AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/05796 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MRMK
[I]
C/
SAS CHALLANCIN
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Lyon
du 09 Juillet 2019
RG : 16/03641
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
[F] [I]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Rémi RUIZ FERNANDEZ de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société CHALLANCIN
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Gerbert RAMBAUD de la SELARL RAMBAUD & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Elodie CHRISTOPHE, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Mai 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Patricia GONZALEZ, Présidente
Sophie NOIR, Conseiller
Catherine CHANEZ, Conseiller
Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente, et par Ludovic ROUQUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
La société Guy Challancin exerce une activité dans le secteur de la propreté.
Elle applique la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.
Mme [I] [F] a été embauchée par la société La mouette à compter du 1er juillet 2009 en qualité d'agent de service dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
La société Mouette Propreté a été cédée à la société Guy Challancin et le contrat de Mme [I] lui a été transféré à compter du 12 juillet 2013.
Mme [F] [I] a exercé plusieurs mandats de représentante du personnel.
Elle a participé à un mouvement de grève qui a débuté le 27 avril 2016.
Mme [F] [I] a été placée en arrêt de travail du 24 juin 2016 au 12 septembre 2016, puis a repris son poste le 12 septembre 2016 avant d'être de nouveau placée en arrêt de travail à compter du 13 septembre 2016.
Le 30 novembre 2016, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon de plusieurs demandes de dommages et intérêts et d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.
Au terme d'une seconde visite du 16 février 2017, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste dans les termes suivants : 'inapte au poste. L'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.
Le 23 mai 2017, la société Guy Challancin a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier la salariée, autorisation qui lui a été donnée le 31 juillet 2017.
Par courrier du 3 août 2017, la société Challancin a notifié à Mme [I] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par jugement du 9 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon en sa formation de départage a :
- dit et jugé que la société Guy Challancin n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail de Mme [F] [I],
- condamné la société Guy Challancin à verser à Mme [F] [I]:
* Outre intérêts légaux à compter de la présente décision:
- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté Mme [F] [I] du surplus de ses demandes,
- débouté la société Guy Challancin de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Guy Challancin aux dépens de l'instance.
Mme [F] [I] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 7 août 2019.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2022, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Lyon le 09 juillet 2019 en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a débouté la salariée :
- de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité à hauteur de 10.000 euros,
- de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral à hauteur de 20.000 euros à titre principal, et de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale à hauteur de 20.000 euros à titre subsidiaire,
- de sa demande de liquidation de l'astreinte à hauteur de 2.920 euros,
- de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 30.000 euros au titre de la rupture du contrat de travail,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que l'employeur a violé l'obligation de sécurité,
En conséquence,
- condamner la société Guy Challancin à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.
A titre principal,
- dire et juger qu'elle a été victime de harcèlement moral.
En conséquence,
- condamner la société Guy Challancin à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,
A titre subsidiaire,
-dire et juger que l'employeur n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail,
En conséquence,
- condamner la société Guy Challancin à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Guy Challancin à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de l'emploi,
Y a joutant
- lui allouer la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner la société Guy Challancin aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 mars 2022, la société Guy Challancin demande pour sa part à la cour de :
- confirmer les dispositions du jugement du Conseil de Prud'hommes ayant débouté Mme [F] [I] de ses demandes,
- dire et juger que 1'employeur n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de travail,
- dire et juger qu'il n'existe aucun manquement relatif à l'obligation de sécurité résultat et qu'il n'y a eu aucun fait de harcèlement moral ou d'exécution déloyale du contrat de travail,
- dire et juger que Mme [F] [I] n'a subi aucun préjudice lié à la perte de son emploi,
En conséquence ;
- débouter Mme [F] [I] de l'ensemble de ses demandes
- condamner Mme [F] [I] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
À titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de «constatations» ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.
Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat:
Les dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail imposent à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Les articles R.4624-10 et R.4624-16 du code du travail, dans leurs dispositions applicables au litige, disposent que le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche puis d'examens médicaux périodiques au moins tous les vingt-quatre mois par le médecin du travail.
Il appartient aux juges du fond d'apprécier le préjudice susceptible d'être causé par le défaut de visite médicale périodique.
