AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/06877 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MT4G
S.E.L.A.R.L. [N] [T]
C/
[S]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 03 Septembre 2019
RG : 18/00698
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
SARL TREMABAT
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Maître Emmanuelle JALLIFIER-VERNE( SELARL ACITVE AVOCATS ), avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[G] [S]
né le 13 Août 1963 à [Localité 9] (Algérie)
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Arême TOUAHRIA, avocat au barreau de LYON
PARTIE INTERVENANTES
AGS - CGEA DE [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 7]
non comparante, non constituée
S.E.L.A.R.L. [N] [T] représentée par Maître [N] [T], ès qualités de mandataire liquidateur de la Société TREMABAT
[Adresse 8]
[Localité 5]
intervenant forcé,
représentée Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
et ayant pour avocat plaidant Me Sylvain FLICOTEAUX de la SELARL DELMAS FLICOTEAUX, avocat au barreau de LYON,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Mai 2022
Présidée par Sophie NOIR, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Sophie NOIR, conseiller
- Catherine CHANEZ, conseiller
ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente et par Ludovic ROUQUET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
La société Tremabat exerçait une activité de maçonnerie générale et de gros 'uvre.
Elle appliquait la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés.
M. [G] [S] a été embauché par la société Tremabat à compter du 4 mai 2016 en qualité de chef d'équipe, niveau III coefficients 230, d'abord en CDD puis en CDI à compter du 5 septembre 2016.
Par courrier du 26 octobre 2017, M. [G] [S] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 6 novembre 2017 et par la suite reporté au 17 novembre 2017.
L'employeur l'a licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec accusé réception du 29 novembre 2017.
M. [G] [S] a saisi le conseil des prud'hommes de Lyon le 9 mars 2018 d'une contestation de ce licenciement.
Par jugement du 3 septembre 2019 le conseil des prud'hommes de Lyon a :
- jugé le licenciement nul
- condamné la société Tremabat à payer à M. [G] [S] les sommes suivantes :
14'643,96 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul
5690,40 euros au titre de rappel de salaire dû en application de la classification conventionnelle au niveau IV, position 2
569,04 euros au titre des congés payés afférents
1000 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect de la classification contractuelle
707,80 euros au titre des congés payés
1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté M. [G] [S] de ses autres demandes
- condamné la société Tremabat aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d'exécution forcée.
L'employeur a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 4 octobre 2019.
Par jugement du 9 septembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Tremabat, laquelle a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 7 janvier 2021, la Selarl [N] [T] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 juin 2021, la Selarl[N] [T], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Tremabat, demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement était nul et en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à M. [G] [S] les sommes suivantes :
14'643,96 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul
5690,40 euros au titre de rappel de salaire dû en application de la classification conventionnelle au niveau IV, position 2
569,04 euros au titre des congés payés afférents
1000 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect de la classification contractuelle
707,80 euros au titre des congés payés
1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau de ces chefs :
- à titre principal, de débouter M. [G] [S] de l'intégralité de ses demandes
- à titre subsidiaire de réduire à de plus justes proportions ses demandes et de limiter à 2 mois de salaire le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit 4831,26 euros
En tout état de cause
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [G] [S] du surplus de ses demandes
- de condamner M. [G] [S] à payer à la Selarl[N] [T] es qualités la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner M. [G] [S] aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Aguiraud.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 février 2020, M. [G] [S] demande pour sa part à la cour:
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Tremabat à lui payer :
14'643,96 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul
5690,40 euros au titre de rappel de salaire du en application de la classification conventionnelle au niveau IV, position 2
569,04 euros au titre des congés payés afférents
707,80 euros au titre des congés payés
- d'infirmer le jugement sur les autres points et statuant à nouveau :
- de condamner la société Tremabat à lui payer la somme de 2500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la classification contractuelle
- de condamner la société Tremabat à lui payer la somme de 1186,77 euros au titre de l'indemnisation de la garantie arrêt de travail Pro BTP Prévoyance
- de condamner la société Tremabat à lui payer la somme de 1000 euros de dommages et intérêts pour l'erreur dans le salaire de base déclarée à la CPAM
- de condamner la société Tremabat à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner la société Tremabat aux entiers dépens de l'instance.
