AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/06880 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MT4M
[T]
C/
SAS ONET SERVICES
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 24 Septembre 2019
RG : 15/03964
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
[W] [T]
née le 29 Juillet 1961 à [Localité 7] (ALGERIE)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Sofia SOULA-MICHAL de la SELARL CABINET ADS - SOULA MICHAL- MAGNIN, avocat au barreau de LYON substituée par Me Elsa MAGNIN, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SAS ONET SERVICES
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Mai 2022
Présidée par Sophie NOIR, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Sophie NOIR, conseiller
- Catherine CHANEZ, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente et par Ludovic ROUQUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Mme [W] [T] a été embauchée par la société Onet Services à compter du 1er juin 2004 en qualité d'agent de propreté dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
Le 17 juillet 2012 la salariée a été victime d'un accident de trajet.
À l'issue de ses arrêts de travail, elle a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail le 4 février 2015 dans les termes suivants : ' inapte au poste', 'pas de proposition de reclassement ni sur ce site ni sur un autre'.
Par courrier recommande avec accusé réception du 12 février 2015, l'employeur lui a proposé deux postes de reclassement d'agent de service sur le site de Sanofi situé à [Localité 6] l'étoile et sur le site Patheon situé à [Localité 5] que Mme [W] [T] a refusés au motif qu'ils ne correspondaient pas aux préconisations du médecin du travail.
Par courrier recommandé avec accusée réception du 19 février 2015, l'employeur lui a notifié les motifs s'opposant à son reclassement.
La salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 6 mars 2015.
Elle a saisi le conseil des prud'hommes de Lyon le 23 octobre 2015.
Par jugement du 24 septembre 2019, le conseil des prud'hommes de Lyon en sa formation de départage a :
- dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse
- condamné la société Onet Services à payer à Mme [W] [T] la somme de 4588,53 euros à titre de rappel de salaire et 458,85 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2015
- dit que la société Onet Services délivrera à Mme [W] [T] l'ensemble des documents de travail et de ruptures rectifiées conformes au jugement dans un délai de 2 mois suivant la notification de celui-ci
- condamné la société Onet Services à payer à Mme [W] [T] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions
- condamné la société Onet Services aux dépens de l'instance.
Mme [W] [T] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 4 octobre 2019.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 26 décembre 2019 la salariée demande à la cour:
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Onet Services à lui payer la somme de 4558,53 euros à titre de rappel de salaire outre 458,85 euros de congés payés y afférents
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Onet Services à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- de réformer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse
Statuant à nouveau
- de dire et juger que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse
- de condamner en conséquence la société Onet Services à lui payer les sommes suivantes:
2535 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
253,50 euros de congés payés afférents
18'900 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- de condamner la société Onet Services à lui payer la somme de 3500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner la société Onet Services aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 20 janvier 2020, la société Onet Services demande pour sa part à la cour:
- de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse
- de débouter Mme [W] [T] de ses demandes de condamnation au paiement de la somme de 2535 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 283,50 euros de congés payés afférents et 18'900 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- de réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Onet Services à payer à Mme [W] [T] la somme de 4558,53 euros à titre de rappel de salaire outre 458,85 euros au titre des congés payés afférents ainsi que 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau
- de débouter Mme [W] [T] de ses demandes rappel de salaire à hauteur de la somme de 4558, 53 euros outre celle de 458,85 euros au titre des congés payés afférents
- de condamner Mme [W] [T] en tant que de besoin à procéder au remboursement des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire
- de débouter Mme [W] [T] de l'intégralité de ses demandes
- de condamner Mme [W] [T] à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
A titre subsidiaire
- de fixer à la somme de 2387,29 euros le montant de l'indemnité compensatrice de préavis
- de réduire au préjudice démontré l'indemnisation allouée en réparation de la perte d'emploi.
L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 22 mars 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rappel de salaire :
Au soutien de sa demande de rappel de salaire, Mme [W] [T] fait valoir que durant toute la relation de travail, l'employeur a régulièrement prélevé sur ses salaires des sommes correspondant à de prétendues absences, alors qu'elle n'a jamais été en absence injustifiée pendant la relation de travail.
L'employeur répond sur ce point que les heures retenues correspondent à des heures d'absence de la salariée, que cette dernière ne rapporte pas la preuve du bien fondé de ses prétentions, que si tel n'avait pas été le cas, elle n'aurait pas attendu 5 ans pour réclamer le paiement de retenues dont l'objet était clairement mentionné sur les différents bulletins de paie, que le conseil des prud'hommes a inversé la charge de la preuve dès lors que sa bonne foi doit être présumée, que les bulletins de salaire mentionnant les absences injustifiées et qui n'ont jamais été contestés avant la présente procédure démontrent l'existence des absences injustifiées dont la preuve est libre s'agissant d'un fait juridique.
