AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/05797 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MRMM
[S]
C/
SAS CHALLANCIN
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Lyon
du 09 Juillet 2019
RG : 16/03639
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
[D] [S]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Rémi RUIZ FERNANDEZ de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société CHALLANCIN
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Gerbert RAMBAUD de la SELARL RAMBAUD & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Elodie CHRISTOPHE, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Mai 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Patricia GONZALEZ, Présidente
Sophie NOIR, Conseiller
Catherine CHANEZ, Conseiller
Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente, et par Ludovic ROUQUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
La société Guy Challancin exerce une activité dans le secteur de la propreté.
Elle applique la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.
Mme [D] [S] a été embauchée par la société La Mouette à compter du 2 janvier 2003 en qualité d'agent de propreté dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
La société Mouette Propreté a été cédée à la société Guy Challancin et le contrat de Mme [S] lui a été transféré à compter du 12 juillet 2013.
Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [D] [S] occupait le poste de chef d'équipe dans le cadre d'un contrat de travail à temps complet.
Mme [S] a participé à un mouvement de grève qui a débuté le 27 avril 2016.
Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 4 mai 2016.
Le 30 novembre 2016, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.
Le 27 décembre 2016, le médecin du travail a déclaré Mme [D] [S] inapte à son poste sans possibilité de reclassement.
Par courrier du 26 mai 2017, la société Challancin a notifié à Mme [S] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par jugement du 9 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon en sa formation de départage a :
- déclaré la demande de liquidation d'astreinte prononcée par la formation de référé irrecevable,
- débouté Mme [D] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- débouté la société Guy Challancin de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [D] [S] aux dépens de l'instance.
La salariée a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 7 août 2019.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2022, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Lyon le 09 juillet 2019 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a débouté la salariée :
- de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité à hauteur de 10.000 euros,
- de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral à hauteur de 20.000 euros à titre principal, et de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale à hauteur de 20.000 euros à titre subsidiaire,
- de sa demande de liquidation de l'astreinte à hauteur de 2.900 euros,
- de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 35.000 euros au titre de la rupture du contrat de travail à titre principal et à titre subsidiaire,
- de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 4.454,28 euros outre 445,43 euros au titre des congés payés afférents
Statuant à nouveau,
- dire et juger que l'employeur a violé l'obligation de sécurité,
En conséquence,
- condamner la société Guy Challancin à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
A titre principal,
- dire et juger qu'elle a été victime de harcèlement moral.
En conséquence,
- condamner la société Guy Challancin à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que l'employeur n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail,
En conséquence,
- condamner la société Guy Challancin à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- liquider l'astreinte prononcée contre la société Guy Challancin par ordonnance du 28 Juin 2017,
Par conséquent
- condamner la société Guy Challancin à lui verser la somme de 2.900 euros correspondant à la liquidation de l'astreinte,
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec effet au jour du licenciement,
A titre principal,
- dire et juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul,
En conséquence,
- condamner la société Guy Challancin à lui verser les sommes suivantes :
- 4.454,28 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 445,43 euros au titre des congés payés afférents,
- 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
A titre subsidiaire,
- condamner la société Guy Challancin à lui verser les sommes suivantes :
- 4.454,28 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 445,43 euros au titre des congés
payés afférents,
- 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
- lui allouer la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner la société Guy Challancin aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 mars 2022, la société Guy Challancin demande pour sa part à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes le 9 juillet 2019,
- dire et juger que l'employeur n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de travail,
- dire et juger qu'il n'existe aucun manquement relatif à l'obligation de sécurité résultat et qu'il n'y a eu aucun fait de harcèlement moral ou d'exécution déloyale du contrat de travail,
- débouter Mme [D] [S] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur,
- rejeter la demande de liquidation d'astreinte,
En conséquence ;
- débouter Mme [D] [S] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [D] [S] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
À titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de «constatations» ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.
Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité :
Les dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail imposent à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Les articles R.4624-10 et R.4624-16 du code du travail, dans leurs dispositions applicables au litige, disposent que le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche puis d'examens médicaux périodiques au moins tous les vingt-quatre mois par le médecin du travail.
Selon l'article R4624-22 du code du travail dans sa version applicable en la cause : 'Le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
1° Après un congé de maternité ; (...)'.
Il appartient aux juges du fond d'apprécier le préjudice susceptible d'être causé par le défaut de visite médicale.
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, Mme [D] [S] fait valoir que :
- la société Challacin n'a pas organisé de visite médicale périodique auprès de la médecine du travail, ni de visite de reprise à la suite de son congé maternité (du 17 mai au 5 novembre 2015), de sorte que son aptitude au poste n'a pu être évaluée
- la société était consciente de ce manquement sans pour autant avoir régularisé la situation,
- alors qu'elle était tenue d'utiliser des produits dangereux, notamment le produit Sprint spirtfire, l'employeur n'a pas mis à sa disposition des équipements de protection individuelle et ne l'a pas informée des conséquences à court terme et à long terme pour sa santé de ce type de produit ni des mesures de sécurité à prendre, des risques à éviter et des moyens mis en 'uvre pour assurer sa sécurité,
- elle n'a bénéficié d'aucune formation en matière d'hygiène et de sécurité,
- sa santé et sa sécurité ont été mises en danger par les carences de l'employeur
- elle a subi, de ce fait, un préjudice moral et physique.
La société Challancin réplique que :
- elle a rempli son obligation en organisant les visites médicales, toutefois elle a été confrontée aux délais de réponse de la médecine du travail ainsi qu'au comportement de Mme [D] [S] qui l'informait tardivement de ses prolongations d'arrêts de travail,
- la salariée ne démontre pas avoir été contrainte d'utiliser des produits dangereux,
- elle respecte les procédures d'hygiène et de sécurité et est titulaire d'une certification OHSAS 18001 en matière de santé et sécurité au travail qui lui impose des audits annuels sur la santé et la sécurité.
La fiche technique du produit Taski Sprint Spitfire Spray et le document unique d'évaluation des risques professionnels mis à jour au mois de mars 2018 faisant état de la manipulation de produits susceptibles d'entraîner des risques en matière de projection dans les yeux, d'inhalation, d'irritation et de brûlures ne suffisent pas à établir que la salariée a été personnellement exposée à des produits dangereux à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.
S'agissant de l'organisation des visites médicales périodiques, l'employeur ne démontre pas avoir sollicité l'organisation d'une telle visite médicale dans les 24 mois suivant le transfert du contrat de travail, le justificatif de la première demande adressée à la médecine du travail pour 'rattraper le retard des visites médicales' des salariés de l'agence étant daté du 8 juillet 2016.
De même, il n'est pas justifié de l'organisation d'une visite médicale de reprise à l'issue du congé de maternité de la salariée le 5 novembre 2015.
Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est ainsi établi.
Cependant, Mme [D] [S] ne précise et ne démontre pas la nature et le degré d'atteinte à sa santé ou à sa sécurité du fait du manquement de l'employeur à cette obligation, pas plus que l'existence d'un préjudice moral.
En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.
Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [D] [S] affirme qu'à la suite de sa participation à un mouvement de grève collectif elle a subi des faits de harcèlement moral, et fait valoir que :
- la société a remis tardivement les attestations de salaire à la CPAM pendant ses arrêts de travail du mois de mai 2016 au mois de septembre 2016 puis à compter du 10 octobre 2016 et, qu'en outre, ces attestations étaient erronées,
- le comportement de l'employeur l'a ainsi privée de ressources pendant près de trois mois,
- l'employeur a tardé à verser le complément de rémunération à sa charge pendant 9 mois,
- l'employeur n'a pas envoyé à l'organisme de prévoyance les éléments nécessaires au paiement du complément de rémunération dû en application de l'article 8 de la convention collective et elle a été contrainte de saisir la formation des référés du conseil des prud'hommes pour les obtenir,
- l'employeur n'a pas repris le paiement de son salaire à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude, et a régularisé la situation plus de 3 mois plus tard,
- le comportement de l'employeur était intentionnel et s'explique par une volonté de lui nuire,
- son état de santé s'est dégradé en raison du comportement de l'employeur.
La société Challancin réplique que :
- le retard dans la transmission des attestation de salaire à la CPAM est dû au retard de transmission de l'arrêt de travail par la salariée, et cette dernière ne démontre pas que les attestations de salaire transmises étaient erronées,
- la salariée ne pouvait percevoir de complément de rémunération pendant la période de grève,
- Mme [S] était à l'origine du retard de versement de la complémentaire versée par la prévoyance car elle n'avait pas transmis les attestations d'IJSS pour les années 2016 et 2017,
- la salariée a perçu toutes les sommes qui lui étaient dues au titre de la reprise des salaires après la déclaration d'inaptitude,
- la salariée ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre une dégradation de son état de santé et le comportement de son employeur.
La société Challacin ne conteste pas le retard de paiement du complément de salaire, pas plus que le fait que la salariée à ainsi été privée de ressources pendant près de trois mois.
En revanche, l'employeur conteste la transmission d'attestations de salaire erronées et l'appelante ne produit aucune pièce pour justifier de ce fait.
La convention collective des entreprises de propreté et services associés prévoit à l'article 8.1.6 le paiement par l'organisme de prévoyance d'une prestation dite 'de complément' à l'indemnité de l'article 4.9.1, d'une durée variable selon l'ancienneté du salarié.
Mme [D] [S] produit aux débats l'ordonnance de référé du 28 juin 2017 ayant condamné la société Guy Challancin sous astreinte à transmettre à l'organisme de prévoyance les éléments permettant l'indemnisation de la salariée au titre de l'arrêt de travail du 6 mai 2016 'ou à tout le moins depuis le 6 octobre 2016" après avoir relevé que Mme [S] n'avait jamais perçu la moindre indemnisation à ce titre.
De plus, la partie intimée ne justifie pas des démarches entreprises auprès de l'organisme de prévoyance pour obtenir le versement du complément de rémunération.
Il est ainsi démontré que l'employeur n'a pas envoyé à l'organisme de prévoyance les éléments nécessaires au paiement du complément de rémunération dû en application de l'article 8 de la convention collective et que la salariée a été contrainte de saisir la formation des référés du conseil des prud'hommes pour les obtenir.
Selon l'article L1226-11 du code du travail : 'Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail (...)'.
En l'espèce, il est constant que le second avis d'inaptitude est daté du 27 décembre 2016 et il ressort des fiches de paie de Mme [D] [S] que l'employeur n'avait pas repris le paiement des salaires à la fin du mois de février 2017.
Il est ainsi établi que la société Guy Challancin n'a pas repris le paiement de son salaire à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude.
La salariée allègue souffrir d'un syndrome dépressif depuis le mois de mai 2016 mais elle ne produit pas les avis d'arrêt de travail mentionnant l'affection les ayant justifiés.
Elle verse aux débats un certificat du docteur [E] daté du 9 novembre 2016 qui évoque un état de 'souffrance psychologique' ayant justifié un arrêt de travail pour maladie professionnelle depuis le 4 mai 2016.
Cependant, il résulte des termes de ce certificat que ce médecin a été très influencé par sa connaissance ancienne de sa patiente, de son histoire et de sa famille ainsi que sur les dires de celle-ci.
Cet élément ne suffit pas à démontrer que la dégradation de l'état de santé de Mme [D] [S] est liée au comportement de l'employeur.
En revanche les tracas financiers causés par ce comportement étaient incontestablement susceptibles de compromettre sa santé psychologique.
À l'issue de cette analyse il apparaît que tous les faits invoqués par la salariée au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Or la société Guy Challancin ne rapporte pas la preuve de ce que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement en ce que :
- elle ne justifie pas du retard de transmission par Mme [D] [S] de ses arrêts de travail
- contrairement à ce qu'elle soutient, le complément de salaire dont fait état la salariée ne concerne pas des périodes durant cette dernière était en grève de sorte qu'elle était bien tenu de le payer
- elle ne rapporte pas la preuve que le retard de paiement du complément de salaire et des indemnités dues par l'organisme de prévoyance est lié à une transmission tardive du bordereau d'indemnités journalières de sécurité sociale des années 2016 et 2017 par Mme [D] [S].
Il est ainsi établi que Mme [D] [S] a été victime de harcèlement moral.
Au vu des éléments versés aux débats, la cour évalue à la somme de 500 euros le montant des dommages et intérêts propres à réparer le préjudice subi.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul :
Aux termes de l'article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun des contrats synallagmatiques pour tout ce sur quoi il n'est pas dérogé par des dispositions légales particulières. L'action en résiliation d'un contrat de travail est donc recevable dès lors qu'elle est fondée sur l'inexécution par l'employeur de ses obligations.
Le juge saisi d'une demande de résiliation judiciaire d'un contrat de travail, dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements établis à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier cette mesure, ces manquements devant être d'une gravité telle qu'elle empêche toute poursuite de l'exécution du contrat de travail.
Dans ce cas, la résiliation judiciaire du contrat prononcée par le juge produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse oud'un licenciement nul si la demande de résiliation judiciaire est formée par le salarié en raison, notamment, du harcèlement moral dont il a été victime sur son lieu de travail, et ce par application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail.
Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, et c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions prohibant le harcèlement moral est nulle.
A l'appui d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul, Mme [D] [S] fait valoir que l'employeur a commis plusieurs manquements.
De façon plus précise elle soutient que :
- la société Challacin n'a pas respecté ses obligations en matière de santé et de sécurité,
- la société Challacin lui a injustement retenu de son salaire une somme au titre de la garantie frais de santé, alors qu'il était informé qu'elle bénéficiait d'une mutuelle personnelle,
- elle a subi des faits de harcèlement moral rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle,
- elle a subi un préjudice moral et financier.
La société Challancin réplique qu'elle n'a commis aucun manquement justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Seul le non respect de la prohibition du harcèlement moral est susceptible de faire produire à demande de résiliation judiciaire les effets d'un licenciement nul.
En l'espèce, il est jugé plus haut que Mme [D] [S] a été victime de harcèlement moral.
Cependant, les éléments versés aux débats ne permettent pas d'établir que l'inaptitude à l'origine de la procédure de licenciement est liée à ce harcèlement moral.
En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul ainsi que les demandes indemnitaires afférentes.
La cour n'étant pas saisie d'une demande de résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les demandes subsidiaires de paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront rejetées.
Sur la demande de liquidation de l'astreinte :
Mme [D] [S] soutient que la société n'a pas immédiatement exécuté l'ordonnance du 28 juin 2017 lui imposant notamment de remettre aux organismes de prévoyance les éléments permettant son indemnisation, qu'elle a été contrainte de la relancer à deux reprises et que ce n'est qu'au mois de novembre 2017 que la société s'est exécutée.
Cependant, le premier juge a considéré à juste titre que, dans la mesure où la section des référés du conseil des prud'hommes de Lyon s'était réservé le pouvoir de liquider l'astreinte, il n'y avait pas lieu de faire doit à cette demande.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires:
Partie perdante, la société Challacin supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
Par ailleurs, Mme [D] [S] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 2000 euros au titre des frais qu'elle a dû exposer en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable la demande de liquidation d'astreinte ;
- rejeté la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;
- rejeté la demande de résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul;
INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :
CONDAMNE la société Guy Challancin à payer à Mme [D] [S] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
REJETTE les demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales;
CONDAMNE la société Challacin à payer à Mme [D] [S] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Challacin aux entiers dépens de première instance et d'appel;
Le Greffier, La Présidente,