AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/07073 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUKW
Société CENTRE SERVICE METAUX
C/
[G]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 24 Septembre 2019
RG : F 17/01966
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
Société CENTRE SERVICE MÉTAUX
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Marion MOINECOURT, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Lionel THOMASSON, avocat au barreau de VIENNE
INTIMÉ :
[I] [G]
né le 25 Juillet 1967 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Géraldine HUET de la SELARL SOREL-HUET-LAMBERT MICOUD, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Anais MENARD, avocat au barreau de LYON substituée par Me Cynthia HEPP, avocat au barreau de CHAMBERY
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Juin 2022
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 21 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Centre Service Métaux, ci-après dénommée CSM, exploite une activité industrielle spécialisée dans la découpe et la commercialisation de métaux et alliages de métaux.
La société CSM a embauché M. [G] suivant contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er novembre 2009, en qualité de directeur technique.
Par un avenant du 1er juillet 2014, les parties sont convenues qu'à compter de cette date M. [G] bénéficie de onze jours de RTT par an et d'une rémunération annuelle brute de
63 401,40 euros payée mensuellement par douzième (hors avantages en nature).
Par lettre remise en main propre du 8 mars 2017, la société Centre Service Métaux a convoqué M. [G] à un entretien préalable à son éventuel licenciement et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 avril 2017, la société CSM a notifié à M. [G] son licenciement pour faute grave, dans les termes suivants :
' Nous faisons suite à l'entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement auquel nous vous avons convoqué par lettre remise en main propre le 8 mars 2017 et qui s'est déroulé le 17 mars 2017.
Au cours de cet entretien, au cours duquel vous n'avez pas souhaité être assisté, nous vous avons exposé les griefs retenus à votre encontre et qui sont les suivants.
Vous avez été embauché le 1er novembre 2009 en qualité de Directeur Technique, poste que vous occupez toujours actuellement au sein de l'entreprise.
Vos fonctions impliquent une activité commerciale prépondérante et vous vous devez, en qualité de Cadre de l'entreprise, de faire preuve d'une grande exemplarité dans l'exercice de vos fonctions et le respect des procédures en vigueur dans l'entreprise.
Or, force est de constater que, depuis plusieurs semaines, pour ne pas dire mois, votre comportement professionnel laisse à désirer. Les exemples sont nombreux qui démontrent votre négligence grave et réitérée dans l'application des processus commerciaux et de production de l'entreprise. Ainsi, vous ne remplissez pas les accusés de commande avec la rigueur qu'impose notre métier. Vous n'ignorez pas que la découpe de métaux obéit à des processus particulièrement délicats imposant une rigueur stricte afin de limiter les pertes de matières premières. C'est ainsi que la rédaction des accusés de commande, prérogative vous appartenant, constitue une phase essentielle de ce processus.
Il est fondamental de reporter précisément, et avec nos références, les commandes passées par les clients et que vous recevez. Or, et à de nombreuses reprises, nous avons pu constater que vous commettiez de graves erreurs symptomatiques de votre négligence dans l'exécution des tâches qui vous sont confiées.
Ainsi, et à titres d'exemples non limitatifs, nous avons pu constater :
- sur les commandes [T] et ACI2M du 23 janvier 2017, vous saisissez une référence de nuance erronée ou oubliez un poste de commande ou, encore, saisissez une commande de 36 pièces alors que le client n'en a commandé que 8 ;
- sur le client COURT, le 1er février 2017, vous saisissez des cotes particulièrement inhabituelles et ne correspondant pas aux dimensions spécifiés par le client ;
- sur le client [Z] INDUSTRIE le 2 février 2017, vous saisissez des prix inférieurs à nos tarifs et, surtout, à ceux spécifiés sur le bon de commande du client ;
- sur les commandes BENIERE ET PERRIN du 3, 13, 15 et 16 février 2017, [Y] du 6 février 2017, FIVES du 7 février 2017, Société Industrielle de Réalisation de Papier d'Aquitaine du 6 mars 2017, vous ne spécifiez pas, sur l'accusé de commande, les impératifs et desiderata du client ce qui impacte la découpe et notre image auprès des clients ;
- sur le client ATELIER ALPHA du 27 février 2017, vous saisissez une épaisseur de tôle différente de celle spécifié par le client et, qui plus est, vous remettez à l'atelier de préparation un dossier incomplet puisque manquait les plans de découpe ;
- sur le client EURALLIAGES, vous saisissez une nuance différente de celle demandée par le client'
Ces erreurs, dont la liste est malheureusement loin d'être exhaustive, ont toutes pu être rattrapées par notre équipe de production qui vous a même parfois demandé de les corriger.