En application de l'article 1315 alinéa 2 du Code civil dans sa version applicable en la cause, il incombe à l'employeur qui se prétend libéré de son obligation de paiement du salaire de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, il ressort des fiches de paie versées aux débats par la salariée que des retenues sur salaire ont été opérées au motif d'absences et ce au cours des années 2010, 2011 et 2012.
Mme [W] [T] fait valoir qu'elle a demandé oralement à l'employeur la régularisation de ces retenues sur salaire, ce dont elle ne rapporte pas la preuve.
Il est ainsi établi que dûment informée des retenues sur salaire pour absence, Mme [W] [T] ne les a pas contestées.
La preuve des absences et du bien-fondé de ces retenues est ainsi établie.
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de rappel de salaire.
Sur le licenciement :
Il est constant que l'employeur peut procéder au licenciement du salarié qui a été déclaré inapte à son poste et s'il justifie de l'impossibilité de le reclasser.
Aux termes de l'article L.1226-2 du code du travail dans sa version applicable en la cause, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
Pour satisfaire à son obligation de reclassement, l'employeur doit faire des propositions loyales et sérieuses au salarié; ainsi, seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise et appropriées aux capacités du salarié peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de rechercher à son salarié un reclassement avant de le licencier éventuellement pour inaptitude.
L'employeur est tenu en toute hypothèse de mettre en oeuvre son obligation de reclassement à défaut, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse.
Il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
En l'espèce il est constant que l'employeur appartient à un groupe dénommé Onet comprenant 65'105 collaborateurs.
La salariée soutient notamment que dans le cadre de ses recherches de reclassement, l'employeur n'a pas consulté toutes les sociétés du groupe qui comprend 180 établissements puisque seuls 117 formulaires ont été envoyés.
Elle verse aux débats un document de présentation du groupe Onet indiquant que le groupe emploie 65'105 collaborateurs en 2015 et est composé d'entreprises spécialisées dans le domaine de la propreté et des services, de la logistique, des services aéroportuaires, des technologies, de la sécurité, de l'accueil, de l'intérim, du recrutement et de la formation.
De son côté, l'employeur ne produit aucun document relatif à la composition du groupe.
Cependant la société Onet Services justifie avoir, par courrier du 12 février 2015, invité la salariée à consulter les offres d'emplois du groupe disponibles via son site Internet en lui signalant qu'elle était à sa disposition pour échanger avec elle sur un poste qui aurait retenu son intérêt.
De ce fait, Mme [W] [T] a eu connaissance des postes disponibles au sein du groupe et a disposé de la possibilité de solliciter auprès de l'employeur son reclassement sur l'un d'entre eux. Or, elle n'en a identifié aucun susceptible de lui être proposé.
De plus, l'employeur justifie également :
- avoir écrit le 23 janvier 2015 à la salariée pour lui proposer une rencontre le 30 janvier 2015 à fin de recueillir ses attentes en matière de reclassement et lui préciser les compétences dont il n'aurait pas connaissance
- avoir écrit au médecin du travail le 6 février 2015 pour l'interroger sur les aptitudes résiduelles de la salariée, lui demander quel type de postes ou activités conviendraient à cette dernière ainsi que les éventuels aménagements envisagés compte tenu de son état de santé
- de ce que le médecin du travail lui a répondu le 11 février 2015 que 'l'état de santé de cette personne ne me permet pas de faire une proposition de reclassement, ni sur ce site ni sur un autre site'
- avoir néanmoins poursuivi ses recherches de reclassement et identifié deux postes d'agent de service qu'il a soumis à la salariée le 12 février 2015, laquelle les a refusés au motif qu'ils ne correspondaient pas aux prescriptions du médecin du travail
- avoir adressé des recherches de reclassement aux agences de la société et aux sociétés du groupe par télécopie.
Tous ces éléments caractérisent l'existence d'une recherche sérieuse et loyale de reclassement.
En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejette les demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse présentées par Mme [W] [T].
Sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement:
La société Onet Services demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire.
Cependant, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement.
En conséquence, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Onet Services.
Sur les demandes accessoires:
Partie perdante, Mme [W] [T] supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Onet Services à payer à Mme [W] [T] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :
REJETTE la demande de rappel de salaire ;
DIT que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejette les demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse présentées par Mme [W] [T] ;
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [W] [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, La présidente,