L'AGS CGEA de Chalon sur Saône n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 22 mars 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de nullité du licenciement :
Il résulte des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail que, pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou d'une impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.
Aux termes de l'article L. 1226-13 du code du travail, toute rupture prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle, ce qui ouvre droit pour le salarié, à défaut de réintégration, aux indemnités de rupture et à une indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du même code.
En l'espèce, il résulte du courrier de notification de prise en charge de la CPAM en date du 5 décembre 2017 que le salarié a bien été victime d'un accident du travail le 20 novembre 2017 c'est-à-dire entre la convocation à entretien préalable du 26 octobre 2017, qui marque le début de la procédure de licenciement, et le licenciement intervenu le 29 novembre 2017.
Cependant, M. [G] [S] ne rapporte pas la preuve de ce qu'il a informé l'employeur de l'existence de cet accident du travail avant le licenciement.
En effet, la feuille d'accident du travail ou de maladie professionnelle produite en pièces 5 n'est pas signée par l'employeur, il n'est pas justifié de la date de transmission à la société Tremabat du certificat médical initial d'accident du travail ou de maladie professionnelle daté du 20 novembre 2017 produit en pièce 6 et si le bulletin de paie du mois de novembre 2017 mentionne bien l'existence d'une absence pour accident du travail du 20 novembre au 30 novembre 2017, l'employeur fait justement valoir que l'établissement des fiches de paie s'effectue une fois le mois échu de sorte qu'il n'est pas démontré que l'information lui était nécessairement parvenue avant le 30 novembre 2017.
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de nullité du licenciement et la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Le dispositif des conclusions de M. [G] [S] ne reprenant pas la demande subsidiaire tendant à voir déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse développée dans les motifs de ses écritures, la cour d'appel n'en est pas saisie par application des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.
Sur la demande de rappel de salaire et la demande de dommages-intérêts au titre de la reclassification au niveau IV position 2 de la convention collective :
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique, ce qui ne peut résulter des simples mentions de la fiche du poste occupé.
En l'espèce, M. [G] [S] sollicite un rappel de salaire au titre d'une reclassification au niveau IV position 2 de la convention collective.
Selon les dispositions de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés, relèvent du niveau IV les Maîtres-ouvriers ou chefs d'équipe.
'Les ouvriers classés à ce niveau :
- soit occupent des emplois de haute technicité ;
- soit conduisent de manière habituelle une équipe dans leur spécialité'.
Les ouvriers classés à la position 2 de ce niveau :
'- soit réalisent, avec une large autonomie, les travaux les plus délicats de leur métier ;
- soit assurent de manière permanente la conduite et l'animation d'une équipe.
Dans la limite des attributions définies par le chef d'entreprise, sous l'autorité de leur hiérarchie et dans le cadre des fonctions décrites ci-dessus, ils peuvent assumer des responsabilités dans la réalisation des travaux et assurer de ce fait des missions de représentation auprès des tiers.
Ils possèdent la parfaite maîtrise de leur métier, acquise par formation professionnelle, initiale ou continue, et/ou une très solide expérience, ainsi que la connaissance de techniques connexes leur permettant d'assurer des travaux relevant de celles-ci.
Ils s'adaptent de manière constante aux techniques et équipements nouveaux, notamment par recours à une formation continue appropriée. Ils peuvent être appelés à transmettre leur expérience, à mettre en valeur leurs capacités d'animation, au besoin à l'aide d'une formation pédagogique, et à assurer le tutorat des apprentis et des nouveaux embauchés (1) au besoin à l'aide d'une formation pédagogique'.
Or, M. [G] [S] ne produit aucun élément permettant d'établir que, nonobstant l'intitulé de son poste de 'chef d'équipe', il assurait effectivement de façon permanente dans le cadre de ses fonctions des tâches de haute technicité au sein de la société Tremabat et qu'il disposait d'une large autonomie.
