AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 18/08277 - N° Portalis DBVX-V-B7C-MBWT
[N]
C/
Société FAURE REGIS ET FILS
Société MANDATUM
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon
du 06 Novembre 2018
RG : F 16/00386
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2022
APPELANT :
[U] [N]
né le 23 Octobre 1973 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Laurent GINTZ, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
Société FAURE REGIS ET FILS
[Adresse 6]
[Adresse 6]
représentée par Me Caroline BRUMM-GODET de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON
Société MANDATUM, représentée par Me [K] [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société FAURE REGIS ET FILS
Intimée assignée en intervention forcée
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Marie-josèphe LAURENT de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Emilie BLAS de la SELARL LEX ADVOCARE, avocat au barreau d'AVIGNON
PARTIE ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 5]
PARTIE INTERVENANTE FORCEE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Mai 2022
Présidée par Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 21 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
[U] [N] a été mis à la disposition de la SAS FAURE REGIS ET FILS en qualité de menuisier, suivant contrats de mission conclus avec les entreprises de travail temporaire HERCO, pour la période du 26 février 2001 au 16 juin 2006, puis ADEQUAT, pour la période du 4 octobre 2010 au 28 juillet 2011.
[U] [N] a, par la suite, été embauché en qualité d'ouvrier, coefficient 230, niveau III, position 2 par la SAS FAURE REGIS ET FILS, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 5 septembre 2011 soumis à la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est à dire occupant plus de 10 salariés) (IDCC 1597).
[U] [N] a dû bénéficier d'un arrêt de travail du 2 au 4 avril 2013, pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.
Le 3 septembre 2013, [U] [N] a été victime d'un accident à l'issue duquel il a dû bénéficier d'un arrêt de travail jusqu'au 2 mars 2014, pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.
A l'issue de la visite de reprise du 25 avril 2014, le médecin du travail a estimé [U] [N] apte à la reprise de son poste dans les termes suivants : « Apte avec travail en binôme pour la manutention lourde. Eviter les tâches très répétitives toute une journée pour éviter les mêmes postures contraignantes ».
[U] [N] a dû bénéficier d'un nouvel arrêt de travail à compter du 1er juillet 2014, renouvelé par la suite de façon ininterrompue.
Le 1er février 2016, [U] [N] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de requalification de ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée et d'une demande indemnitaire afférente, d'une demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires, ainsi que d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de demandes indemnitaires et salariales afférentes à la rupture du contrat de travail.
La caisse primaire d'assurance maladie a placé [U] [N] en invalidité de catégorie 1 par décision du 1er décembre 2016.
Le tribunal de commerce du Puy-en-Velay, par jugement du 15 février 2017, a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au profit de la SAS FAURE REGIS ET FILS, et désigné la SELARL GLADEL en qualité d'administrateur et la SELARL MANDATUM en qualité de mandataire judiciaire de la société.
Par jugement du 6 avril 2018, le tribunal de commerce du Puy-en-Velay a arrêté le plan de sauvegarde, d'une durée de dix ans, de la SAS FAURE REGIS ET FILS, et désigné la SELARL GLADEL en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Et, à l'issue des visites de pré-reprise et de reprise des 1er décembre 2017 et 15 juin 2018, le médecin du travail a estimé [U] [N] définitivement inapte à la reprise de son poste.
Par correspondance en date du 3 juillet 2018, la SAS FAURE REGIS ET FILS a convoqué [U] [N] à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé au 11 juillet suivant.
La SAS FAURE REGIS ET FILS a procédé au licenciement de [U] [N] pour inaptitude et impossibilité de reclassement par correspondance du 16 juillet 2018.
Par jugement en date du 6 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Lyon ' section industrie ' a :
CONSTATÉ la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement des salaires ;
DIT ET JUGÉ que les demandes relatives aux périodes antérieures au 1er février 2013 étaient prescrites ;
CONSTATÉ le défaut de paiement des heures supplémentaires pour la période du 1er février 2013 au 3 septembre 2013 ;
CONDAMNÉ la Société FAURE REGIS ET FILS à payer à Monsieur [N] la somme de 1 664,84 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et 166,49 euros au titre des congés payés afférents ;
ORDONNÉ à la société FAURE REGIS ET FILS de délivrer à [U] [N] les bulletins de salaires rectifiés pour la période du 1er février au 3 septembre 2013, conformes au jugement ;
DIT qu'il n'y avait pas lieu à astreinte ;
CONDAMNÉ la société FAURE REGILS ET FILS en application de l'article 700 du code de procédure civile à verser à [U] [N] la somme de 1 200 euros ;
DÉBOUTÉ la société FAURE REGIS ET FILS de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTÉ [U] [N] de sa demande de requalification des contrats antérieurs à la date du CDI ;
DÉBOUTÉ [U] [N] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ainsi que de ses demandes en paiement afférentes ;
DÉBOUTÉ Monsieur [N] de ses demandes au titre des repas, déplacements et congés payés ;
DÉBOUTÉ [U] [N] de sa demande d'exécution provisoire ;
DIT n'y avoir lieu qu'à exécution provisoire de droit et fixé la moyenne des salaires de [U] [N] à la somme de 1 895,88 euros ;
CONDAMNÉ la société FAURE REGIS ET FILS aux entiers dépens de l'instance.