Or, et nonobstant les alertes qui ont pu vous être ainsi données par vos collègues, vous persistez dans un comportement négligent. Ainsi, et par exemple, s'agissant de la commande CLAPPAZ du 27 février 2017, vous saisissez deux nuances alors même que le client n'en sollicitait qu'une seule. Alerté sur cette erreur par les services de production, vous rééditez l'accusé de commande en reproduisant la même erreur'
Ceci est encore plus marquant le 1er mars 2017 concernant le client ALPES METAL DIFFUSION pour lequel vous avez saisi une commande au nom du client ALPES DECOUPE INDUSTRIE. Alors que vous avez été sensibilisé à cette erreur, vous a rééditez le 6 mars 2017, la même erreur avec le même client, qui plus est sans reprendre l'adresse de livraison clairement spécifiée par le client sur le bon de commande.
Force est de constater que vous ne tenez aucun compte des remarques qui vous sont faites par vos collègues de travail qui, dès lors, doivent compenser vos erreurs, ce qui nuit à leur travail, les contraignant à s'adapter à vos négligences.
Ces négligences, fort heureusement repérées par nos services avant que les conséquences ne soient irrémédiables, génèrent un surplus de travail pour vos collègues et sont sources de préjudice pour l'entreprise. Vos négligences, inacceptables à votre niveau de classification, sont susceptibles d'entrainer des non-conformités impactant, in fine, un mécontentement du client.
Pour toute réponse, lors de notre entretien préalable, vous avez prétendu que tout ceci n'était que « poudre aux yeux ». Ces propos, dont nous vous laissons l'entière responsabilité, et pour lesquels nous disposons malheureusement de tous les justificatifs, révèlent, à tout le moins, l'état d'esprit qui est le vôtre dans l'appréhension de vos fonctions.
Ceci est d'autant plus préoccupant qu'au-delà de vos négligences, vous ne respectez pas les processus en vigueur au sein de l'entreprise, ce qui peut, d'ailleurs, peut-être permettre de comprendre vos négligences coupables.
Ainsi, et à titre d'exemples non exhaustifs :
- le 9 février 2017, vous adressez à notre siège italien un ordre d'enlèvement pour le 13 février sans avertir la Responsable Transports ;
- le 10 février 2017, vous prenez l'initiative de remplacer des pièces refusées par le client DEVILLE sans établir de fiche de non-conformité, ce qui a impliqué le retour des pièces refusées sans bon de retour, entraînant un écart de stock ;
- le 16 février 2017, vous vous permettez de modifier une date d'enlèvement planifiée par la Responsable Transports sans l'en aviser, ceci dans l'unique perspective de permettre à un de vos clients de bénéficier d'un enlèvement, en conséquence de quoi la marchandise attendue nous est parvenue avec retard ;
- le 27 février 2017, vous remettez une fiche de non-conformité établie le 16 février 2017 sans la remettre au Directeur Général, seul en charge de la gestion des fiches de non-conformité, ceci afin de respecter les normes ISO 9001 auxquelles nous sommes soumis, mais directement à la comptable ;
- le 28 février 2017, pour le client [M] [X], vous remettez au chef d'atelier, et non à notre opérateur découpe, comme prévu par nos process, et sans y inclure la commande du client qui, seule, permet de vérifier la conformité de l'accusé de commande avant découpe ;
- le 6 mars 2017, vous indiquez, sur un accusé de commande, une adresse de livraison chez un sous-traitant de la Société [M] [X] alors même que les spécificités de livraison sont à adresser à notre Responsable Transports qu'encore une fois vous outrepassez.
Ces quelques exemples, malheureusement non limitatifs, confirment vos négligences répétées et fautives.
Ainsi que mentionné dans notre Charte de Moralité, signée par vos soins : « L'erreur est possible, chaque collaborateur doit alors prévenir et corriger. La dissimulation et la répétition de la même erreur sans correction deviennent une faute ». Vous ne tenez manifestement aucun compte des engagements régulièrement portés à votre connaissance et acceptés par vous, les exemples ci-dessus démontrant votre absence de réaction face aux nombreuses erreurs que vous commettez et qui contraignent vos collègues à pallier vos carences.
Vous avez été dûment informé des procédures en vigueur lors d'une réunion organisée en début d'année en présence de toute l'équipe et ne pouvez, au demeurant, en ignorer la teneur tant par le fait de votre ancienneté que par celui de leur mise à disposition sur le serveur intranet de l'entreprise.
Ceci paraissait d'autant plus évident que, le jour de cette réunion de rappel des procédures, vous avez été surpris par le Directeur Général en train de consulter des photographies sur votre ordinateur, démontrant ainsi, soit votre parfaite connaissance des procédures, soit votre profond mépris de vos collègues de travail. Vous n'avez donc aucune excuse. D'ailleurs, lors de l'entretien préalable, vous avez-vous-même admis n'avoir « pas grand-chose à répondre » à nos nombreux exemples. Ceci souligne votre absence totale de remise en question et votre mépris du travail induit auprès de vos collègues par vos négligences ou non-respect des procédures.
Tout ceci a généré une ambiance de travail particulièrement délétère, vos collègues déplorant ainsi votre attitude volontiers individualiste et frondeuse, pour ne pas dire à la limite de l'injure, au regard de ce qui nous a été rapporté par écrit.
Il nous a ainsi été rapporté la tenue de propos dénigrants, inappropriés et injurieux que nous ne pouvons pas plus admettre.
Ainsi, votre attitude négligente et négative génère un préjudice particulièrement important tant auprès de vos collègues de travail contraints de rattraper vos erreurs ou de supporter vos remarques, qu'auprès de clients qui subissent le risque de commandes non-conformes.
Les remarques formulées à de multiples reprises par les différents services de l'entreprise n'ont manifestement pas permis de modifier votre attitude et la réitération des erreurs confirme votre négligence fautive. Ceci ne fait que confirmer malheureusement l'analyse que nous pouvions faire de la situation. Vous ne vous rendez manifestement pas compte de la gravité de la situation et votre absence de remise en question confirme le bien-fondé de notre démarche.
Les faits ainsi reprochés sont constitutifs, au regard de votre ancienneté et de votre classification, d'une faute d'une gravité telle qu'elle rend impossible la poursuite du contrat de travail même pendant le temps du préavis.
Nous vous notifions donc, par la présente, votre licenciement pour faute grave privatif de toute indemnité de licenciement et de préavis.
La période de mise à pied, débutant le 8 mars 2017 et s'achevant à la date de la présente, ne vous sera pas rémunérée. Les documents afférents à la rupture de votre contrat de travail seront tenus à votre disposition à réception de la présente et vous seront remis à première demande pour peu que vous conveniez d'un rendez-vous avec nos services'.
Par requête en date du 4 juillet 2017, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Centre Service Métaux à lui payer un rappel de salaire au titre de la mise à pied et les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité de licenciement, et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix, par procès verbal en date du 28 juin 2018.
Par jugement en date du 24 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon, en sa formation de départage, a :
- dit que le licenciement dont M. [G] a fait l'objet de la part de la société Centre Service Métaux est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné en conséquence la société Centre Service Métaux à verser à M. [G] les sommes suivantes :
avec intérêts taux légal à compter du 17 juillet 2017, date de réception de la convocation par l'employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure,
16 843,35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 684,33 euros au titre des congés payés afférents
4 615,39 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied entre le 8 mars et le 4 avril 2017, outre 467,53 euros de congés payés afférents
33 686,70 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
44 915, 60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- ordonné le remboursement par la société Centre Service Métaux aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [G] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 1 mois dans les conditions prévues à l'article L.1235-4 du code du travail,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société Centre Service Métaux à verser à M. [G] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Centre Service Métaux de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire étant rappelé qu'en application de l'article R 1454-28 du code du travail, sont de droit exécutoires à titre provisoire les jugements qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article
R. 1454-14 dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculé sur la moyenne des 3 derniers mois,
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 5 614,45 euros,
- condamné la société Centre Service Métaux aux dépens de l'instance.
La société Centre Service Métaux a interjeté appel de ce jugement, le 14 octobre 2019.
La société Centre Service Métaux demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 24 septembre 2019 en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
- dire et juger que le licenciement de M. [G] repose sur une faute grave
- débouter en conséquence M. [G] de l'intégralité de son argumentation
- condamner M. [G] à lui verser la somme de 3 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [G] demande à la cour de :
- déclarer mal fondé l'appel de la société Centre Service Métaux et la débouter de ses demandes,
- déclarer recevable et bien fondé son appel incident
A titre principal
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 24 septembre 2019, sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Centre Service Métaux à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire,
Si par impossible la cour retenait l'existence d'une cause réelle et sérieuse :
- condamner la société Centre Service Métaux à lui payer les sommes suivantes :
4 615,39 euros correspondant au salaire de la mise à pied du 8 mars au 4 avril 2017 outre les congés payés afférents, soit 467,53 euros,
16 843.35 euros correspondant à trois mois de préavis, outre les congés payés afférents, soit 1 684,33 euros
33 686,70 euros correspondant à l'indemnité de licenciement,
En tout état de cause,
- condamner la société Centre Service Métaux à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour, ainsi qu'aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022.
SUR CE :
- Sur le licenciement :
Il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié; aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.
En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société CSM a licencié M. [G] en invoquant des fautes graves commises dans l'exercice de ses fonctions, sans tenir compte des remarques de sa hiérarchie, mais également en raison du comportement qu'il a adopté.
La société CSM soutient que :
-M. [G] commettait des erreurs dans le recueil des commandes des clients, de manière répétée et volontaire, et que ces erreurs étaient préjudiciables à ses intérêts et à ceux de ses collaborateurs contraint de le substituer dans l'exercice de ses fonctions et de récupérer ses erreurs
- ces erreurs, compte tenu de l'absence de remise en question de M. [G] et de sa mauvaise volonté délibérée, ne sauraient recevoir la qualification d'insuffisance professionnelle mais revêtent naturellement un caractère fautif
- M. [G] ne respectait pas les procédures
- M. [G] adoptait une attitude déplacée et avait un comportement dénigrant, voire injurieux à l'égard de ses collègues de travail.
M. [G] fait valoir que :
- la rupture est brutale en ce qu'elle intervient alors qu'aucune sanction disciplinaire n'a jamais été prononcée contre lui,
- la lettre de licenciement se place sur le terrain disciplinaire et sur la faute alors que la société se fonde en fait non sur des fautes mais plus généralement sur une insuffisance professionnelle caractérisée par des erreurs, des oublis ou des négligences,
- sa mauvaise volonté délibérée n'est pas démontrée par l'employeur,
- en tout état de cause, les griefs retenus contre lui ne sont pas justifiés au regard des conditions de travail particulières au sein de la société CSM, et notamment de la réduction des coûts au détriment des conditions de travail, par la diminution des moyens humains et matériels,
- les commandes des clients comportant de nombreux postes et des délais très courts étaient fréquemment modifiées, en cours de production ou au cours de leur réalisation, de sorte que les références inscrites n'étaient pas erronées mais étaient adaptées en fonction des besoins et de l'urgence (commandes [T] et ACI2M du 23 janvier 2017 ou du client Court)
- au moment de l'arrivée de M. [H] au sein de la société, il y a eu un bouleversement des procédures sans qu'aucune information officielle ne soit donnée aux salariés, notamment quant au circuit de transmission des fiches de non-conformité
- les erreurs invoquées n'ont eu aucune incidence, ni causé de préjudice à l'employeur,
- concernant le client [Z] Industrie au nom duquel il lui est reproché d'avoir saisi des prix inférieurs à ceux spécifiés sur le bon de commande , ou encore de la commande Clappaz du 27 février 2017 pour laquelle il a saisi deux nuances alors que le client n'en sollicitait qu'une, il a travaillé pour ces clients pendant 7 ans sans jamais faire l'objet de la moindre remarque
- concernant les commandes de la société Benière Perrin, ou encore des sociétés [Y] et Fives, s'il était précisé dans la commande que le diamètre, l'épaisseur, la nuance et la coulée devaient être inscrits sur les disques, l'absence des-dites mentions sur l'accusé de commande n'est pas fautive,
- s'agissant du client Atelier Alpha pour lequel il a bien commis une erreur de saisie en mentionnant une épaisseur de 32 alors que le client avait passé une commande de pièces en épaisseur 30, et du client Euralliages pour lequel il admet une erreur de nuance, il s'agit de simples erreurs sans conséquences,
- s'agissant du client Alpes Metal Diffusion pour lequel il a saisi un bon de commande au nom du client Alpes Découpe Industrie, l'erreur est vénielle sans que sa mauvaise volonté ne soit démontrée par la société CSM.
- il n'a jamais tenu de propos dénigrants, inappropriés ou injurieux à l'égard de ses collègues.
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En droit, le recours au licenciement disciplinaire repose sur une faute et la faute suppose un acte volontaire de la part du salarié. Dés lors, l'incompétence ou l'insuffisance professionnelle ne sont fautives que dans la mesure où elles résultent d'agissements volontaires.
