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14/09/2022 | FRANCE | N°19/01369

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 14 septembre 2022, 19/01369


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/01369 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MGZH



Société KEVLAR PROTECTION

C/

[B]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Janvier 2019

RG : 18/00201







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022







APPELANTE :



Société KEVLAR PROTECTION

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté

e par Me Fanny CIONCO, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Laurent DUCHARLET de la SELARL LAURENT DUCHARLET, avocat au barreau de TOULOUSE





INTIMÉ :



[V] [B]

né le 04 Février 1971 à [Localité 3] (ALGERIE)

[Adress...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/01369 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MGZH

Société KEVLAR PROTECTION

C/

[B]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Janvier 2019

RG : 18/00201

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

Société KEVLAR PROTECTION

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Fanny CIONCO, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Laurent DUCHARLET de la SELARL LAURENT DUCHARLET, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ :

[V] [B]

né le 04 Février 1971 à [Localité 3] (ALGERIE)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Mai 2022

Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er septembre 2015 à effet du 2 septembre 2015, Monsieur [V] [B] a été embauché par la société KDA Security devenue la société Kevlar Protection, en qualité d'agent de surveillance, catégorie agent d'exploitation, niveau 2, échelon 2, coefficient 120 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Monsieur [B] a été victime d'un accident du travail le 5 décembre 2015 et placé en arrêt de travail.

Par lettre en date du 17 janvier 2017, la société Kevlar Protection a convoqué M. [B] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 31 janvier 2017, puis, le 3 février 2017, elle a licencié le salarié pour faute grave.

Par requête en date du 19 janvier 2018, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de déclarer nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse son licenciement et de condamner la société Kevlar Protection à lui verser diverses sommes à titre d'indemnités et dommages et intérêts consécutifs au licenciement et rappels de salaire, ainsi qu'à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par les manquements de la société.

Par jugement en date du 25 janvier 2019, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement est nul ;

- fixé le salaire de monsieur [V] [B] à 1 538 euros;

En conséquence,

- condamné la société Kevlar Protection à payer à Monsieur [V] [B] les sommes suivantes :

1 538 euros à titre de préavis, outre 153,80 euros euros à titre de congés payés afférents;

461 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

2 381 euros à titre de rappel de salaire du 16/12/2016 au 03/02/2017 , outre

238 euros de congés payés afférents ;

500 euros pour non respect des visites médicales ;

500 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de plan d'évaluation et de prévention des risques ;

500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail;

9 300 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

- condamné la société Kevlar Protection à payer à Maître [O] [F] la somme de 1 300 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10/07/91 relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile (alinéa2 )

- ordonné la remise des documents de rupture et des bulletins de salaires rectifiés en fonction du jugement, avec une astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 30ème jour après la notification du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte.

- prononcé l'exécution provisoire de l'entier jugement en application de l'article 515 du code de procédure civile.

- débouté les deux parties de toutes les demandes plus amples ou contraires.

- condamné la société Kevlar Protection aux dépens.

La société Kevlar Protection a interjeté appel de ce jugement, le 20 février 2019.

Elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de dire que la procédure de licenciement pour faute grave de monsieur [V] [B] est régulière dans la forme et fondée sur le fond,

- de débouter en conséquence, monsieur [V] [B] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner monsieur [V] [B] à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient :

- que la suspension du contrat de M. [B] ne l'empêchait pas de le rompre si cette rupture reposait sur une faute grave du salarié ou sur un motif étranger à sa situation médicale rendant impossible son maintien dans l'entreprise

- qu'elle a rompu le contrat de travail de M. [B] en raison de son absence de présentation au siège le 16 décembre 2016 et de son silence sur les motifs de cette absence, que cette situation l'a empêchée d'organiser une visite de reprise et que ces faits constituent bel et bien une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail de M. [B] durant la suspension de son contrat de travail.

