La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/09/2022 | FRANCE | N°19/05795

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 09 septembre 2022, 19/05795


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 19/05795 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MRMI





[G]



C/

SAS CHALLANCIN







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Lyon

du 09 Juillet 2019

RG : 16/03638











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022









APPELANTE :



[Z] [G]

[Adresse 1]

[Adresse

1]



représentée par Me Rémi RUIZ FERNANDEZ de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 69123/2/2022/06571 du 12/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)





INTIMÉE :


...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/05795 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MRMI

[G]

C/

SAS CHALLANCIN

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Lyon

du 09 Juillet 2019

RG : 16/03638

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

[Z] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Rémi RUIZ FERNANDEZ de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 69123/2/2022/06571 du 12/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIMÉE :

Société CHALLANCIN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Gerbert RAMBAUD de la SELARL RAMBAUD & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Elodie CHRISTOPHE, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Patricia GONZALEZ, Présidente

Sophie NOIR, Conseiller

Catherine CHANEZ, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 Septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente, et par Ludovic ROUQUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Challancin exerce une activité dans le secteur de la propreté.

Elle applique la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Mme [Z] [G] a été embauchée par la société Mouette à compter du 1er octobre 1999 en qualité d'agent de propreté dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 23h83 par mois.

La société Mouette Propreté a été cédée à la société Guy Challancin et le contrat de Mme [G] lui a été transféré à compter du 12 juillet 2013.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [Z] [G] occupait le poste de chef d'équipe dans le cadre d'un contrat de travail à temps complet.

Mme [G] a exercé plusieurs fonctions de représentante du personnel.

La salariée a participé à un mouvement de grève qui a débuté le 27 avril 2016.

Elle a été placée en arrêt de travail du 19 mai au 11 septembre 2016, a repris son poste le 12 septembre 2016 puis a de nouveau été placée en arrêt de travail à compter du 13 septembre 2016.

Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon de diverses demandes de dommages-intérêts et d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail le 30 novembre 2016.

Au terme d'une seconde visite du 27 décembre 2016, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste dans les termes suivants : 'Compte tenu de l'état de santé de l'intéressée, Mme [G] [Z], un reclassement au sein de l'entreprise n'est pas envisageable'.

Le 21 mars 2017, la société Guy Challancin a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier la salariée, autorisation qui lui a été donnée le 19 mai 2017.

Par courrier du 26 mai 2017, la société Challancin a notifié à Mme [G] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement rendu le 9 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon en sa formation de départage a :

- dit et jugé que la société Challancin n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail de Mme [Z] [G],

- déclaré la demande de liquidation d'astreinte prononcée par la formation de référé irrecevable,

- condamné la société Challancin à verser à Mme [Z] [G] :

* outre intérêts légaux à compter de la présente décision :

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [Z] [G] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Challancin de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Challancin aux dépens de l'instance qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle partielle.

Mme [Z] [G] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 7 août 2019.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2022, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Lyon le 09 juillet 2019 en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a débouté la salariée :

- de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité à hauteur de 10.000 euros,

- de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral à hauteur de 20.000 euros à titre principal et de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale à hauteur de 20.000 euros à titre subsidiaire,

- de sa demande de liquidation de l'astreinte à hauteur de 2.920 euros,

- de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 35.000 euros au titre de la rupture du contrat de travail.

Statuant à nouveau,

- dire et juger que l'employeur a violé l'obligation de sécurité,

En conséquence,

- condamner la société Challancin à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

A titre principal,

- dire et juger qu'elle a été victime de harcèlement moral,

En conséquence,

- condamner la société Challancin à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que l'employeur n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail,

En conséquence,

- condamner la société Challancin à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- liquider l'astreinte prononcée contre la société Challancin par ordonnance du 28 juin 2017,

Par conséquent,

- condamner la société Challancin à lui verser la somme de 2.900 euros correspondant à la liquidation de l'astreinte,

- condamner la société Challancin à lui verser la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de l'emploi,

Y ajoutant,

- lui allouer la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner la société Challancin aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 mars 2022, la société Challancin demande pour sa part à la cour de :

- confirmer les dispositions du jugement du Conseil de Prud'hommes ayant débouté Mme [Z] [G] de ses demandes,