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de rappel de salaire au titre de la reclassification au niveau IV, position 2 de la convention collective.
Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de la classification :
En l'absence de preuve du non-respect de la classification conventionnelle la cour, infirmant le jugement de ce chef, rejette cette demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de paiement des congés payés :
M. [G] [S] soutient qu'il n'a pas été payé de 10 jours de congés payés correspondant à la somme de 707,80 euros.
La Selarl[N] [T] répond que la société Tremabat a régulièrement cotisé auprès de la caisse des congés payés du bâtiment et les travaux publics, seule débitrice de l'indemnité de congés payés.
Cependant, le salarié verse aux débats la copie d'un courrier de la caisse des congés et intempéries BTP Rhône Alpes Auvergne du 22 février 2018 indiquant qu'aucune indemnité
compensatrice ne lui a été réglée au titre des campagnes de congés payés des années 2017 et 2018.
En conséquence la cour confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Tremabat à payer à M. [G] [S] la somme de 707,80 euros au titre des congés payés.
Sur l'indemnité de la garantie arrêt de travail :
Au soutien de sa demande, M. [G] [S] fait valoir que l'employeur ne lui a pas reversé la somme totale de 1186, 77 euros qu'il a perçue de la part de l'organisme BTP Prévoyance au titre de l'indemnisation de ses arrêts de travail.
La Selarl[N] [T] répond sur ce point que le salarié n'indique pas la période concernée par sa demande et qu'il ressort de ses bulletins de paie que l'employeur a maintenu son salaire durant ses arrêts maladie de sorte qu'il a été intégralement rempli de ses droits.
Il résulte des courriers de la société PRO BTP adressées à l'employeur le 31 janvier 2018 que cet organisme a versé à la société Tremabat les somme de 873,84 euros et de 312,90 euros à titre d'indemnités journalières complémentaires au titre d'un arrêt de travail du 15 au 17 octobre 2017 et de l'arrêt de travail du 21 novembre 2017.
Or, le liquidateur judiciaire ne rapporte pas la preuve de ce que ces sommes ont été reversées au salarié, les bulletins de paie étant insuffisamment probants.
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Tremabat la somme de 1186,77 euros au titre de l'indemnisation de la garantie arrêt de travail Pro BTP Prévoyance.
Sur la demande de dommages-intérêts pour erreur dans le salaire de base déclarée à la CPAM :
M. [G] [S] fait valoir au soutien de sa demande que l'attestation de salaire remise par l'employeur mentionne un salaire de base 1943 euros alors que son salaire de base s'élevait à 2123,38 euros.
Il résulte effectivement des courriers de l'organisme PRO BTP du 31 janvier 2018 que le salaire de base pris en compte s'élève à 1943 euros.
Le salarié indique que cette erreur lui a causé un préjudice certain dans la mesure où le calcul des indemnités journalières s'est opéré sur la base d'un salaire moins important que son salaire réel.
Cependant, ainsi qu'il est jugé plus haut, l'employeur a maintenu le salaire de sorte que l'existence d'un préjudice n'est pas démontré.
En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages-intérêts.
Sur les demandes accessoires:
La Selarl[N] [T], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Tremabat, sera condamnée aux dépens d'instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a:
- condamné la société Tremabat à payer à M. [G] [S] la somme de 707,80 euros au titre des congés payés ;
- rejeté la demande de dommages-intérêts pour erreur dans le salaire de base déclarée à la CPAM ;
INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant:
FIXE la créance de M. [G] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société Tremabat à la somme de 1186,77 euros au titre de l'indemnisation de la garanti arrêt de travail Pro BTP Prévoyance ;
REJETTE la demande de nullité du licenciement et la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
REJETTE la demande de rappel de salaire au titre de la reclassification au niveau IV, position 2 de la convention collective ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts pour non-respect de la classification conventionnelle ;
DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;
CONDAMNE la Selarl[N] [T], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Tremabat, à payer à M. [G] [S] la somme de 1200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE REJETTE aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le greffierLa présidente,