dire et juger que l'obligation de l'AGS CGEA de [Localité 6] de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des éventuelles créances garanties, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-20 du code du travail ;

- dire et juger que l'AGS CGEA de [Localité 6] ne garantit pas les sommes dues au titre de la résiliation judiciaire d'un contrat de travail prononcée en dehors des périodes de garanties prévues à l'article L. 3253-8 du code du travail, les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire et juger l'AGS-CGEA de [Localité 6] hors dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022.

MOTIFS

M. [N] expose que si, conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil, il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir la preuve, en revanche, en présence d'un contrat apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en établir la preuve.

M. [N] fait valoir qu'il produit des documents dont l'authenticité n'a été contestée ni par le liquidateur, ni par les AGS et qui permettent d'établir l'existence d'un contrat de travail apparent, soit en l'espèce :

- son contrat de travail à durée indéterminée en date du 17 novembre 2014 signé par les deux parties ;

- des courriers de la caisse des congés payés du bâtiment qui confirment son inscription auprès de la caisse en tant que salarié non gérant ;

- un courrier de l'URSSAF attestant d'une part de sa déclaration préalable à l'embauche et d'autre part des déclarations annuelles de données sociales,

- les bulletins de salaire des mois de novembre 2014 à avril 2015 et juin 2015

Il conclut que les intimés ne raisonnent que par suspicions et supputations au motif que M. [O] et lui-même ont été co-gérant d'une précédente société 'Expert Dalles' qui exerçait la même activité et qui a été liquidée par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 5 mars 2013.

M. [N] fait valoir au contraire que ne possédant aucun diplôme, ni aucune compétence professionnelle autre que celle de poseur de dalles, et ayant été frappée d'une interdiction de gérer, il a tout naturellement poursuivi son activité professionnelle en tant que salarié, dans le même domaine d'activité, et dans la nouvelle structure créée par son ancien co-gérant.

Sur l'existence d'un lien de subordination entre M. [O] et lui, M. [N] verse aux débats les attestations de M. [O] et de M. [M], gérants associés de la société Lyonnaise DAL.

La Selarl MJ Synergie, ainsi que l'AGS CGEA de [Localité 6] soutiennent au contraire qu'un contrat de travail, nonobstant la signature d'un document écrit et l'établissement de bulletins de paie, n'est avéré qu'avec la démonstration d'un lien de subordination entre l'intéressé et l'entreprise; que les affirmations de M. [O] et de M. [N] sur ce lien de subordination ne sont nullement corroborées par des éléments fournis par M. [O] qui s'avère bien incapable de démontrer l'existence d'ordres ou de directives bien réelles qu'il aurait donnés à son salarié.

****

En droit, la qualité de salarié résulte de l'accomplissement d'une prestation de travail, pour le compte d'un employeur, moyennant le paiement d'une rémunération, de sorte que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un contrat de travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.

Il existe une présomption simple de travail salarié en présence de documents faisant état d'une relation de travail salariée et il appartient au juge qui constate l'existence d'un contrat de travail apparent de rechercher si la preuve de son caractère fictif est rapportée par celui qui en conteste l'existence; à défaut il y a inversion de la charge de la preuve.

En l'espèce, M. [N] produit un contrat de travail à durée indéterminée daté du 15 novembre 2014 et des bulletins de salaire correspondant à la période du 17 novembre 2014 à juin 2015.

Il résulte par ailleurs d'un courrier de l'URSSAF du 15 mars 2017 adressé à M. [N], qu'il a fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche le 17 novembre 2014; qu'il a perçu, pour la période d'emploi du 17 novembre 2014 au 31 décembre 2014, la somme de 2 120 euros, et pour la période du 1er janvier 2015 au 31 août 2015, la somme de 11 526 euros.

Ces pièces créent l'apparence d'un contrat de travail, de sorte qu'il appartient à la société MJ Synergie et à l'AGS qui en contestent l'existence, de rapporter la preuve de son caractère fictif.

Il ressort des débats que la société MJ Synergie remet en cause le lien de subordination au regard des relations égalitaires que M. [O] et M. [N] avaient eu dans le passé, lorsqu'ils étaient co-gérants de la société 'Expert Dalle' laquelle a été radiée du registre du commerce et des sociétés à compter du 20 mai 2015 à la suite du jugement prononçant sa liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif le 19 mai 2015.

L'extrait Kbis de cette précédente société révèle que M. [N] a été frappé par une interdiction de gérer pour une durée de 5 ans par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 4 août 2014 et que M. [O] a été frappé par la même interdiction, par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 2 avril 2015.

Il en résulte qu'à la date d'immatriculation de la société Lyonnaise DAL, le 1er mars 2014, la première société gérée par M. [N] et M. [O] était en état de cessation des paiements depuis le 7 février 2013; qu'à la date de la signature de son contrat de travail, M. [N] était frappé d'une interdiction de gérer depuis le 4 août 2014 qui ne lui permettait plus, par conséquent ,de gérer une société.

Il apparaît en outre, qu'alors même que M. [N] soutient qu'il a cessé de recevoir ses bulletins de paie à compter du mois de juin 2015, des sommes lui ont été versées entre le 22 juillet 2015 et le 20 janvier 2016 tant par la société Lyonnaise DA(1 200 euros le 22 juillet 2015/ 1 200 euros le 29 juillet 2015/ 2 000 euros le 21 octobre 2015/ 2 000 euros le 20 janvier 2016) que par M. [O] ( 1 000 euros le 30 novembre 2015) ; que ces sommes dont M. [N] indique qu'il s'agit de salaires versés en retard, ne correspondent à aucun bulletin de salaire, de sorte que la cause de ces paiements n'est pas déterminée ; qu'il est constant que M. [N] s'est cependant abstenu de toute réclamation auprès de son employeur que ce soit au titre du défaut de délivrance des bulletins de salaire ou du paiement tardif des salaires, et ce alors même que M. [N] ne pouvait ignorer l'interdiction de gérer qui allait frapper M. [O] le 2 avril 2015, les interdictions de gérer résultant d'une même procédure ouverte à l'encontre des deux ex co-gérants.

Il résulte de ces éléments qu'à la date de la signature du contrat de travail invoqué par M. [N], ce dernier et M.[O] étaient engagés dans une procédure de liquidation judiciaire avec des intérêts communs; que l'absence de toute demande de la part de M. [N] alors qu'il soutient que les versements des salaires ont rarement été effectués conformément au contrat de travail, ainsi que les conditions de création de la société Lyonnaise DAL ne s'expliquent que par une volonté commune de poursuivre au sein de la société nouvellement créée la même collaboration que sous l'empire de la société en cours de liquidation ; que les éléments du débat sont en faveur d'une co-gestion de fait entre M. [O] et M. [N].

Il en résulte que la société MJ Synergie démontre par des éléments graves et concordants l'absence de lien de subordination entre M. [O], gérant déclaré de la société Lyonnaise DAL et M. [N], et par conséquent le caractère fictif du contrat de travail.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que le statut de salarié dont se prévaut M. [N] ne pouvait lui être reconnu et en ce qu'il a débouté en conséquence ce dernier de ces demandes tant au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail que du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a laissé à la charge des parties les dépens de première instance.

M. [N] succombant en ses demandes sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

DÉBOUTE M. [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNE M. [N] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/07181
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;19.07181 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award