Mme [I] soutient que la société n'a pas respecté ses obligations en matière de santé et sécurité au travail, et fait valoir que :
- elle n'a pas bénéficié d'une visite médicale d'embauche ni d'un suivi périodique auprès de la médecine du travail,
- la société était consciente de ce manquement sans pour autant avoir régularisé la situation,
- alors qu'elle était tenue d'utiliser des produits dangereux, notamment le Sprint Spirtfire, l'employeur n'a pas mis à sa disposition des équipements de protection individuelle et ne l'a pas informée des conséquences à court terme et à long terme pour sa santé de ce type de produit ni des mesures de sécurité à prendre, des risques à éviter et des moyens mis en 'uvre pour assurer sa sécurité
- l'employeur ne lui a jamais dispensé de formation en matière d'hygiène et de sécurité alors qu'elle manipulait des produits dangereux
- durant la relation contractuelle sa santé sa sécurité ont été mises en danger du fait des manquements de l'employeur à ses obligations,
- elle a subi, de ce fait, un préjudice moral et physique.
La société Challancin réplique que :
- elle a rempli son obligation en organisant les visites médicales, toutefois elle a été confrontée aux délais de réponse de la médecine du travail ainsi qu'au comportement de Mme [I] qui l'informait tardivement de ses prolongations d'arrêts de travail,
- la salariée n'utilisait aucun produit dangereux et ne démontre pas avoir été contrainte d'utiliser des produits dangereux sans équipement de protection,
- elle respecte les procédures d'hygiène et de sécurité et est titulaire d'une certification OHSAS 18001 en matière de santé et sécurité au travail qui lui impose des audits annuels sur la santé et la sécurité.
S'agissant de l'organisation de la visite médicale d'embauche, Mme [F] [I] ne peut valablement reprocher à la société Challacin, à qui le contrat de travail a été transféré à compter du 17 juillet 2013, de ne pas avoir fait procéder à la visite médicale d'embauche, puisqu'elle n'était pas employeur à cette date.
La fiche technique du produit Taski Sprint Spitfire Spray et le document unique d'évaluation des risques professionnels mis à jour au mois de mars 2018 faisant état de la manipulation de produits susceptibles d'entraîner des risques en matière de projection dans les yeux, d'inhalation, d'irritation et de brûlures et les attestations de deux autres salariés qui ne font pas état de la situation de Mme [F] [I] ne suffisent pas à établir que la salariée a été personnellement exposée à des produits dangereux à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.
S'agissant de l'organisation des visites médicales périodiques, l'employeur ne démontre pas avoir sollicité l'organisation d'une telle visite médicale dans les 24 mois suivant le transfert du contrat de travail, le justificatif de la première demande adressée à la médecine du travail pour 'rattraper le retard des visites médicales' des salariés de l'agence étant daté du 8 juillet 2016.
Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est ainsi établi.
Cependant, Mme [F] [I] ne précise et ne démontre pas la nature et le degré d'atteinte à sa santé ou à sa sécurité du fait du manquement de l'employeur à cette obligation, pas plus que l'existence d'un préjudice moral.
En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.
Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [F] [I] affirme qu'à la suite de sa participation à un mouvement de grève collectif, elle a subi des faits de harcèlement moral, et plus précisément que :
- lors de sa reprise de poste le 12 septembre 2017, la société l'a dissuadée de reprendre son poste en la faisant attendre plus d'une heure sur le parking de l'établissement avant de lui remettre son planning, en refusant de lui fournir des chaussures de sécurité adaptées à sa taille et en mettant à sa disposition un véhicule dans un état répugnant,
- l'employeur ne lui a pas payé la journée travaillée le 12 septembre 2016
- elle a été de nouveau placée en arrêt de travail en raison du comportement de l'employeur
- la société a tardé à remettre les attestations de salaire à la CPAM et ces attestations étaient erronées,
- le comportement de l'employeur l'a ainsi privée de ressources pendant trois mois, entre le 12 septembre et le 19 décembre 2016,
- l'employeur a tardé à verser le complément de rémunération à sa charge pendant 7 mois,
- l'employeur n'a pas envoyé à l'organisme de prévoyance les éléments nécessaires au paiement du complément de rémunération dû en application de l'article 8 de la convention collective et elle a été contrainte de saisir la formation des référés du conseil des prud'hommes pour les obtenir,
- l'employeur n'a pas repris le paiement de son salaire à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude et a régularisé la situation plus de trois mois plus tard,
- son état de santé s'est dégradé en raison du comportement de l'employeur.