- dire et juger que l'employeur n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de travail,

- dire et juger qu'il n'existe aucun manquement relatif à l'obligation de sécurité résultat et qu'il n'y a eu aucun fait de harcèlement moral ou d'exécution déloyale du contrat de travail,

- dire et juger que Mme [G] n'a subi aucun préjudice lié à la perte de son emploi,

- rejeter la demande de liquidation d'astreinte,

En conséquence ;

- débouter Mme [Z] [G] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [Z] [G] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de «constatations» ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité :

Aux termes de l'article L4121-1 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, l'employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ; l'employeur doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

Selon l'article R 4624-16 du code du travail dans sa version applicable entre le 1er juillet 2012 et le 1er janvier 2017 : 'Le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail. Ces examens médicaux ont pour finalité de s'assurer du maintien de l'aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l'informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire.

Sous réserve d'assurer un suivi adéquat de la santé du salarié, l'agrément du service de santé au travail peut prévoir une périodicité excédant vingt-quatre mois lorsque sont mis en place des entretiens infirmiers et des actions pluridisciplinaires annuelles, et, lorsqu'elles existent, en tenant compte des recommandations de bonnes pratiques existantes.'

Mme [G] soutient que la société n'a pas respecté ses obligations en matière de santé et sécurité au travail, et fait valoir que :

- elle n'a pas bénéficié d'un suivi périodique auprès de la médecine du travail,

- la société était consciente de ce manquement sans pour autant avoir régularisé la situation,

- alors qu'elle était tenue d'utiliser des produits dangereux, notamment le produit Sprint spirtfire, l'employeur n'a pas mis à sa disposition les équipements de protection individuelle et ne l'a pas informée des conséquences à court terme et à long terme de ce type de produit ni des mesures de sécurité à prendre, des risques à éviter et des moyens mis en 'uvre pour assurer sa sécurité

- l'employeur ne lui a jamais dispensé une formation en matière d'hygiène et de sécurité alors qu'elle manipulait des produits dangereux

- durant la relation contractuelle et du fait des manquements de l'employeur à ses obligations, sa santé sa sécurité ont été mises en danger.

La société Challancin réplique que :

- elle a rempli son obligation en organisant les visites médicales mais elle a été confrontée à plusieurs obstacles à savoir la nécessité de 'mettre à jour l'administration du personnel' et notamment l'organisation des visites médicales auprès de la médecine du travail après la reprise en 2013 des actifs de la société La Mouette, placée en liquidation judiciaire, mais également en raison la nécessité de relancer à de nombreuses reprises les services de la médecine du travail pour obtenir un rendez-vous

- elle a convoqué Mme [Z] [G] à toutes les visites médicales de reprise

- en revanche la salariée l'a mise dans l'impossibilité d'organiser les visites médicales et cela plusieurs reprises en faisant parvenir avec retard la prolongation de ses arrêts de travail

- la salariée ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle a été mise en contact avec des produits dangereux durant l'exécution de ses missions de chef d'équipe qui ne comportaient aucune prestation de nettoyage

- les équipements de protection individuelle, dont des gants, existaient et étaient distribués et la salariée était responsable de cette distribution

- du fait de sa certification OHSAS 18001, elle est auditée sur ses procédures de management, ce qui est un gage de respect des règles de sécurité au travail et elle a d'ailleurs un taux d'accident du travail bien inférieur à celui de la branche.

S'agissant de l'organisation des visites médicales périodiques, l'employeur ne justifie pas avoir sollicité l'organisation d'une telle visite médicale dans les 24 mois suivant le transfert du contrat de travail, le justificatif de la première demande adressée à la médecine du travail pour 'rattraper le retard des visites médicales' des salariés de l'agence étant daté du 8 juillet 2016.

La fiche technique du produit Taski Sprint Spitfire Spray et le document unique d'évaluation des risques professionnels mis à jour au mois de mars 2018 faisant état de la manipulation de produits susceptibles d'entraîner des risques en matière de projection dans les yeux, d'inhalation, d'irritation et de brûlures et les attestations de deux autres salariés qui n'évoquent pas la situation individuelle de Mme [Z] [G] ne suffisent pas à établir que la salariée a été exposée à des produits dangereux à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.

