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09/09/2022 | FRANCE | N°19/05355

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 09 septembre 2022, 19/05355


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 19/05355 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQL2





SAS THALASSO N°1



C/

[X]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 01 Juillet 2019

RG : 17/1649



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022







APPELANTE :



Société THALASSO N°1

[Adresse 1]

[Localité 4]



reprÃ

©sentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON,

ayant pour avocat plaidant Me Pierre BOUSQUET de la SELEURL ROCHE BOUSQUET, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE :



[O] [...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/05355 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQL2

SAS THALASSO N°1

C/

[X]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 01 Juillet 2019

RG : 17/1649

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

Société THALASSO N°1

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON,

ayant pour avocat plaidant Me Pierre BOUSQUET de la SELEURL ROCHE BOUSQUET, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

[O] [X]

née le 11 Avril 1983 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me François DUMOULIN de la SELARL FRANCOIS DUMOULIN, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Patricia GONZALEZ, Présidente

Sophie NOIR, Conseiller

Catherine CHANEZ, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 Septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente, et par Ludovic ROUQUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

La société Thalasso n°1 exerce l'activité de tour opérateur.

Elle applique la convention collective nationale des agences de voyages et de tourisme.

Mme [O] [X] a été embauchée le 1er juillet 2014 par cette société dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, en qualité de déléguée commerciale.

Par courrier du 9 janvier 2017, la société Thalasso n°1 a convoqué Mme [X] à un entretien préalable fixé le 17 janvier 2017.

Par courrier du 3 février 2017, la société Thalasso n°1 a notifié à Mme [X] son licenciement pour faute grave, dans les termes suivantes :

'Nous faisons suite à nos correspondances des 9 et 23 janvier derniers vous convoquant à un entretien préalable pouvant conduire à un licenciement.

Le 17 janvier 2017, date de votre première convocation, vous étiez en arrêt maladie. Nous avons décidé de reculer cet entretien et vous avons convoqué à nouveau le 31 janvier 2017.

Nous avons constaté que vous ne vous êtes à nouveau pas présentée à cette nouvelle convocation en prétextant une prolongation de votre arrêt maladie.

Malgré le fait que vous bénéficiez de sorties autorisées par votre médecin traitant, vous avez donc décidé de ne pas venir vous expliquer. Nous en avons pris acte et avons décidé de poursuivre la procédure de licenciement à votre encontre pour les faits exposés ci-dessous.

Pour rappel, le lundi 2 janvier 2017, sans aucune concertation avec votre hiérarchie, vous avez adressé un mail très agressif à l'ensemble des clients agences de voyages de THALASSO N°1 relevant de votre ressort géographique, [Localité 6] et sa région.

Dans ce mail, vous demandiez aux dits clients de prendre une décision ferme de partenariat avec notre entreprise. Dans la négative ceux-ci seraient définitivement supprimés de votre liste de prospection.

Face à cette incompréhensible agression, certaines agences ont interrogé directement la Direction au Siège Social afin d'obtenir des éclaircissements sur le ton provocant de votre mail et confirmation qu'il émanait bien de notre société croyant à un piratage informatiquement tellement le ton de votre missive était provocateur.

Depuis lors, vous n'avez pas fait suite aux mails de votre hiérarchie tentant de recueillir vos explications sur cet incident. Les courtes explications verbales fournies à votre responsable, M. [C] [D], lui ont simplement permis de conclure que vous ne vous rendiez absolument pas compte de l'incongruité et de l'absurdité de votre démarche malheureuse et que vous refusiez de reconnaître une quelconque responsabilité.

Puis vous nous avez adressé curieusement dans la foulée un arrêt maladie.

Nous ne pouvons que nous interroger sur la survenance opportune de cet arrêt maladie.

Cette faute intervient dans le contexte suivant :

En tant que déléguée commerciale, vous êtes l'ambassadrice de THALASSO N°1 auprès des clients et prospects relevant de votre géographique avec lesquels vous êtes censée développer des courants d'affaires.

Lors de vos évaluations annuelles, vous aviez déjà été mise en garde sur certains points de votre comportement. En 2015, votre manque de dépendance à l'égard de notre société avait été noté. En 2016, il vous a été demandé d'apprendre à vous remettre en cause, de savoir reconnaître vos propres manquements et d'être plus positive dans votre attitude.

