N° RG 18/06978
N° Portalis DBVX - V - B7C - L6SC
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond du 21 septembre 2018
Chambre 1 cab 01 A
RG : 13/08482
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 08 Septembre 2022
APPELANT :
M. [X] [R]
né le 08 Juillet 1965 à TANANARIVE (MADAGASCAR)
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Maître Emmanuel LAROUDIE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1182
et pour avocat plaidant la SELARL JURI DÔME, avocat au barreau
de CLERMONT FERRAND
INTIMES :
M. [W] [E]
né le 13 Janvier 1951 à [Localité 5] (RHONE)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Mme [V] [P] épouse [E]
née le 20 Février 1964 à [Localité 6] (RHONE)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentés par la SELARL LALLEMENT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 374
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Date de clôture de l'instruction : 21 Janvier 2020
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Juin 2022
Date de mise à disposition : 08 Septembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Anne WYON, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Annick ISOLA, conseiller
assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l'audience, l'un des membres de la Cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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M. [R] a vendu à Mme [H] [L] devenue Mme [E], le 24 février 2011, moyennant le prix de 95 000 euros et un affichage au compteur de 60 300 kms, un véhicule de marque Porsche type 996 turbo qu'il avait acquis au cours de l'année 2008.
Lorsqu'il en était propriétaire, M. [R] avait fait réaliser des travaux modificatifs sur le véhicule, confiés notamment à la société Villa concept.
Par assignation du 19 juillet 2013, M. et Mme [E] ont fait citer M. [R] devant le tribunal de grande instance de Lyon en résolution de la vente ; une expertise a alors été ordonnée par le juge de la mise en état, étendue à la société Villa concept intervenue à l'instance.
L'expert a déposé son rapport le 10 septembre 2015.
Par jugement du 21 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Lyon a prononcé la résolution de la vente du véhicule Porsche, ordonné la restitution par M. [R] aux époux [E], du prix de vente de 95 000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 avril 2013 et ordonné à M. [R] de récupérer à ses frais le véhicule auprès de ces derniers condamnés au besoin à le lui restituer, rejeté le surplus des demandes et condamné M. [R] aux dépens et au paiement d'une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon déclaration du 5 octobre 2018, M. [R] a formé appel à l'encontre de ce jugement.
Par ordonnance du 12 février 2019, le conseiller de la mise en état a :
- ordonné l'exécution provisoire du jugement rendu le 21 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Lyon,
- rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens de l'incident.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 3 janvier 2020 par M. [R] qui conclut à la réformation du jugement du 21 septembre 2018 en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du 24 février 2011 et demande en substance à la cour de débouter M. et Mme [E] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, dire et juger parfaite la vente du 24 février 2011 et condamner M. et Mme [E] à lui reverser la somme de 112 737,54 euros versée au titre de l' exécution provisoire et à reprendre possession du véhicule, sollicitant à titre subsidiaire l'application de l'alinéa 2 de l'article 1231-7 du code civil pour débouter ces derniers et en toute hypothèse leur condamnation aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une indemnité de procédure de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 4 septembre 2019 par M. et Mme [E] qui concluent en substance à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes indemnitaires et demandent à la cour, statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant, de dire et juger que la restitution du véhicule litigieux se fera de manière concomitante au remboursement du prix de vente et condamner M. [R] à leur payer les sommes de :
- 21 727,53 euros en remboursement des frais annexes,
- 227 810 euros en réparation de leur préjudice de jouissance arrêté au 23 août 2019, et 95 euros par jour à compter du 13 mai 2019 jusqu'au jour de l'arrêt définitif et exécuté,
- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel outre les dépens avec application de l'article 696 du code de procédure civile,
sollicitant le rejet de l'intégralité des demandes de M. [R].
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 21 janvier 2020.
Il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS ET DECISION
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
La cour constate, comme le premier juge, qu'aucune discussion ne s'élève entre les parties sur l'identité du propriétaire du véhicule qui a été acheté par Mme [E], alors même que M. et Mme [E] se présentent comme ses propriétaires.
M. et Mme [E] font valoir que les modifications apportées par M. [R] au titre de l'embrayage, dans la programmation du moteur, le système d'échappement et les roues ainsi qu'en matière de carrosserie, rendent le véhicule impropre à un usage routier (véhicule non homologué) en les obligeant à l'utiliser sur circuit.
Ils soulignent l'antériorité à la vente des modifications ainsi apportées par M. [R] et prétendent n'avoir jamais eu connaissance du fait que de telles transformations rendaient le véhicule impropre à un usage sur route ouverte.
M. [R] fait valoir quant à lui que M. et Mme [E] ne rapportent pas la preuve de l'existence des vices, de leur antériorité à la vente et de leur caractère caché ; il explique qu'il n'était pas vendeur professionnel au moment de la vente du véhicule, que l'embrayage qui constitue une pièce d'usure a été remplacé par l'acheteur, que la reprogrammation du moteur était connue de ce dernier ainsi que le précisaient les conditions générales dont la connaissance n'a été discutée qu'en cause d'appel, que les modifications apportées à la carrosserie étaient manifestement visibles ; il soutient avoir toujours été de bonne foi et ne pouvoir à ce titre, être tenu au delà de la restitution du prix de vente.
Sur ce :
En application des dispositions de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Par application des articles 1642 et 1643 du même code, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
L'article 1644 donne alors le choix à l'acheteur, entre rendre la chose et se faire restituer le prix ou garder la chose et se faire rendre une partie du prix.
L'expert [O] qui a procédé à sa mission avec sérieux et de façon exhaustive, a indiqué que :
- M. [E] avait lui-même fait remplacer l'embrayage qui n'était plus celui qui était monté sur le véhicule au moment de la vente et que rien ne permettait donc d'établir que l'origine du patinage dont il se plaint trouve sa cause dans un phénomène antérieur à la vente,
- les roulements à billes ont été remplacés et aucun désordre ne subsiste de telle façon que l'antériorité du désordre ne peut être établie,
- la reprogrammation du calculateur a porté la puissance du véhicule à 480 CV,
- le système d'échappement a été remplacé et le véhicule n'est plus en cela équipé du système anti-pollution d'origine, la soudure sur l'échappement réalisée à l'initiative de M. [E] à 68 886 kms étant sans lien avec cette modification,
- la carrosserie a été complètement modifiée,
- les roues équipant le véhicule ne correspondent pas aux roues d'origine,
- les modifications ainsi apportées au véhicule ont rendu celui-ci non conforme aux normes de circulation sur route ouverte, rendant ce dernier utilisable seulement sur circuit privé.
M. et Mme [E], passionnés d'automobiles de marque Porsche et appartenant au même club automobile Porsche que leur vendeur, ne pouvaient ainsi ignorer l'existence des modifications apportées au véhicule par ce dernier, les intéressés ayant d'ailleurs toujours reconnu qu'ils avaient été informés avant la vente de la reprogrammation du moteur ; aucun élément du dossier ne permet cependant de démontrer qu'ils avaient été informés préalablement à la vente, que ces transformations interdisait l'usage du véhicule sur routes ouvertes et qu'il était réservé à un seul usage sur circuit privé.
En effet, comme le premier juge, et alors même qu'il n'est pas démontré que les acheteurs aient pris connaissance des conditions générales accompagnant la facture du professionnel de l'automobile ayant procédé aux modifications, la cour constate que ni l'annonce de mise en vente publiée, ni la facture d'achat, ni l'expertise réalisée à l'initiative du vendeur avant la vente, ni la mention cochée par M. [R] sur la carte grise attestant que le véhicule n'avait pas subi de transformations notables susceptibles de modifier les indications du certificat de conformité comme l'actuelle carte grise, ne permettaient à l'acheteur d'être totalement informé des restrictions de circulation imposées par les transformations, caractérisant en cela un vice caché rendant le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné.
Le jugement qui a retenu que la garantie de M. [R] en sa qualité de vendeur du véhicule, est due sur le fondement de la garantie des vices cachés mérite dès lors d'être confirmé, sans que la mauvaise utilisation par l'acheteur du véhicule, alléguée sans être démontrée, ne puisse en tout état de cause l'exonérer.
Il doit en conséquence être fait droit à la demande en résolution de la vente donnant lieu à restitution du prix par le vendeur et du véhicule par l'acheteur, dans les conditions fixées au dispositif de l'arrêt.
En l'absence par M. et Mme [E] de toute démonstration de la connaissance par leur vendeur, non professionnel, du vice caché affectant, dans ses restrictions de circulation, le véhicule litigieux, ainsi que l'a très justement considéré le premier juge dans des termes pertinents qui répondent aux moyens d'appel et que la cour adopte, l'indemnisation de ces derniers doit être limitée aux frais occasionnés par la vente en application de l'article 1646 du code civil.
Les seuls frais occasionnés par la vente s'entendent en l'espèce dans les frais d'établissement d'une nouvelle carte grise à hauteur de 1 425,50 euros, à l'exclusion des frais d'installation d'éléments d'équipement, de réparations, d'expertise, de constat ou de procès-verbal de restitution.
Outre la restitution du véhicule, M. [R] doit donc être condamné au paiement de cette somme, les demandes indemnitaires de M. et Mme [E] étant rejetées pour le surplus.
Il sera fait droit à la demande de M. et Mme [E] au titre de l'article 700 dans les conditions fixées au dispositif de l'arrêt, M. [R] qui succombe devant être débouté en sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 21 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Lyon en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule Porsche, ordonné la restitution par M. [R] aux époux [E], du prix de vente de 95 000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 avril 2013 et ordonné à M. [R] de récupérer à ses frais le véhicule auprès de ces derniers condamnés au besoin à le lui restituer et condamné M. [R] aux dépens et au paiement d'une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Infirmant sur le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne M. [R] à payer à M. et Mme [E] une somme de 1 425,75 euros à titre de dommages-intérêts,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne M. [R] aux dépens,
Déboute M. [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne à payer à M. et Mme [E] une somme de 3 000 euros de ce chef.
LE GREFFIER LE PRESIDENT