[U] [N] a interjeté appel de cette décision le 28 novembre 2018.
Par jugement en date du 14 octobre 2020, le tribunal de commerce du Puy en Velay a prononcé la résolution du plan de sauvegarde et l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de la SAS FAURE REGIS ET FILS, et désigné la SELARL GLADEL en qualité d'administrateur ainsi que la SELARL MANDATUM en qualité de mandataire judiciaire de la société.
Le tribunal de commerce du Puy en Velay, par jugement du 16 décembre 2020, a finalement prononcé la liquidation judiciaire de la SAS FAURE REGIS ET FILS, et désigné la SELARL MANDATUM en qualité de mandataire-liquidateur.
[U] [N] a attrait dans la cause la SELARL GLADEL, en sa qualité de mandataire liquidateur, ainsi que l'UNEDIC ' DELEGATION AGS-CGEA D'[Localité 5].
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 23 mars 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [U] [N] sollicite de la cour de :
CONSTATER que la SAS FAURE a eu recours à une succession de contrats de missions à son endroit afin de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente ;
CONSTATER que la SAS FAURE ne l'a pas payé pour l'intégralité de ses heures travaillées ;
CONSTATER que la SAS FAURE ne l'a pas indemnisé pour l'intégralité de ses déplacements ;
CONSTATER que la SAS FAURE ne l'a pas indemnisé pour l'intégralité de ses repas ;
CONSTATER que la SAS FAURE ne lui permettait pas de prendre ses congés payés ou ne lui indemnisait pas ces derniers, et, en tout état de cause, ne l'informait pas sur ses droits acquis en matière de congés payés ;
CONSTATER que la SAS FAURE lui délivrait des bulletins de salaire erronés, notamment s'agissant de ses heures de travail, de ses déplacements, de ses repas et de ses congés payés ;
CONSTATER que la SAS FAURE a manqué à ses obligations de sécurité de résultat à son endroit ;
CONSTATER que la SAS FAURE n'a pas consulté les délégués du personnel à propos de son reclassement, ne lui a pas notifié l'impossibilité de reclassement avant d'engager la procédure de licenciement et a manqué à son obligation de reclassement ;
CONSTATER que les agissements fautifs de la SAS FAURE ont causé son inaptitude ;
En conséquence,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a « CONDAMNÉ la société FAURE REGIS ET FILS à payer à Monsieur [U] [N] la somme de 1 664,84 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires ainsi que la somme de 166,49 euros au titre des congés payés afférents » ;
FIXER au passif de la SAS FAURE ces sommes ;
INFIRMER le jugement entrepris pour tout le reste, et le réformant,
A titre principal,
RÉSILIER le contrat de travail le liant à la SAS FAURE ;
DIRE ET JUGER que cette résiliation est faite aux torts exclusifs de la SAS FAURE et emporte les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
A titre subsidiaire,
DIRE ET JUGER que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause,
DÉCLARER son action en requalification comme recevable et bien fondée car non atteinte par la prescription ;
REQUALIFIER la succession de contrats de missions entre 2001 et 2011 en contrat à durée indéterminée ;
FIXER au passif de la SAS FAURE comme lui revenant les sommes suivantes :
-
315,66 euros au titre des indemnités de repas et de déplacements,
- 2 000 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'information sur les droits acquis en matière de congés payés,
- 11 375,28 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article 1235-3-1 du code du travail suite à la violation par la SAS FAURE de l'article L. 1226-15 du code du travail,
- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts suite à la violation par la SAS FAURE de l'article 1226-12 du code du travail,
- 382,78 euros au titre des congés payés sur préavis,
- 5 019,33 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- 27 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la requalification de la succession de contrats de missions entre 2001 et 2011 en contrat à durée indéterminée ;
ORDONNER la délivrance à son profit par la SAS FAURE du bulletin de salaire afférent aux condamnations prononcées, du certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi et de l'intégralité des bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 80 euros par jour de retard et par document à compter du 10e jour suivant le prononcé de l'arrêt à intervenir, ladite astreinte étant liquidée par la cour ;
FIXER au passif de la SAS FAURE la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens ;