M. [B] demande à la cour :

- de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse et le montant des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

statuant à nouveau,

- de condamner la société Kevlar Protection à lui payer les sommes suivantes:

23 070 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse

5 000 euros nets de dommages et intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail

- de dire que les condamnations emportent intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes (article 1231 -7 du code civil)

- d'ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil

- de condamner la société Kevlar Protection à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure

- de condamner la société Kevlar Protection aux dépens.

Il soutient :

- qu'il n'a bénéficié d'aucune visite médicale de reprise à la suite de son arrêt de

travail de plusieurs mois, ce qui a prolongé la suspension de son contrat de travail

- qu'aucun planning ne lui a été adressé à l'issue de son arrêt de travail

- que l'employeur a voulu lui faire signer une rupture conventionnelle le 1er février 2017 en lui indiquant qu'il n'avait plus de travail à lui fournir.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022.

SUR CE :

Sur le licenciement

L'article L1226-7 du code du travail énonce que le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle, est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.

En application de l'article L1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

Selon l'article L 1226-13 de ce code, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L1226-9 et L1226-18 est nulle.

Le salarié produit quatre certificats de prolongation de ses arrêts de travail consécutifs à un accident du travail, le dernier jusqu'au 15 septembre 2016.

En l'absence de visite de reprise postérieurement à la date du 21 décembre 2016, le contrat de travail du salarié était toujours suspendu à la suite de l'accident du travail dont il avait été victime, lorsque l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, par lettre du 17 janvier 2017, puis l'a licencié pour faute grave au motif de son absence injustifiée prolongée irrégulière et de son abandon de poste à compter du 21 décembre 2016.

Dès lors, l'absence du salarié à son poste de travail ne peut être qualifiée de faute grave et le licenciement du salarié est nul.

A défaut de réintégration, le salarié a droit aux indemnités de rupture et à une indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du même code dans sa rédaction applicable au litige.

En vertu de l'article L1226-7 dernier alinéa, la durée des périodes de suspension est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l'ancienneté dans l'entreprise.

Le salarié est dès lors fondé à solliciter une indemnité de licenciement, en application de l'article L1234-9 ancien du code du travail, puisqu'il disposait d'une ancienneté d'un an et sept mois à la date de la rupture du contrat, ainsi qu'une indemnité compensatrice de préavis d'un mois, en application de l'article L1234-1 du même code.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société à payer au salarié, sur la base d'un salaire mensuel brut de 1538 euros, les sommes suivantes :

- 1538 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 153,80 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents

- 461 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 2 381 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 16 décembre 2016 au 3 février 2017,

ces sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2018, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la société à payer au salarié la somme de 9 300 euros en réparation du préjudice qui lui a été causé par la rupture illicite de son contrat de travail, lequel a exactement été apprécié par les premiers juges, au vu notamment de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, de son âge à la date de la rupture (46 ans) et de ce qu'il a dû être indemnisé par Pôle emploi du 19 juillet 2018 au 30 juin 2019.

Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement qui a fixé la créance indemnitaire.

L'article1343-2 nouveau du code civil prévoit que les intérêts échus dûs au moins pour une année entière produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

Il n'y a pas lieu en l'espèce de faire droit à cette demande.

Sur l'exécution du contrat de travail

Les premiers juges, après avoir relevé que l'employeur ne justifiait pas avoir respecté ses obligations en matière de visite médicale d'embauche et de reprise et ne démontrait pas avoir établi un document unique mentionnant les résultats de l'évaluation des risques professionnels dans l'entreprise, ont condamné la société à payer au salarié des dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par ces deux manquements, au motif que tout manquement de l'employeur constitue une faute causant un préjudice au salarié.

Ils ont également condamné la société à payer au salarié une somme de 500 euros à titre de dommage et intérêts au motif que M. [B] n'avait pas reçu de planning de travail, ce qui caractérisait une exécution fautive du contrat pour absence de fourniture de travail.

