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14/09/2022 | FRANCE | N°19/01310

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 14 septembre 2022, 19/01310


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/01310 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MGU4



[S]

C/

Association HABITAT ET HUMANISME RHÔNE



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Février 2019

RG : F17/03137



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022







APPELANTE :



[H] [S]

née le 16 Mai 1968 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]




représentée par Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Mélanie TASTEVIN, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Association HABITAT ET HUMANISME RHÔNE

[Adresse 4]

...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/01310 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MGU4

[S]

C/

Association HABITAT ET HUMANISME RHÔNE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Février 2019

RG : F17/03137

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

[H] [S]

née le 16 Mai 1968 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Mélanie TASTEVIN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Association HABITAT ET HUMANISME RHÔNE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Céline VIEU DEL-BOVE de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Audrey LALLEMAND, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Mai 2022

Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [H] [S] a été embauchée par l'association Habitat et Humanisme du Rhône, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3 février 2014, en qualité de directrice des ressources humaines de l'union économique et sociale (UES), statut cadre, position 5.1, échelon 410 de la convention collective nationale de la promotion-construction du 18 mai 1988.

Par lettre en date du 26 mars 2017, Mme [S] a fait part de son souhait de quitter l'association dans le cadre d'une rupture conventionnelle.

Le directeur général de l'association a accepté cette demande, le 28 mars 2017.

Par lettre remise en mains propres le 30 mars 2017, Mme [S] a été convoquée à un entretien fixé au 10 avril 2017.

La convention de rupture conventionnelle datée du 3 avril 2017 a été homologuée par la DIRECCTE, le 3 mai 2017.

Par requête en date du 27 septembre 2017, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de dire que la rupture conventionnelle est nulle et de condamner l'association à lui verser une indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 7 février 2019, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé valide la convention de rupture conventionnelle homologuée le 3 mai 2017.

- débouté madame [H] [S] de l'ensemble de ses demandes.

- débouté les deux parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné madame [H] [S] aux dépens.

Madame [S] a interjeté appel de ce jugement, le 20 février 2019.

Elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement prud'homal sur les chefs de jugement critiqués visés dans la déclaration d'appel ;

statuant à nouveau :

- de dire que la rupture conventionnelle signée le 3 avril 2017 est nulle ;

- de condamner l'association Habitat et Humanisme du Rhône à lui payer les sommes suivantes:

*13 275,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 327,54 euros de congés payés afférents ;

* 26 550 euros à titre d'indemnité de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- de dire que le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle et celui de l'indemnité de licenciement sont identiques ;

En conséquence,

- de dire n'y avoir lieu à restitution de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle et à condamnation au paiement de l'indemnité de licenciement ;

- de condamner l'association Habitat et Humanisme du Rhône à lui remettre une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectifiés, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 15 ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

- de se réserver le droit de liquider l'astreinte prononcée ;

- de débouter l'association Habitat et Humanisme du Rhône de toutes ses demandes contraires;

- de fixer son salaire de référence à la somme de 4 425,16 euros ;

- de dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal ;

- de condamner l'association Habitat et Humanisme du Rhône à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient en substance :

- que la rencontre du 3 avril 2017 ne peut pas être analysée comme un entretien au cours duquel les parties au contrat ont convenu des modalités et des conditions de la rupture du contrat, puisque l'employeur a usé de man'uvres et a joué sur « l'effet de surprise » pour la contraindre à signer un formulaire incomplet lors d'une rencontre informelle dont la date a été avancée sans qu'elle en soit informée, ce qui l'a empêchée de se faire assister ou de bénéficier d'un délai de réflexion

- que le formulaire dont elle dispose n'est pas un original, qu'il ne comporte aucune mention sur l'assistance des parties au prétendu entretien qui se serait tenu le 3 avril 2017, aucune mention sur le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, aucune signature de l'employeur, ce qui emporte de plein droit la nullité de la rupture conventionnelle

- que le formulaire cerfa a été réceptionné par la Direccte le 19 avril 2017 ce qui signifie que la demande a été adressée, à tout le moins, le 18 avril 2017, soit avant l'expiration du délai de rétractation.

L'association Habitat et Humanisme du Rhône demande à la cour :

- de confirmer le jugement

à titre subsidiaire,

- d'ordonner le remboursement de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;

à titre très subsidiaire,

- d'ordonner compensation entre les sommes auxquelles seront condamnées les parties et l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;

en tout état de cause,

- de condamner madame [S] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient en substance :

- que, compte tenu de ses fonctions et de ses compétences, Mme [S] a donné son consentement de manière libre et éclairée

- que Mme [S] a été destinataire d'une convention de rupture complète après l'entretien du 3 avril 2017, que le formulaire incomplet qu'elle verse aux débats est en réalité un projet de convention qui lui a été soumis en sa qualité de directrice ressources humaines de l'association

- que Mme [S] était informée de la date à laquelle son entretien a été avancé, de sorte qu'il n'y a pas eu « d'effet de surprise » et encore moins de demande qui lui a été faite de « partir sur le champ », mais que l'entretien s'est déroulé le 3 avril 2017 comme en avaient convenu les parties

- qu'il n'existe aucune disposition légale qui impose un délai de réflexion avant la signature d'une convention de rupture conventionnelle

- qu'elle a déposé le formulaire de rupture conventionnelle directement auprès des services de la Direccte, comme elle avait l'habitude de le faire, et que si les services de la Direccte avaient eu un doute sur la régularité de la procédure, ils n'auraient pas homologué la rupture conventionnelle.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022.