Le courrier de la salariée daté du 12 septembre 2016 et celui de son conseil daté du 28 septembre 2016 adressés à l'employeur pour dénoncer les conditions de reprises du travail le 12 septembre 2016 ne sont corroborés par aucun élément extérieur, les photographies de l'intérieur d'une camionnette produites en pièce 11 ne présentant pas de garantie de sincérité suffisante.
La société Challacin n'est pas contredite en ce qu'elle indique que le retard de transmission du planning de travail du 12 septembre 2016 et de remise des EPI est dû au fait qu'elle a été prévenue tardivement - le 9 septembre - de la date de reprise de la salariée. De ce fait, la remise tardive du planning n'était pas volontaire.
Il n'est pas démontré que l'employeur a fait obstacle à la reprise du travail de la salariée le 12 septembre 2016, ni que le comportement de l'employeur est à l'origine de son placement en arrêt de travail le 13 septembre 2016.
En revanche, la société Challacin ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'elle a payé à la salariée la journée travaillée du 12 septembre 2016, les mentions de la fiche de paie n'étant pas suffisamment probantes.
Il ressort des échanges entre Mme [F] [I] et la CPAM des 18 octobre et 17 novembre 2016 que la société Guy Challancin n'a pas indiqué dans la déclaration de salaire les salaires bruts perçus entre le 1er juin 2016 et le 31 août 2016 et qu'elle n'avait toujours pas transmis une nouvelle attestation de salaire à la CPAM le 17 novembre 2016.
Il est ainsi démontré que l'employeur a transmis avec retard une attestation de salaire erronée qui a retardé l'indemnisation de Mme [I] jusqu'au 19 décembre 2016, comme indiqué par la CPAM dans son courriel du 17 novembre 2016 annonçant un délai de traitement de 2 semaines à compter de la réception du dossier complet.
Il est également établi que la société Guy Challancin a, de ce fait, privé la salariée de ressources notamment pendant trois mois, entre le 12 septembre et le 19 décembre 2016.
S'agissant du versement du complément de salaire, il ressort des pièces versées aux débats qu'au mois de mai 2017, l'employeur a payé à Mme [F] [I] un complément de salaire de 1147,70 euros bruts euros en application des dispositions de l'article 4.9.1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté au titre des arrêts de travail du 20 septembre au 7 décembre 2016.
Il est constant que Mme [F] [I] avait auparavant saisi la formation des référés du conseil des prud'hommes pour obtenir le paiement des compléments de salaire.
Le retard de paiement du complément de salaire pendant 7 mois est matériellement établi.
La convention collective des entreprises de propreté et services associés prévoit à l'article 8.1.6 le paiement par l'organisme de prévoyance d'une prestation dite 'de complément' à l'indemnité de l'article 4.9.1, d'une durée variable selon l'ancienneté du salarié.
Mme [F] [I] produit aux débats son courrier du 23 octobre 2016 par lequel elle informe la société Guy Challancin avoir pris contact avec l'AG2R qui lui a indiqué que l'employeur n'a effectué aucune démarche au sujet du paiement du complément des indemnités journalières et lui demande de faire le nécessaire.
Or, la partie intimée ne justifie pas des démarches entreprises auprès de l'organisme de prévoyance pour obtenir le versement du complément de rémunération et, par ordonnance du 5 juillet 2017, la formation de référé du conseil des prud'hommes de Lyon l'a condamnée sous astreinte à transmettre à l'organisme de prévoyance les éléments permettant l'indemnisation de la salariée au titre de l'arrêt de travail du 13 septembre 2016 après avoir relevé que cette dernière n'avait jamais perçu la moindre indemnisation à ce titre.
Il est ainsi démontré que l'employeur n'a pas envoyé à l'organisme de prévoyance les éléments nécessaires au paiement du complément de rémunération dû en application de l'article 8 de la convention collective et que la salariée a dû saisir la formation des référés du conseil des prud'hommes pour les obtenir.
Selon l'article L1226-11 du code du travail : 'Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail (...)'.
En l'espèce, il est constant que le second avis d'inaptitude est daté du 16 février 2017 et il ressort des fiches de paie de Mme [F] [I] que l'employeur a repris le paiement des salaires à la fin du mois d'avril 2017.
Il est ainsi établi que la société Guy Challancin n'a pas repris le paiement de son salaire à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude.
La salariée allègue souffrir d'un syndrome dépressif depuis le mois de mai 2016 mais elle ne produit pas les avis d'arrêt de travail mentionnant l'affection les ayant justifiés.
