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21/07/2022 | FRANCE | N°19/07215

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 21 juillet 2022, 19/07215


N° RG 19/07215 N° Portalis DBVX-V-B7D-MUVI















Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE

Au fond du 04 octobre 2019



RG : 2017j00385











SAS LOCAM



C/



[F]

SARL SERCO POINT WEB





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 21 Juillet 2022







APPELANTE :



S

ociété LOCAM

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE









INTIMES :



M. [G] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Armelle BLANCHARD, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1307

Et ayant pour avocat ...

N° RG 19/07215 N° Portalis DBVX-V-B7D-MUVI

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE

Au fond du 04 octobre 2019

RG : 2017j00385

SAS LOCAM

C/

[F]

SARL SERCO POINT WEB

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 21 Juillet 2022

APPELANTE :

Société LOCAM

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMES :

M. [G] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Armelle BLANCHARD, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1307

Et ayant pour avocat plaidant Me Joël GRABARCZYK, avocat au barreau de VIENNE

SARL SERCO POINT WEB

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

******

Date de clôture de l'instruction : 15 Octobre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Juin 2022

Date de mise à disposition : 21 Juillet 2022

Audience présidée par Anne-Marie ESPARBÈS, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne-Marie ESPARBÈS, président

- Catherine CLERC, conseiller

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Tiffany JOUBARD, Directrice des Services de Greffe Judiciaires, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [F] exploitant une activité de terrassement sous l'enseigne BTPED a confié la réalisation de son site internet avec prestations associées à la SARL Serco à l'enseigne commerciale Point Web suivant contrat non daté, ce qui a donné lieu à un financement par Locam selon « contrat de location de site web » n° 1232419 prévoyant le règlement de 60 loyers mensuels de 180€ HT (216€ TTC).

Le 24 décembre 2015, M. [F] a signé au côté de Serco le procès-verbal de livraison et de conformité visant une « maquette site web ».

Locam a mis en demeure M. [F] par courrier recommandé du 17 février 2017 de régler cinq échéances impayées, sous peine de déchéance et de l'exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat. Puis, par acte du 6 avril 2017, elle l'a fait assigner en paiement de la somme en principal de 12.355,20€ outre intérêts au taux légal, indemnité de procédure et charge des dépens.

Par acte du 25 avril 2018, M. [F] a appelé en cause Serco Point Web et cette instance a été jointe à l'instance principale par jugement du 29 juin 2018.

En substance, M. [F] a sollicité devant le premier juge au principal la nullité du contrat conclu avec Serco en invoquant l'existence d'un premier contrat de location informatique souscrit en 2014 auprès de la société Yziprod et financé par Locam, qu'il avait adressé une résiliation auprès de ce fournisseur en raison de son insatisfaction sur les prestations et que Serco s'était expressément engagée à la reprise de ce premier contrat sur le volet administratif lui faisant croire à son extinction alors qu'elle ne disposait pas de la capacité d'y consentir ; outre le défaut de capacité comme fondement de sa demande de nullité du contrat, il a invoqué le dol ; dans les deux cas, il a demandé la caducité conséquente du second contrat de location conclu avec Locam en précisant avoir été condamné judiciairement à paiement au titre du premier contrat de location. Subsidiairement, il a fait valoir la mauvaise exécution des contrats conclus avec Serco et Locam, sollicitant très subsidiairement la réduction de l'indemnité de résiliation et des délais de paiement.

Par jugement du 4 octobre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :

- dit que Serco n'était ni partie, ni cessionnaire du premier contrat signé avec Yziprod et qu'en conséquence, elle ne disposait pas de la capacité d'en consentir la reprise et son extinction lorsqu'elle s'y était engagée,

- prononcé la nullité du contrat principal de location et prestation de services d'un site internet signé entre Serco et M. [F],

- constaté l'interdépendance des contrats liant d'une part Serco et M. [F], et d'autre part M. [F] et Locam,

- prononcé la caducité du contrat de location financière contracté par M. [F] avec Locam, à compter de sa conclusion,

- débouté Locam de toutes ses demandes,

- débouté Serco de toutes ses demandes,

- condamné Locam et Serco à payer, chacune, à M. [F] la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- imputé les dépens à la charge solidaire de Locam et de Serco,

- et débouté M. [F] du surplus de ses demandes.

Locam a interjeté appel par acte du 21 octobre 2019.

Par conclusions du 21 janvier 2020 fondées sur les anciens articles 1134 et suivants, 1149 et 1184 du code civil, Locam demande à la cour de :

- dire bien fondé son appel,

- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions qui la concernent,

- condamner M. [F] à lui régler la somme de 12.355,20€ avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 février 2017,

- débouter M. [F] de toutes ses demandes,

- condamner ce dernier ou qui mieux le devra à lui régler une indemnité de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et en tous les dépens d'instance et d'appel.

Par conclusions du 15 avril 2020 fondées sur les articles 1108, 1110, 1116, 1134, 1147, 1148, 1152 anciens ainsi que 1186 et 1343-5 du code civil, ainsi que sur l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, M. [F] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- en conséquence, déclarer nul le contrat conclu entre Serco lui-même pour défaut de capacité, subsidiairement pour dol,

- déclarer caduc le contrat conclu entre Locam et lui-même,

- débouter Locam et Serco l'ensemble de leurs demandes,

- et Serco à lui payer une somme de 3.000€ au titre du préjudice résultant du dol,

- à titre plus subsidiaire :

- constater l'absence par Locam d'exécution de bonne foi de la convention qui la lie à lui,

- débouter Locam et Serco de l'ensemble de leurs demandes,

- en conséquence, « la » condamner à lui payer une somme de 3.000€,

- constater la résiliation abusive par Locam du contrat de location de site web conclu avec lui-même et la mauvaise exécution par Serco de ses prestations,

- en conséquence, débouter Locam de l'ensemble de ses demandes,

- à titre très subsidiaire, constater la disproportion entre la demande indemnitaire de Locam et son préjudice et réduire le montant de l'indemnité à de plus justes proportions,

- à titre infiniment subsidiaire, lui accorder le bénéfice d'un délai de paiement,

- condamner Locam à lui payer la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et aux dépens.