Cependant, il résulte de la fiche d'étude de poste réalisée par le médecin du travail le 30 novembre 2016 que Mme [G] était bien exposée à des risques 'toxico- allergiques (produits de nettoyage)'.

Or, la société Guy Challancin ne rapporte pas la preuve d'avoir dispensé à la salariée une formation sur les risques liés à l'utilisation de ces produits et de lui avoir remis des équipements individuels de protection destinés à la protéger contre de tels risques.

En outre, il résulte des motifs ci-dessus que l'employeur n'a pas non plus organisé de visites périodiques auprès de la médecine du travail dont l'objet est précisément d'informer le salarié sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire.

Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est ainsi établi.

Cependant, Mme [Z] [G] ne précise et ne démontre pas la nature et le degré d'atteinte à sa santé ou à sa sécurité du fait du manquement de l'employeur à cette obligation, pas plus que l'existence d'un préjudice moral.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [G] affirme qu'à la suite de sa participation à un mouvement de grève collectif, elle a subi des faits de harcèlement moral, et fait valoir que :

- l'employeur a tenté de la dissuader de reprendre son poste à son retour d'arrêt de travail le 12 septembre 2016 en lui remettant son planning après plus d'une heure d'attente sur le parking, en refusant de lui fournir des chaussures de sécurité adaptées à sa taille, et en lui remettant un véhicule dans un état répugnant,

- de ce fait, elle a de nouveau été placée en arrêt de travail à compter du 3 septembre 2016,

- la société a tardé à remettre les attestations de salaire à la CPAM et ces attestations étaient erronées,

-le comportement de l'employeur l'a ainsi privée de ressources pendant trois mois, entre le 12 septembre et le 19 décembre 2016,

- l'employeur a de nouveau transmis de manière volontairement tardive l'attestation de salaire pour l'arrêt de travail du 9 décembre, entraînant à nouveau un retard de paiement et un nouveau préjudice financier,

- l'employeur a tardé à verser le complément de rémunération pendant 7 mois,

- l'employeur n'a pas envoyé à l'organisme de prévoyance les éléments nécessaires au paiement du complément de rémunération dû en application de l'article 8 de la convention collective et elle a été contrainte de saisir la formation des référés du conseil des prud'hommes pour les obtenir,

- l'employeur n'a pas repris le paiement de son salaire à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude, et a attendu trois mois pour ce faire,

- son état de santé s'est dégradé en raison du comportement de l'employeur.

Le courrier de la salariée daté du 12 septembre 2016 et celui de son conseil daté du 28 septembre 2016 adressés à l'employeur pour dénoncer les conditions de reprises du travail le 12 septembre 2016 ne sont corroborés par aucun élément, les photographies produites en pièce 11 et la fiche signée par Mme [G] selon laquelle le véhicule mis à sa disposition présentait une odeur nauséabonde ayant été établies par ses soins et ne présentant pas de garantie de sincérité suffisante.

La société Guy Challancin n'est pas contredite en ce qu'il indique que le retard de transmission du planning de travail du 12 septembre 2016 est dû au fait qu'elle a été prévenue tardivement de la date de reprise de la salariée. Ceci démontre que la remise tardive du planning n'était pas volontaire.

Il n'est pas démontré que l'employeur a fait obstacle à la reprise du travail de la salariée le 12 septembre 2016, ni que le comportement de l'employeur est à l'origine de son placement en arrêt de travail le 13 septembre 2016.

Il ressort des échanges entre Mme [Z] [G] et la CPAM des 14 octobre et 26 octobre 2016 que la société Guy Challancin n'a pas communiqué le montant des salaires dans l'attestation envoyée le 27 septembre 2016 et qu'elle n'a procédé à la régularisation que le 16 novembre 2016.

Il est ainsi démontré que l'employeur a transmis avec retard une attestation de salaire erronée qui a retardé l'indemnisation jusqu'au 1er janvier 2017, comme indiqué par la CPAM dans son courriel du 17 novembre 2016 annonçant un délai de traitement de 2 semaines à compter de la réception du dossier complet.

S'agissant de l'arrêt de travail du 9 décembre au 29 décembre, il résulte d'un courriel de la CPAM du 13 janvier 2017 que l'employeur n'avait toujours pas établi l'attestation de salaire indispensable au versement des indemnités journalières le 13 janvier 2017.

Il est donc démontré que la société Guy Challancin a, à deux reprises, tardé à transmettre l'attestation de salaire à la CPAM et que ce comportement a privé la salariée de ressources notamment pendant trois mois, entre le 12 septembre et le 19 décembre 2016.

S'agissant du versement du complément de salaire, il ressort des pièces versées aux débats qu'au mois de mai 2017, l'employeur a payé à Mme [Z] [G] un complément de salaire de 1230,60 euros bruts euros en application des dispositions de l'article 4.9.1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté au titre des arrêts de travail du 20 septembre au 7 décembre 2016.

Il est constant que Mme [Z] [G] avait auparavant saisi la formation des référés du conseil des prud'hommes pour obtenir le paiement des compléments de salaire.

Le retard de paiement du complément de salaire pendant 7 mois est matériellement établi.

La convention collective des entreprises de propreté et services associés prévoit à l'article 8.1.6 le paiement par l'organisme de prévoyance d'une prestation dite 'de complément' à l'indemnité de l'article 4.9.1, d'une durée variable selon l'ancienneté du salarié.

Mme [Z] [G] produit aux débats son courrier du 23 octobre 2016 par lequel elle informe la société Guy Challancin avoir pris contact avec l'AG2R, laquelle lui a indiqué que l'employeur n'a effectué aucune démarche au sujet du paiement du complément des indemnités journalières et lui demande de faire le nécessaire.

Or, la partie intimée ne justifie pas des démarches entreprises auprès de l'organisme de prévoyance pour obtenir le versement du complément de rémunération et, par ordonnance du 28 juin 2017, la formation de référé du conseil des prud'hommes de Lyon l'a condamnée sous astreinte à transmettre à l'organisme de prévoyance les éléments permettant l'indemnisation de la salariée au titre de l'arrêt de travail du 13 septembre 2016, après avoir relevé que la salariée n'avait jamais perçu la moindre indemnisation à ce titre de la part de l'organisme de prévoyance.

Il est ainsi établi que l'employeur n'a pas envoyé à l'organisme de prévoyance les éléments nécessaires au paiement du complément de rémunération dû en application de l'article 8 de la convention collective et que la salariée a été placée dans l'obligation de saisir la formation des référés du conseil des prud'hommes pour les obtenir.

Selon l'article L1226-11 du code du travail : 'Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail (...)'.

En l'espèce, le second avis d'inaptitude est daté du 27 décembre 2016 et il ressort des fiches de paie de Mme [Z] [G] que l'employeur a repris le paiement des salaires à la fin du mois d'avril 2017.

Il est ainsi établi que la société Guy Challancin n'a pas repris le paiement du salaire à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude, et qu'il a attendu trois mois pour ce faire.

Le courrier de la CPAM en date du 23 janvier 2017 mentionnant que l'arrêt de travail du 13 septembre 2016 est reconnu en rapport avec une affection de longue durée ne suffit pas à démontrer que l'arrêt de travail du 13 septembre 2016 est directement lié au comportement de l'employeur et la cour relève qu'il n'est pas justifié de l'origine des arrêts de travail délivrés à partir du mois de mai 2016.

S'il n'est donc pas démontré que la dégradation de l'état de santé de Mme [Z] [G] est liée au comportement de l'employeur, en revanche, les courriels échangés avec la CPAM et notamment celui du 17 novembre 2017 dans lequel la salariée évoque sa situation financière difficile, démontrent que les tracas financiers causés par le comportement de l'employeur étaient néanmoins susceptibles de compromettre sa santé psychologique.

À l'issue de cette analyse il apparaît que parmi tous les faits invoqués par la salariée au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, il est établi qu'après la grève du 27 avril 2016, l'employeur :

- a tardé à deux reprises à transmettre l'attestation de salaire à la CPAM et que ce comportement a privé la salariée de ressources notamment pendant trois mois, entre le 12 septembre et le 19 décembre 2016;

- n'a pas payé pendant 7 mois le complément de salaire dû à Mme [Z] [G] en application de l'article 4.9.1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté au titre des arrêts de travail du 20 septembre au 7 décembre 2016 ;

- n'a pas envoyé à l'organisme de prévoyance les éléments nécessaires au paiement du complément de rémunération dû en application de l'article 8 de la convention collective, contraignant cette dernière à saisir la formation des référés du conseil des prud'hommes pour les obtenir ;

- n'a pas repris le paiement du salaire à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude, et a attendu 3 mois pour ce faire.