SUR CE :

L'article L. 1237-11 du code du travail énonce que les parties au contrat peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie, que la rupture conventionnelle exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties, qu'elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat et qu'elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

L'article L1237-13 du code du travail fait bénéficier les parties d'un droit de rétractation à exercer dans un délai de quinze jours calendaires à compter de la date de signature par les deux parties.

En application de l'article L1237-14 du code du travail, à l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture.

Il résulte de ces dispositions que le salarié doit se voir remettre un exemplaire de la convention de rupture, sous peine de nullité de la convention.

En effet, seule la remise au salarié d'un exemplaire de la convention signé des deux parties permet à celui-ci de demander l'homologation de la convention dans les conditions prévues par l'article L1237-14 du code du travail et d'exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause.

Mme [S] produit un exemplaire du formulaire Cerfa de rupture conventionnelle portant la mention que le premier entretien a eu lieu le 3 avril 2017 et comportant sa signature à la date du 3 avril 2017.

Cet exemplaire n'est pas revêtu de la signature de l'employeur, le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle n'y figure pas et les cases relatives à l'assistance du salarié et de l'employeur lors du premier entretien ne sont pas cochées.

Sur l'exemplaire dudit formulaire produit par l'association sont apposées la signature de Mme [S] à la date du 3 avril 2017 et celle de l'employeur à la même date du 3 avril 2017. Le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle est précisé (3 617,57 euros) et les cases 'non' sont cochées en ce qui concerne l'assistance du salarié et de l'employeur à la date du premier entretien du 3 avril 2017.

Mais l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la remise à Mme [S] le 3 avril 2017 de l'exemplaire de la convention de rupture signé par lui et intégralement rempli.

Pour ce seul motif, la convention de rupture doit être déclarée nulle, contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes et la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec effet à la date du 10 mai 2017.

Il convient en conséquence de condamner l'employeur à verser à la salariée sur la base d'un salaire mensuel brut de 4.425,16 euros les sommes de 13 275,48 euros à titre d'indemnité compensatrice du préavis conventionnel de trois mois et 1 327,55 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'association (supérieur à 50), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [S], de son âge (50 ans), de son ancienneté de trois ans et trois mois dans l'association et du fait qu'elle a retrouvé un emploi de directrice des ressources humaines à durée déterminée postérieurement à la rupture, il convient de condamner l'employeur à lui verser la somme de 26 550 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la nullité de la rupture conventionnelle, en application de l'article L.1235-3 ancien du code du travail.

La nullité de la convention de rupture ayant pour effet de remettre les parties en l'état antérieur, la salariée peut prétendre à l'indemnité légale de licenciement, dont le montant est égal en l'espèce à celui de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle perçue par Mme [S].

Il convient de rejeter la demande de l'employeur en restitution de la somme de 3 617,57 euros versée à ce titre à la salariée et par voie de conséquence, de rejeter la demande aux fins de compensation avec les condamnations prononcées par le présent arrêt.

L'association Habitat et Humanisme du Rhône sera condamnée à remettre à Mme [S] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation du prononcé d'une astreinte.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 ancien du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée après la rupture, dans la limite d'un mois d'indemnités.

L'association Habitat et humanisme Rhône, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à Mme [S] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement

Statuant à nouveau,

DIT que la convention de rupture du 3 avril 2017 est nulle

DIT que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec effet au 10 mai 2017

CONDAMNE l'association Habitat et Humanisme du Rhône à payer à Mme [S] les sommes suivantes :

- 13 275,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 327,55 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents

- 26 550 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture

REJETTE la demande en restitution de la somme de 3 617,57 euros formée par l'association Habitat et Humanisme du Rhône et la demande aux fins de compensation de ladite somme avec les condamnations prononcées par le présent arrêt

CONDAMNE l'association Habitat et Humanisme du Rhône à remettre à Mme [S] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt

REJETTE la demande en fixation d'une astreinte

CONDAMNE l'association Habitat et Humanisme du Rhône à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée après la rupture, dans la limite d'un mois d'indemnités

CONDAMNE l'association Habitat et Humanisme du Rhône aux dépens de première instance et d'appel

CONDAMNE l'association Habitat et Humanisme du Rhône à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/01310
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;19.01310 ?
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