Elle verse aux débats deux certificats du docteur [K] [L] datés des 9 janvier 2017 et 3 mai 2018 constatant 'un problème' lui 'semblant' relever d'une souffrance liée au travail', sans plus de détail sur les constatations médicales qu'il a pu opérer et il résulte des termes du certificat du 9 janvier 2017 que ce médecin s'est fondé uniquement sur les dires d'une parente de Mme [F] [I], qui travaille dans la même entreprise et qu'il connaît depuis longtemps, ainsi que sur les déclarations de Mme [F] [I] consignées dans un 'remarquable courrier [ ] avec un relevé détaillé de ce qu'elle vit'.
De plus, ce médecin qui n'est pas celui ayant délivré les arrêts de travail, reconnaît dans le premier certificat ne suivre Mme [F] [I] que depuis très récemment et indique qu'il lui est 'bien entendu difficile, compte tenu de [sa] méconnaissance de son vécu au fil des consultations antérieures, de certifier quoi que ce soit'.
Il n'est donc pas démontré que la dégradation de l'état de santé de Mme [F] [I] est liée au comportement de l'employeur.
Cependant, les tracas financiers causés par ce comportement étaient incontestablement susceptibles de compromettre la santé psychologique de la salariée
À l'issue de cette analyse il apparaît que tous les faits matériellement établis invoqués par Mme [I] au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Or la société Guy Challancin ne rapporte pas la preuve de ce que ses agissements n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement en ce que :
- elle ne justifie pas du retard de transmission par Mme [F] [I] de ses arrêts de travail
- contrairement à ce qu'elle soutient, le complément de salaire dont fait état la salariée ne concerne pas des périodes durant cette dernière était en grève de sorte qu'elle était bien tenu de le payer
- elle ne rapporte pas la preuve que le retard de paiement du complément de salaire et des indemnités dues par l'organisme de prévoyance sont liés à une transmission tardive du bordereau d'indemnités journalières de sécurité sociale des années 2016 et 2017 par Mme [F] [I].
Il est ainsi établi que Mme [F] [I] a été victime de harcèlement moral.
Au vu des éléments versés aux débats, la cour évalue à la somme de 500 euros le montant des dommages et intérêts propres à réparer le préjudice subi.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande d'indemnisation de la rupture du contrat de travail :
A l'appui d'une demande indemnitaire pour perte d'emploi, Mme [F] [I] affirme que l'employeur a commis plusieurs manquements graves à l'origine de la perte de son emploi et fait valoir que:
- la société n'a pas respecté son obligation de sécurité,
- l'employeur lui a injustement retenu de son salaire une somme au titre de la garantie frais de santé, alors qu'il était informé qu'elle bénéficiait d'une mutuelle personnelle,
- elle n'a jamais bénéficié des avantages de la mutuelle d'entreprise et ne s'est jamais vue remettre une carte de mutuelle,
- elle a subi des faits de harcèlement moral rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle,
- elle a subi un préjudice moral et financier en raison des manquements imputables à la société Challacin
- elle bénéficiait d'une ancienneté de 8 ans et a perdu son emploi ainsi que des revenus stables et n'a, à ce jour, pas repris une activité professionnelle.
La société Challancin réplique qu'elle n'a commis aucun manquement, et que le licenciement de la salariée a été autorisée par l'inspection du travail et a été prononcé pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement, que le préjudice subi n'est pas démontré et que Mme [I] ne justifie pas de sa situation professionnelle actuelle.
Le licenciement de Mme [F] [I] a été autorisé par l'inspecteur du travail le 31 juillet 2017.
De plus, l'appelante ne justifie pas que son inaptitude est en lien avec des manquements de l'employeur à ses obligations et notamment avec le harcèlement moral dont elle a été victime, les termes de l'avis d'inaptitude retranscrits ci-dessus ne suffisant pas à établir ce lien.
En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages et intérêts pour perte d'emploi.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, la société Challacin supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
Par ailleurs, Mme [F] [I] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Challacin à lui payer la somme de 1000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 1000 euros au titre des frais qu'elle a dû exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a:
- rejeté la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour perte d'emploi ;
INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :
CONDAMNE la société Guy Challancin à payer à Mme [F] [I] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;
CONDAMNE la société Challacin à payer à Mme [F] [I] la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Challacin aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, La Présidente,