DÉCLARER la décision à intervenir opposable à l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 5], qui sera tenue à garantie dans la limite des plafonds prévus par les articles L 3253-6 et suivants et D 3253-5 et suivants du code du travail, à l'exclusion des sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 5 avril 2022 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SELARL MANDATUM, en qualité de mandataire liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS, sollicite de la cour de :
DIRE ET JUGER RECEVABLE mais non fondé l'appel formé par Monsieur [N] ;
DIRE ET JUGER prescrite l'action en requalification des contrats intérimaires en contrat à durée indéterminée ;
DIRE et JUGER que la saisine datant du 1er février 2016 les demandes relatives périodes antérieures au 1er février 2013 sont prescrites ;
CONSTATER que les manquements reprochés au soutien de la demande de résiliation judiciaire ne sont ni établis ni suffisamment graves pour justifier une résiliation judiciaire ;
CONSTATER que la condition tenant à l'impossibilité de poursuivre le contrat de travail n'est pas satisfaite pour justifier une résiliation judiciaire ;
DÉBOUTER Monsieur [N] de sa demande de résiliation judiciaire et des demandes de condamnation au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en date du 6 novembre 2018 dans toutes ses dispositions ;
DÉBOUTER [U] [N] du surplus de ses demandes en cause d'appel ;
A titre subsidiaire,
DÉBOUTER Monsieur [N] de sa demande de paiement de 27 000 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
RAMENER la somme à de plus justes proportions ;
En tout état de cause,
CONDAMNER Monsieur [N] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens ;
DIRE ET JUGER que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 325321 et L. 3253-15 du code du travail et L. 3253-17 du code du travail ;
DIRE ET JUGER que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
Enfin, par conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2021, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'UNEDIC ' délégation AGS - CGEA D'[Localité 5] sollicite de la cour de :
DIRE ET JUGER non fondé, l'appel formé par Monsieur [N] ;
DIRE ET JUGER irrecevable comme étant prescrite, l'action en requalification des contrats d'intérimaire en contrat à durée indéterminée et confirmer le jugement de ce chef ;
DIRE ET JUGER irrecevable comme étant prescrite, toute action en rappel de salaire et accessoire de salaire pour la période antérieure au 1er février 2013 et confirmer le jugement entrepris en ce que Monsieur [N] en a été débouté ;
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [N] de sa demande de résiliation judiciaire ;
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [N] de l'intégralité de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail ainsi qu'au titre des dommages et intérêts quel qu'en soit le fondement ;
DÉBOUTER Monsieur [N] de l'intégralité de ses demandes à titre de dommages et intérêts ;
Très subsidiairement,
RAMENER ses prétentions à de plus justes proportions dans la limite du quantum du préjudice effectivement démontré ;
STATUER ce qu'il appartiendra quant à la demande à titre d'heures supplémentaires dont il est sollicité la confirmation par l'appelant et au titre des congés payés afférents ;
En tout état de cause,
DIRE ET JUGER qu'elle ne garantit pas l'article 700 du code de procédure civile ;
DIRE ET JUGER qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L. 3253-15 du code du travail et L. 3253-17 du code du travail ;
DIRE ET JUGER que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
LES METTRE hors dépens.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 7 avril 2022, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 18 mai suivant.
SUR CE :
- Sur la requalification des contrats d'intérim en contrat de travail à durée indéterminée :
[U] [N] soutient en substance, à l'appui de sa demande de requalification, que :
- la SAS FAURE, au mépris de l'article L. 1251-5 du code du travail, a eu recours à une succession de contrats de missions, non pour un accroissement temporaire d'activité qui n'a jamais été caractérisé, mais pour pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente de sorte qu'il aurait en réalité dû être embauché en contrat à durée indéterminée à compter du 26 février 2001 ;
- sa demande de requalification et sa demande indemnitaire afférente ne sont pas prescrites dès lors qu'elles étaient soumises à un délai de prescription quinquennal qui avait commencé à courir à la fin du dernier contrat de mission conclu.
La SELARL MANDATUM, en qualité de mandataire liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS, fait valoir en réponse que l'action en requalification du salarié était soumise à une prescription biennale qui commençait à courir à la date de signature du dernier contrat de mission litigieux, de sorte que l'action de [U] [N] est en réalité prescrite.
