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21/09/2022 | FRANCE | N°19/01644

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 21 septembre 2022, 19/01644


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/01644 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MHOG



[D]

C/

Société DELTA DRONE



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 07 Février 2019

RG : 17/01162







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2022







APPELANT :



[Y] [D]

né le 03 Mars 1975 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 6] / LUXEM

BOURG



représenté par Me Cyril JUILLARD de la SELEURL APC, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société DELTA DRONE

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/01644 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MHOG

[D]

C/

Société DELTA DRONE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 07 Février 2019

RG : 17/01162

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2022

APPELANT :

[Y] [D]

né le 03 Mars 1975 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 6] / LUXEMBOURG

représenté par Me Cyril JUILLARD de la SELEURL APC, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société DELTA DRONE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Béatrice CHAINE de la SELARL BEATRICE CHAINE AVOCAT, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Mai 2022

Présidée par Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 21 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

[Y] [D] a été embauché à compter du 2 mai 2016 par la SA DELTA DRONE en qualité de directeur industriel groupe, statut cadre, position 3.3, coefficient 270, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 25 avril 2016 soumis à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (IDCC 1486).

Par lettre recommandée du 3 février 2017, la SA DELTA DRONE a convoqué [Y] [D] à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé au 14 février 2017, et l'a mis à pied à titre conservatoire.

La SA DELTA DRONE a procédé au licenciement de [Y] [D] pour faute grave, par correspondance du 21 février 2017.

Le 26 avril 2017, [Y] [D] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de rappel de rémunération variable, d'une demande de rappel d'indemnité de congés payés, d'une demande indemnitaire au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur, ainsi que d'une contestation du licenciement dont il a ainsi fait l'objet, et de demandes indemnitaires et salariales afférentes à la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 7 février 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon ' section encadrement ' a :

* Sur le rappel de la rémunération variable :

DÉBOUTÉ [Y] [D] au sujet de la prime de 30 000 euros ;

JUGÉ qu'il n'y avait pas inégalité de traitement pour l'attribution des primes et rejeté la demande relative à la résidence imposée ;

JUGÉ que suite à l'engagement de l'entreprise de verser une rémunération minimale variable sur deux ans, il y a lieu d'accorder au salarié une prime de 12 000 euros, outre 1 200 euros au titre des congés payés afférents, pour l'année 2016, et de 2 250 euros, outre 225 euros au titre des congés payés afférents pour l'année 2017 ;

* Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

REJETÉ la demande d'exécution déloyale du contrat de travail et par conséquent la demande de dommages et intérêts qui y était attachée ;

REJETÉ la demande de rappel de 4 jours de congés payés ;

* Sur le licenciement abusif et irrégulier :

REQUALIFIÉ le licenciement pour faute grave du salarié en licenciement pour faute simple ;

CONDAMNÉ en conséquence la SA DELTA DRONE au versement à [Y] [D] de :

- 3 570,25 euros de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée,

- 357 euros au titre des congés payés afférents,

- 20 466 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 046,60 euros au titre des congés afférents,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNÉ à la SA DELTA DRONE de remettre à [Y] [D] les bulletins de paie rectifiés sans astreinte ;

RAPPELÉ qu'aux termes des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail....) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que le salaire mensuel moyen de [Y] [D] était fixé à 6 659,92 euros ;

DÉBOUTÉ le salarié au titre de sa demande de dommages et intérêts ;

DÉBOUTÉ [Y] [D] de toutes ses autres demandes ;

DÉBOUTÉ la SA DELTA DRONE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNÉ la SA DELTA DRONE aux entiers dépens.

[Y] [D] a interjeté appel de cette décision le 5 mars 2019.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 1er octobre 2021 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [Y] [D] sollicite de la cour de :

- Sur le rappel de rémunération variable :

A titre principal, pour l'année 2016,

INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 7 février 2019 en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande au titre de la prime de 30 000 euros ;

En conséquence,

DIRE ET JUGER que les objectifs conditionnant la prime de 30 000 euros n'étaient pas réalistes et lui ont été transmis tardivement ;

CONDAMNER la société DELTA DRONE au versement de la somme de 30 000 euros bruts au titre de la prime sur objectif pour 2016 outre 3 000 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

A titre subsidiaire, pour l'année 2016,

CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 7 février 2019 en ce qu'il a condamné la société DELTA DRONE au versement de la somme de 12 000 euros bruts au titre de la rémunération variable garantie pour 2016 outre 1 200 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

En tout état de cause, pour l'année 2017,

CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 7 février 2019 en ce qu'il a condamné la société DELTA DRONE au versement de la somme de 2 250 euros bruts au titre de la rémunération variable garantie pour 2017 outre 225 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

- Sur l'exécution déloyale du contrat :

INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 7 février 2019 en ce qu'il a rejeté la demande d'exécution déloyale du contrat de travail et par conséquent la demande de dommages et intérêts qui y était attachée ;

En conséquence,

DIRE ET JUGER que la société DELTA DRONE a exécuté de manière déloyale le contrat de travail ;

CONDAMNER la société DELTA DRONE au versement de la somme de 20 000 euros nets en réparation du préjudice subi ;

