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14/09/2022 | FRANCE | N°19/00377

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 14 septembre 2022, 19/00377


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/00377 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MEQJ



Association ADAPEI 69

C/

[W]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 21 Décembre 2018

RG : 18/01238

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022









APPELANTE :



ADAPEI 69

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUI

RAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Nazanine FARZAM-ROCHON de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



[J] [W]

née le 06 Mars 1977 à [Loca...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/00377 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MEQJ

Association ADAPEI 69

C/

[W]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 21 Décembre 2018

RG : 18/01238

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

ADAPEI 69

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Nazanine FARZAM-ROCHON de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[J] [W]

née le 06 Mars 1977 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Nora TAOULI, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/024350 du 19/09/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

L'association ADAPEI a embauché Madame [J] [W] par contrat à durée déterminée pour la période du 18 au 22 mai 2015, en remplacement partiel d'une salariée absente.

A compter du 25 mai 2015 jusqu'au 28 octobre 2017, l'association a consenti à la salariée 141 autres contrats à durée déterminée, ayant pour motif le remplacement de salariés absents.

Par requête du 30 avril 2018, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de LYON en lui demandant de prononcer la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et de condamner l'association à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, indemnités et dommages et intérêts consécutifs au licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par le non-respect des dispositions relatives à la médecine du travail et le non-respect des dispositions relatives à l'entretien professionnel.

Par jugement du 21 décembre 2018, le conseil de prud'hommes a :

- dit que l'action en requalification de Madame [J] [W] des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée est prescrite pour les contrats signés avant le 30 avril 2016 ;

- dit que le contrat à durée déterminée du 28 octobre 2017 doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ;

- fixé le salaire mensuel moyen brut de Madame [J] [W] à 1 931,26 euros ;

- dit que l'ancienneté de Madame [J] [W] est fixée au premier jour du contrat de travail à durée déterminée irrégulier du 28 octobre 2017, soit un jour d'ancienneté ;

en conséquence,

- condamné l'Association ADAPEI du Rhône à verser à Madame [J] [W] les sommes suivantes :

- 1 931,26 euros à titre d'indemnité de requalification ;

- 1 931,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 193,12 euros au titre des congés payés afférents au préavis ;

- 5 793,78 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 931,26 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

- 127,93 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la Médecine du Travail ;

- condamné l'Association ADAPEI du RHONE à verser à Maître Nora TAOULI la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile ;

- donné acte à Maître Nora TAOULI, avocat de Madame [J] [W], de ce qu'elle s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si, dans les 12 mois à compter du jour où la présente décision est passée en force de chose jugée, elle parvient à recouvrer auprès de la partie défenderesse la somme allouée et si cette somme est supérieure à |'indemnité qui aurait été versée au titre de l'aide juridictionnelle ;

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes;

- rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R.1454-28 du Code du Travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail...), ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R.1454-14 du Code du Travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois doit être fixée à la somme de 1 931,26 euros ;

- rappelé que les intérêts courent de plein droit aux taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées ;

- condamné l'Association ADAPEI du Rhône aux dépens.

L'association ADAPEI a interjeté appel de ce jugement, le 17 janvier 2019.

Le conseil de prud'hommes ayant écarté l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relatives au barème d'indemnisation, la cour d'appel a transmis le dossier pour avis, le 21 mars 2019, à Mme la Procureure Générale.

Par avis du 20 août 2019, Mme la Procureure Générale estime qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté les barèmes d'indemnisation fixés par l'article L. 1235-3 du code du travail, compte tenu des avis n°15012 et 15013 du 17 juillet 2017 rendus par la cour de cassation réunie en formation plénière.

L'association ADAPEI demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

*considéré que l'action en requalification des contrats de travail à durée déterminée conclus entre le 18 mai 2015 et le 30 avril 2016 était prescrite ;

*rejeté la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée du 4 mai 2016 au 23 octobre 2017 en un contrat de travail à durée indéterminée;

*rejeté la demande de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives à l'entretien professionnel ;

- d'infirmer le jugement :

*en ce qu'il a considéré que le contrat à durée déterminée du 28 octobre 2017 devait être requalifié en contrat à durée indéterminée ;

*en ce qu'il l'a condamnée à verser à Madame [W] les sommes suivantes :

- 1 931,26 euros à titre d'indemnité de requalification ;

- 1 931,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 193,12 euros au titre des congés payés afférents ;

- 5 793,78 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 931,26 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

- 127,93 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la médecine du travail ;

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- de débouter Madame [W] de l'intégralité de ses demandes ;

en tout état de cause,

- de condamner Madame [W] à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir :

- que l'action en requalification des contrats de travail à durée déterminée introduite par la salariée ne peut porter que sur les contrats de travail conclus à compter du 30 avril 2016 et qu'aucune irrégularité ne peut être retenue s'agissant des contrats à durée déterminée conclus sur la période du 18 mai 2015 au 28 octobre 2017 ;

- que les contrats à durée déterminée comportent la définition précise de leur motif et répondent parfaitement aux conditions légales de validité, qu'en effet, chacun d'entre eux avait pour objet de remplacer un salarié nommément désigné, qu'il s'agissait d'absences imprévisibles, que l'absence des salariés remplacés sur toute la période d'emploi est justifiée par les pièces qu'elle verse aux débats et que les contrats n'ont jamais eu pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise, mais poursuivaient des objectifs légitimes de politique sociale en permettant de garantir l'effectivité des droits à congés des salariés remplacés ;

- qu'un contrat de travail signé par le directeur, M. [I], a été remis à la salariée le 26 octobre 2017 pour la journée du 28 octobre 2017, mais que cette dernière a refusé de le signer et l'a abusivement retenu dans le seul but de pouvoir en soulever ultérieurement l'irrégularité, que le courrier de la salariée en date du 7 décembre 2017 démontre qu'un contrat lui avait bien été remis pour la journée litigieuse;

- que le caractère prétendument non-écrit du contrat du 28 octobre ne saurait quoi qu'il en soit emporter la requalification de l'ensemble de la relation de travail depuis le 18 mai 2015 et qu'il y aurait simplement lieu en ce cas de retenir une ancienneté d'une journée et d'en tirer les conséquences en ce qui concerne les conséquences pécuniaires de la rupture

- que la salariée n'établit pas le moindre préjudice résultant du prétendu non-respect des règles relatives à la médecine du travail

- que la salariée ne saurait raisonnablement prétendre qu'elle aurait dû bénéficier d'un entretien professionnel, alors qu'elle ne comptabilisait même pas deux années de fonctions au sein de l'association et qu'elle n'établit en tout état de cause pas le moindre préjudice résultant de cette prétendue carence.

Mme [W] demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris :

* en ce qu'il a ordonné la requalification de sa relation de travail avec l'ADAPEI du Rhône pour la journée du 28 octobre 2017 ;

* en ce qu'il a écarté les barèmes d'indemnisation fixés par l'article L. 1235-3 du Code du travail ;

* en ce qu'il a condamné l'Association ADAPEI du Rhône à lui verser la somme de 1 931,26 euros à titre d'indemnité de requalification ;

* en ce qu'il a condamné l'Association ADAPEI du Rhône à verser à son avocat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile ;

- de l'infirmer pour le surplus ;

- d'ordonner la requalification de la relation de travail entre elle et l'ADAPEI du Rhône en contrat à durée indéterminée ;

- de condamner l'Association ADAPEI DU RHONE à lui verser les sommes suivantes :

- 3 881,92 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 388,19 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 348,66 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 13 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la médecine du travail,

- 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à l'entretien professionnel,

y ajoutant,

- de condamner l'Association ADAPEI du Rhône à verser à Maître TAOULI la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 2° du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- que son action en requalification qui repose sur deux fondements distincts n'est pas prescrite  puisque :

* en ce qui concerne sa contestation de la validité du motif de recours, le point de départ de la prescription de deux ans est le terme du dernier contrat, soit le 26 octobre 2017

* en ce qui concerne l'absence de contrat écrit pour la journée du 28 octobre 2017, le point de départ de la prescription de deux ans est la date à laquelle elle a constaté l'irrégularité de ce contrat, soit le 28 octobre 2017 

- qu'elle a cumulé sans interruption plus d'une centaine de contrats de travail à durée déterminée, que le recours à ces contrats avait pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et que l'association n'a pas justifié de la réalité du motif de recours pour les contrats souscrits pendant la période du 18 mai 2015 au 31 décembre 2016, ni pour de nombreux contrats conclus en 2016 et 2017 ;

- qu'elle a travaillé le 28 octobre 2017 sans qu'aucun contrat de travail ait été établi par l'association, qui ne justifie pas lui avoir remis de contrat écrit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 mars 2022.

SUR CE :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Le point de départ du délai de prescription d'une action en requalification de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée fondée sur la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée indiqué sur le contrat est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.

En l'espèce, compte-tenu du fondement de l'action engagée par Mme [W], le point de départ du délai de prescription pour les contrats souscrits du 18 mai 2015 au 28 octobre 2017 est le terme de ce dernier contrat, à savoir le 28 octobre 2017.