Enfin, l'AGS soutient en substance à l'appui de ses demandes, que :
- sur l'intégralité de la période comprise entre 2001 et la date d'embauche sous contrat à durée déterminée, les contrats ont été conclus dans le cadre de missions d'intérim, lesquelles sont hors garantie de l'AGS, les contrats étant conclus entre Monsieur [N] et une société d'intérim d'une part, et la société d'intérim et la société entreprise utilisatrice, d'autre part ;
- l'action en requalification, soumise à la prescription biennale, était prescrite à la date de saisine du juge prud'homal.
* * * * *
Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 et antérieure à celle résultant de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Les dispositions de l'article 21 (V) de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi prévoient expressément, à cet égard, que les dispositions ramenant de cinq à deux années le délai de prescription applicable aux actions portant sur l'exécution du contrat de travail, trouvent à s'appliquer aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.
Selon l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d'une action en requalification d'une succession de contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice, fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat, a pour point de départ le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière.
La requalification en contrat à durée indéterminée pouvant porter sur une succession de contrats séparés par des périodes d'inactivité, ces dernières n'ont pas d'effet sur le point de départ du délai de prescription.
Or, il apparaît en l'espèce que [U] [N] a été mis à la disposition de la SAS FAURE REGIS ET FILS en qualité de menuisier, suivants contrats de mission conclus avec les entreprises de travail temporaire HERCO puis ADEQUAT, au cours de la période s'étendant du 26 février 2001 au 28 juillet 2011.
Il apparaît ainsi qu'au 1er février 2016, date à laquelle [U] [N] en a saisi le conseil de prud'hommes en soutenant que la conclusion successive de contrats de mission avait pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, l'action en requalification des contrats de mission souscrits à compter du 26 février 2001 en un contrat à durée indéterminée, était en réalité prescrite.
Le jugement déféré, qui a déclaré irrecevables la demande de requalification de la relation de travail intérimaire en contrat de travail à durée indéterminée avec l'entreprise utilisatrice ainsi que ses demandes de rappel de salaires afférentes, doit donc être confirmé.
- Sur les heures supplémentaires :
[U] [N] fait valoir à l'appui de sa demande de rappel de salaire que l'examen des bulletins de paie et des relevés d'heures qui lui ont été délivrés par son employeur pour l'année 2013, met en évidence qu'il a accompli 93,39 heures supplémentaires qui ne lui ont jamais été payées.
La SELARL MANDATUM, en qualité de mandataire liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS, fait valoir en réponse que :
- l'action en paiement du salaire est prescrite, par application de l'article L. 3245-1 du code du travail, pour la période antérieure au 1er février 2013 ;
- elle ne dispose d'aucun élément sur le temps de travail de [U] [N] pour la période antérieure à la suspension du contrat de travail et s'en remet à la cour.
Enfin, l'AGS soutient en substance à l'appui de ses demandes, que, la saisine étant en date du 1er février 2016, toute demande de rappel d'heures supplémentaires antérieure au 1er février 2013 est irrecevable comme étant prescrite au visa de l'article L. 3245-1 du code du travail ;
* * * * *
L'article L. 3245-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois années à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
L'article 21 (V) de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi prévoit expressément, toutefois, que les dispositions de l'article L. 3245-1 ramenant de cinq à trois années le délai de prescription applicable aux demandes de rappel de salaire trouvent à s'appliquer aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Il ressort ainsi des énonciations qui précèdent qu'au jour où il en a saisi le conseil de prud'hommes, le 1er février 2016, la demande de rappel de salaire formée par [U] [N] au titre des heures supplémentaires effectuées au cours de l'année 2013 n'était nullement atteinte par la prescription.
Il convient de rappeler par ailleurs, sur le fond, qu'aux termes de l'article L. 3171-1, alinéa 1er, du code du travail, l'employeur est tenu d'afficher les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos.
Ainsi, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par son salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme alors sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Et il apparaît en l'espèce que les parties au contrat de travail avaient expressément fixé la durée du travail à « sur la base hebdomadaire de 35 heures, représentant un horaire mensuel de 151,67 heures » (« IV - RÉMUNÉRATION »).
[U] [N] soutient néanmoins qu'il a été amené à effectuer 93,39 heures supplémentaires de travail au cours de la période du 1er janvier au 3 septembre 2013 qui ne lui ont pas été rémunérées, et verse aux débats des relevés hebdomadaires détaillant, pour chaque journée de la période s'étendant du 7 janvier au 3 septembre 2013, les références du chantier et des travaux réalisés, le détail des tâches, le détail des heures d'arrivée, de pause repas, de reprise et de départ du chantier ainsi que le nombre d'heures de travail effectuées.