- Sur le rappel de 4 jours de congés payés :

INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 7 février 2019 en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de 4 jours de congés payés ;

En conséquence,

DIRE ET JUGER que la société était dans l'impossibilité de positionner des jours de congés payés ;

CONDAMNER la même au versement de la somme de 1 190,08 euros bruts à ce titre ;

- Sur le licenciement abusif :

A titre principal,

INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 7 février 2019 en ce qu'il a jugé que le licenciement n'était pas abusif ;

En conséquence,

DIRE ET JUGER que son licenciement pour faute grave est abusif ;

CONDAMNER la société DELTA DRONE au versement de la somme de 60 000 euros nets au titre du licenciement abusif ;

A titre subsidiaire,

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de LYON le 7 février 2019 en ce qu'il a jugé que le licenciement reposait sur une faute simple et condamné la société DELTA DRONE au versement des sommes suivantes :

- 3 570,25 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 357 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 20 466 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 2 046,60 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

En tout état de cause,

CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 7 février 2019 en ce qu'il a condamné la société DELTA DRONE au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au regard de la première instance ;

CONDAMNER la société DELTA DRONE au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance ;

DIRE que les sommes allouées produiront des intérêts au taux légal.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2019, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA DELTA DRONE sollicite de la cour de :

A titre principal,

CONSTATER qu'aucune rémunération variable n'est due à [Y] [D] ;

CONSTATER qu'elle a exécuté de bonne foi le contrat de travail de [Y] [D] ;

CONSTATER que [Y] [D] ne remplissait plus les conditions, pour pouvoir prétendre à l'attribution des 70 000 actions gratuites qu'elle a accordées ;

CONSTATER que [Y] [D] était en congés pour la période du 27 au 30 décembre 2017 ;

CONSTATER que les griefs invoqués par la société DELTA DRONE aux termes de la lettre de licenciement de [Y] [D] en date du 21 février 2017 ne sont pas prescrits ;

CONSTATER que les griefs invoqués par la société DELTA DRONE aux termes de la lettre de licenciement de [Y] [D] en date du 21 février 2017 sont avérés, directement imputables à ce dernier et graves compte tenu de ses fonctions de Directeur Industriel ;

En conséquence,

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :

- Débouté [Y] [D] au sujet de la prime de 30 000 euros ;

- Jugé qu'il n'y a pas inégalité de traitement pour l'attribution des primes ;

- Rejeté la demande relative à la résidence imposée ;

- Rejeté la demande d'exécution déloyale du contrat de travail et par conséquent la demande de dommages et intérêts qui y était attachée ;

- Rejeté la demande de rappel de 4 jours de congés payés ;

Faisant droit à son appel incident de la société DELTA DRONE,

RÉFORMER le jugement déféré pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

DÉBOUTER [Y] [D] de sa demande de rappel de rémunération variable ;

DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute grave de [Y] [D] est bien fondé ;

DÉBOUTER [Y] [D] de l'intégralité de ses demandes au titre du licenciement prononcé ;

CONDAMNER [Y] [D] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel ;

A titre subsidiaire,

CONSTATER qu'aucune rémunération variable n'est due à [Y] [D] ;

CONSTATER qu'elle a exécuté de bonne foi le contrat de travail de [Y] [D] ;

CONSTATER que [Y] [D] ne remplissait plus les conditions, au 30 juin 2017, pour pouvoir prétendre à l'attribution des 70 000 actions gratuites accordées par la société DELTA DRONE ;

CONSTATER que [Y] [D] était en congés pour la période du 27 au 30 décembre 2017 ;

CONSTATER que les griefs qu'elle a invoqués aux termes de la lettre de licenciement de [Y] [D] en date du 21 février 2017 ne sont pas prescrits ;

CONSTATER que les griefs invoqués par la société DELTA DRONE aux termes de la lettre de licenciement de [Y] [D] en date du 21 février 2017 sont avérés, directement imputables à ce dernier et graves compte tenu de ses fonctions de Directeur Industriel ;

En conséquence,

CONFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception du quantum de la condamnation afférente au préavis ;

Faisant droit à son appel incident,

RÉFORMER le jugement déféré s'agissant du quantum de la condamnation afférente au préavis ;

Et, statuant à nouveau,

LIMITER à la somme de 19 979,76 euros bruts la somme octroyée au titre du préavis, outre 1 997,97 euros au titre des congés payés afférents ;

A titre infiniment subsidiaire,

RÉDUIRE la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de Monsieur [Y] [D] à de plus justes et légitimes proportions en fonction du préjudice réellement subi, démontré et lié à la rupture de son contrat de travail ;

En tout état de cause,

DÉBOUTER [Y] [D] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER Monsieur [Y] [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Romain Laffly, Avocat, sur son affirmation de droit.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 7 avril 2022, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 18 mai suivant.