La société fait valoir que :

- le salarié ne rapporte pas la preuve de ce qu'il a subi un préjudice résultant de l'absence de visite médicale d'embauche et de reprise et un préjudice résultant de l'absence d'un plan de prévention et d'évaluation des risques

- en ce qui concerne l'exécution fautive du contrat, M. [B] ne fournit pas la preuve d'un préjudice résultant de cette exécution et le conseil de prud'hommes a déjà indemnisé les absences de visites médicales et de plan de prévention des risques.

Le salarié demande la confirmation du jugement qui a condamné l'employeur à lui verser des dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales du travail et absence de plan de prévention et d'évaluation des risques professionnels et l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité son indemnisation au titre de l'exécution fautive du contrat de travail.

Or, il ne caractérise pas les préjudices personnellement subis en lien avec les manquements commis par l'employeur qui ne lui a pas fait passer de visite médicale d'embauche et qui n'a pas élaboré de document unique d'évaluation des risques.

Le salarié invoque en outre au soutien de sa demande fondée sur l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur les manquements suivants de ce dernier :

- refus de le faire bénéficier d'une visite de reprise

- refus de lui fournir du travail

- non-paiement du salaire lors de l'absence de fourniture du travail

- volonté de lui faire signer une rupture conventionnelle parallèlement à la procédure de licenciement pour lui mettre la pression.

En l'absence d'organisation d'une visite de reprise à l'expiration de l'arrêt de travail du salarié, le contrat de travail était toujours suspendu et le salarié ne pouvait pas travailler.

Or, le salarié ne démontre pas avoir subi un préjudice résultant de l'absence de visite médicale de reprise, ni de préjudice distinct de celui qui se trouve réparé par le paiement des intérêts de retard sur le rappel de salaire alloué pour la période du 16 décembre 2016 au 3 février 2017.

Par ailleurs, il ne justifie pas de la réalité des pressions subies de l'employeur pour l'inciter à accepter la rupture conventionnelle du contrat de travail qu'il lui a proposée.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de rejeter les demandes en paiement de dommages et intérêts faites par le salarié au titre de l'exécution de son contrat de travail et tirées du non-respect par l'employeur des visites médicales du travail et de l'absence de plan de prévention et d'évaluation des risques professionnels.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à remettre au salarié les documents de rupture rectifiés au vu de la décision.

Il y a lieu toutefois, infirmant le jugement, de dire que le point de départ de la remise sera fixé à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la signification du présent arrêt, de supprimer l'astreinte ordonnée par les premiers juges et de dire que l'employeur devra remettre au salarié un seul bulletin de salaire correspondant au rappel de salaire ordonné.

La société, dont le recours est rejeté pour l'essentiel, doit être condamnée aux dépens d'appel et à payer au salarié la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société Kevlar Protection à payer à M. [B] des dommages et intérêts au titre de l'exécution de son contrat de travail et tirées du non-respect par l'employeur des visites médicales du travail et de l'absence de plan de prévention et d'évaluation des risques professionnels, et sauf en ce qui concerne le point de départ de la remise des documents de fin de contrat et du bulletin de salaire et en ce qu'il a fixé une astreinte assortissant cette obligation

STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés,

REJETTE les demandes en paiement de dommages et intérêts au titre de l'exécution du contrat de travail et tirées du non-respect par l'employeur des visites médicales du travail et de l'absence de plan de prévention et d'évaluation des risques professionnels formées par M. [B]

DIT que l'employeur devra remettre au salarié les documents de fin de contrat rectifiés et un bulletin de salaire correspondant au rappel de salaire ordonné, dans le délai de quinze jours suivant la signification du présent arrêt

REJETTE la demande de fixation d'une astreinte

Y AJOUTANT,

DIT que les condamnations au paiement des créances salariales porteront intérêt à compter du 24 janvier 2018

DIT que la condamnation au paiement de dommages et intérêts au titre de l'illicéité du licenciement portera intérêt à compter de la date du jugement

REJETTE la demande de capitalisation des intérêts

CONDAMNE la société Kevlar Protection aux dépens d'appel

CONDAMNE la société Kevlar Protection à payer à M. [B] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/01369
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;19.01369 ?
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