L'action en requalification des contrats souscrits à compter du 18 mai 2015, engagée le 30 avril 2018 par Mme [W], n'est pas prescrite.

Il convient d'infirmer le jugement qui a déclaré prescrite l'action en requalification des contrats à durée déterminée souscrits avant le 30 avril 2016.

Sur la demande en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

En vertu de l'article L1242-1 du code du travail, « un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ».

L'article L. 1242-2 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 22 septembre 2017, dispose que sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans certains cas limitativement énumérés, notamment le remplacement d'un salarié en cas d'absence ou de suspension de son contrat de travail et l'accroissement temporaire d'activité de l'entreprise.

En application des articles L. 1244-1 et L. 1244-4 alors applicables, les dispositions de l'article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu en cas, notamment, de remplacement d'un salarié absent ou d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu et le délai de carence n'est pas applicable lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé.

En application de l'article L. 1245-1, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 et L. 1242-2.

L'association ADAPEI a consenti à Mme [W] 141 contrats à durée déterminée pour pourvoir au remplacement de salariés absents :

- en raison de leur congé maladie,

- en raison de leurs congés payés,

- en raison de leur participation à une formation.

L'association ne produit pas aux débats les justificatifs des absences des salariés remplacés pour les contrats souscrits antérieurement au 4 mai 2016 et, comme le relève Mme [W] dans ses conclusions, ne justifie pas non plus de la réalité des absences des salariés mentionnés sur certains contrats postérieurs à cette date.

Par ailleurs, les contrats de travail conclus pour une durée comprise entre une journée et onze jours, le plus souvent deux ou trois jours, se sont succédé de manière quasiment ininterrompue sur une période de deux ans et cinq mois.

La salariée a conservé le même indice et le même salaire quel que soit le remplacement assuré et a occupé essentiellement le même emploi intitulé « remplacement éducatif non qualifié », bien qu'ayant assuré par exemple le remplacement d'un animateur de 1ère catégorie, d'un 'AMP' pour adultes, d'un aide-soignant, d'un animateur de 2ème catégorie.

La salariée démontre ainsi que les contrats à durée déterminée ont eu pour objet de satisfaire à un besoin structurel de main d''uvre, en pourvoyant durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'association.

Il convient de requalifier les contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 18 mai 2015.

L'article L. 1245-2 du code du travail énonce que si le juge fait droit à la demande de requalification du salarié, il lui alloue une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Mme [W] indique que son salaire moyen s'élève à 1940,96 euros (cumul brut octobre 2017 19409,64/10 mois) en se fondant sur l'attestation délivrée par l'association selon laquelle elle a occupé la fonction ou l'emploi de remplaçante éducative non qualifiée et est employée depuis le 18 mai 2015 jusqu'à ce jour, variable selon les périodes mais très proche du temps plein, mais demande la confirmation du jugement qui a condamné l'association à lui verser une indemnité de requalification d'un montant de 1 931,26 euros

L'association estime que le salaire à prendre en compte est celui d'octobre 2017, soit une somme totale de 1 569,52 euros bruts.

Il résulte de l'article L1245-2 que le montant minimum de l'indemnité de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est calculé selon la dernière moyenne de salaire mensuel et non sur le dernier salaire mensuel perçu.

Conformément à la demande de Mme [W], il convient de confirmer le jugement qui a condamné l'association à lui verser une indemnité de requalification d'un montant de 1 931,26 euros.

La seule survenance du terme du contrat à durée déterminée ne peut constituer un motif de licenciement réel et sérieux.

La cessation du contrat requalifié en contrat à durée indéterminée sans motif et sans respect de la procédure de licenciement doit être analysée en une rupture abusive, avec effet à la date du 28 octobre 2017, terme du dernier contrat.

A cette date, l'ancienneté de Mme [W] s'élevait à deux ans et cinq mois.

L'article 16 de la Convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 prévoit un délai de préavis d'une durée de 2 mois pour les salariés « comptant 2 ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur ».

Il convient en conséquence de condamner l'association à payer à Mme [W] la somme de 3881,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 388,19 euros au titre des congés payés afférents, sur la base de son salaire mensuel brut de 1 940,96 euros.

En vertu de l'article 17 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, pour les salariés ayant plus de deux ans d'ancienneté, l'indemnité de licenciement est égale à un demi-mois de salaire par année d'ancienneté dans la limite d'une somme égale à 6 mois de salaire.

Il y a lieu de condamner l'association ADAPEI à payer à Mme [W] la somme de 2 348,56 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (1 940,96 /2 x 2 + 1 940,96 /2 x 5/12).

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la perte d'emploi, d'une part, les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi, d'autre part, le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n°158 de l'Organisation internationale du travail.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

Par ailleurs, les dispositions de la Charte sociale européenne n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail.

Mme [W] peut prétendre à une indemnité minimale équivalant à trois mois de salaire bruts et à une indemnité maximale équivalant à trois mois et demi de salaire brut.

Elle justifie avoir exercé des missions intérimaires à temps partiel de 2019 à mars 2020, puis à compter de septembre 2020.

Il convient de condamner l'association à lui payer la somme de 6 793,36 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture injustifiée de son contrat de travail.

Mme [W] sollicite en outre des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de ce que, lorsqu'elle a sollicité l'employeur dont elle était sans nouvelles pour travailler, celui-ci a refusé de lui fournir du travail et lui a annoncé de façon brutale la fin de leur collaboration, sans lui donner d'explication, ce qui l'a placée dans une situation délicate, puisqu'elle a été privée d'emploi et de tout contact avec les résidents dont elle s'occupait auxquels elle n'a pas pu dire au revoir.

Toutefois, Mme [W] ne justifie pas avoir subi, en raison de la non poursuite de son contrat, un préjudice distinct de celui qui se trouve réparé par les dommages et intérêts alloués au titre de la perte de l'emploi.

Il convient de rejeter ce chef de demande et d'infirmer le jugement qui l'a accueilli.

Sur la visite médicale d'embauche

Mme [W] fait valoir qu'elle travaillait auprès de jeunes adultes autistes et handicapés mentaux profonds ou sévères et que, compte-tenu de cette situation professionnelle particulière, il aurait été utile qu'elle bénéficie des informations du médecin du travail quant aux risques inhérents à son activité professionnelle et de ses conseils avisés pour les prévenir.

Il résulte des dispositions conjuguées des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date du litige, que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

En application de l'article R. 4624-10 ancien du code du travail, l'employeur est tenu de faire bénéficier son salarié d'un examen médical par le médecin du travail avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai

Mme [W] n'a fait l'objet d'aucune visite médicale par le médecin du travail au moment de son embauche, ce qui n'est pas discuté par l'association.

Toutefois, la salariée ne démontre pas avoir subi un préjudice en lien avec ce manquement.

Il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par Mme [W] à ce titre et d'infirmer le jugement qui l'a accueillie.

Sur l'entretien professionnel

Mme [W] expose qu'elle a été privée de la possibilité d'échanger avec son employeur sur son évolution au sein de l'association ou sur le suivi d'une éventuelle formation qui lui aurait permis par exemple d'obtenir son diplôme d'éducateur.

L'article L.6315-1 du code du travail dispose qu'à l'occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi.

Cet entretien, qui ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié, a pour objet d'envisager, avec le salarié, ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualification et d'emploi.

L'association ADAPEI ne démontre pas avoir fait bénéficier sa salariée d'un entretien professionnel au cours des deux ans et cinq mois de la relation de travail.

Mais Mme [W], qui avait été embauchée pour remplacer des salariés absents, les contrats n'ayant été requalifiés que dans le cadre du présent contentieux, ne rapporte pas la preuve d'un préjudice résultant de ce manquement de l'employeur.

Le jugement qui a rejeté ce chef de demande sera confirmé.

L'association, dont le recours est rejeté pour l'essentiel, doit être condamnée aux dépens d'appel et à payer à Maître Taouli, avocate, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 2° du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a condamné l'association à payer à Mme [W] la somme de 1 931,26 euros à titre d'indemnité de requalification et rejeté la demande de dommages et intérêts fondée sur l'absence d'entretien professionnel et sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,

REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en requalification des contrats de travail à durée déterminée conclus à compter du 18 mai 2015 en un contrat à durée indéterminée

PRONONCE la requalification des contrats de travail à durée déterminée conclus à compter du 18 mai 2015 en un contrat à durée indéterminée

CONDAMNE l'association ADAPEI à payer à Mme [W] les sommes suivantes :

- 3 881,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 388,19 euros au titre des congés payés afférents

- 2 348,56 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 6 793,36 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture injustifiée de son contrat de travail

REJETTE les demandes en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et en réparation du préjudice résultant du défaut de visite médicale d'embauche

CONDAMNE l'association ADAPEI aux dépens d'appel

CONDAMNE l'association ADAPEI à payer à Maître Taouli, avocate, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 2° du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/00377
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;19.00377 ?
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