SUR CE :

- Sur la rémunération variable :

[Y] [D] soutient en substance, à l'appui de sa demande de rappel de rémunération variable, que :

- les objectifs qui lui ont finalement été assignés unilatéralement par l'employeur le 8 juillet 2016, alors qu'il disposait de comptes consolidés arrêtés au 30 juin 2016, étaient irréalistes ;

- la SA DELTA DRONE ne pouvait prendre en compte valablement, pour l'attribution d'une rémunération variable garantie, le lieu de sa domiciliation familiale, qui relève de sa vie privée et familiale et n'était nullement justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, pour justifier une différence de traitement avec un salarié placé dans une situation identique.

La SA DELTA DRONE fait valoir en réponse que :

- Ce n'est que par correspondance du 8 juillet 2016, soit juste après l'embauche, que les parties ont convenu d'une rémunération variable pour l'année 2016 fixée à 30 000 euros, en fonction de l'atteinte des objectifs assignés par cette même correspondance ;

- Alors que les objectifs ainsi fixés étaient tout à fait réalisables, aucune des conditions fixées le 8 juillet 2016 n'a été remplie, de sorte que l'employeur n'était pas redevable, pour l'année 2016, d'une rémunération variable envers [Y] [D] ;

- Monsieur [D] ne peut se comparer valablement à la situation de [G] [X], qui résidait en région lyonnaise, s'agissant des conditions d'attribution d'une rémunération variable garantie au cours des deux premières années, qui lui avait été proposée et qu'il a librement refusée ;

- la condition de résidence en région lyonnaise fixée par la société, légitime et proportionnée à la nature des fonctions et responsabilités exercées, à laquelle le salarié s'était d'ailleurs engagé préalablement à son embauche, ne portait d'ailleurs que sur l'attribution de la rémunération variable garantie et non sur le maintien du lien contractuel.

* * * * *

Il ressort des dispositions de l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code aux termes de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L'article L. 1222-1 du code du travail rappelle à cet égard que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Et il doit être relevé à cet égard que, si le président de la SA DELTA DRONE avait évoqué au stade des discussions précontractuelles avec [Y] [D] ' par courriel du 15 avril 2016 notamment ' la perspective de définir « ensemble une « prime sur objectif » (qui pourra atteindre la somme de 18Keuros) », le contrat de travail régularisé le 25 avril 2016 entre les parties stipule (article 7 ' rémunération) qu'« En contrepartie de sa collaboration, Monsieur [Y] [D] percevra une rémunération annuelle forfaitaire de 72 000 euros (soixante-douze mille euros). La rémunération de Monsieur [Y] [D] ci-dessus définie est forfaitaire et fonction du nombre de jours de travail fixé au contrat », sans prévoir que le salarié pourrait prétendre, en outre, à une rémunération variable.

Par correspondance du 8 juillet 2016, le président-directeur-général de la SA DELTA DRONE a toutefois fait savoir à [Y] [D] qu'il lui serait attribué en outre, par confirmation « (d)es termes de (leur) échange et (d)es engagements pris à (son) égard », « Au titre de l'exercice 2016, (') une prime d'un montant brut de 30 000 euros si l'une des conditions suivantes est remplie :

- DELTA DRONE enregistre, au titre de l'année 2016, une perte, hors amortissement, inférieure à 1,5 millions d'euros,

- Le chiffre d'affaires consolidé pro-forma du Groupe, au titre de l'exercice 2016, est supérieur ou égal à 2 millions d'euros ».

Or, le paiement d'une prime en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur n'est obligatoire pour celui-ci que dans les conditions fixées par cet engagement.

[Y] [D], qui reconnaît expressément dans les conclusions dont il saisit la cour qu'au 31 décembre 2016, « le résultat d'exploitation s'était gravement creusé pour atteindre une perte de 8 147 keuros alors que le chiffre d'affaires n'atteignait que 1 310 keuros », ne peut donc prétendre valablement au paiement de la rémunération variable prévue par l'engagement unilatéral de son employeur du 8 juillet 2016.

Il convient de relever au demeurant que, compte-tenu notamment du modèle économique de la SA DELTA DRONE à la période considérée, qui reposait pour partie sur des opérations de croissance externe répétées et significatives, de la situation financière de la société au 30 juin 2016 et des perspectives d'évolution au cours du second semestre 2016, telles qu'elles ressortent du rapport des commissaires aux comptes sur les comptes consolidés du groupe DELTA DRONE au 30 juin 2016 notamment, les allégations du salarié selon lesquelles les conditions ' même alternatives ' d'attribution de la prime attribuée par engagement unilatéral de l'employeur le 8 juillet 2016 auraient été fondées sur des objectifs irréalistes et irréalisables, ne sont pas fondées.

Enfin, la circonstance, évoquée par [Y] [D], que les critères d'attribution de la prime qui lui a été attribuée par son employeur deux mois après son embauche, reposent sur les résultats de la société pour un exercice couvrant une période antérieure à son engagement, est insuffisante à caractériser une quelconque déloyauté de l'employeur dans son engagement unilatéral, et inopérante, s'agissant de la demande de rappel de rémunération variable dont le salarié saisit la cour sur le fondement de l'engagement unilatéral de son employeur du 8 juillet 2016.

Il apparaît parallèlement que, ainsi qu'il ressort des termes de la transmission électronique du président-directeur-général de la SA DELTA DRONE à la responsable ressources humaines de la société le 8 janvier 2017, l'employeur a envisagé une « Evolution du contrat de travail de [Y] » afin notamment de tenir compte de l'absence d'atteinte pour l'année 2016 des résultats permettant le déclenchement de la rémunération variable qui lui avait été accordée, d'une part, et du souhait exprimé par l'intéressé « d'être « aligné » en termes de rémunération sur les conditions octroyées à [G] ([X]) », d'autre part, dans les conditions ainsi définies :

« - A compter de la date de son embauche, recalculer un variable garanti mensuel identique à celui de [G], ce qui entraînera le versement d'une somme de régularisation,

- Préciser, à l'identique du contrat de [G], que ce variable garanti court sur une période de 2 ans (à compter de la date d'embauche),

- Déduire du montant de la régularisation le montant des loyers initialement remboursés à [Y] et correspondant aux frais de logement durant sa période de « nomadisme » (ces frais concernant uniquement l'appartement loué à [Localité 5]) ».

Il ressort de plus des termes du courriel précité, réitérés par correspondance au salarié du 20 janvier 2017, que la SA DELTA DRONE n'a envisagé la modification du contrat de travail de son salarié qu'« à la date effective officielle de son installation en région lyonnaise, qui permettra de déclencher effectivement la mise en 'uvre de ce nouveau dispositif (signature de l'avenant et versement de la régularisation) ».

Mais, s'il est constant que [Y] [D] n'a, au final, jamais fixé son domicile familial « en région lyonnaise », aucun avenant au contrat de travail n'a été régularisé pendant sa période d'emploi au sein de la SA DELTA DRONE.

Au demeurant, il ne peut être valablement soutenu par l'appelant que le critère conditionnant l'engagement de son employeur à lui verser une rémunération variable garantie, à savoir que l'intéressé fixe sa résidence en « région lyonnaise », n'aurait pas été justifié, au regard de la localisation du siège de la société et du groupe et du lieu de travail fixé contractuellement, par la nature de ses fonctions et de ses responsabilités de directeur industriel et de directeur général adjoint du groupe chargé du développement industriel, et à ce titre membre des comités de pilotage et de direction de la société, ni proportionné au but recherché d'une meilleure intégration et participation aux instances dirigeantes de la société.

Il convient de rappeler, pour autant, qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il existe des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, dont il revient alors au juge de contrôler la réalité et la pertinence.

Mais, si [G] [X] avait été embauché en 2014 en qualité de directeur commercial de la SA DELTA DRONE avant d'être nommé parallèlement en qualité de directeur général adjoint du groupe en charge du commerce, à un niveau hiérarchique et de responsabilité similaire à celui de [Y] [D] donc, les pièces versées aux débats par les parties ne permettent ni d'apprécier la nature et le périmètre des responsabilités confiées à l'intéressé, ni d'objectiver l'existence d'une différence de rémunération avec l'appelant. En effet, les termes du courriel du 8 janvier 2017 précités mettent en évidence que [G] [X], auquel se compare l'appelant, a pu bénéficier d'un variable garanti mensuel pendant une période de deux années à compter de son embauche, mais l'examen des pièces versées aux débats ne permet d'établir ni le niveau, ni la structure, ni les modalités de la rémunération qui lui avait été consentie par la SA DELTA DRONE.

Il convient dès lors de constater que [Y] [D], qui soutient qu'il aurait été victime d'une différence de rémunération alors qu'il se trouvait dans une situation comparable à celle de [G] [X] au sein de la SA DELTA DRONE, s'abstient de verser aux débats les pièces susceptibles d'objectiver ses allégations de ce chef.

[Y] [D] doit par conséquent être débouté des demandes qu'il formait tant à titre principal qu'à titre subsidiaire au titre de la rémunération variable pour les années 2016 et 2017.

- Sur la loyauté de l'exécution du contrat de travail :

[Y] [D] soutient en substance, à l'appui de sa demande indemnitaire, que l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail en ce que :

- la société DELTA DRONE n'a pas fixé au contrat de travail les modalités permettant de déterminer sa rémunération variable et lui a fixé tardivement des objectifs irréalistes pour l'année 2016 ;

- alors que l'attribution d'actions gratuites était prévue dès l'embauche, l'employeur en faisant le choix de rompre fallacieusement son contrat de travail pour faute grave, l'a privé d'une chance de pouvoir bénéficier de l'attribution définitive des actions gratuites de la société qui lui avaient été attribuées par le conseil d'administration sous la condition qu'il soit toujours salarié à l'issue de la période d'acquisition ;

- la société n'a pas respecté son engagement de mettre définitivement à sa disposition un véhicule de fonction à l'issue de sa période d'essai ;

- l'employeur lui a fait des reproches sur son temps de présence au bureau pour le discréditer ;

- la société n'a pas valablement appliqué la convention de forfait annuel en jours puisque, notamment, aucun des deux bilans individuels annuels relatifs à la charge et à l'organisation de travail n'a été tenu ;

- l'employeur a indûment considéré qu'il se trouvait en situation de congés payés du 27 au 30 décembre 2016, et retenu de façon illicite la somme de 1 190,08 euros sur la rémunération lui étant due.

La SA DELTA DRONE fait valoir en réponse que :

- aucune déloyauté ne peut lui être imputée dans la fixation des modalités de détermination de la rémunération variable de son salarié ;

- au 30 juin 2017, soit à l'issue de la période d'acquisition minimale d'un an fixée par la décision d'attribution du conseil d'administration, [Y] [D] n'avait plus la qualité de bénéficiaire requise puisqu'il n'était plus salarié de la société DELTA DRONE ; dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à formuler une quelconque demande indemnitaire au titre de l'attribution gratuite d'actions dont il a bénéficié, sous conditions, selon la décision du CA du 30 juin 2016 ;

- le salarié a effectivement bénéficié d'un véhicule de fonction, qui a d'ailleurs été soumis à charges sociales ;

- l'appelant ne produit aucun élément permettant de justifier de ses allégations péremptoires quant à une prétendue mise à l'écart ;

- en vertu des dispositions expresses de son contrat de travail qui fixent son lieu de travail à [Localité 3] et ne prévoient pas le recours au télétravail, [Y] [D] était tenu d'être présent physiquement au siège social de la société hors situation de déplacement professionnel de sorte que celui-ci ayant fait le choix de ne pas se présenter au siège de la société du 27 au 30 décembre 2016 sans pour autant se rendre à ces dates à un quelconque rendez-vous professionnel, elle lui a demandé de régulariser, de manière rétroactive, une demande de congés payés.

* * * * *

Il ressort des dispositions de l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code aux termes de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L'article L. 1222-1 du code du travail rappelle à cet égard que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Or, il ressort en premier lieu des énonciations qui précèdent, s'agissant du grief tiré par l'appelant des modalités de fixation d'une rémunération variable complémentaire à son salaire de base, qu'aucune déloyauté ne peut valablement être opposée à la SA DELTA DRONE dans la détermination des critères de versement d'une rémunération variable auquel elle s'était unilatéralement engagée envers [Y] [D] le 8 juillet 2016, ni dans la fixation d'une condition de résidence à son engagement unilatéral de versement d'une rémunération variable garantie ' avec effet rétroactif ' le 8 janvier 2017.

Il apparaît, en second lieu, que l'appelant ne peut valablement tirer grief d'une attribution tardive, par la SA DELTA DRONE, d'actions gratuites de l'entreprise au regard d'engagements préalables de son employeur, concomitants à son embauche, alors que, ainsi qu'il le souligne lui-même dans les écritures dont il saisit la cour, l'attribution d'actions gratuites ne devient définitive qu'au terme d'une période d'acquisition dont la durée minimale ne peut être inférieure à une année, aux termes de l'article L. 225-197-1 du code du commerce, et que la rupture de la relation de travail est intervenue le 21 février 2017, de sorte qu'il avait alors perdu la qualité de bénéficiaire, au sens des dispositions légales précitées comme de la délibération de l'assemblée générale du 30 novembre 2015, dix mois seulement après son embauche.

Il apparaît en troisième lieu, s'agissant du grief tiré par l'appelant de l'absence de mise à disposition d'un véhicule de fonction à l'issue de sa période d'essai, que :

- par courriel du 15 avril 2016, le président-directeur-général de la SA DELTA DRONE a fait savoir à [Y] [D] qu'il « mettrai(t) à disposition un véhicule dès (son) arrivée (Qasqai Nissan), avant de finaliser la mise à disposition d'un véhicule définitif au terme de (sa) période d'essai », contractuellement fixé par la suite à trois mois de travail effectif à compter du 2 mai 2016 ;

- le contrat de travail régularisé le 25 avril 2016 entre la SA DELTA DRONE et [Y] [D] prévoyait notamment (article 6 ' véhicule de fonction et assurance) que « La société s'engage à confier au salarié un véhicule, mis à sa disposition, qui constitue un avantage en nature dont le montant sera évalué conformément à la réglementation en vigueur, étant entendu que cette évaluation pourra être modifiée afin de tenir compte notamment de l'évolution de la réglementation ou le cas échéant d'un changement de véhicule. Le salarié devra maintenir le véhicule ainsi confié en excellent état et en assurer l'entretien régulier. Il devra impérativement signaler à la Société tout accident survenu avec le véhicule. En cas d'infraction au code de la route, le salarié sera seul redevable des amendes prononcées » ;

- il est acquis que [Y] [D] a pu bénéficier à compter de son embauche de la mise à disposition par son employeur d'un véhicule, ainsi d'ailleurs qu'en portent mention les bulletins de paie qui lui ont été délivrés par la SA DELTA DRONE, s'agissant d'un « avantage nature véhicule » évalué à 232,15 euros bruts ;

- par correspondance électronique du 8 janvier 2017 dont le salarié était rendu destinataire en copie, le président-directeur-général de la SA DRONE DELTA a notamment fait savoir à la responsable des ressources humaines de la société que « [Y] va s'occuper en direct avec Audi / VW d'un contrat concernant son véhicule de fonction ».