Nous vous reprochons trois choses :

1. Premièrement, d'avoir pris de votre seule initiative la décision d'adresser une circulaire à tous nos clients et prospects sans aucune concertation avec votre hiérarchie. C'est une nouvelle manifestation incontestable de votre esprit d'indépendance et du peu de respect que vous portez à votre encadrement.

2. Deuxièmement, la gravité de votre mail dont la maladresse flirte avec le sabotage des missions que nous vous confions. Nous avons dû démentir vos propos et contacter personnellement les clients les plus choqués afin de les rassurer.

3. Troisièmement, l'absence de remise en cause personnelle et de reconnaissance de votre erreur et ce malgré les mises en garde précédentes.

Après réflexion nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave. En effet, la nature des faits que nous vous reprochons nous oblige à suspendre la relation contractuelle avec effet immédiat pour protéger notre clientèle.

Ce licenciement sans préavis prendra effet à la première présentation de ce courrier en recommandé.'

* * *

Par jugement rendu le 1er juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

-dit que le licenciement de Mme [X] par la société Thalasso n°1 est sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la société Thalasso n°1, à verser à Mme [X] les sommes suivantes :

-4.300,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-430 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

-1679,74 euros bruts au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

-14.659,56 euros bruts au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1.200 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-ordonné à la société Thalasso n°1 le remboursement aux organismes de chômage, des indemnités équivalentes à un mois de salaire,

-débouté Mme [X] de toutes ses autres demandes,

-débouté la société Thalasso n°1 de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamné la société Thalasso n°1 aux entiers dépens de la présente instance.

Par déclaration en date du 24 juillet 2019, la société Thalasso n°1 a interjeté appel de ce jugement.

* * *

Aux termes de ses conclusions en date du 22 octobre 2019, la société Thalasso n°1 demande à la cour de :

-la dire recevable et bien fondée en son appel,

y faisant droit,

-infirmer le jugement entrepris, en tant qu'il a dit le licenciement de Mme [X] dépourvu de cause réelle et sérieuse, et l'a condamné à lui verser la somme de 4.300,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 430 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, 1.679,74 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 14.659,56 euros bruts au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ordonné le remboursement des organismes de chômage, des indemnités équivalentes à un mois de salaire, ainsi que condamné à lui verser à Mme [X] la somme de 1.200 euros ;

Statuant à nouveau,

-dire le licenciement de Mme [X] valablement fondé sur une faute grave et à tout le moins, sur une cause réelle et sérieuse de licenciement,

- débouter Mme [X] de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de congés payés y afférent, de l'indemnité conventionnelle de licenciement des dommages et intérêts et du Code de procédure civile ;

-dire n'y avoir lieu à remboursement aux organismes de chômage de quelque indemnité que ce soit,

-débouter Mme [X] de toutes demandes, fins et conclusions contraires ;

-confirmer le jugement entrepris pour le surplus (en tant qu'il a débouté Mme [X] de ses demandes au titre du rappel de rémunération bonus trimestriel groupe, du rappel d'indemnité au titre des frais professionnels, de la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de la violation des dispositions légales relatives à la durée minimale hebdomadaire de repos),

-En tout état de cause,

-condamner Mme [X] aux entiers dépens d'instance ;

-condamner Mme [X], à lui verser la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

* * *

Aux termes de ses conclusions en date du 21 janvier 2020, Mme [O] [X] demande à la cour de :

A titre principal,

-confirmer le jugement entrepris en tant qu'il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Thalasso n°1 à lui verser les sommes suivantes :

- 4.300,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 430,00 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

-1.679,74 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

-14.659,56 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-1.200,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

-confirmer le jugement en tant qu'il a condamné la société Thalasso n°1 à lui verser les sommes suivantes :

-4.300,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-430,00 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

-1.679,74 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-1.200,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-infirmer le jugement entrepris en tant qu'il l'a débouté de ses demandes au titre du rappel de rémunération au titre du bonus trimestriel groupe, du rappel d'indemnité au titre des frais professionnels supportés dans le cadre du travail réalisé au domicile, de la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail, de la demande de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales relatives à la durée minimale hebdomadaire de repos, et de la demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat.

Statuant à nouveau,

-juger y avoir lieu à rappel de rémunération au titre du bonus trimestriel groupes ;

-juger y avoir lieu à rappel d'indemnité au titre des frais professionnels supportés dans le cadre du travail réalisé au domicile ;

-juger que la société Thalasso n°1 a exécuté de manière fautive et déloyale le contrat de travail ;

-juger que la société Thalasso n°1 a violé les dispositions légales relatives à la durée minimale hebdomadaire de repos ;

-juger que la société Thalasso n°1 a tardivement et fautivement remis les documents de fin de contrat ;

En conséquence,

-condamner la société Thalasso n°1 à lui verser les sommes suivantes :

-1.630,80 euros à titre de rappel de salaire au titre du bonus trimestriel groupes,

-163,08 euros à titre de congés payés sur rappel précité,

-1.273,50 euros à titre d'indemnité pour frais professionnels supportés dans le cadre du travail réalisé à domicile,

-3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

-2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales relatives à la durée minimale hebdomadaire de repos,

-1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

En tout état de cause,

-condamner la société Thalasso n°1 à lui verser la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel,

-condamner la société Thalasso n°1 aux entiers dépens de l'instance,

-débouter la société Thalasso n°1 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien fondé du licenciement

En droit, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L. 1232-1 du Code du travail à la date du licenciement, l'employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement.

En outre, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

A l'appui de la contestation de son licenciement, Mme [X] fait valoir que :

-elle n'a pas envoyé un courriel à l'intégralité des clients et prospects de la société mais seulement aux clients agence de voyage de Thalasso n°1 relevant de son ressort géographique,

-elle était autorisée à communiquer de façon autonome avec les clients agence de voyage de son secteur,

-le mail envoyé n'était pas agressif ni provocateur,

-ce mail avait pour but d'actualiser sa base de données concernant les clients avec lesquels la cessation des relations commerciales avec la société étaient déjà effective,

-le grief tenant à un prétendu refus de répondre à des agences qui souhaitaient des explications n'est pas visé dans la lettre de licenciement,

-elle a fourni des explications verbales à son responsable concernant ce mail dans un délai de 48 heures,

-elle n'a jamais été destinataire d'un rappel à l'ordre ou d'une sanction disciplinaire, et elle a donné pleine satisfaction à son employeur pendant plus de deux ans.

La société Thalasso n°1 réplique que la faute commise par la salariée est d'une gravité telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise, et fait valoir que :

-la salariée ne pouvait pas prendre seule l'initiative d'envoyer une circulaire générale à l'ensemble des clients, prospects et partenaires,

-cette initiative était contraire à ses missions de déléguée commerciale principale,

-cette démarche a été dommageable pour la société et contraire à son intérêt,

-ce courriel était agressif et menaçant,

-le moment de l'envoi était mal choisi,

-la salariée a coupé toute communication avec ses clients, les laissant à penser qu'elle avait mis sa menace à exécution, en ce sens qu'elle n'a pas répondu aux appels des agences qui souhaitaient avoir des explications et qu'elle avait laissé sur son répondeur un message disant qu'elle ne répondrait pas aux mails.

Il résulte des productions et notamment de la pièce 8 de la société que le 2 janvier 2017 à 20h40, Mme [X], sous l'adresse mail '[Courriel 5]' a écrit :

'Bonjour à toutes et à tous

Afin de ne pas polluer davantage votre boîte mail en 2017

merci de me dire si vous ne travaillez plus DU TOUT avec nous (écrit en rouge)

je pourrai ainsi vous supprimer définitivement (mot en rouge) dans notre fichier interne (code agence, mail, etc)

Merci à vous'.

La société Stratejy dès le 3 janvier 2017 a demandé par mail à l'assistante commerciale Thalasso N°1 de la rappeler en se déclarant étonnée de la forme du message, précisant '[O] n'est pas joignable...pouvez vous nous confirmer que cela émane bien de Thalasso N°1";

Le même jour, l'assistante commerciale adressait une demande d'explication à la salariée en indiquant notamment 'ce mail envoyé aux agences est inadmissible et irresponsable. A qui l'as tu envoyé ''' ce n'est pas une manière de faire et c'est anti commercial à un point extrême que tu n'imagines pas. Tu vas devoir nous donner une explication lors de l'entretien individuel sur cette manière de faire. Désormais, plus aucun mail ne doit partir de ta boîte sans la validation de Myfi qui est la responsable de l'animation réseau et à ce titre doit valider ce qui est communiqué aux agences. Commet se fait-il que tu ne sois pas joignable ce matin. Merci de rappeler l'agence pour lui expliquer ta démarche...'.

Ainsi que justement relevé par l'employeur, ce message, adressé en période particulièrement mal choisie de présentation des voeux, très maladroit (brièveté et ton cavalier, mots en rouge, en gras ou en majuscule, emploi des termes 'supprimer' et 'polluer' particulièrement négatifs pour l'interlocuteur), comporte un aspect menaçant et un reproche sous-jacent de placement insuffisant de produits, et il se révèle totalement anti-commercial et inapproprié, ne pouvant que choquer la clientèle habituelle, ce qui est confirmé par les demandes d'explications d'un client manifestement interloqué ayant mis en doute la provenance du message. Le message n'est nullement 'empreint de politesse' comme l'affirme la salariée.

Ce message de nature à rompre la confiance des agences de voyage clientes qui sont menacées de ne plus rester partenaires ( lesquelles agences sont le relai nécessaire à la commercialisation des produits Thalasso N°1 et qui peuvent donc ne plus des référencer) présente d'évidentes conséquences dommageables, peu important que le message ait été limité au secteur commercial de la salariée et qu'une seule réaction de client soit produite.

Mme [X] ne peut non plus se retrancher derrière le fait qu'elle pouvait prendre seule une telle initiative sans en référer à sa hiérarchie, s'agissant d'une lettre circulaire générale adressée aux clients. En outre, à supposer que sa capacité de communication autonome avec les clients de son secteur permettait cet envoi, ceci n'est nullement de nature à en valider les termes.

Si la lettre de licenciement ne vise pas le fait que la salariée n'a, postérieurement à cet envoi et avant arrêt maladie, pas répondu aux interrogations des clients, force est de constater que Mme [X] n'a pas eu conscience de la faute commise et n'a manifestement pas agi pour tenter de la réparer auprès de la clientèle.

L'initiative de l'envoi de la lettre circulaire et le moment de cet envoi, la forme de l'envoi et les termes inappropriés employés constituent ainsi une faute constituant un motif réel et sérieux de licenciement, même si la société ne rapporte pas la preuve de recadrages antérieurs pour des faits de même nature. Le jugement est en conséquence infirmé.

Toutefois, ceci ne justifiait pas la rupture immédiate du contrat de travail alors qu'elle pouvait être occupée à des tâches contrôlées pendant le préavis de sorte que la faute grave privative d'indemnités n'est pas retenue.

Sur les demandes financières découlant du licenciement

Le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, le jugement est infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de dommages intérêts de la salariées pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a ordonné le remboursement de sommes à Pôle emploi par l'employeur.

Par contre, la faute grave n'étant pas retenue, les indemnités compensatrices de préavis et de licenciement sont dues.

Le montant retenu par le jugement à ce titre ne faisant pas débat, le jugement est confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes à ce titre.

Sur le bonus trimestriel groupes

Il résulte de l'article 7 du contrat de travail que :

'C/Bonus trimestriel groupes :

Pour tout groupe négocié et apporté directement suite aux négociations et suivi du commercial, une prime de 0,5% sur le chiffre d'affaires HT en date de départ sera versée par trimestre, sous réserve qu'une marge brut minimum de 9% soit respectée. Le CA groupe est déduit du CA global du secteur.'

Mme [X] affirme que compte tenu des groupes négociés et apportés la société devait lui régler un bonus trimestriel groupes conformément à l'article 7 de son contrat de travail. Elle ajoute que l'invalidation d'un seul groupe apporté ne peut pas entraîner l'absence de versement du bonus trimestriel groupes pour l'ensemble des groupes négociés et apportés.

La société Thalasso n°1 réplique qu'elle ne peut prétendre au paiement de la prime concernant le groupe Gerardot production car il n'a pas été apporté par la salariée directement.

Mme [X] appuie sa demande sur ses pièces 13 et 28. L'échange de courriels constituant la pièce 13 ne rapporte cependant pas la preuve que la salariée pouvait prétendre

Quant à la pièce 28, il s'agit d'un tableau manifestement dressé par la salariée qui ne rapporte pas non plus la preuve requise.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.

Sur les frais professionnels dans le cadre du travail à domicile

Selon les dispositions de l'article L 1222-9 du code du travail dans sa version applicable à la cause, 'Sans préjudice de l'application, s'il y a lieu, des dispositions du présent code protégeant les travailleurs à domicile, le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci.

Le télétravailleur désigne toute personne salariée de l'entreprise qui effectue, soit dès l'embauche, soit ultérieurement, du télétravail tel que défini au premier alinéa.

Le refus d'accepter un poste de télétravailleur n'est pas un motif de rupture du contrat de travail.

Le contrat de travail ou son avenant précise les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail.

A défaut d'accord collectif applicable, le contrat de travail ou son avenant précise les modalités de contrôle du temps de travail'.

L'article 1222-10 dans sa version applicable précise que 'Outre ses obligations de droit commun vis-à-vis de ses salariés, l'employeur est tenu à l'égard du salarié en télétravail :

1° De prendre en charge tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci ;

2° D'informer le salarié de toute restriction à l'usage d'équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;

3° De lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature ;

4° D'organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d'activité du salarié et sa charge de travail ;

5° De fixer, en concertation avec lui, les plages horaires durant lesquelles il peut habituellement le contacter'.

Mme [X] sollicite le versement d'une indemnité inhérente aux frais professionnels qu'elle a du engager dans le cadre du travail à domicile réalisé selon elle tous les lundis sauf exception.

La société Thalasso n°1 réplique que Mme [X] n'était pas travailleur à domicile, qu'elle ne démontre pas avoir été en situation de télétravail et que son contrat de travail prévoit une simple possibilité d'avoir recours au travail à domicile.

Il est constant que le contrat de travail prévoyait une possibilité de travail à domicile sans plus de précisions.

Toutefois, la pièce numéro 7 mise en avant par la salariée n'établit pas que cette dernière était en position de télétravail tous les lundis comme elle l'affirme alors que par ailleurs, elle disposait d'un local professionnel.

Mme [X] ne rapporte pas la preuve du télétravail qu'elle allègue et le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de remboursement de frais.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l'employeur d'exécuter le contrat de bonne foi. La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

Mme [X] soutient que ces conditions de travail étaient délétères, et fait valoir que :

-M. [W], directeur des ventes réseaux, s'adressait à elle de manière désobligeante,

- il lui a été demandé de réaliser des prestations de travail pendant un arrêt maladie,

-les relations professionnelles avec son supérieur hiérarchique, M. [D], responsable régional, étaient tendues ; elle a été mise à l'écart par ce dernier et aucune mesure n' a été prise afin de faire cesser ses agissements sauf une demande informelle de M. [W] à M. [D] de ne plus intervenir et communiquer sur son secteur,

-ses conditions de travail ont entraîné une dégradation de son état de santé,

-à la suite de la rupture du contrat de travail la société a procédé à la radiation de la mutuelle alors qu'elle souhaitait bénéficier de la portabilité.

La société Thalasso n°1 réplique que le contrat de travail a été loyalement exécuter et fait valoir que :

-la salariée était félicitée quand son travail le justifiait,

-les cadrages ou instructions de ses supérieurs n'ont rien d'anormal,

-l'attitude de la salariée pouvait poser problème parfois à certains clients,

-la salariée a été parfaitement informé de ses droits à la portabilité de la mutuelle.

Mme [X] fait valoir les éléments suivants :

- en pièce 9, un mail de M. [W] comportant les propos suivants 'je pense qu'il est temps de sortir de votre léthargie',

- en pièce 8, un mail en réponse à des interrogations de la salariée et comportant les termes suivants 'c'est bien de défendre ses agences mais il ne faut pas oublier pour qui vous travaillez ''' Cessez le syndrome de Stockholm !!!'

- en pièces 10-a et 10-b des demandes de prestations pendant un arrêt maladie,

- ses pièces 12 à 15 illustrant des relations professionnelles tendues avec son supérieur hiérarchique, l'intervention de ce dernier sur son secteur et sa mise à l'écart,

- en pièce 16 à 18 des pièces médicales relevant un contexte de harcèlement moral

- en pièce 21, 22 et 33, la radiation de son contrat de mutuelle.

S'agissant des termes des courriers de M. [W], et quelque soit leur pertinence, ils doivent être replacés dans le contexte général des courriers dont les termes relèvent du pouvoir de direction de l'employeur sans être désobligeants.

S'agissant des pièces 12 à 15, il s'agit essentiellement de courriers de reproches de la salariée qui ne rapportent aucunement la preuve des faits allégués.

Il apparaît effectivement que des renseignements ont été demandés à la salariée pendant un arrêt maladie.

S'agissant de la portabilité de la mutuelle, la pièce 21 contient la demande de la salariée d'en bénéficier (courrier du 2 mars 2017), la pièce 22 se révèle illisible et inopérante et la pièce 23 est le solde de tout compte. Si l'employeur ne démontre pas avoir répondu sur la portabilité de la mutuelle, il n'est pas contesté que la salariée a rapidement retrouvé un emploi et aucun préjudice n'est démontré.

Les pièces médicales ne font par ailleurs que retraduire les explications de la salariée au praticien sans établir la véracité de tels propos par ailleurs contraires aux affirmations de Mme [X] en page 15 de ses conclusions et selon lesquelles elle donnait pleinement satisfaction, recevant remerciements et félicitations et ses qualités professionnelles étant nouées.

En définitive, les seuls messages adressés à la salariée pendant un arrêt maladie ne caractérisent pas l'exécution déloyale du contrat de travail alléguée ni l'existence d'un préjudice indemnisable.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.

Sur le repos hebdomadaire

L'article L 3132-1 du code du travail dispose que 'il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine'.

Il résulte de l'article L. 3132-2 du code du travail que 'le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre Ier.'

La charge de la preuve du respect du temps de repos incombe à l'employeur.

Mme [X] soutient qu'elle a régulièrement été privée d'un repos hebdomadaire de 48 heures consécutives et a été contrainte de travailler 6 jours par semaine.

La société Thalasso n°1 réplique qu'elle ne démontre pas que les dispositions relatives au repos dominical n'ont pas été respectées, qu'en outre elle accorde un repos hebdomadaire plus favorable à ses salariés que celui prévu par la convention collective.

Le jugement entrepris a estimé qu'aucun élément n'établissait le non respect des dispositions légales et retenu que les salariés bénéficiaient pour chaque dimanche travaillé de deux jours de repos, que la salariée ne s'était jamais plainte d'un non-respect des repos hebdomadaire pour rejeter les prétentions.

Mme [X] produit en pièce 7 des plannings faisant apparaître un tel non respect du 24 au 30 novembre 2014, du 11 au 22 janvier 2016, du 14 au 25 mars 2016 et du 12 au 23 décembre 2016.

L'employeur se contente d'énoncer qu'il respecte la convention collective

Le non respect par l'employeur du temps de repos hebdomadaire cause nécessairement un préjudice à la salariée, lequel sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 500 euros à titre de dommages intérêts, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur la remise tardive des documents de fin de contrat

Mme [X] affirme que la société ne lui a pas remis les documents de fin de contrat, qu'elle a été contrainte de solliciter leurs transmission à 4 reprises, et que ce n'est que le 22 mars 2017 qu'ils lui ont été remis entraînant ainsi des difficultés financières.

La société Thalasso n°1 réplique que les documents de fin de contrat lui ont été remis sans qu'elle ne subisse aucun préjudice.

Le jugement n'est pas motivé sur ce point.

Mme [X] a été licenciée le 3 février 2017 et soutient n'avoir reçu les documents de fin de contrat que le 22 mars 2017, justifiant de courriels de rappel jusqu'au 2 mars 2017.

Les documents de travail lui ont été effectivement remis le 22 mars 2017.

Cependant, l'attestation du père de la salariée selon laquelle il lui aurait remis 1.000 euros et le relevé de comptes portant sur la période du 8 février 2017 au 7 mars 2017 et le courrier de Pôle emploi du 15 février 2017 sont insuffisants à établir la réalité d'un préjudice indemnisable et le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société qui reste débitrice de sommes envers la salariée aura la charge des dépens d'appel, les dépens de première instance étant confirmé ainsi que la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 1er juillet 2019 en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Mme [O] [X] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Thalasso n°1 à lui payer la somme de 14.659,56 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonné à la société de rembourser aux organismes de chômage des indemnités équivalentes à un mois de salaire,

- débouté Mme [X] de sa demande de dommages intérêts pour non respect du repos hebdomadaire.

Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [O] [X] repose sur une cause réelle et sérieuse et la déboute en conséquence de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Thalasso N°1 à payer à Mme [O] [X] la somme de 500 euros pour non respect du repos hebdomadaire.

Condamne la société Thalasso N°1 aux dépens d'appel.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/05355
Date de la décision : 09/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-09;19.05355 ?
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