Pourtant, en dépit de ces indications précises du salarié quant aux heures de travail effectuées au cours de la période considérée, la SELARL MANDATUM, qui critique en qualité de mandataire-liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS les heures de travail prétendument effectuées par [U] [N], ne verse aux débats aucune pièce probante susceptible d'objectiver les heures de travail réellement effectuées par l'intéressé.
Il ressort ainsi de l'examen de l'ensemble des pièces versées aux débats que [U] [N] a effectué 93,39 heures supplémentaires de travail au cours de la période du 1er janvier au 3 septembre 2013, qui ne lui ont pas été rémunérées par son employeur.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS FAURE REGIS ET FILS, à rappel de salaire au profit de [U] [N] au titre des heures supplémentaires effectuées au cours de la période considérée.
- Sur les indemnités de repas et de déplacement :
[U] [N] soutient en substance, à l'appui de sa demande de rappel d'indemnités, que son employeur ne lui a pas versé l'intégralité des indemnités de repas et de déplacement auxquelles il aurait dû pouvoir prétendre par application du titre VIII de la convention collective.
La SELARL MANDATUM, en qualité de mandataire liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS, fait valoir en réponse que l'examen des bulletins de paie délivrés à [U] [N] permet de constater que l'intégralité des déplacements a bien été payée.
Enfin, l'AGS soutient en substance à l'appui de ses demandes, qu'il ressort des explications développées par la société que Monsieur [N] a été payé pour l'intégralité des jours de présence effective, que les primes de repas et de déplacement figurent sur les bulletins de salaire et ont bien été payées.
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L'article L. 3245-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois années à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Et l'article 21 (V) de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi prévoit expressément que les dispositions de l'article L. 3245-1 ramenant de cinq à trois années le délai de prescription applicable aux demandes de rappel de salaire trouvent à s'appliquer aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Il ressort ainsi des énonciations qui précèdent qu'au jour où il en a saisi le conseil de prud'hommes, le 1er février 2016, la demande de rappel de salaire formée par [U] [N] au titre des indemnités de repas et de déplacement lui étant dues était atteinte par la prescription pour la période antérieure au 1er février 2013.
Pour autant, le rapprochement des mentions des relevés d'heures que produit [U] [N] aux débats et des bulletins de paie qui lui ont été délivrés par son employeur au cours des mois de février à septembre 2013 met en évidence que l'ensemble des indemnités conventionnelles de déplacement et de repas dues au salarié au titre de son activité lui ont effectivement été versées.
Il convient, par conséquent, de débouter [U] [N] de la demande qu'il formait de ce chef.
- Sur les congés payés :
[U] [N] soutient en substance, à l'appui de sa demande indemnitaire, que son employeur ne l'a jamais informé sur ses droits acquis en matière de congés payés et ne lui a pas délivré son certificat de congés payés.
La SELARL MANDATUM, en qualité de mandataire liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS, fait valoir en réponse que :
- Monsieur [N] ne démontre ni la faute, ni le préjudice prétendument subi ;
- Monsieur [N] ne démontre pas avoir sollicité de la caisse de congés payés du bâtiment, qui n'est même pas dans la cause, un paiement de congés qui lui aurait été refusé et n'allègue même pas l'existence d'un reliquat.
Enfin, l'AGS soutient en substance à l'appui de ses demandes, que :
- les demandes relatives à la période antérieure au 1er février 2013 sont prescrites et il ne peut être substitué à des périodes de congés payés prescrites, une demande de dommages et intérêts afin d'obvier la question de la prescription ;
- Monsieur [N] ne justifie pas qu'un reliquat de congés payés lui serait dû ;
- la caisse de congés payés du bâtiment n'a jamais été mise en cause afin de lui rendre la décision opposable, alors que la société FAURE REGIS ET FILS avait cotisé pour la période considérée.
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[U] [N], qui soutient que les bulletins de paie lui ayant été délivrés par son employeur ne comportant « aucune mention relative à ses droits acquis en matière de congés payés » et que son employeur ne l'a jamais informé sur ses droits acquis en matière de congés payés et ne lui a pas délivré son certificat de congés payés, s'abstient de décrire, d'expliciter et, a fortiori, de justifier du préjudice dont il sollicite réparation de ce chef.
[U] [N], qui n'évoque aucune difficulté dans l'exécution du contrat de travail ni atteinte à son droit à congés payés, doit par conséquent être débouté de la demande indemnitaire qu'il formait au titre de l'absence d'information relative aux congés payés.
- Sur la résiliation du contrat de travail :
[U] [N] soutient en substance, à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, que la SAS FAURE REGIS ET FILS :
- Ne lui a pas payé l'intégralité de ses heures travaillées ;
- Ne l'a pas indemnisé pour l'intégralité de ses déplacements ;
- Ne l'a pas indemnisé pour l'intégralité de ses repas ;
- Ne lui permettait pas de prendre ses congés payés ou ne lui indemnisait pas ces derniers, et, en tout état de cause, ne l'informait pas sur ses droits acquis en matière de congés payés ;
- Lui délivrait des bulletins de salaire erronés, notamment s'agissant de ses heures de travail, de ses déplacements, de ses repas et de ses congés payés ;
- Enfin et surtout, n'a mené aucune action de prévention suite aux accidents du travail dont il a été victime les 25 juillet 2012 et 3 septembre 2013, n'a jamais respecté les préconisations du médecin du travail suite à la visite de reprise du 25 avril 2014 et a ainsi manqué gravement à son obligation de sécurité de résultat, ce manquement étant directement à l'origine de la dégradation de son état de santé, de son placement en invalidité catégorie 1 le 1er décembre 2016 et de son inaptitude définitive à son poste le 15 juin 2018.
La SELARL MANDATUM, en qualité de mandataire liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS, fait valoir en réponse que le salarié ne démontre aucun manquement de l'employeur à ses obligations découlant du contrat de travail et ne justifie a fortiori d'aucun manquement d'une gravité telle qu'elle aurait empêché la poursuite de la relation de travail.
Enfin, l'AGS soutient en substance à l'appui de ses demandes, que :
- Monsieur [N] ne justifie pas des griefs qu'il invoque au soutien de sa demande ;
- les griefs invoqués se rapportent à des faits anciens qui ne pourraient justifier la résiliation du contrat de travail.
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Il résulte des dispositions des articles 1224 et suivants du code civil que le juge peut, à la demande du salarié, prononcer la résolution du contrat de travail en cas d'inexécution suffisamment grave par l'employeur de tout ou partie des obligations en découlant.
Tout salarié est ainsi recevable à demander la résiliation de son contrat de travail devant le juge prud'homal s'il justifie de manquements de l'employeur aux obligations nées de ce contrat, si leur gravité rend impossible la poursuite de la relation de travail.
Et il ressort en l'espèce des énonciations qui précèdent que :
- [U] [N] a effectué 93,39 heures supplémentaires de travail au cours de la période du 1er février au 3 septembre 2017, qui ne lui ont pas été rémunérées par son employeur, qui reste ainsi débiteur à son égard d'un rappel de salaire à hauteur de 1 664,84 euros, outre congés payés afférents, à ce titre ;
- Les pièces versées aux débats ne permettent pas de considérer que la SAS FAURE REGIS ET FILS resterait débitrice à l'égard de son salarié d'indemnité de déplacement ou d'indemnités de repas ;
- Si la SAS FAURE REGIS ET FILS s'est soustraite au cours de la relation de travail à l'obligation, mise à sa charge par l'article R. 3243-1 du code du travail, de faire apparaître sur les bulletins de paie délivrés à son salarié les dates des congés payés dont il a été amené à bénéficier et le montant de l'indemnité correspondante, les affirmations - générales et non circonstanciées - de [U] [N] selon lesquelles son employeur ne lui permettait pas de prendre ses congés payés ou ne lui indemnisait pas les congés pris, ne sont étayées par aucune pièce probante.
Il convient pour autant de rappeler qu'aux termes des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur est ainsi tenu, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, d'évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des équipements de travail, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Il est en outre tenu, aux termes des dispositions de l'article L. 4141-1 du même code, d'organiser et de dispenser une information aux travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité, et les mesures prises pour y remédier.
L'employeur est également tenu de mettre à la disposition des travailleurs les équipements de travail nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé et leur sécurité.
Et il incombe en cas de litige à l'employeur, tenu d'assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité mise à sa charge par les dispositions précitées, de justifier qu'il a pris les mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.
Or, il apparaît en l'espèce que [U] [N] a été victime d'un accident du travail le 3 septembre 2013 à l'issue duquel il a dû bénéficier d'un arrêt de travail ayant été renouvelé de façon ininterrompue jusqu'au 28 février 2014 à raison d'un « traumatisme cervical et à l'épaule droite suite à un choc direct avec impotence fonctionnelle ».
Par correspondance du 14 février 2014, le médecin du travail a été amené à faire savoir à la SAS FAURE REGIS ET FILS qu'« une reprise est envisageable avec aménagement du poste notamment une aide à la manutention pour une certaine période pour les charges lourdes notamment pour les baies vitrées et les portes d'entrée donc il serait préférable qu'il travaille en binôme ».
Et, par avis du 25 avril 2014 consécutif à la visite de reprise, le médecin du travail a estimé que [U] [N] était apte à la reprise du travail « en binôme pour la manutention lourde », en évitant « les tâches très répétitives toute une journée pour éviter les mêmes postures contraignantes ».
Pourtant, l'employeur ne justifie d'aucune adaptation du poste du travail de [U] [N] à compter de sa reprise du travail le 25 avril 2014, d'aucune évaluation des risques auxquels celui-ci était exposé lors de l'exécution de sa prestation, ni d'aucune mesure effective destinée à préserver son état de santé physique ou psychique, dans la mise à disposition de l'intéressé d'équipements adaptés par exemple.
Or, [U] [N] a dû bénéficier d'un nouvel arrêt de travail à compter du 1er juillet 2014 à raison de rachialgies.
La caisse primaire d'assurance maladie a placé [U] [N] en invalidité de catégorie 1 par décision du 1er décembre 2016.
Et, par correspondance du 20 novembre 2017, le médecin traitant de [U] [N] décrit chez l'intéressé un « tableau de rachialgies chroniques invalidantes d'évolution défavorable malgré les différents soins entrepris », caractérisé par des douleurs invalidantes quotidiennes majorées à la marche et lors de stations debout prolongées, des discopathies avancées de C3 à C6 et une scoliose dorso-lombaire.
Enfin, par avis des 1er décembre 2017 et 15 juin 2018 établis à l'issue des visites de pré-reprise et de reprise, le médecin du travail a estimé [U] [N] définitivement inapte à son poste de travail, en précisant qu'un éventuel reclassement de l'intéressé devrait respecter les restrictions médicales « d'éviter les stations debout prolongées, pas de flexion du tronc, pas de port de charges, éviter les déplacements prolongés ».
[U] [N] a finalement été licencié par la SAS FAURE REGIS ET FILS pour inaptitude et impossibilité de reclassement par correspondance du 16 juillet 2018.
Il apparaît ainsi, au terme de ces énonciations, que le nouvel arrêt de travail dont a dû bénéficier [U] [N] à compter du 1er juillet 2014 a été directement causé, au moins pour partie, par le manquement de la SAS FAURE REGIS ET FILS à son obligation de sécurité et de prévention, qui l'a provoqué.
Et la persistance de ce manquement passée cette date a contribué à rendre impossible la reprise du travail du salarié.
Il ressort ainsi des énonciations qui précèdent que le manquement de la SAS FAURE REGIS ET FILS était d'une gravité telle qu'il empêchait toute poursuite de la relation de travail.
Il convient par conséquent de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail qui liait [U] [N] à la SAS FAURE REGIS ET FILS aux torts de l'employeur, et de dire que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date de la rupture de la relation de travail, soit le 16 juillet 2018, date de son licenciement.
La SAS FAURE REGIS ET FILS doit ainsi être tenue de verser à [U] [N] la somme de 382,78 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice des congés payés afférents à la période de préavis dont il a été indûment privé.
Pour autant, si l'article L. 1251-38 du code du travail prévoit la prise en compte de la durée des missions accomplies au sein de l'entreprise utilisatrice au cours des trois mois précédant son recrutement par cette entreprises, [U] [N] ne peut valablement solliciter la prise en compte, pour le calcul de l'indemnité de licenciement lui étant due, de la durée cumulée des périodes de mise à disposition de la SAS FAURE REGIS ET FILS à compter de sa première embauche en intérim le 26 février 2001, alors ' notamment ' que son embauche en contrat à durée indéterminée est intervenue plus de deux mois après la fin de sa dernière mise à disposition.
Mais, la période d'arrêt de travail dont a dû bénéficier [U] [N] du 1er juillet 2014 à son licenciement le 16 juillet 2018, provoquée par un manquement de l'employeur, doit être assimilée à une période de travail effectif pour le calcul de l'indemnité de licenciement à laquelle peut prétendre l'intéressé.
Il apparaît ainsi que, compte-tenu de l'ancienneté qu'il avait cumulée au service de son employeur, soit quatre années, et du montant de sa rémunération mensuelle brute (soit 1 895,88 euros bruts en moyenne) l'indemnité spéciale de licenciement à laquelle aurait dû pouvoir prétendre [U] [N] par application des dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail s'élevait à la somme de 6 477,59 euros.
La SAS FAURE REGIS ET FILS reste ainsi redevable envers son salarié, compte-tenu de la somme de 3 199,31 euros déjà perçue par l'intéressé à la rupture du contrat de travail, de la somme de 3 278,28 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement.
Enfin, compte-tenu notamment de son ancienneté au service du même employeur, du montant de la rémunération qu'il y percevait, des circonstances de la rupture, et de sa capacité amoindrie à retrouver un emploi stable et de même niveau de rémunération, le préjudice subi par [U] [N] à raison de la rupture injustifiée de son contrat de travail peut être évalué à la somme de 16 000 euros, dont l'employeur lui devra réparation.
[U] [N] doit, néanmoins, être débouté des demandes qu'il formait sur le fondement des dispositions des articles L. 1226-12 et L. 1226-15 du code du travail, qui ne peuvent trouver à s'appliquer qu'à l'occasion des procédures de licenciement mises en 'uvre à l'égard de salariés déclarés inaptes.
- Sur les demandes accessoires :
[U] [N] peut légitimement prétendre à la délivrance, par son employeur, de documents de fin de contrat conformes aux énonciations de la présente décision. Pour autant, les circonstances de l'espèce ne justifient nullement d'assortir d'une astreinte l'injonction faite en ce sens au mandataire-liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS.
La SELARL GLADEL, en qualité de mandataire-liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS, partie perdante au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être condamnée à supporter les dépens de l'instance d'appel.
Et il serait inéquitable, compte-tenu des circonstances de l'espèce tels qu'elles ressortent de l'ensemble des constatations qui précèdent notamment, de laisser à la charge de [U] [N] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS FAURE REGIS ET FILS à lui verser la somme de 1 200 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; sauf à fixer la créance à ce titre au profit du salarié, et, y ajoutant, de condamner la SELARL MANDATUM, en qualité de mandataire-liquidateur de cette société, à verser à l'appelant la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
- Sur la garantie de l'UNEDIC ' DELEGATION AGS-CGEA D'[Localité 5] :
Il ressort des dispositions de l'article L. 3253-1 du code du travail que les créances résultant du contrat de travail sont garanties, y compris en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l'employeur. Les dispositions combinées des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail prévoient ainsi que tout salarié bénéficie d'une assurance pour les sommes qui lui sont dues en exécution ou du fait de la rupture du contrat de travail à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Mais les sommes dues en application de l'article 700 du code de procédure civile, dès lors qu'elles sont nées d'une procédure judiciaire et ne sont pas dues en exécution du contrat de travail, n'entrent pas dans le champ de la garantie due par l'assurance garantie des salaires (AGS), défini par les dispositions précitées.
Il convient de rappeler, enfin, que les créances résultant du contrat de travail doivent en priorité être payées en priorité sur les fonds disponibles de la société placées en liquidation, et ce n'est qu'en leur absence que le représentant des créanciers peut en demander l'avance à l'AGS.
PAR CES MOTIFS :
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté [U] [N] de sa demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes indemnitaires et salariales afférentes ;
CONFIRME le jugement dont appel pour le surplus, sauf à enjoindre à la SELARL GLADEL, ès qualités de mandataire-liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS de procéder à l'inscription au passif de cette société des sommes dues par cette société à [U] [N], de 1 664,84 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et de 166,49 euros bruts au titre des congés payés afférents et de 1 200 euros au titre de l'indemnité de procédure ;
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DÉBOUTE [U] [N] de sa demande de rappel d'indemnités de déplacement et de repas et de sa demande indemnitaire au titre du défaut d'information de l'employeur quant à son droit à congés ;
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail qui liait la SAS FAURE REGIS ET FILS à [U] [N], et en fixe les effets au 16 juillet 2018 ;
ENJOINT à la SELARL MANDATUM, ès qualités de mandataire-liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS de procéder à l'inscription au passif de cette société, au profit de [U] [N], des sommes suivantes :
- trois cent quatre-vingt-deux euros et soixante-dix-huit centimes (382,78 euros) bruts à titre d'indemnité compensatrice des congés payés afférents à la période de préavis,
- trois mille deux cent soixante-dix-huit euros et vingt-huit centimes (3 278,28 euros) à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement,
- seize mille euros (16 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la rupture injustifiée de son contrat de travail,
ENJOINT à la SELARL MANDATUM, ès qualités de mandataire-liquidateur de la SAS FARE REGIS ET FILS, de délivrer à [U] [N] des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation destinée à Pôle Emploi, dernier bulletin de salaire), conformes aux énonciations du présent arrêt ;
DÉBOUTE [U] [N] de sa demande tendant au prononcé d'une astreinte ;
DÉBOUTE la SELARL MANDATUM, ès qualités de mandataire-liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS, de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SELARL MANDATUM, ès qualités de mandataire-liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS, à payer à [U] [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
CONDAMNE la SELARL MANDATUM, ès qualités de mandataire-liquidateur de la SAS FAURE REGIS ET FILS au paiement des dépens de l'instance d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE