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08/09/2022 | FRANCE | N°18/00881

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 08 septembre 2022, 18/00881


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 18/00881 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LQIZ





Société [E] [W] ET[F] [S]



C/

[A]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 12 Janvier 2018

RG : 16/01124





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022









APPELANTE :



S.C.P [E] [W] et [F] [S] notaires associés

[Adres

se 4]

[Localité 3]



représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, ayant pour avocat plaidant Me Antoine MONTANT de la SELAFA FIDUCIAL SOFIRAL, avocat au barreau de LYON







I...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 18/00881 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LQIZ

Société [E] [W] ET[F] [S]

C/

[A]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 12 Janvier 2018

RG : 16/01124

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

S.C.P [E] [W] et [F] [S] notaires associés

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, ayant pour avocat plaidant Me Antoine MONTANT de la SELAFA FIDUCIAL SOFIRAL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[X] [A]

née le 28 Mai 1971 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Zerrin BATARAY de la SAS BATARAY AVOCATS, avocat au barreau de VIENNE,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie PALLE, Présidente

Bénédicte LECHARNY, Conseiller

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 Septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [A] a été embauchée le 2 mars 2010 en qualité de secrétaire administrative-aide comptable au sein de l'étude de notaire de Maître [G], auquel ont succédé, en mars 2013, Maîtres [W] et [S].

A compter du 1er septembre 2013, un avenant provisoire au contrat de travail de la salariée a modifié la répartition des horaires de travail de la salariée, afin qu'elle ne travaille plus le mercredi. Les tâches qui lui étaient confiées étaient également modifiées, au motif du départ de l'ancien titulaire de l'office.

L'avenant est devenu définitif à compter du 1er janvier 2014.

La salariée a été placée en arrêt de travail du 8 au 30 octobre 2014.

Le 27 janvier 2015, l'employeur lui a notifié un avertissement pour des manquements dans l'accomplissement de son travail.

Le 23 mars 2015, la salariée était placée en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif sévère, prolongé par la suite.

Le 11 septembre 2015, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste de travail, inaptitude confirmée le 23 octobre 2015, une activité similaire dans un autre environnement organisationnel ou dans une autre entreprise pouvant être proposée.

Le 12 novembre 2015, un reclassement était proposé par l'employeur à la salariée, qui l'a refusé.

Le 19 novembre 2015, la salariée était convoquée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, devant se dérouler le 30 novembre 2015.

Le 3 décembre 2015, la salariée était licenciée pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement.

Le 27 novembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère adressait à l'employeur une notification de décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une maladie, hors tableau, déclarée par la salariée, pour syndrome anxio-dépressif.

La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon .

Par jugement du 12 janvier 2018, le conseil a :

- dit et juger que le harcèlement moral est avéré ;

- dit et juger que le licenciement de la salariée est nul ;

En conséquence,

- condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :

- 10 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur ;

- 2 851,49 euros au titre de licenciement doublée en raison de l'origine professionnelle de l'inaptitude ;

- 7 070,13 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois) ;

- 707,01 euros au titre des congés payés afférents ;

- 15 000 euros pour licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse;

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement de l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée, du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, soit 7 070,13 euros ;

- rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, sont exécutoire de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne des salaires des trois derniers mois est fixée à la somme de 2 356,71 euros ;

- débouté la salariée du surplus de ses demandes ;

- débouté l'employeur de toutes ses demandes ;

- condamné l'employeur aux dépens.

Par déclaration d'appel du 8 février 2018, l'employeur a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions en réponse sur appel incident et récapitulatives déposées le 30 octobre 2018, l'employeur demande à la cour de :

Sur l'appel principal :

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu que le harcèlement moral contre la salariée est avéré et que le licenciement est nul ;

En conséquence,

- dire et juger que les attestations de Mmes [H], [Y] et [L] doivent être écartées;

- dire et juger que les attestations des Dr. [O] et [V] doivent être écartées en ce qu'elles affirment qu'il existe un climat délétère au sein de l'étude, pour la première, et sont contraires aux règles déontologiques pour les deux, en ce qu'ils ne peuvent affirmer ce qu'ils n'ont pas constaté ;

- dire et juger que la salariée ne rapporte la preuve de harcèlement moral à son encontre ;

- dire et juger que licenciement de la salariée pour impossibilité de reclassement, à la suite de son inaptitude, est fondé ;

- condamner la salariée aux dépens ;

Sur l'appel incident,

- constater que le licenciement de la salariée est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Dans ses conclusions d'appel incident et en réponse n° 3 déposées le 17 janvier 2019, Mme [A] demande à la cour de :

A titre principal,

- dire et juger que le licenciement est lié au harcèlement moral de son employeur et en conséquence nul de plein droit ou à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner l'employeur au paiement des somme suivantes :

- 30 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral ou, à tout le moins, pour manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail ;

- 2 851,49 euros au titre de licenciement doublée en raison de l'origine professionnelle de l'inaptitude ;

- 7 070,13 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois) ;

- 707,13 euros au titre des congés payés afférents ;

- 30 000 euros pour licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que le harcèlement moral est avéré ;

- dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 30 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral ou, à tout le moins, pour manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail ;

- 2 851,49 euros au titre de licenciement doublée en raison de l'origine professionnelle de l'inaptitude ;

- 7 070,13 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois) ;

- 707,13 euros au titre des congés payés afférents ;

- 30 000 euros pour licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse;

A titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement ;

En conséquence,

- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 10 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur ;

- 2 851,49 euros au titre de licenciement doublée en raison de l'origine professionnelle de l'inaptitude ;

- 7 070,13 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois) ;

- 707,13 euros au titre des congés payés afférents ;

- 15 000 euros pour licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse;

En tout état de cause,

- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure d'appel ;

- prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner l'employeur aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mai 2020.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

L'employeur, à titre infirmatif, soutient que la cause de la dégradation des conditions de travail de la salariée tient plus probablement à sa santé, qui s'est malheureusement dégradée, qu'aux agissements de son employeur dont la nuisance n'est pas absolument démontrée.

Il estime que les attestations produites l'ont été dans un esprit de rancoeur et ne sont pas des témoignages directs mais de simples constatations d'une santé dégradée.

Il considère que l'arrivée d'un nouveau dirigeant dans une structure ancienne est un bouleversement, en ce qu'il entraîne un changement des méthodes de travail qui ne caractérise pas une situation de harcèlement.

Il indique que le poste d'aide-comptable occupé par la salariée est un poste d'exécution et qu'il est normal que l'employeur lui demande de préciser de façon détaillée les tâches qu'elle exécutait, dans le cadre de l'exercice normal de son pouvoir de direction et d'organisation de l'étude.

Il considère que les preuves produites par la salariée sont faibles en ce qu'elles résident seulement dans un échange de cinq courriels des 12, 13 et 14 septembre 2013, et qu'elle entend faire valoir une situation de harcèlement en se basant sur un unique et éphémère événement, ayant donné lieu à ces courriels.

Il indique que le notaire associé a demandé à la salariée de l'informer sur le détail de son activité afin d'apprécier sa charge de travail, et non pour mettre la pression sur elle. Il souligne que les courriels n'ont aucun caractère insultant ou offensant et manifestent seulement un caractère insistant et ne visaient pas le reste du travail de la salariée. Il estime que les courriels étaient factuels et objectifs, en rapport exact avec les tâches dévolues à la salariée.

Il produit différentes attestations de collaborateurs de l'étude qui établissent la normalité de la prise de fonction du dirigeant et que la nouvelle organisation n'a jamais été vécue comme une épreuve.

Il considère que la salariée ne peut se plaindre de ce qu'elle a été chargée de rédiger des mainlevées d'hypothèque conventionnelle, en ayant réalisé en moyenne une toutes les deux semaines et l'opération prenant neuf minutes. Si elle ne souhaitait plus effectuer cette tâche, il doit être noté qu'elle venait en compensation de la suppression des tâches de tenue de comptabilité personnelle de l'ancien titulaire de l'office.

Il a fait constater par huissier de justice le travail supplémentaire que représentait les mainlevées par la salariée, ce qui représente 252 minutes et le caractère facile et rapide de cette tâche est corroborée par le témoignage d'une collaboratrice aide-formaliste.

Il en conclut qu'aucune surcharge de travail n'était imposée à la salariée et que l'employeur n'a fait qu'user de son pouvoir de direction et d'organisation.

Il soutient que les attestations produites par la salariée ne rapportent pas de faits de harcèlement auxquels les témoins auraient directement assisté, tandis que les 18 salariés de l'étude ont fourni des attestations en faveur de l'employeur.

Il justifie avoir fait vérifié par huissier de justice que Mme [Y] ne pouvait entendre les propos se tenant dans le bureau du notaire depuis son propre bureau, ce qui établit que son témoignage, qui ne date aucun fait rapporté, n'est que pure invention. Il forme les mêmes critiques à l'égard du témoignage de Mme [L].

S'il ne conteste pas les constats des médecins concernant l'état de santé de la salariée et qu'ils aient pu faire un lien entre celui-ci et le rapport au travail de la salariée, ils ne peuvent le mettre en relation avec un fait particulier se déroulant au travail.

Il indique que le médecin du travail n'a pas identifié de situation de harcèlement mais a mis en exergue un lien de causalité entre l'état de santé de la salariée et son rapport au travail, et non les agissements particuliers d'un individu.

A titre confirmatif, la salariée indique qu'entre 2010 et 2013, elle n'a fait l'objet d'aucun reproche professionnel, et que la situation s'est dégradée avec l'arrivée du nouveau notaire associé, Me [S], en mars 2013, qui lui a reproché des manquements, des erreurs ainsi qu'une lenteur dans l'accomplissement de son travail, lui adressant des courriels très rapprochés les uns des autres, particulièrement les 12 et 13 septembre 2013, pour savoir où elle en était dans son travail, instaurant pour elle un climat d'angoisse.

Elle a été confrontée à des accès de colère de son employeur, comme en attestent Mme [Y], qui en a été témoin direct. Elle conteste à cet égard le constat d'huissier de justice réalisé par l'employeur, visant à démontrer que le témoin ne pouvait entendre les propos se tenant dans le bureau du notaire.

Elle estime qu'elle travaillait perpétuellement sous la menace de sanctions et d'avertissements, alors qu'elle avait une surcharge de travail manifeste, comme l'atteste Mme [H], et souffrait d'injonctions contradictoires entre les deux notaires associés.

Elle indique que l'attestation de Mme [L] indique qu'elle a constaté à plusieurs reprises que la salariée pouvait sortir en pleurant du bureau de Me [S].

Elle indique avoir fait des malaises sur son lieu de travail, à plusieurs reprises, en raison du stress résultant des techniques managériales de Me [S].

Celui-ci lui a adressé un avertissement injustifié le 20 janvier 2015, ce qui a altéré encore davantage la santé physique et psychique de la salariée.

Elle indique que l'arrivée d'un nouveau dirigeant dans une structure ancienne ne lui permet pas, sous le couvert de l'exercice de son pouvoir de direction et d'une volonté de maintenir une organisation efficiente, d'imposer à l'une de ses salariée un rythme et un contrôle du travail indigne.

Concernant sa charge de travail, elle indique que le notaire ne pouvait vouloir compenser l'arrêt des tâches, effectuée par la salariée, visant à assurer seulement une part de la comptabilité personnelle de l'ancien notaire, puisque ces tâches n'étaient pas contractualisées.

Elle indique que son retard dans le traitement des mainlevées d'hypothèques lui a été souvent été reproché alors qu'elle n'avait pas été formée à ces fonctions.

Elle estime que le constat d'huissier de l'employeur visant à démontrer le temps nécessaire pour effectuer les mainlevées d'hypothèques n'est pas probant.

Elle indique que les symptômes physiques et psychiques de cette situation ont été relevés à plusieurs reprises par les médecins.

Elle souligne que sur les 16 attestations produites par l'employeur, une seule évoque la situation de la salariée, et qu'elles ne lui apparaissent pas probantes.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 4121-1 dispose que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il résulte de la combinaison de l'article L. 1152-1 susvisé et de l'article L. 1154-1 du code du travail, en sa rédaction applicable à l'espèce, que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral , il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge de vérifier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Un acte isolé et unique ne peut pas constituer un harcèlement moral, quand bien même cet acte se serait maintenu dans le temps

Il sera rappelé que la salariée a été embauchée sur un poste d'employée niveau 2, secrétaire administrative-aide comptable (coefficient 115 de la convention collective nationale) et qu'un avenant a été conclu le 1er septembre 2013, ayant un caractère provisoire mais dont les parties admettent son caractère définitif à compter du 1er janvier 2014. Par cet avenant, il a été procédé à une modification des horaires de travail de la salariée, présentée comme résultant d'une demande de celle-ci, ce qui n'est pas contesté (la salariée ne travaillant plus le mercredi). Cet avenant a également précisé les fonctions de la salariée. Sur ce point, il est indiqué que la salariée n'étant plus chargée de certaines tâches qu'elle accomplissait pour l'ancien notaire, il lui était imparti de s'occuper de l'envoi des avis de signatures aux banques, des remboursement des prêts, des courriers de demande de mainlevée, suivi des réponses et relances, de la rédaction des actes de mainlevée simplifiés sous le contrôle d'un clerc.

Il doit être noté que, selon la convention collective nationale, en son article 15 qui définit les classifications des employés, le niveau II (E2) correspond à des fonctions consistant dans l'exécution de tâches simples, avec des consignes précises et détaillées. Il est accessible avec une formation scolaire de base, sans expérience professionnelle requise. La convention collective donne comme exemples d'emploi : archiviste, coursier, employé aux machines de reproduction et numérations, employé accueil standard, accompagnateur pour visites immobilières et secrétaire.

Il sera noté toutefois que le niveau III, coefficient 120, s'applique notamment, selon la convention, aux aides-comptables et secrétaire et correspondant à l'exécution de travaux qualifiés nécessitant des connaissances professionnelles confirmées et une bonne connaissance de la technique et des techniques connexes, acquises par la pratique. Cette exécution doit se faire sur indications, implique la possession d'un diplôme reconnu (brevet, baccaleuréat ou équivalent), et une expérience professionnelle d'au moins deux ans.

La salariée demande à la cour de constater qu'elle a subi de la part de son employeur:

- un contrôle répétitif de son activité professionnelle ;

- une multiplication des critiques ;

- une surcharge de travail ;

- des accès de violence et de colère du notaire ;

- un avertissement injustifié.

Sur le contrôle répétitif de l'activité professionnelle de la salariée

La salariée excipe de courriels de septembre 2013. La cour ne peut que relever qu'il résulte des termes de cet échange que deux premiers courriels du notaire, du 12 septembre, ont pour objet une demande d'information de sa part, relative à un tableau devant être complété par la salariée et qui devait mentionner de manière comparative, notamment, le chiffre d'affaires réalisé par l'étude durant l'année en cours et durant l'année précédente. Le notaire faisait remarquer qu'il avait déjà relancé la salariée, laquelle répondait « je fais ce que je peux et j'y travaille ».

Dans un troisième courriel du même jour, le notaire précisait que sa demande datait de dix jours et que la salariée n'y avait pas répondu, en dépit de deux ou trois relances précédentes.

Il expliquait les raisons de l'importance, pour lui, de ce tableau et demandait (à 13 h 24) en outre à la salariée d'établir, pour le lendemain midi, un bilan précis des activités de la salariée, quant à la nature des tâches qu'elle devait quotidiennement accomplir et le temps qu'elle y consacrait, d'établir un point sur les actes de mainlevée, le solde des comptes envoi des « CA », expliquant qu'il souhaitait connaître la charge de travail de la salariée.

Le sens de ces échanges, dont la cour note que le ton adopté par l'employeur, s'il peut être sec, reste courtois, paraît ainsi viser à interpeller la salariée sur l'absence d'accomplissement d'une demande d'information formulée par le notaire associé depuis dix jours. La salariée, indiquant que ce retard était lié à son activité, le notaire associé lui a demandé de faire un point sur celle-ci, précisant « suite à ces éléments, [E] et moi essaierons de vous apporter des éléments de solution ».

Dans les courriels suivants, du lendemain, le notaire remercie la salariée de lui avoir adressé le tableau qu'il attendait et lui rappelle qu'il reste demandeur des éléments permettant de déterminer la charge de travail de la salariée. Celle-ci lui répond deux heures plus tard en dressant une liste de ses tâches.

Il ne peut qu'être constaté que cette réponse ne correspond pas ce que lui avait demandé le notaire. Celui-ci lui indique alors qu'il verra la salariée pour un entretien la semaine suivante et demande à la salariée de bloquer une heure, à sa convenance, dans son agenda.

La cour considère que, contrairement à ce que soutient la salariée, que ces échanges traduisent en premier le défaut d'accomplissement par celle-ci de certains tâches précises demandées par le notaire, lesquelles n'apparaissent en rien illégitimes, ce qui n'est d'ailleurs pas soutenu. Il sera relevé que le notaire précise le sens de ses demandes (importance pour lui de connaître l'évolution du chiffre d'affaires, par comparaison avec ce qu'accomplissait le précédent notaire, nécessité de connaître la charge de travail de la salariée qui sous-entend ne pas pouvoir répondre à ses demandes en raison de sa surcharge de travail).

Par ailleurs, sur l'ensemble de la période de collaboration effective entre le notaire et la salariée (mars 2013-mars 2015), celle-ci ne fait pas état d'autres échanges, de telle nature, ou si rapprochés, avec le notaire (il est fait seulement état par ailleurs d'un courriel du 20 janvier 2015 dans lequel le notaire indiquait attendre depuis une semaine l'accomplissement d'une tâche précise par la salariée).

La salariée soutient dans ses écritures que le notaire a voulu lui imposer la réalisation d'un tableau des tâches effectuées minutes par minutes. Toutefois, ce n'est qu'une interprétation des courriels des 12 et 13 septembre, à laquelle la cour ne souscrit pas. C'est, d'une part, inexact puisque le notaire a demandé à la salariée d'évaluer le temps quotidien que prenait chacune des tâches qu'elle accomplissait et non pas de justifier, minute après minute, de son activité et c'est une interprétation. C'est, d'autre part, faire abstraction totale du contexte : il ressort des courriels susvisés que le notaire a, chronologiquement, demandé à la salariée de faire le bilan de ses activités durant son temps de travail après que la salariée lui a répondu, en substance, que les demandes du notaire n'avaient pu être honorées en raison du temps dont elle disposait pour accomplir ses différentes fonctions.

Il résulte dès lors ces éléments aucun contrôle répétitif de l'activité professionnelle de la salariée.

La matérialité des faits invoqués par la salariée, fondés sur des demandes incessantes de reporting, n'est pas dès lors établie.

Sur la multiplication des critiques

La salariée excipe de l'attestation de Mme [H], comptable stagiaire puis salariée de l'étude. L'employeur demande que cette attestation soit écartée, sans invoquer de moyens particulier autre qu'elle ne lui semble pas probante. Il n'y a dès lors pas lieu de l'écarter, d'office, de ce chef.

Cette attestation indique que le notaire « faisait toujours des reproches » à la salariée « alors qu'on était submergée(s) de travail », et que le notaire menaçait la salariée « de lui mettre des avertissements ». Il n'est toutefois pas précisé les circonstances, à tout le moins la période durant laquelle ils ont été entendu, ni la nature exacte des reproches formulés par le notaire.

La salariée s'appuie également sur un courriel du 20 janvier 2015 dans lequel le notaire lui indiquait attendre « les premiers plis pour les copies authentiques comme je vous l'ai demandé depuis fin de semaine dernière, demande réitérée hier ».

Mis en regard avec les échanges, précédemment analysés, des 12 et 13 septembre 2013, et le courriel ci-dessus visé du 20 janvier 2015, il en résulte ainsi que la critique principale adressée par le notaire à la salariée, ce qui paraît en outre cohérent avec le témoignage de Mme [H], est celle du retard, ou parfois du défaut, dans l'accomplissement de ses fonctions, ce qui constituera au demeurant l'objet essentiel de l'avertissement du 27 janvier 2015.

Il doit être ainsi constaté que le notaire, à de multiples reprises, a reproché à la salariée sa tardiveté ou son défaut dans l'accomplissement de ses fonctions.

La matérialité des faits invoqués par la salariée est dès lors établie.

Sur la surcharge de travail

La salariée excipe de l'attestation de Mme [H], comptable stagiaire puis salariée, dont la recevabilité a été précédemment analysée.

Cette attestation indique que le témoin et la salariée « étai(ent) submergée(s) de travail », le notaire souhaitant que les « comptes clients et titres soient soldés rapidement mais il y avait deux années de retard », le témoin précisant que « du fait de (sa) lenteur, il était impossible de palier à ce retard sans embaucher une personne supplémentaire ». Elle précise que le notaire menaçait la salariée « de lui mettre des avertissements si les comptes n'étaient pas soldées régulièrement (10 comptes par semaine mais le quotidien qui est plus urgent et le travail important de fin d'année en nombre d'actes ainsi que les mainlevées d'hypothèques à rédiger par (la salariée) ne permettaient pas d'effectuer tout ce travail en effectuant des heures normales ».

Le témoin ajoute « ce n'est pas la charge de travail qui a entraîné la dégradation de la santé (de la salariée) mais les menaces de la virer et de la remplacer régulièrement et les convocations (du notaire) et instructions contradictoires des associés ».

L'employeur entend décrédibiliser cette attestation, en raison de son caractère subjectif, ce qui est le propre des témoignages, et, notamment, en ce que le témoin avait été engagée pour un poste supérieur à celui de la salariée, ce qui est sans emport. Le fait que ce témoin indique avoir été formé « en partie sur son nouveau poste » par la salariée, en dépit de son statut supérieur n'est pas incongru, notamment au regard de l'ancienneté de la salariée et, au surplus, de ce que cette situation peut s'expliquer simplement par le fait que la salariée exécutait des tâches qui ne ressortissait pas du statut que lui avait reconnu l'employeur.

Cette attestation doit être dès lors considérée comme probante.

Il en résulte que la charge de travail des fonctions incombant à la salariée était ressentie, par le témoin, comme importante.

Toutefois, sans être contredit, l'employeur soutient que le témoin, bien que devant occuper un poste à responsabilité supérieure à la salariée, avait été seulement stagiaire dans l'étude avant d'exercer ces fonctions et, sur les tâches qu'elle devait accomplir qui concernaient également la salariée, elle ne disposait pas de l'expérience de celle-ci. Le témoin souligne ainsi elle-même sa propre « lenteur », lorsqu'elle travaillait avec la salariée. Son appréciation de la charge de travail incombant à celle-ci n'apparaît dès lors pas probante.

La cour doit en outre relever que la salariée ne produit aucun élément objectif sur sa charge de travail, permettant d'apprécier si celle-ci était adaptée, ou non, à ses fonctions.

Elle indique notamment qu'elle devait assurer la formation de Mme [H], situation une nouvelle fois non pérenne, et se réfère aux actes de mainlevées qu'elle devait accomplir.

A cet égard, elle indique n'avoir bénéficié d'aucune formation. Cependant, il était prévu par l'avenant du 31 juillet 2013 qu'elle devait effectuer ces actes sous le contrôle d'un clerc. Puisqu'il paraît constant qu'elle effectuait cette tâche, dont le descriptif figurant dans le procès-verbal de constat d'huissier dressé sur demande de l'employeur permet de considérer que son processus n'était pas purement intuitif et nécessitait ainsi la transmission de consignes, notamment en ce qu'il procédait d'un logiciel dédié, elle n'explique pas comment elle est parvenue à les effectuer sans aucune aide ou formation, si celle-ci était nécessaire.

Par ailleurs et à cet égard, l'employeur soutient et justifie sans être contredit sur ce point que la salariée a effectué 28 actes de mainlevée d'hypothèque conventionnelle, constaté par huissier de justice, soit en moyenne une mainlevée toutes les deux semaines.

Particulièrement, il n'est versé à son dossier par la salariée aucun document dans lequel elle alertait explicitement l'employeur de ce que les tâches qui lui étaient demandées ne pouvaient être accomplies dans son temps de travail normal et, notamment le fait qu'elle devait former une nouvelle employée (Mme [H]).

Lors des échanges de courriels de septembre 2013, susvisés, le notaire évoquait une rencontre avec la salariée au sujet de sa charge de travail.

La salariée n'indique pas quelle a été la teneur de cet entretien et les suites qui ont pu être données.

Dans l'avertissement du 27 janvier 2015, le notaire indique avoir signalé à la salariée différents reproches, dont les retards et manquement dans l'accomplissement de ses fonctions, lors de son entretien d'évaluation annuel du 6 février 2014. La salariée ne fait part d'aucune contestation de ces griefs, à la suite de cet entretien d'évaluation. Il indique par ailleurs avoir alors tenté d'aider la salariée dans son travail, ce qui, en l'état du dossier, n'a suscité aucune observation de sa part, ni sur le moment, ni dans le cadre des écritures qu'elle a déposées.

Il doit, certes, être pris en compte l'évolution de l'état de santé de la salariée, qui était susceptible d'altérer ses capacités à répondre utilement aux critiques de son employeur. Toutefois, il ne peut qu'être noté que le premier arrêt de travail de la salariée est intervenu en octobre 2014, soit huit mois après l'entretien d'évaluation annuel au cours duquel, selon les indications de l'avertissement du 29 janvier 2015 - ce qui ne suscite aucune critique de la salariée - il lui avait été notifié que l'employeur constatait déjà des retards et des manquements dans l'exécution de son travail.

La salariée fait état d'un courriel de l'autre notaire associé, du 22 octobre 2014, consécutif à la première période d'arrêt de travail de la salariée dont il ne résulte cependant aucun élément sur la charge de travail de la salariée.

Dès lors, la matérialité du grief fondé sur l'existence d'une surcharge de travail n'est pas avérée.

Sur les accès de violence et de colère de l'employeur

La salariée se fonde tout d'abord sur l'attestation de Mme [Y].

L'employeur demande que cette attestation soit écartée, sans invoquer de moyens particulier autre qu'elle ne lui semble pas probante. Il n'y a donc pas lieu de l'écarter, d'office, de ce chef.

Il doit être constaté que ce témoin porte des jugements purement subjectifs sur le notaire associé, (qualifié de « caractériel », d'avoir pu faire un « très bon dictateur ») qui lui appartiennent mais n'établissent pas le grief formulé par la salariée. Le témoin évoque de manière générale le caractère colérique du notaire associé et, indiquant que depuis son bureau, elle entendait tout, explique que le notaire associé s'est mis un jour en « colère noire » contre la salariée parce qu'elle refusait d'effectuer des opérations de mainlevées. Pour le reste, le témoin évoque des griefs qu'il nourrit, personnellement, à l'égard du notaire.

Les faits allégués par le témoin, concernant la salariée, sont quelque peu circonstanciés, mais sous réserve de ce qu'ils ne sont rattachés à aucune période particulière. Ils évoquent l'accomplissement par la salariée d'opérations de mainlevées, que celle-ci aurait dans un premier temps refusé d'effectuer, alors que par avenant du 31 juillet 2013, elle avait accepté de les accomplir. Les faits paraissent dès lors être antérieurs au 31 juillet 2013 et nécessairement postérieurs à l'arrivée des nouveaux notaires associés, soit mars 2013.

Le psychiatre de la salariée, dans sa lettre du 20 octobre 2015, rapporte cependant que la salariée lui a indiqué avoir une « altercation verbale dans son bureau » en mars 2015.

En outre, les constats auxquels a fait procéder l'employeur, par voie d'huissier de justice, notamment en ce qu'ils tendent à établir que le témoin, depuis son bureau, ne pouvait, comme il le prétend, entendre « tout » ce qui se disait dans le bureau du notaire associé, apportent un contrepoint à ce témoignage. L'objection de la salariée concernant le niveau sonore de la discussion entre le notaire et la salariée ne peut être admise, dans la mesure où la description des faits par le témoin est trop imprécise pour savoir à quel moment et dans quelles conditions elle a entendu le notaire se mettre en colère. La salariée ne fait d'ailleurs elle-même aucune description précise et circonstanciée des altercations verbales ou des menaces qu'elle invoque.

Sur ce point, les multiples attestations des salariés de l'étude produits par l'employeur, dont la portée probatoire doit être appréciée avec précaution en raison du lien de subordination liant les témoins à l'employeur, font communément état de ce que le notaire peut se montrer positivement attentif à l'égard de ses collaborateurs.

Cette observation n'exclut pas nécessairement que le notaire ait pu avoir des comportements inadaptés vis à vis de la salariée mais conduit à admettre qu'il peut également avoir une attitude appropriée.

Par ailleurs, la salariée verse à son dossier l'attestation de Mme [L], « ancienne collègue de bureau », qui indique avoir vu à plusieurs reprises la salariée sortir du bureau du notaire, après convocation par celui-ci et qu'elle revenait en « pleurant et en tremblant ». Il n'est cependant pas fait mention d'accès de colères ou de violences verbales du notaire contre la salariée.

En définitive, les faits allégués par la salariée repose sur les seules déclarations qu'elle a pu faire ou celles, pas toujours convergentes ou précises, et parfois fragiles sur le plan factuel, qu'elle a pu recueillir auprès d'anciens salariés. Ces faits contrastent nettement avec les nombreuses attestations produites par l'employeur dont il faut rappeler qu'elles émanent de ses subordonnés et ont été nécessairement demandées par celui-ci, mais qui, au-delà de déclarations qui auraient pu être de pure forme, réitèrent l'existence de bonnes conditions de travail, l'attitude adaptée du notaire associé vis à vis d'eux, voire son écoute et ses qualités humaines.

Il sera noté que l'un des témoins (M. [I]), qui est le seul à évoquer la situation de la salariée, indique ne pas avoir alors constaté de « dysfonctionnement notoire au sein de l'étude », et « pas d'ambiance délétère ».

Il en résulte que la matérialité des faits invoqués par la salariée n'est pas suffisamment établie.

Sur l'avertissement injustifié

La salariée se borne à soutenir que les griefs du notaire, tels que visés dans la lettre du 27 janvier 2015, ne sont pas fondés.

Il doit être relevé que l'ensemble des courriels adressés par le notaire à sa salariée, versés au dossier (en septembre 2013 et janvier 2015), concernent des retards ou des carences commis par la salariée dans l'accomplissement, ce qui constitue l'objet essentiel de l'avertissement délivré à la salariée.

L'avertissement se réfère au contenu de l'entretien individuel annuel de février 2015, ci-dessus évoqué, et, particulièrement, à des faits de janvier 2015, concernant le défaut d'envoi d'un titre de propriété, en dépit des demandes itératives de l'intéressée.

Il s'agit de faits circonstanciés, à l'égard desquels la salariée est tout à fait en mesure de s'expliquer et, en tant que de besoin, démontrer qu'ils ne sont pas établis. La cour ne peut cependant que constater que la salariée n'émet aucune contestation particulière des griefs énoncés dans l'avertissement et n'apporte aucun élément sur ce point.

Il n'est par ailleurs justifié par la salariée d'aucune contestation de ces griefs durant l'exécution du contrat de travail, ni, a fortiori, de contestation judiciaire de cet avertissement.

Il n'est dès lors pas apporté d'éléments permettant de contester le bien-fondé de l'avertissement délivré par l'employeur.

Les manquements reprochés étaient, dès lors, de nature à justifier une sanction et l'avertissement prononcé s'avère proportionné à leur gravité.

La matérialité des faits allégués par la salariée n'est pas établie.

Sur les problèmes de santé de la salariée

Il est objectivement établi par la salariée, au vu des différentes lettres et certificats établis par des médecins et une psychologique versés à son dossier (Drs. [V], [T]) qu'elle présente depuis le 23 mars 2015 un syndrome anxio-dépressif réactionnel, lié à son activité professionnelle.

L'employeur demande que les attestations de Mme [O] et du Dr. [T] soit écartées en ce qu'elles comportent des affirmations relatives aux conditions de travail de la salariée. La cour estime être en mesure de faire la part utile de la teneur de ces attestations et d'apprécier leur valeur probante, sans avoir nécessairement à les écarter en leur totalité. Cette demande doit être rejetée.

Il sera particulièrement relevé que, notamment le Dr. [T], prend soin de préciser qu'il ne se prononce pas sur la réalité de ses conditions de travail mais constate une profonde souffrance en lien avec le travail.

Sur l'ensemble des éléments invoqués par la salariée

La salariée justifie ainsi de problèmes de santé dont les praticiens s'accordent à considérer qu'ils sont en lien avec le travail.

ll résulte de ce qui précède que la salariée est en mesure de faire état de faits, matériellement établis, constitués des critiques qui ont été émises par l'employeur à l'égard de l'exécution de son contrat de travail, sur la période de mars 2013 à mars 2015.

Toutefois, il ressort également des éléments précédemment analysés que les carences reprochées par l'employeur, consistant dans des retards lors de l'accomplissement de certaines tâches imparties à la salariée, ou de l'absence d'accomplissement de ces tâches, étaient fondées, sans que la salariée ait pu notamment établir qu'ils résultaient du trop grand nombre de missions lui ayant été confiées, soit d'une surcharge de travail, ou d'une volonté de l'un des notaires associés de la mettre en difficulté.

Il peut être ainsi considéré que, pour difficile et déstabilisant que puissent avoir été pour la salariée les pointages du notaire associé à l'égard de ses manquements professionnels, il ne peut être retenu que ses problèmes de santé psychologiques ont été causés par l'usage abusif, par l'un des notaires associés et sans qu'il puisse dès lors être reproché à l'autre associé son inaction, de son pouvoir de direction et de contrôle sur l'activité de la salariée.

Il convient en outre de relever qu'il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que le changement de notaire dans l'étude a été difficilement vécu par la salariée, également sur un plan statutaire. La lettre du Dr. [T] (pièce 19.2 de l'intimée), psychiatre ayant assuré le suivi de la salariée, indique ainsi que celle-ci avait caressé l'espoir, à l'occasion du changement de notaire, d'évoluer dans son poste et de remplacer une collègue partant en préretraite. Le médecin indique que le refus du notaire associé de faire droit à ce souhait a - selon ce que rapporte le médecin - été à l'origine du premier arrêt de travail de 2014. Le médecin relève également qu'il lui a été indiqué par la salariée que la collègue occupant le poste qu'elle aurait souhaité occuper a été remplacée par une jeune collègue (probablement Mme [H]), ce qui aurait manifestement une source supplémentaire de déconvenue.

Il est ainsi objectivement établi que la salariée a souffert dans sa relation au travail, au fur et à mesure de ce que l'employeur relevait ses carences dans l'exécution de son contrat de travail, ce qui a eu des répercussions sur son état de santé. Il n'est cependant pas établi que ces difficultés soient en lien, comme elle le soutient, avec une situation de harcèlement dont le notaire associé serait à l'origine.

Dès lors, contrairement à ce qu'ont soutenu les premiers juges, la cour écarte l'existence d'une situation de harcèlement moral.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur et l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

La salariée soutient que l'employeur, ce qu'il ne conteste pas, n'a pris aucune mesure de prévention contre le harcèlement et qu'au sein de l'étude, qui comptait 15 personnes, aucun délégué du personnel n'avait été désigné.

Elle estime que l'employeur, ayant connaissance de la situation de la salariée, une situation, qui se manifestait par des malaises, des pleurs, des angoisses sur le lieu de travail, n'a pris aucune mesure, ce qui a été reconnu par le conseil de prud'hommes de Lyon.

La cour relève que, en l'absence de situation de harcèlement reconnue par la présente juridiction, le moyen invoqué par la salariée, tiré de ce que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité pour n'avoir pas mis en 'uvre de mesures de prévention à l'égard des faits de harcèlement moral, est dès lors inopérant.

La salariée soutient que l'employeur a été sans réaction face à la détresse et à la dégradation de la situation de la salariée.

La salariée indique avoir eu des malaises, des pleurs et des angoisses sur le lieu de travail. Cependant, il ne ressort pas de tels faits des pièces et des attestations de Mme [Y] et de Mme [H].

L'attestation de Mme [L] indique qu'après ses entretiens avec le notaire associé, la salariée « revenait dans notre bureau en pleurant et en tremblant ». La réalité de cette situation ne résulte cependant dans le dossier de la salariée que des seules affirmations de ce témoin, au demeurant peu précises. Il n'est produit aucun élément complémentaire permettant de considérer ce fait comme suffisamment établi. Il peut être noté à cet égard que, dans sa lettre, le psychiatre de la salariée (Dr. [T]) récapitule le suivi et les dires de celle-ci et ne fait pas état de malaises, pleurs et angoisses sur le lieu de travail.

A les considérer encore comme établis, il n'est pas plus justifié par la salariée que l'employeur ait été avisé de ces troubles. La salariée fait état d'un courriel avec l'autre notaire associé, qui n'établit en rien de ce que celui-ci ait été avisé des troubles que la salariée indique avoir subi sur son lieu de travail.

Dans ces conditions, il n'est pas démontré que l'employeur ait manqué à son obligation de sécurité.

La demande, subsidiaire, visant à ce que le licenciement de la salariée soit considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, doit être dès lors rejetée.

Sur le licenciement pour inaptitude

A titre infirmatif, l'employeur fait valoir que la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de la salariée est de deux ans postérieure au licenciement pour inaptitude. Il soutient que la salariée, déclarée inapte et ayant refusé l'offre de reclassement proposée, a fait l'objet d'un licenciement, ayant respecté la procédure et qui est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Il souligne que l'obligation de reclassement a été respectée, les postes proposés correspondant aux compétences de la salariée.

A titre confirmatif, la salariée soutient que son licenciement pour inaptitude est lié au harcèlement moral dont elle a été victime et que le jugement doit être confirmé de ce chef en ce qu'il l'a déclaré nul.

A titre subsidiaire, elle soutient que l'obligation de reclassement n'a pas été respectée, considérant que le poste proposé est très éloigné des fonctions de la salariée, en ce qu'il nécessite des connaissances juridiques que la salariée n'a pas, et qu'elle n'avait d'autre choix que de le refuser.

La cour ayant écarté l'existence d'une situation de harcèlement moral, il ne peut être retenu que le licenciement pour inaptitude prononcée à l'égard de la salariée aurait été causé par le fait de l'employeur et doit en conséquence être annulé.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Il résulte des articles L. 1226-10 et L.1226-14 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date du licenciement en litige, que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée a, au moins partiellement, pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

En conséquence, il ne peut être retenu, comme le demande la salariée, que le licenciement est intervenu pour inaptitude d'origine professionnelle, à raison des faits de harcèlement qui sont reprochés par la salariée, qui ne sont pas établis, et étant relevé que le licenciement est consécutif à l'avis d'inaptitude prononcé par la médecine du travail le 11 septembre 2015 et que, à cette date comme à celle du licenciement prononcé le 3 décembre 2015, la maladie de la salariée n'avait pas de caractère professionnel, lequel n'a été reconnu que le 27 novembre 2017, de sorte que l'employeur ne pouvait avoir connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

L'absence de consultation des délégués du personnel, préalablement au reclassement d'un salarié inapte à son emploi en raison d'un accident du travail ou d'un maladie professionnelle est dès lors sans incidence en l'espèce.

Sur le respect de l'obligation de reclassement

La cour rappelle qu'en cas de licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel, l'article L. 1226-2 du code du travail, en sa rédaction applicable au licenciement en litige, applicable du 1er mai 2008 au 1er janvier 2017, prévoit :

« Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ».

En application de ce texte, il appartient à l'employeur de justifier de démarches précises pour parvenir au reclassement du salarié, notamment des adaptations ou transformations de postes ou un aménagement du temps de de travail.

Les recherches de reclassement doivent être sérieuses et loyales.

L'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur ne porte que sur les emplois salariés, disponibles au jour du licenciement et en rapport avec les compétences du salarié, l'employeur n'étant pas tenu d'assurer au salarié dont le licenciement est envisagé une formation initiale ou qualifiante.

Néanmoins, l'obligation de reclassement est une obligation de moyen, l'employeur ayant proposé un poste de reclassement est réputé exonéré de son obligation en cas de refus de la part du salarié d'un poste proposé.

En l'espèce, par lettre du 12 novembre 2015, reprenant les conclusions de la médecine du travail, l'employeur a proposé deux postes d'aide-formaliste, à mi-temps ou à temps complet, avec maintien du salaire antérieur.

La salariée a refusé ce poste le 14 novembre 2015, estimant qu'il impliquait des connaissances juridiques qu'elle n'avait pas.

L'employeur rétorque que les compétences requises pour ce poste s'acquièrent par simple démonstration ou répétition, sous la responsabilité directe du formaliste.

Il produit à son dossier une attestation de Mme [U], qui occupe justement un poste d'aide-formaliste, tel que celui proposé à la salariée. Ce poste implique notamment d'effectuer les actes de mainlevées d'hypothèque conventionnelle, dont la salariée avait été chargée dans l'avenant à son code du travail du 31 juillet 2013. La salariée ne soutient pas ne pas être en mesure d'effectuer de tels actes.

Par ailleurs, l'employeur verse à son dossier le curriculum vitae de Mme [U], dont il résulte que celle-ci a un niveau BEPC, et a occupé différents emplois antérieurs, qui n'avaient aucun lien avec le notariat ou les professions juridiques.

La cour considère ainsi que l'employeur justifie de ce que le poste qu'il a proposé à la salariée, contrairement à ce que celle-ci prétend, ne nécessitait aucune compétence préalable et qu'elle n'aurait pu acquérir lors de l'exécution des missions qui lui auraient été confiées.

L'offre de reclassement doit ainsi être considérée comme sérieuse et loyale.

Le refus de cette offre par la salariée exonère l'employeur de son obligation.

La demande de prononcé d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, doit dès lors être rejetée.

En conséquence de ce qui précède, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à la salariée une indemnité spéciale de licenciement, de même que l'indemnité compensatrice préavis et de congés payés afférentes.

En outre, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a ordonné d'office la condamnation de l'employeur, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage perçues par la salariée dans la limite de trois mois.

Le jugement devra être ainsi infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

La salariée sera condamnée à supporter les dépens de l'instance.

Ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première et la seconde instance, seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

DIT n'y avoir lieu d'écarter les attestations de Mmes [H], [Y] et [L], de même que les attestations de Mme [O] et du Dr. [T] ;

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

REJETTE l'ensemble des demandes de Mme [A] ;

DIT n'y avoir lieu à la condamnation de l'employeur au titre de l'article L. 1235-4 du code du travail ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [X] [A] aux dépens de première instance et d'appel ;

REJETTE les demandes formées par Mme [A] en application de l'article 700 en première instance et en appel ;

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 18/00881
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;18.00881 ?
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