En l'espèce, la société CSM invoque, pour illustrer le caractère volontaire et la gravité des fautes, les remarques de ses collègues de travail et de sa hiérarchie dont M. [G] n'aurait pas tenu compte, en s'appuyant sur :
- l'attestation de M. [C], directeur administratif et financier qui déclare avoir été 'confronté à plusieurs reprises à un manque de respect de la part de M. [G] envers les procédures liées à l'activité commerciale ainsi que celles concernant la production. Mais aussi un manque de respect et d'un certain savoir-vivre avec les collègues (...)';
- l'attestation de Mme [D], cadre commercial, qui indique à propos de M. [G]: ' Il n'a jamais fait preuve, sauf contraint et forcé, d'aucune solidarité dans le travail, se déchargeant toujours sur les autres des tâches qu'il ne jugeait pas à sa convenance. Dans la rédaction des commandes, il n'a jamais fourni aucun effort pour se relire ou s'améliorer (...)';
- l'attestation de M. [O], commercial au sein de la société CSM, qui indique : 'Depuis un an et demi jusqu'à son départ de la société, j'ai assumé et pallier au manque d'implication et de motivation de M. [I] [G]. J'ai répondu aux mails, aux appels de ses clients, et également suivre ses commandes clients (...)'
- l'attestation de Mme [W], comptable de la société, dans le même sens, quant au détachement de M.[G].
La cour observe d'une part, que ces différents témoignages ne présentent pas de garantie d'impartialité au regard du lien de subordination qui unit les signataires de ces attestations et la société CSM, d'autre part, que l'employeur ne vient corroborer ces témoignages par aucun élément objectif, tandis que M. [G] produit pour sa part plusieurs témoignages de satisfaction de clients: M. [B], responsable des achats pour la société Deville Rectification, M. [N] [T], président de la société [T] Mécanique Industrie, M. [P] [Z], directeur général de la société [Z] Industrie, ou d'anciens salariés de la société CSM tels que M. [F] [L], ancien commercial ou Mme [A], comptable de la société CSM jusqu'en 2012.
En considérant que l'employeur ne démontrait pas le caractère grossier des erreurs affectant les bons de commande, ou le traitement des fiches de non-conformité, que la fréquence des erreurs ne permettait pas de retenir l'existence d'agissements fautifs, étant précisé que la période concernée est extrêmement brève au regard de la durée de la relation contractuelle, soit un peu plus d'un mois, que les erreurs avérées relevaient de l'insuffisance professionnelle sans que la mauvaise volonté délibérée du salarié ne soit établie, et que le comportement professionnel incriminé ne reposait que sur des éléments subjectifs, non circonstanciés et non étayés par des éléments matériels, le premier juge a fait une juste appréciation des éléments de fait.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement notifié à M. [G] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse de licenciement.
- Sur les indemnités de rupture :
Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité conventionnelle de licenciement. Aucune des parties ne remet en cause, même à titre subsidiaire, les bases sur lesquelles le conseil de prud'hommes a liquidé les droits de M. [G]. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société CSM à payer à M. [G] les sommes suivantes :
16 843,35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 684,33 euros au titre des congés payés afférents
33 686,70 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
- Sur les dommages- intérêts :
En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, M. [G] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [G] âgé de 49 ans lors de la rupture, de son ancienneté de sept années et six mois, de ce qu'il ne justifie pas de l'évolution de sa situation professionnelle et de ressources depuis son licenciement, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture a été justement apprécié par le premier juge.
Le jugement qui lui a alloué la somme de 44 915,60 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère injustifié du licenciement doit être confirmé et M. [G] sera débouté de sa demande pour le surplus.
- Sur le rappel de salaires :
En l'absence de licenciement pour faute grave, la société CSM est redevable des salaires dont elle a privé M. [G] durant la période de mise à pied conservatoire du 8 mars 2017 au 4 avril 2017, date de réception de la lettre de licenciement, pour la somme de 4 615,39 euros, outre 461,53 euros de congés payés afférents. Le jugement est confirmé sur ce point.
- Sur le remboursement des indemnités de chômage :
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite d'un mois d'indemnisation ; le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
- Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société Centre Service Métaux les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à M. [G] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Centre Service Métaux, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d'appel.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
CONDAMNE la société Centre Service Métaux à payer à M. [G] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,
CONDAMNE la société Centre Service Métaux aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE