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24/08/2022 | FRANCE | N°21/06915

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 24 août 2022, 21/06915


N° RG 21/06915 -N°Portalis DBVX-V-B7F-N2UY















Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

en référé du 30 août 2021



RG : 21/00785











[I]



C/



Syndicat SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 1]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



8ème chambre



ARRÊT DU 24 Août 2022






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Monsieur [S] [R] [I], gérant de société, née le 20 mars 1961 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]



Représenté par Me Samuel BECQUET, avocat au barreau de LYON, toque : 350





INTIMÉE :



Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier des [Adre...

N° RG 21/06915 -N°Portalis DBVX-V-B7F-N2UY

Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

en référé du 30 août 2021

RG : 21/00785

[I]

C/

Syndicat SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 1]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 24 Août 2022

APPELANT :

Monsieur [S] [R] [I], gérant de société, née le 20 mars 1961 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Samuel BECQUET, avocat au barreau de LYON, toque : 350

INTIMÉE :

Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier des [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice la société ORALIA REGIE DE L'OPERA, domiciliée [Adresse 3], représentée par son dirigeant légal en exercice

Représentée par Me Alexandra GOUMOT-NEYMON de la SELARL SELARL GOUMOT NEYMON, avocat au barreau de LYON, toque : 1431

******

Date de clôture de l'instruction : 15 Juin 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Juin 2022

Date de mise à disposition : 24 Août 2022

Audience présidée par Christine SAUNIER-RUELLAN, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Christine SAUNIER-RUELLAN, président

- Karen STELLA, conseiller

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Christine SAUNIER-RUELLAN, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Les bâtiments des n° [Adresse 1] constituent d'anciens bâtiments industriels inscrits à l'inventaire du patrimoine culturel de la Région Auvergne Rhône Alpes.

Ils sont divisés en 27 lots et soumis au régime de la copropriété suivant règlement de copropriété et état descriptif de division en date du 22 juin 1984.

Les bâtiments sont administrés par la société Oralia Régie de l'opéra, ès-qualités de syndic.

Par acte notarié du 20 décembre 2018, [S] [I] a acquis les lots de copropriété n° 7, 12, 17, 25, 62, 63, 66 et 67, le lot n°12 étant un appartement avec terrasse situé au 1er étage du bâtiment B.

Aux motifs qu'[S] [I] avait entrepris sur ses lots, notamment les lots n°12 et 66, des travaux très importants sans autorisation de la copropriété, qu'il y avait des atteintes majeures à des parties communes de l'immeuble assurant notamment le clos et le couvert, et qu'il ne pouvait obtenir d'information d'[S] [I] concernant ces travaux, le syndicat des copropriétaires a sollicité en référé une mesure d'expertise judiciaire, et par ordonnance du 16 avril 2019, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Lyon a désigné [U] [K] en qualité d'expert.

L'expert a rendu son rapport le 19 novembre 2020, retenant notamment que les travaux avaient été entrepris sans étude de structure ni autorisation préalable, qu'ils modifiaient les caractéristiques de la structure du bâtiment et pouvaient être à l'origine de désordres significatifs et que la pérennité de la structure du bâtiment au dernier niveau ne pouvait être garantie.

Soutenant qu'[S] [I] ne mettait aucunement en oeuvre les travaux préconisés en urgence par l'expert judiciaire et qu'il était impératif de garantir la stabilité de la structure du bâtiment, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des [Adresse 1] a assigné [S] [I] devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de Lyon par exploit du 20 avril 2021 aux fins de le voir au principal condamner à exécuter les travaux préconisés par l'expert et être autorisé en cas de défaillance d'[S] [I] à pénétrer dans le lot de celui-ci afin de pouvoir réaliser les travaux sus-visés et le voir condamner en ce cas à lui payer une provision correspondant au coût de ces travaux.

En défense, [S] [I] a sollicité le rejet des demandes du syndicat des copropriétaires et demandé que soit prononcé la nullité du rapport d'expertise judiciaire.

Par ordonnance du 30 août 2021, le juge des référés a :

Condamné [S] [I] à faire réaliser les travaux préconisés par Monsieur [K] pour un montant global de 59 251 euros, tels que décrits par le BET Ciméo le 8 octobre 2020 et devisés par la société Citinéa le 26 octobre 2020, ainsi qu'à justifier des assurances et des contrats du maître d''uvre et du bureau d'étude, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision ;

Autorisé le syndicat des copropriétaires, en cas de défaillance d'[S] [I] à s'exécuter dans ce délai, à pénétrer dans le lot d'[S] [I] avec toute entreprise de son choix pour réaliser les travaux, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la première demande qui lui sera faite par le syndicat des copropriétaires ;

Condamné dans cette hypothèse [S] [I] à payer au syndicat des copropriétaires la somme provisionnelle de 59 251 euros correspondant au montant des travaux et frais annexes pour la réalisation de ces travaux sur la structure de l'immeuble ;

Condamné [S] [I] à payer au syndicat des copropriétaires la somme provisionnelle de 6 973, 32 euros correspondant aux frais de l'expertise judiciaire, outre aux entiers dépens et à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le juge des référés retient en substance :

qu'en vertu de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot, use et jouit librement des parties communes et des parties privatives, sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble ;

que l'expert judiciaire a conclut à la réalisation de travaux par [S] [I] portant sur la structure du bâtiment du [Adresse 4] au dernier niveau sans étude ni autorisation préalable, sans déclaration de travaux, sans étude de structure sur l'existant et relative au projet, sans autorisation du syndicat des copropriétaires sur les travaux envisagés qui concernent notamment la structure du bâtiment ;

qu'il retient des malfaçons significatives et que la pérennité de la structure du bâtiment ne peut être garantie en l'état au dernier niveau et la nécessité de réaliser des travaux de reprise stucturelle importants, à exécuter en urgence, outre des stockages sur la terrasse dépassant le poids admissible susceptibles d'être à l'origine d'infiltrations d'eau dans les logements au niveau inférieur ;

que ces éléments justifient qu'il soit fait droit aux demandes du syndicat des copropriétaires et qu'[S] [I] soit condamné à prendre en charge le coût de l'expertise ;

que la nullité du rapport d'expertise ne saurait être prononcée alors que la société Ciméo a été désignée par [S] [I] qui l'a rémunérée à cet effet pour l'assister en qualité de technicien dans le cadre de l'expertise.

Par déclaration d'appel, régularisée par RPVA le 9 septemre 2021, [S] [I] a fait appel de l'ensemble des dispositions de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 3 Juin 2022, [S] [I] demande à la Cour de :

De le dire recevable et bien fondé en son appel et de réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

En conséquence,

In limine litis

Prononcer la nullité du rapport d'expertise.

Sur les demandes en référé

Constater tant le défaut d'urgence que le défaut de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite de même que l'existence de contestation sérieuse, et se dire incompétent.

A titre subsidiaire

Constater qu'au jour des présentes écritures, les faits ayant donné lieu à l'expertise de monsieur [K] et consécutivement à l'ordonnance entreprise ont fait l'objet des mesures utiles, tout péril imminent ou trouble manifestement illicite ayant donc disparu de plus fort  ;

Dire spécialement irrecevables les demandes nouvelles élevées devant la Cour par le syndicat des copropriétaires.

En tout état de cause

Débouter le syndicat des copropriétaires de toutes demandes, prétentions, fins et moyens à son encontre ;

Condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

L'exonérer de toute contribution aux frais et charges de la présente procédure.

[S] [I] expose :

qu'il a acquis différents lots dans la copropriété, notamment le lot n°12, décrit dans le règlement de copropriété comme un appartement avec terrasses, au nord et au sud, situé au premier étage du bâtiment B composé de cuisine, séjour, salon, trois chambres, deux WC, salle de bains et ayant son accès à partir du lot n°7 situé passage Richan et portant le n°12 sur le plan, local lui même contigu au lot n°6, décrit comme un local à aménager d'une superficie de 39 mètres carrés environ ;

que le règlement de copropriété spécifie concernant le lot n°12, que : « constituent notamment des parties privatives : ... la charpente et la couverture de l'appartement formant le lot numéro 12, ainsi que les murs des façades en retrait sur les terrasses dont il est composé. » ;

que son acquisition s'inscrivait dans un projet de rénovation aux fins de permettre l'habitation et que les travaux envisagés ont notamment porté sur le réaménagement de la terrasse et de l'appartement constituant le lot n°12, ainsi que sur la toiture, et l'aménagement du local constituant le lot n° 66 ;

que s'agissant de parties privatives, il n'avait pas à solliciter l'autorisation de la copropriété ;

que dans le cadre de l'expertise judiciaire qui a été ordonnée, l'expert lui a recommandé de faire appel au bureau d'études Ciméo ([V] [N]), aux fins de procéder à la vérification des désordres, à l'établissement des travaux utiles et à leur chiffrage ;

que l'expert a communiqué un pré-rapport, faisant notamment état de la nécessité d'exécution de travaux en urgence et que la société Ciméo de son côté a établi le 8 octobre 2020 un rapport sur les solutions de reprise, et que sur la base de ce rapport, a été établi le 26 octobre 2020 un devis de la société Citinéa pour un montant de 42 551,37 euros ;

que le 9 novembre 2021, l'expert a entériné dans son rapport définitif les résultats de la société Citinéo, laquelle a par la suite modifié son rapport et en a établi un autre dans lequel elle précisait qu'il n'y avait pas de fragilisation de la structure de l'immeuble et que les travaux ne présentaient aucune urgence ;

que dans ces conditions, l'urgence alléguée par le syndicat des copropriétaires n'est pas fondée ni démontrée ;

que dans les suites de l'ordonnance de référé, il a entendu réaliser l'exécution des travaux visant à stabiliser la structure et s'en est rapporté à la société Ciméo, laquelle bien que s'écartant des travaux qui avaient été préconisés dans le cadre de l'expertise, a proposé la réalisation de travaux apportant toutes garanties quant à la structure, à réaliser sous sa direction ;

que ces travaux ont été exécutés entre la fin de l'année 2021 et le début de l'année 2022 et qu'à l'issue des travaux, la société Ciméo a établi un rapport transmis au syndicat des copropriétaires dans lequel elle indiquait avoir procédé à un audit général des structures impactées par les précédents travaux, avoir mis en évidence les points à reprendre, avoir fait réaliser les travaux de maçonnerie par la société Batimeco, et les travaux de serrurerie et renforts métalliques par la société Stratton Hanitat, qui ont fourni leur attestation d'assurance, listait les travaux de reprise entrepris indiquant que l'ensemble des travaux réalisés permettait à la structure de retrouver le niveau de résistance, de stabilité, et de pérennité initial ;

que dès lors que le résultat de ces travaux était attesté par le BET Ciméo, sur les constatations duquel l'expert [K] avait intégralement fondé son rapport d'expertise, l'objectif poursuivi par le syndicat des copropriétaires était manifestement atteint, ce qui laissait entrevoir une issue amiable ;

que pour autant, le syndicat des copropriétaires, par l'effet d'une vindicte irrationnelle de certains copropriétaires, a déclaré ne pas être satisfait, exigeant qu'il soit justifié que les travaux avaient été réalisés strictement selon les instructions de l'expert [K], alors qu'il était constant que les travaux réalisés n'étaient pas ceux visés par l'expert judiciaire mais qu'ils étaient cependant conformes à la finalité recherchée.

[S] [I] soulève in limine litis la nullité du rapport d'expertise judiciaire, aux motifs :

qu'aux termes de l'article 233 du code de procédure civile, le technicien doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée ;

qu'aux termes des articles 278 et 278-1 du code de procédure civil, il peut prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;

qu'en l'espèce, pour ses opérations d'expertise, et de manière constante, l'expert s'est appuyé sur les travaux du bureau d'étude technique Ciméo qu'il lui avait été recommandé pour l'assister et a purement entériné les travaux successifs de la société Ciméo, laquelle en outre a la même spécialité que la sienne, ce qui l'a dispensé d'avoir recours à un sapiteur ;

qu'ainsi, l'expert a eu recours à un sapiteur « informel », de la même spécialité que la sienne, sans respecter les prescriptions du code de procédure civile, ce qui constitue une nullité de fond ;

qu'il a par ailleurs excédé sa mission en chiffrant le préjudice d'un autre copropriétaire, qui n'était pas partie à l'expertise ;

qu'en outre, l'expert n'a pas répondu à tous les chefs de mission, notamment en distinguant les travaux qui portaient sur les parties communes et ceux qui portaient sur les parties privatives.

Il soutient par ailleurs que la dangerosité alléguée de la situation, contredite par les constats du Bet Ciméo, n'est pas démontrée, et que le juge des référés n'avait pas compétence pour statuer sur les demandes du syndicat des copropriétaires, les conditions énoncées aux articles 834 et 835 du code de procédure civile n'étant pas respectées, alors que :

en dépit d'un dire qu'il avait présenté, l'expert a maintenu que les travaux étaient urgents, ce qui est en contradiction avec le second rapport de la société Citinéo, laquelle a expressément confirmé qu'il n'existait aucun péril grave et imminent, qu'aucune fragilisation de la structure vis-à-vis des étages inférieurs n'avait été relevée et qu'il n'existait aucun risque d'effondrement ;

il n'existait donc ni péril imminent ni trouble manifestement illicite, alors qu'ont été prises des mesures conservatoires d'étaiement qui maintiennent la stabilité de l'immeuble.

Subsidiairement, [S] [I] observe :

que le syndicat des copropriétaires ne saurait exiger la réalisation de travaux affectant les parties privatives concernant son lot ;

que la société Ciméo a admis que le document présenté à l'expert et ayant servi de base au devis chiffré de la Citinéa, entériné par l'expert, était entaché d'inexactitudes et qu'il convenait de déduire une moins-value ;

que le syndicat des copropriétaires ne pouvait dans le même temps, solliciter sa condamnation à exécuter lesdits travaux et solliciter une provision égale à leur montant et qu'il ne pouvait pas plus solliciter à être autorisé à exécuter les travaux par une entreprise de son choix et solliciter le montant de la facture examinée par l'expert ;

qu'enfin, aucune condamnation ne saurait être prononcée à son encontre au titre des frais d'expertise, compte tenu de la nullité du rapport.

S'agissant de la situation actuelle, compte tenu des travaux qu'il a fait réaliser, [S] [I] fait valoir :

qu'au visa des articles 564 à 566 du code de procédure civile, les demandes présentées par le syndicat des copropriétaires dans le cadre de ses dernières écritures sont des demandes nouvelles irrecevables en cause d'appel, aux motifs :

que dans sa décision, le juge des référés a seulement ordonné, sans astreinte, de « justifier des assurances et des contrats du maître d''uvre et du bureau d'étude, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision », mais qu'il n'a nullement encadré l'exécution des travaux ;

que dès lors, le syndicat des copropriétaires est irrecevable à demander la communication de pièces et informations sans rapport avec les demandes faites en première instance, demandes qui ne peuvent être considérées comme l'accessoire ou le complément des précédentes demandes ;

que sur le fond, ces demandes ne peuvent d'ailleurs qu'être rejetées, dès lors que le syndicat des copropriétaires n'offre pas de démontrer en quoi elles s'inscriraient dans le cadre des dispositions des articles 834 ou 835 du code de procédure civile, l'urgence n'étant pas avérée, ni le péril imminent ou le trouble manifestement illicite ni l'absence de contestation sérieuse ;

qu'il en va de même de sa demande de remise en état des façades, étant observé que la demande d'expertise ne porte pas sur la remise en état des façades, qu'aucun élément n'est produit sur l'état des façades antérieur aux travaux qu'il a entrepris, outre que la notion d'harmonie de l'immeuble n'est pas en cause puisque les façades concernées sont en retrait et invisibles depuis la rue.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 12 mai 2022, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier des n° [Adresse 1] demande à la Cour de :

Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile ;

Débouter [S] [I] de son appel comme non fondé ;

Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon, le 30 août 2021.

Y ajoutant, et statuant à nouveau,

Condamner [S] [I] sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir à justifier de la bonne réalisation des travaux en produisant :

les marchés et/ou les factures comportant le détail technique de la mission confiée au BET Ciméo ainsi que les contrats et factures des travaux réalisés tant par Stratton Habitat que par Batimeco, outre les justificatifs de règlement et ce afin de s'assurer de la nature des travaux réalisés et leur conformité par rapport au devis CITINEA validé par l'expert,

le procès-verbal de réception des travaux réalisés par chacune des entreprises,

l'attestation d'assurance dommage ouvrage attachée aux travaux de structure réalisés, s'agissant de travaux affectant les parties communes conformément aux dispositions de l'article L242-1 du code des assurances,

la confirmation par la société Ciméo ' en sa qualité de maître d''uvre et de bureau d'étude, ' que selon ses constats et sous son contrôle l'ensemble des travaux strictement préconisés par l'expert ont été intégralement réalisés,

la confirmation par la société Ciméo également que les travaux réalisés par chacune des entreprises sont bien couverts par les assurances souscrites, notamment en ce qui concerne Stratton Habitat qui ne semble être assurée que pour des travaux de menuiseries intérieures/serrurerie métallerie alors même qu'elle a réalisé des travaux de renforts de structure,

la confirmation par la société Batimeco que la mise en liquidation judiciaire de la société assurance Bons [I], son intermédiaire d'assurance civile et décennale, ne compromet nullement la garantie souscrite auprès de la société RCDPRO (autrement dit confirmer que les primes d'assurance ont bien été réglées car l'attestation communiquée n'évoque qu'une période de garantie allant du 1er août 2021 au 31 octobre 2021, soit avant l'intervention présumée de l'entreprise sur le chantier),

une copie du dossier de permis de construire qui doit être en cours d'instruction, outre du contrat du maître d''uvre à qui le chantier sera confié pour la suite des travaux, dans la mesure où ces éléments doivent être soumis à l'approbation de l'assemblée générale des copropriétaires qui doit s'assurer de la conformité desdits travaux faisant notamment l'objet de la demande de permis de construire avec les prescriptions du règlement de copropriété de l'immeuble (cf façades, harmonie, éléments de structure de l'immeuble) avant de les autoriser,

Condamner par ailleurs [S] [I] à remettre en état les façades telles qu'elles existaient avant la démolition opérée, ainsi que toutes les autres ouvertures des façades Sud, Ouest, Nord et Est du lot n°12 qui ont été démolies et/ou modifiées, ces travaux ayant été réalisés en infraction avec le règlement de copropriété et, notamment, l'harmonie de l'immeuble, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

Condamner [S] [I] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé et ceux d'appel distraits au profit de la Selarl Goumot-Neymon, représentée par maître Alexandra Goumot Neymon, avocat, sur son affirmation de droit.

L'intimé expose :

qu'au mois de mars 2019, les copropriétaires ont découvert qu'[S] [I] avait entrepris des travaux importants, susceptibles de les inquiéter, un constat d'huissier réalisé le 27 mars 2019 confirmant que la terrasse était recouverte de gravats, que de nombreuses tuiles du toit avaient été déposées, qu'une façade avait été démolie, et qu'un étai de maçon soutenait une poutre ;

qu'au regard des atteintes majeures à des parties communes de l'immeuble assurant notamment le clos et le couvert et en l'absence d'informations de [S] [I], il été contraint d'initier en urgence une procédure de référé expertise ;

que le rapport rendu par l'expert judiciaire est édifiant puisque celui-ci a retenu qu'[S] [I] avait entrepris des travaux au niveau supérieur du bâtiment sans déclaration de travaux, sans étude de structure sur l'existant, sans étude de structure relative au projet, et que ces travaux modifiaient les caractéristiques de la structure du bâtiment et pouvaient être à l'origine de désordres significatifs, la pérennité de la structure du bâtiment au dernier niveau ne pouvant être garantie en l'état, ce qui justifiait de réaliser en urgence des travaux de reprise structurelle importants ;

que ce même rapport a retenu la responsabilité pleine et entière d'[S] [I] ;

qu'en cours de délibéré, aux mois de juin et juillet 2021, de violents orages se sont abattus sur [Localité 5] et ont eu pour conséquence d'engendrer des inondations et pénétrations d'eau dans plusieurs lots de l'immeuble, notamment trois appartements, outre le cabinet médical situé en dessous des lots appartenant à [S] [I] ;

que la société Bergues, intervenue en urgence, a relevé des malfaçons au niveau du caniveau en zinc réalisé sur la toiture et indiqué que les infiltrations avaient pour origine ces malfaçons, ces défauts ayant d'ailleurs été relevés par l'expert ;

qu'une réunion amiable est intervenue le 16 juillet 2021 , au cours de laquelle [S] [I] s'est engagé à réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire et les travaux préconisés par l'entreprise Bergues , pout un montant de 16 912, 94 euros TTC;

que ces travaux ont été exécutés les 23, 26 juillet et 2 août 2021, ce qui démontre cette première tranche de travaux était nécessaire et indispensable à la mise en sécurité de l'immeuble dans l'attente des travaux à réaliser par ailleurs ;

qu'à la suite de l'ordonnance de référé, [S] [I] a payé au syndicat des copropriétaires la somme de 10 038,94 euros correspondant au remboursement des frais d'expertise et au règlement des frais d'article 700 code de procédure civile et dépens.

L'intimé soutient en premier lieu qu'[S] [I] n'est pas fondé à soulever la nullité du rapport d'expertise, alors que :

La société Ciméo a été mandatée en cours d'expertise exclusivement par [S] [I] pour l'assister, celui-ci ayant assumé seul le règlement de son intervention ;

[S] [I] n'est pas fondé à se prévaloir de l'avis de son propre assistant technique et de ses contradictions pour contester le rapport d'expertise ;

Il l'est d'autant moins que fin décembre 2021, il a fait réaliser les travaux en prenant la société Ciméo comme société en charge du contrôle et de la direction des travaux.

L'intimée soutient en second lieu être fondée en ses demandes, en ce que :

l'expertise judiciaire a confirmé qu'il y avait eu des modifications avérées de la structure de l'immeuble et donc des parties communes de l'immeuble et des malfaçons significatives dans la réalisation des travaux entrepris par [S] [I] ne permettant pas de garantir la pérennité de l'ouvrage ;

il était justifié d'effectuer les travaux de reprise nécessaires suivant étude réalisée par le BET Ciméo et le devis de la société Citinéa, ce qu'a confirmé l'expert ;

[S] [I] n'a justifié d'aucun élément sérieux pour remettre en cause techniquement les préconisations de l'expert, lequel a parfaitement déterminé les travaux de reprise qui s'imposent et qui portent autant sur des parties communes que sur les parties privatives d'[S] [I], et ce dans un souci sécuritaire dès lors que la structure de l'immeuble a été fragilisée ;

[S] [I] a entrepris des travaux sans aucun sérieux : pas de maître d''uvre, pas d'entreprises déclarées, pas d'études structures avant démolition, pas de demande de permis de construire ou d'autorisation de travaux ;

il y a lieu de confirmer la condamnation provisionnelle au remboursement des frais d'expertise judiciaire, compte tenu de la responsabilité pleine et entière d'[S] [I].

Le syndicat des copropriétaires ajoute :

que si [S] [I] a fait procéder à l'exécution de travaux à la fin du mois de décembre 2021, le syndicat des copropriétaires n'a reçu aucun élément technique permettant de s'assurer que les travaux ont été réalisés strictement selon les instructions de l'expert [K], qu'ils ont été assortis des garanties légales requises et qu'il n'a pas été justifié des assurances et contrats sollicités par le juge des référés ;

qu'il est permis de s'interroger sur la nature et le quantum des travaux qui ont été réalisés, nonobstant la validation par la société Ciméo, qui, malgré son rôle de Maître d''uvre et non de bureau d'étude - et l'absence de réserve sur les travaux, ne confirme pas que l'ensemble des préconisations de l'expert judiciaire ont bien été mises en 'uvre ;

qu'ainsi, l'appelant ne justifie pas avoir parfaitement exécuté les causes de l'ordonnance au terme de laquelle il devait faire réaliser les travaux préconisés par monsieur [K] pour un montant de 59 251 euros tels que décrit par le BET Ciméo le 8 octobre 2020 et devisés par la société Citinéa le 26 octobre 2020 et justifier des assurances et des contrats du maître d''uvre et du bureau d'étude ;

qu' il est donc fondé à solliciter les justificatifs des travaux réalisés.

Le syndicat des copropriétaires fait enfin valoir :

que les travaux de démolition réalisés par [S] [I] ont porté atteinte à des parties communes que sont les façades de l'immeuble, celui-ci ayant supprimé différentes ouvertures, ce qui porte atteinte à l'harmonie de l'immeuble ;

qu'il est donc justifié qu'il soit condamné à remettre en état lesdites façades au regard de l'atteinte portée à l'harmonie de l'immeuble.

Il indique enfin qu'[S] [I] ayant exécuté les travaux en cours de procédure unilatéralement sans associer le syndicat des copropriétaires, il est fondé à voir confirmer l'ordonnance, laquelle l'a autorisé en cas de défaillance d'[S] [I] à faire réaliser les travaux en ses lieu et place.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la demande de nullité du rapport d'expertise présentée par [S] [I]

[S] [I] sollicite la nullité du rapport d'expertise.

Pour autant, sa demande ne peut prospérer au stade du référé que si elle repose sur un fondement textuel autorisant le juge des référés à prononcer cette nullité, étant rappelé que la juridiction des référé ne peut statuer qu'au visa des article 834 et 835 du code de procédure civile.

Or, les dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, qui autorisent le juge des référés à prendre différentes mesures à des conditions strictement définies, ne permettent aucunement au stade du référé de prononcer l'annulation d'un rapport d'expertise, étant rappelé que la demande de nullité d'un rapport d'expertise est une demande au fond qui ne saurait être tranché par le juge des référés, juge du provisoire et au surplus de l'évidence, et qu'il appartient donc au seul du juge du fond de se prononcer sur une telle demande.

La Cour, constatant que le premier juge n'a pas statué sur cette demande, qu'il s'est limité à évoquer dans ses motivations, dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de nullité du rapport d'expertise présentée par [S] [I].

2) Sur l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a condamné [S] [I] à réaliser les travaux tels que préconisés par l'expert [K] et autorisé le syndicat des copropriétaires en cas de défaillance d'[S] [I] à y procéder en ses lieu et place

La Cour constate que si le syndicat des copropriétaires fait référence à l'appui de ses demandes aux dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, il ne développe aucunement des moyens liés à l'application de ces dispositions, se limitant à faire référence à une structure de l'immeuble fragilisée par les travaux réalisés par [S] [I], à un risque 'sécuritaire' et à se prévaloir des dispositions de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 aux termes duquel un copropriétaire peut user et jouir librement des parties communes et privatives sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble.

Or la demande du syndicat des copropriétaires ne pouvait être appréciée qu'au regard des fondements textuels du référé et il appartenait au premier juge de déterminer si les mesures sollicitées par le syndicat des copropriétaires se justifiaient au regard des articles 834 et 835 du code de procédure civile précités et des conditions requises par ces dispositions.

Selon le premier de ces textes, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'urgence est un préalable à l'application de ces dispositions.

Or, en l'espèce, l'urgence ne peut être considérée comme avérée, alors que :

d'une part le syndicat des copropriétaires, qui se limite à dénoncer les malfaçons affectant les travaux et à souligner la nécessité de les reprendre, ne justifie d'aucune démonstration étayée à ce titre ;

d'autre part, les travaux querellés ont été entrepris au mois de mars 2019, s'en est suivie une expertise judiciaire qui a duré plus de 18 mois, l'expert ayant rendu son rapport le 19 novembre 2020, l'assignation en référé n'ayant été délivrée par le syndicat des copropriétaires qu'au mois d'avril 2021, soit cinq mois après le dépôt du rapport.

Il en résulte qu'à défaut d'urgence démontrée, les demandes du syndicat des copropriétaires ne peuvent prospérer sur le fondement des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile.

L'alinéa 1 de l'article 835 du code de procédure civile dispose quant à lui que le président du tribunal judiciaire peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

A l'aune de ces dispositions, il appartenait au syndicat des copropriétaires de rapporter la preuve que les mesures de remise en état qu'il sollicitait, à savoir l'exécution de travaux de reprise tels que préconisés par l'expert judiciaire, se justifiaient soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Au sens des dispositions précitées, le dommage imminent s'entend du dommage qui ne s'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.

la Cour constate que le syndicat des copropriétaires invoque des travaux exécutés sans autorisation de la copropriété et sans qu'il soit procédé aux études requises, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par [S] [I], éléments qui ne caractérisent pas, à eux seuls, un dommage imminent.

Il se réfère également au rapport d'expertise judiciaire selon lequel :

les travaux modifient les caractéristiques de la stucture du bâtiment et peuvent être à l'origine de désordres significatifs ;

la perennité de la structure du bâtiment au dernier niveau ne peut être garantie d'où la nécessité de travaux de reprise structurelle importants qui sont à exécuter en urgence.

Or, force est de constater que les termes employés par l'expert judiciaire qui en réalité se limite à évoquer des possibilités de désordres ainsi que la nécessité d'assurer la pérennité de la structure du bâtiment non garantie en l'état, ne concernant de surcroît que le niveau supérieur, propriété d'[S] [I], ne caractérisent aucunement un dommage imminent appelé à survenir de façon certaine au préjudice de la copropriété.

Par ailleurs, il ne peut être fait abstraction de ce que l'assignation en référé a été délivrée en ouverture de rapport, que le rapport d'expertise judiciaire n'a pas été discuté devant le juge du fond, ce rapport, qui ne constitue qu'un simple avis, ne pouvant à ce stade être considéré comme incontestable, rapport d'ailleurs contesté par [S] [I], lequel fait état de son côté d'éléments permettant de retenir l'absence de dommage imminent, alors que :

l'expert appuie ses constatations et conclusions sur l'étude opérée par le bureau d'études Ciméo ;

ce bureau d'étude atteste que si des points de faiblesse pouvant compromettre la stabilité de la charpente couvrant le logement d'[S] [I] ont été relevés, en revanche aucune fragilisation de la structure vis à vis des étages inférieurs n'a été relevée, il n'existe aucun risque d'effondrement, ni risque de péril grave et imminent, le bureau s'étude prenant le soin de préciser que si cela avait été le cas, il l'aurait immédiatement signifié et en aurait informé le service de sécurité de la ville de [Localité 5].

Dans ces conditions, la Cour ne peut que retenir que l'existence d'un dommage imminent n'est pas caractérisée.

Reste l'existence d'un trouble manifestement illicite, lequel consiste, au sens de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile en toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires se prévaut de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 aux termes duquel un copropriétaire peut user et jouir librement des parties communes et privatives sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble, et de façon plus générale, fait état d'une atteinte aux parties communes de l'immeuble sans autorisation de la copropriété.

Pour autant, l'atteinte à la destination de l'immeuble ne saurait, à défaut d'être plus amplement développée par le syndicat des copropriétaires, être considérée comme constituant un trouble manifestement illicite.

En revanche la Cour constate qu'il ressort de façon incontestable du rapport d'expertise que dans le cadre des travaux querellés, ont été supprimés des murs porteurs intérieurs (page 10 du rapport), lesquels sont définis expressément comme des parties communes par le règlement de copropriété, qui précise à ce titre :

Chapitre II, article 4 : 'Les parties privatives comprennent tout ce qui se trouve à l'intérieur d'un local privatif : les carrelages, parquets ou revêtements de sol avec éventuellement les lambourdes (mais non les solives ni le gros oeuvres qui sont parties communes) ;

Chapitre II, article 5 : 'les parties communes du bâtiment B comprennent les fondations du bâtiment, les éléments porteurs, les murs de refend, les jambages et soutènement, et plus généralement tous les éléments constituant l'ossature de l'immeuble à l'exclusion de sa toiture'.

Or, aux termes du règlement de copropriété, qu'[S] [I] était contractuellement tenu de respecter, tous travaux qui affectent les parties communes doivent être soumis à l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires (chapitre III, article 7) .

A ce titre, [S] [I] n'est pas fondé à soutenir que les travaux qu'il a entrepris ne justifiaient pas l'autorisation de la copropriété car concernant des parties privatives, alors qu'aux termes du règlement de copropriété, ne sont considérés comme parties privatives du lot 12 appartenant à [S] [I] que ' la charpente et la couverture ainsi que les murs des façades en retrait sur les terrasses', ce qui n'intègre pas les murs porteurs intérieurs.

Enfin, si ce même règlement de copropriété autorise chaque copropriétaire à modifier 'comme bon lui semble' la disposition intérieure de ses locaux, il fait cependant obligation au copropriétaire de faire exécuter ces travaux sous la surveillance et le contrôle d'un architecte et de prendre toutes les mesures nécessaires pour ne pas nuire à la sécurité du bâtiment.

Or, il n'est pas contesté par [S] [I] que les travaux qu'il a entrepris ont été réalisés sans plan ni étude de structure, et qu'il n'a pas eu recours à un architecte.

Il en résulte qu'en supprimant des murs porteurs intérieurs parties communes sans solliciter l'autorisation de la copropriété et en ne prenant pas les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du bâtiment tel que prescrit par le règlement de copropriété, [S] [I] est à l'évidence à l'origine d'un trouble manifestement illicite, au sens de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, et que dès lors, le syndicat des copropriétaires était fondé à solliciter une mesure de remise en état appropriée propre à faire cesser le trouble ainsi caractérisé.

Dans la mesure où sur la base des constatations et conclusions du bureau d'étude Ciméo, qui intervenait pour le compte d'[S] [I], il a été retenu par l'expert judiciaire que la suppression des murs porteurs intérieurs et les conditions de réalisation des travaux mettaient en cause la pérennité de la structure du bâtiment, le syndicat des copropriétaires était fondé à voir condamner [S] [I] à titre de mesure de remise en état à mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour restaurer la stabilité de la structure et à lui justifier des contrats de maîtrise d'oeuvre et de bureau d'étude et des contrats d'assurance des entreprises intervenantes.

Toutefois, et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ces mesures devaient se limiter aux travaux de renforcement de la structure (chiffrés par la société Citinéa à 42 851 euros) et il ne pouvait par ailleurs être imposé à [S] [I], libre d'avoir recours à une autre entreprise, de respecter le chiffrage du devis de la société Citinéa.

En outre, alors que le rapport d'expertise était contesté, n'avait pas été discuté devant le juge du fond et ne constituait qu'un simple avis, il ne pouvait être imposé à [S] [I] au stade du référé d'appliquer strictement les solutions de reprise retenues par l'expert judiciaire, seul important qu'il justifie avoir entrepris les mesures appropriées pour restaurer la stabilité de la structure.

Enfin, il était prématuré d'autoriser le syndicat des copropriétaires à faire exécuter les travaux en lieu et place d'[S] [I] en cas de défaillance de ce dernier, alors que celui-ci n'avait aucunement failli à assister et participer aux opérations d'expertise, dans lesquelles il s'était particulièrement impliqué, outre que la condamnation provisionnelle demandée à ce titre par le syndicat des copropriétaires, qui portait sur l'intégralité du chiffrage retenu par l'expert judiciaire, se heurtait, au regard des éléments précédemment exposés, à une contestation sérieuse au sens de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile.

La Cour en conséquence infirme la décision déférée en ce qu'elle a :

condamné [S] [I] à faire réaliser les travaux préconisés par Monsieur [K] pour un montant global de 59 251 euros, tels que décrits par le BET Ciméo le 8 octobre 2020 et devisés par la société Citinéa le 26 octobre 2020, ainsi qu'à justifier des assurances et des contrats du maître d''uvre et du bureau d'étude, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision,

autorisé le syndicat des copropriétaires, en cas de défaillance d' [S] [I] à s'exécuter dans ce délai, à pénétrer dans le lot d'[S] [I] avec toute entreprise de son choix pour réaliser les travaux, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la première demande qui lui sera faite par le syndicat des copropriétaires ;

condamné dans cette hypothèse [S] [I] à payer au syndicat des copropriétaires la somme provisionnelle de 59 251 euros correspondant au montant des travaux et frais annexes pour la réalisation de ces travaux sur la structure de l'immeuble,

et statuant à nouveau :

Condamne [S] [I], à titre de mesure de remise en état, à mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour restaurer la stabilité de la structure et à en justifier au syndicat des copropriétaires et à justifier également auprès du syndicat des copropriétaires des contrats de maîtrise d'oeuvre et de bureau d'étude et des contrats d'assurance des entreprises intervenantes afférants à ces travaux ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes du syndicat des copropriétaires.

3) Sur les demandes du syndicat des copropriétaires relatives à la condamnation sous astreinte d'[S] [I] à produire les justificatifs de bonne réalisation des travaux qu'il a effectués

En vertu de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions.

En vertu de l'article 565 du même code, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires a saisi initalement le juge des référés aux fins de voir condamner [S] [I] à réaliser les travaux de reprise nécessaires pour assurer la stabilité de la structure, à titre de mesure de remise en état.

Il est par ailleurs constant qu'[S] [I] a fait réaliser des travaux de stabilisation de la structure à la fin de l'année 2021.

Or, en demandant des justificatifs propres à confirmer la bonne réalisation des travaux effectués, le syndicat des copropriétaires présente à l'évidence une demande nouvelle puisqu'il s'agit non de compléter la mesure de remise en état initialement sollicitée mais de contrôler sa bonne exécution.

La Cour en conséquence déclare le syndicat des copropriétaires irrecevable en ses demandes de production de pièces.

4) Sur la demande de remise en état de la façade présentée par le syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que les travaux de démolition opérés par [S] [I] ont porté atteinte aux façades de l'immeuble, parties communes, et qu'en raison d'une atteinte à l'harmonie de l'immeuble, il doit être condamné à remettre en état ces façades, ces travaux n'ayant pas été autorisés par la copropriété.

La Cour constate que cette demande est présentée pour la première fois en cause d'appel, qu'elle n'a aucunement été soumise au premier juge et se situe en dehors du cadre de l'expertise judiciaire et qu'elle est donc sans rapport direct avec la demande initiale qui portait exclusivement sur les travaux de structure.

La Cour déclare en conséquence cette demande irrecevable, au visa des articles 564 et 565 du code de procédure civile précités.

5) Sur la demande provisionnelle du syndicat des copropriétaires relative aux frais d'expertise judiciaire

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le syndicat des copropriétaires demande la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a condamné à titre provisionnel [S] [I] à lui payer la somme de 6 973,32 euros correspondant aux frais d'expertise judiciaire.

Pour autant, [S] [I] soulève la nullité du rapport d'expertise judiciaire aux motifs que l'expert a contrevenu aux règles régissant l'expertise, faisant valoir notamment que l'expert a eu recours à un sapiteur 'informel' de la même spécialité que la sienne en contravention avec les dispositions de l'article 233 du code de procédure civile, a excédé les termes de sa mission en chiffrant le préjudice d'un copropriétaire non partie aux opérations d'expertise, et n'a pas répondu au chef de mission relative à la localisation des travaux sur parties communes et parties privatives.

Il a été précédemment retenu que seul le juge du fond a compétence pour prononcer la nullité du rapport d'expertise et au regard des contestations soulevées par [S] [I], dont certaines sont incontestablement fondées puisqu'il n'est notamment pas contestable que l'expert s'est prononcé sur le préjudice de madame [M], copropriétaire, non partie aux opérations d'expertise, il apparaît que la demande provisionnelle du syndicat des copropriétaires se heurte à des contestations sérieuses qui ne peuvent être tranchées au stade du référé.

La Cour en conséquence infirme la décision déférée qui a condamné [S] [I] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 6 973,32 euros à titre provisionnel au titre des frais d'expertise judiciaire et statuant à nouveau :

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande provisionnelle présentée par le syndicat des copropriétaires à l'encontre d'[S] [I] au titre des frais d'expertise judiciaire.

6) Sur les demandes accessoires

Si la décision déférée est en partie infirmée en faveur d'[S] [I], il demeure toutefois partie perdante sur le principal du litige.

La Cour en conséquence :

confirme la décision déférée qui a condamné [S] [I] aux dépens de la procédure de première instance, avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Goumot-Neymon, avocats, et à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, justifiée en équité ;

condamne [S] [I] aux dépens à hauteur d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Goumot-Neymon, avocats, et à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, justifiée en équité ;

rejette la demande d'[S] [I] visant à être exonéré de toute contribution aux frais et charge de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de nullité du rapport d'expertise présentée par [S] [I].

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a :

condamné [S] [I] à faire réaliser les travaux préconisés par Monsieur [K] pour un montant global de 59 251 euros, tels que décrits par le BET Ciméo le 8 octobre 2020 et devisés par la société Citinéa le 26 octobre 2020, ainsi qu'à justifier des assurances et des contrats du maître d''uvre et du bureau d'étude, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision ;

Autorisé le syndicat des copropriétaires, en cas de défaillance d'[S] [I] à s'exécuter dans ce délai, à pénétrer dans le lot d'[S] [I] avec toute entreprise de son choix pour réaliser les travaux, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la première demande qui lui sera faite par le syndicat des copropriétaires ;

Condamné dans cette hypothèse [S] [I] à payer au syndicat des copropriétaires la somme provisionnelle de 59 251 euros correspondant au montant des travaux et frais annexes pour la réalisation de ces travaux sur la structure de l'immeuble.

Et statuant à nouveau :

Condamne [S] [I], à titre de mesure de remise en état, à mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour restaurer la stabilité de la structure et à en justifier au syndicat des copropriétaires et à justifier également auprès du syndicat des copropriétaires des contrats de maîtrise d'oeuvre et de bureau d'étude et des contrats d'assurance des entreprises intervenantes afférants à ces travaux ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes du syndicat des copropriétaires ;

Déclare le syndicat des copropriétaires irrecevable en ses demandes de production de pièces présentées à l'encontre d'[S] [I] ;

Déclare le syndicat des copropriétaires irrecevable en sa demande de remise en état de la façade présentée à l'encontre d'[S] [I] ;

Infirme la décision déférée qui a condamné [S] [I] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 6 973,32 euros à titre provisionnel au titre des frais d'expertise judiciaire,

Et statuant à nouveau :

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande provisionnelle présentée par le syndicat des copropriétaires à l'encontre d'[S] [I] au titre des frais d'expertise judiciaire ;

Confirme la décision déférée pour le surplus ;

Condamne [S] [I] aux dépens à hauteur d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Goumot-Neymon, avocats ;

Condamne [S] [I] et à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Rejette la demande d'[S] [I] visant à être exonéré de toute contribution aux frais et charge de la procédure ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/06915
Date de la décision : 24/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-24;21.06915 ?
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