Or, [Y] [D], qui entend tirer argument de ce que, contrairement à l'engagement pris par son employeur au stade des discussions précontractuelles, un « véhicule définitif » n'a pas été mis à sa disposition à la fin de sa période d'essai, n'explicite pas le préjudice dont il sollicite réparation de ce chef et ne justifie d'ailleurs ni de sa réalité ni de son étendue par la production de pièces probantes.

Il convient de relever en quatrième et dernier lieu, que le contrat de travail régularisé le 25 avril 2016 entre la SA DELTA DRONE et [Y] [D] prévoyait notamment (article 4 ' lieu de travail) que « Monsieur [Y] [D] exercera ses fonctions au siège social de la Société, situé [Adresse 2] ' [Localité 3] ('). En outre, dans le cadre de ses fonctions, Monsieur [Y] [D] sera amené, de manière plus ou moins fréquente et pour des durées variables, à effectuer des déplacements en France et, le cas échéant, à l'étranger, déplacement qu'il accepte d'ores et déjà irrévocablement ».

Et le contrat de travail ainsi conclu stipulait en outre (article 5 ' durée du travail), que le salarié serait soumis à un décompte de la durée du travail selon les modalités d'un « forfait annuel de 218 jours travaillés pour une année complète de travail et un droit complet à congés se traduisant par l'octroi de jours de repos supplémentaires », et que :

« Dans le cadre de cette organisation du temps de travail, un contrôle du nombre de jours travaillés sera opéré au moyen d'un document auto-déclaratif faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés en congés payés, congés conventionnels, jours de repos au titre de la réduction du temps de travail, ' ('). En tout état de cause, un bilan individuel sera effectué au moins deux fois par an pour vérifier l'adéquation de la charge de travail de Monsieur [Y] [D] au nombre de jours travaillés ainsi que l'organisation de son travail dans l'entreprise, l'articulation entre ses activités professionnelles et sa vie personnelle et familiale et le niveau de son salaire. A cette occasion, il sera également évoqué l'amplitude des journées d'activité ainsi que la charge de travail de Monsieur [Y] [D] qui doivent demeurer raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail. A l'issue de cet entretien, un formulaire d'entretien sera rempli par le supérieur hiérarchique afin de renseigner chacun des différents thèmes abordés et signé par Monsieur [Y] [D] après qu'il ait porté d'éventuelles observations dans les encadrés réservés à cet effet. En cas de difficulté inhabituelle, un entretien individuel spécifique pourra être organisé ('). (Monsieur [D]) devra, en outre, s'efforcer, dans toute la mesure du possible, d'adapter sa pratique de l'horaire de travail aux contraintes commerciales, techniques et autres de la Société ».

Le salarié ne peut ainsi faire valablement grief à son employeur, au regard des stipulations contractuelles ci-dessus rappelées, s'agissant notamment de la fixation du lieu de travail, d'une part, et du pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur, d'autre part, de l'avoir interpellé par courriel du 20 janvier 2017 sur ses absences de son lieu de travail le matin du 15 janvier 2017 et l'après-midi du 20 janvier suivant.

De même, dès lors que [Y] [D] reconnaît expressément qu'il n'était pas présent sur son lieu de travail au cours des journées du 27 au 30 décembre 2016 et qu'il ne justifie d'aucun déplacement professionnel à ces dates, d'une part, et fait expressément valoir dans les écritures dont il saisit la cour qu'il n'avait formulé aucune demande de congés, même rétroactivement suite à l'invitation faite en ce sens par l'employeur le 20 janvier 2017, d'autre part, la SA DELTA DRONE était nécessairement libérée de son obligation de versement du salaire pour les quatre journées d'absence injustifiées considérées.

Pour autant, la SA DELTA DRONE ne justifie pas qu'elle aurait respecté les obligations mises à sa charge par les stipulations du contrat de travail qu'elle avait conclu avec [Y] [D] ci-dessus rappelées, encadrant le suivi de son temps et de sa charge de travail.

Et le non-respect par l'employeur de ces dispositions pourtant destinées à garantir le respect de durées raisonnables de travail ainsi que des durées des repos de son salarié, que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables, et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé, a généré un préjudice qui peut être évalué, compte-tenu de sa durée, à la somme de 2 000 euros.

La SA DELTA DRONE lui en devra réparation, par infirmation du jugement déféré.

- Sur le licenciement :

[Y] [D] soutient en substance, à l'appui de sa contestation du licenciement pour faute grave dont il a fait l'objet, que :

- À compter du moment où il a fait part de ses doutes quant à la poursuite d'une collaboration saine lui permettant de remplir efficacement sa mission, la société a tout mis en 'uvre pour le décrédibiliser et le prendre à défaut ;

- les griefs tirés par l'employeur de la commande de valises de transport inutilisables, de la livraison de parachutes aux couleurs et nom de l'ancienne dénomination de la société DELTA DRONE ENGINEERING, ou de l'achat d'un logiciel inexploitable, étaient prescrits à la date d'engagement de la procédure disciplinaire ;

- le licenciement ne repose sur aucun grief démontré qui lui serait personnellement imputable ;

La SA DELTA DRONE fait valoir en réponse que la gravité des faits reprochés à [Y] [D] dans la lettre de licenciement, au regard notamment de son niveau de responsabilités, rendaient impossible son maintien dans l'entreprise.

* * * * *

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-2 du code du travail qu'il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement, d'une part, et de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, d'autre part.

Les motifs invoqués par l'employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables et il ressort de l'article L. 1235-1 du code du travail qu'il appartient au juge d'apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux. Et, en cas de saisine du juge, la lettre de licenciement fixe les limites du litige à cet égard.

Or, il apparaît en l'espèce que la SA DELTA DRONE a procédé au licenciement de [Y] [D] pour faute grave, par correspondance du 21 février 2017 rédigée dans les termes suivants :

« Monsieur,

Nous faisons suite à notre entretien du 14 février dernier, au cours duquel vous vous êtes présenté non-assisté et vous informons de notre décision de procéder à votre licenciement pour faute grave pour les faits qui vous ont été exposés au cours de cet entretien et qui sont les suivants :

Vous avez été embauché au sein de notre Société à compter du 02 mai 2016 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée pour occuper les fonctions de Directeur Industriel Groupe, impliquant la prise en charge et la responsabilité du Bureau d'études et de l'ensemble de la production dans l'objectif de répondre efficacement et dans les délais aux attentes de nos clients.

Compte tenu de votre engagement à vous investir durablement à nos côtés pour relever les challenges commerciaux programmés dès 2017, nous nous sommes, de notre côté, engagés, sous conditions, au versement d'une rémunération variable pouvant atteindre 30 000 euros bruts et vous avons attribué 70 000 actions gratuites DELTA DRONE.

Nous avons par ailleurs accédé à votre demande de changement de statut en vous nommant Directeur Général adjoint à compter du 17 novembre 2016.

C'est la preuve de la confiance que nous vous accordions dans la réussite de votre mission.

Or, au contraire, nous n'avons pu que constater que vous n'êtes plus à la hauteur de vos fonctions de Directeur Industriel Groupe/ Directeur général adjoint, ce qui a des conséquences gravement préjudiciables au bon fonctionnement de notre activité.

En effet, nous avons d'abord eu à déplorer de votre part la commande de 30 valises de transport pour le DELTA X, sans test préalable, qui se sont finalement révélées hors format et intransportables et qui sont donc absolument inutilisables, outre la livraison de parachutes aux couleurs et nom de Fly'n Sense malgré le changement de dénomination de la structure.

Selon vos propres calculs, le préjudice financier pour notre entreprise s'élève à plus de 25 000 euros !

Plus grave encore, vous n'avez pas été en capacité de livrer, fin décembre comme convenu, les nouveaux drones DELTA X et DELTA Y opérationnels, nous empêchant de démarrer, en janvier, les missions pour nos deux grands comptes ORANGE et FARMSTAR, alors même que ces missions sont déterminantes, maintenant les phases d'expérimentation achevées, pour l'avenir de DELTA DRONE.

Alors que cette situation a contraint nos départements Commerce et Customer Service à faire preuve d'imagination pour pallier votre défaillance et justifier le report des missions auprès de nos deux grands comptes, nous avons découvert, fin janvier, alors même que les missions auraient déjà dû débuter, que les Pods Orange présentaient des problèmes mécaniques mettant en cause leur fonctionnalité.

En effet votre absence maladie sur la première semaine de février nous a amené à reprendre votre poste, en lien avec vos équipes, et nous n'avons pu que déplorer l'ampleur de la situation.

Vous n'avez visiblement pas su respecter les consignes et mettre en place la coopération nécessaire entre les équipes, les mesures de suivi et de tests préalables qui auraient été de nature à nous permettre de respecter nos engagements à l'égard de nos clients.

Vous ne faites que subir la situation, sans aucune anticipation et sans faire preuve de réactivité dans les solutions correctives à déployer, en vous déchargeant de votre responsabilité.

Il semble pourtant que vous ayez eu conscience de votre incompétence à assumer la mission qui vous a été confiée puisque vous nous avez fait part de votre volonté de quitter notre entreprise, mais là encore sans prendre vos responsabilités, en osant dans le contexte sus décrit solliciter la négociation d'un départ indemnisé !

C'est ce qui explique certainement votre désengagement, au mépris des conséquences pouvant en résulter pour notre entreprise, et dont vos collaborateurs ont eu à se plaindre auprès de nous, vous reprochant un défaut de management voire un management inadapté, non propice à une collaboration efficace et performante.

Cette reprise de votre poste a encore été l'occasion de découvrir l'engagement de dépenses pour un montant total de 26 700 euros HT pour la commande d'un logiciel qui se révèle lui aussi inexploitable.

L'ensemble de ces faits, qui témoigne de votre incompétence et du fait que vous n'êtes pas digne de la rigueur, du professionnalisme et de l'attitude exemplaire qu'imposent vos fonctions de Directeur Industriel groupe/ Directeur général adjoint, est pour nous, parfaitement inacceptable et nous contraint à procéder à votre licenciement pour faute grave.

Vous cesserez donc de faire partie des effectifs de notre entreprise à compter de la date d'envoi de la présente lettre de notification de licenciement et ce, sans Indemnité de licenciement, ni préavis.

Par ailleurs, la mise à pied qui vous a été notifiée le 03 février dernier devient par la présente, définitive et ne vous sera donc pas rémunérée.

Nous vous adresserons, à bref délai, les documents liés à la rupture de votre contrat de travail, à savoir : votre certificat de travail, votre attestation Pôle Emploi votre reçu pour solde de tout compte ainsi que les salaires et Indemnités qui vous sont dus.

A cet égard, comme évoqué dans notre correspondance du 20 janvier dernier, nous considérons que vous étiez en congés payés la dernière semaine de décembre (4 jours du 27 au 30 Décembre 2016) malgré la non déclaration de vos congés dans notre logiciel RH.

Par ailleurs, compte tenu de l'avance sur frais de 2.000euros qui vous a été consentie, vos deux dernières notes de frais à hauteur de 127,97 euros et de 184,75euros ne vous seront pas remboursées, étant en outre rappelé que vos frais de péage de 28,50euros pour votre trajet domicile/lieu de travail de travail du 2 janvier 2017 n'ont pas à être pris en charge.

Dans ces conditions, nous vous remercions de nous faire parvenir un chèque de 1658,78 euros en remboursement d'avance sur frais restant due.

(') ».

Or, il convient de relever liminairement que la SA DELTA DRONE ne verse aux débats aucune pièce susceptible d'objectiver que, ainsi qu'elle le soutient, le logiciel MATLAB/SIMULINK ' dont l'acquisition avait été avalisée par le président-directeur-général de la société, ainsi qu'elle le relève expressément ' se serait en réalité révélé inexploitable pour l'entreprise.

Mais il apparaît, surtout, que les griefs formés dans les termes ainsi rappelés par la SA DELTA DRONE à l'encontre de son salarié, de ne pas être « à la hauteur de (ses) fonctions de Directeur Industriel Groupe/ Directeur général adjoint », d'incompétence, et de manque de rigueur et de professionnalisme, nonobstant les conséquences préjudiciables pour la société que celle-ci invoque par ailleurs, relevaient de l'insuffisance professionnelle, et non d'un manquement fautif du salarié.

En effet, si les échanges internes de courriels et attestations de ses salariés [J] [C], [E] [A] ou [K] [T], notamment, permettent à l'employeur d'objectiver les difficultés, retards et pertes financières liées à la commande de valises de transport et parachutes inadaptés et inutilisables en l'état, d'une part, le retard pris dans les livraisons de nouveaux drones DELTA X et DELTA Y opérationnels, d'autre part, et de fourniture de « pods orange » ne présentant pas les caractéristiques de fonctionnalité requis, enfin, les pièces produites aux débats par la SA DELTA DRONE ne permettent pas de considérer que les manquements ainsi imputables ' au moins pour partie ' à [Y] [D] procéderaient en réalité d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée de ce salarié.

Il s'ensuit que les manquements invoqués par la SA DELTA DRONE au soutien du licenciement ne pouvaient caractériser l'existence d'une faute grave, ni même d'un manquement fautif imputable au salarié.

Le licenciement disciplinaire de [Y] [D] était donc dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné la SA DELTA DRONE - compte-tenu de son salaire mensuel brut de base de 6 822,15 euros notamment - à verser à l'intéressé les sommes de 3 570,25 euros, outre congés payés afférents, à titre de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée, et de 20 466 euros, outre congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

Et, compte-tenu de l'ancienneté de l'intéressé dans la société, du niveau de sa rémunération mensuelle brute, de la situation personnelle et familiale dont il justifie, des circonstances ci-dessus exposées de la rupture, et de la capacité de celui-ci à retrouver un emploi stable et de même niveau de rémunération, la SA DELTA DRONE devra réparer le préjudice né pour [Y] [D] du licenciement injustifié dont il a fait l'objet à hauteur de la somme de 12 000 euros.

- Sur les demandes accessoires :

La SA DELTA DRONE, partie perdante au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être condamnée à supporter les dépens de l'instance.

Et il serait inéquitable, compte-tenu des circonstances de l'espèce tels qu'elles ressortent de l'ensemble des constatations qui précèdent notamment, de laisser à la charge de [Y] [D] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement ayant condamné la SA DELTA DRONE à lui verser la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à verser à son salarié la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a dû exposer en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA DELTA DRONE à rappel de rémunération variable, et en ce qu'il a débouté [Y] [D] des demandes indemnitaires qu'il formait au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et du licenciement sans cause réelle et sérieuse dont il a fait l'objet ;

CONFIRME le jugement dont appel pour le surplus ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la SA DELTA DRONE à verser à [Y] [D] les sommes de :

- deux mille euros (2 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur,

- douze mille euros (12 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né du licenciement injustifié dont il a fait l'objet ;

DÉBOUTE [Y] [D] de ses demandes de rappel de rémunération variable ;

CONDAMNE la SA DELTA DRONE à verser à [Y] [D] la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SA DELTA DRONE de la demande qu'elle formait sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

CONDAMNE la SA DELTA DRONE au paiement des dépens de l'instance d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/01644
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;19.01644 ?
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