Il est également établi que les tracas financiers causés par le comportement de l'employeur étaient susceptibles de compromettre la santé psychologique de Mme [Z] [G].

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Or la société Guy Challancin ne rapporte pas la preuve de ce que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement en ce que :

- elle ne justifie pas du retard de transmission par Mme [Z] [G] de ses arrêts de travail

- contrairement à ce qu'elle soutient, le complément de salaire dont fait état la salariée ne concerne pas des périodes durant cette dernière était en grève de sorte qu'elle était bien tenue de le payer

- elle ne rapporte pas la preuve de ce que le retard de paiement des indemnités dues par l'organisme de prévoyance est lié à une transmission tardive du bordereau d'indemnités journalières de sécurité sociale des années 2016 et 2017 par Mme [Z] [G].

Il est ainsi établi que la salariée a été victime de harcèlement moral.

Au vu des éléments versés aux débats, la cour évalue à la somme de 1500 euros le montant des dommages et intérêts propres à réparer le préjudice subi.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la liquidation de l'astreinte

Mme [G] demande la liquidation de l'astreinte prononcée par ordonnance de la section des référés du conseil des prud'hommes de Lyon le 28 juin 2017 qui a condamné la société Guy Challancin à transmettre à l'organisme de prévoyance les éléments permettant son indemnisation sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de l'ordonnance.

Elle fait valoir que la société n'a pas immédiatement exécuté l'ordonnance du 28 juin 2017, qu'elle a été contrainte de la relancer à deux reprises et que ce n'est qu'au mois de novembre que l'employeur s'est exécuté.

Cependant, le premier juge a considéré à juste titre que, dans la mesure où la section des référés du conseil des prud'hommes de Lyon s'était réservé le pouvoir de liquider l'astreinte, il n'y avait pas lieu de faire doit à cette demande.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour perte d'emploi :

L'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations.

A l'appui d'une demande indemnitaire pour perte d'emploi, Mme [G] fait valoir que l'employeur a commis plusieurs manquements graves conduisant à la perte de son emploi et plus précisément que:

- l'employeur n'a pas respecté ses obligations en matière de santé et de sécurité,

- il lui a injustement retenu sur son salaire une somme au titre de la garantie frais de santé, alors qu'il était informé qu'elle bénéficiait d'une mutuelle personnelle,

- elle n'a jamais bénéficié des avantages de la mutuelle d'entreprise et ne s'est jamais vue remettre une carte de mutuelle

- elle a subi des faits de harcèlement moral rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle,

- l'avis d'inaptitude confirme que la poursuite de la relation de travail était impossible.

- elle a subi un préjudice moral et financier en raison des manquements imputables à l'employeur.

La société Challancin réplique qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations, que la salariée a été licenciée pour inaptitude le 26 mai 2017 et que son inaptitude n'est pas d'origine professionnelle.

En l'espèce, le licenciement de Mme [Z] [G] a été autorisé par l'inspecteur du travail le 19 mai 2017.

De plus, l'appelante ne justifie pas que son inaptitude est en lien avec des manquements de l'employeur à ses obligations et notamment avec le harcèlement moral dont elle a été victime, les termes de l'avis d'inaptitude du 27 décembre 2016 retranscrits ci-dessus ne suffisant pas à établir ce lien.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages et intérêts pour perte d'emploi.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, la société Guy Challancin supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, Mme [Z] [G] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Guy Challancin à lui payer la somme de 400 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile

Mme [Z] [G] étant désormais bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale en cause d'appel, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande d'indemnisation sur le même fondement au titre des frais qu'elle a dû exposer en appel.

LA COUR

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable la demande de liquidation d'astreinte ;

- rejette la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour perte d'emploi ;

INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :

CONDAMNE la société Guy Challancin à payer à Mme [Z] [G] la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;

REJETTE les demandes présentées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Guy Challancin aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

Le greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/05795
Date de la décision : 09/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-09;19.05795 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award