Par conclusions du 20 avril 2020 fondées sur les anciens articles 1110, 1116, 1134 et 1315 du code civil, Serco demande à la cour de :

- juger son appel incident recevable et bien fondé,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu entre elle et M. [F], l'a condamnée avec Locam à payer chacune à M. [F] la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a déboutée de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [F] surplus de ses demandes,

statuant à nouveau,

- débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes formées à son encontre,

- condamner ce dernier au paiement de dommages-intérêts de 3.000€,

- outre la somme de 3.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- et aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers au profit de la SELARL Lexavoué.

MOTIFS

A titre liminaire, il est précisé que le litige n'est pas soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat a été signé avant le 1er octobre 2016, ce qui est déduit, en dépit de l'absence de date apposée tant sur le contrat litigieux conclu entre M. [F] et Serco que celui conclu entre M. [F] et Locam, de la date du 24 décembre 2015 apposée sur le procès-verbal de livraison et de conformité.

Pour protester contre la caducité du contrat de location souscrit par M. [F] résultant de la nullité du contrat conclu entre ce dernier et Serco pour défaut de capacité de la part de cette dernière à consentir une reprise du premier contrat de location, Locam fait valoir :

- d'une part, le parfait engagement de M. [F] suivant ce second contrat de location à raison notamment de la validation par procès-verbal de la livraison et de la conformité du site,

- d'autre part que l'engagement de la part de Serco relativement à la reprise du premier contrat de location, ce qu'elle ignorait jusqu'ici, n'est pas entré dans le champ contractuel locatif (article 2 des conditions générales de location : « Toutes clauses ou conditions particulières du bon de commande non dénoncées expressément au loueur sont inopposables à ce dernier »),

- et que l'inexécution par Serco de son engagement tel qu'interprété par le premier juge ne faisait naître qu'une créance de dommages-intérêts pour M. [F] à qui a été effectivement allouée une somme de 3.000€, mais non pas un vice de consentement engendrant la nullité de la convention.

Il est répondu en premier lieu que le procès-verbal de livraison et de conformité ne vise qu'une « maquette de site web » et non le site internet visé en objet du contrat de location, tel qu'il devait être livré dans sa version définitive. Ce document ne correspond donc pas au document susceptible en application de l'article 2 du contrat de location de déclencher l'exigibilité des loyers auprès du locataire et le paiement du prix dû au fournisseur.

En deuxième lieu, l'engagement de Serco suivant mention expresse portée de façon manuscrite par son représentant sur le contrat de fourniture tendant à une « reprise contrat Yziprod sur volet administratif » était nécessairement à la connaissance de Locam dès lors d'une part, que celle-ci, qui est en lien de partenariat habituel tant avec Serco que Yziprod, a été informée par des courriers de M. [F] des 22 décembre 2015 et 16 janvier 2016, qu'elle a effectivement réceptionnés, de ses difficultés avec le premier prestataire Yziprod et du démarchage par le second prestataire Serco qui a conduit M. [F] à souscrire le contrat de fourniture litigieux avec Serco ; que d'autre part, eu égard à l'interdépendance des contrats conclus par M. [F] tant avec Serco qu'avec Locam, qui concernent une même opération économique, les clauses contraires à cette notion d'interdépendance sont réputées non écrites, il en est ainsi de l'article 2 qu'elle invoque à tort.

En troisième lieu, il est rappelé liminairement que le premier juge n'a alloué aucune indemnité à M. [F].

Ensuite, il est acquis au débat que Serco n'a assuré aucune reprise du premier contrat de location souscrit auprès de Locam, celle-ci ayant obtenu la condamnation judiciaire de M. [F] au paiement des sommes résultant de la défaillance de ce dernier dans le paiement des loyers qu'elle a poursuivis.

Or, la mention expresse et manuscrite de cet engagement sur le contrat de fourniture atteste de son caractère déterminant pour M. [F], qui a expliqué auprès de Locam dans ses courriers sus-visés que ce second contrat devait être vu en corrélation avec la sortie du financement relatif au premier contrat.

De plus, Serco ne pouvait pas ignorer être dans l'incapacité juridique de procéder à une telle reprise de contrat dont elle n'était pas cessionnaire, pas plus qu'elle n'était partie, dans l'hypothèse -cas avéré- où Locam ne le prendrait pas en compte.

Cette prétendue capacité de Serco à prendre un tel engagement a, de façon certainement trompeuse, conduit M. [F] à souscrire le second contrat avec Serco, en croyant, profane en matière juridique, bénéficier d'une reprise sur le premier financement.

L'apposition de la mention précitée, ajoutée à l'engagement de Serco de procéder à des prestations informatiques très attendues par M. [F] en perte d'activité (Serco note dans ses écritures les importantes difficultés de trésorerie de M. [F]) a participé aux man'uvres dolosives de la part de Serco.

Celle-ci est infondée à soutenir que seule la reprise d'un volet « administratif » était en jeu, alors qu'elle note ensuite dans ses écritures que « conformément à la collaboration commerciale qui existe entre les sociétés Locam et Serco [ce que Locam n'a pas dénié], cette dernière a effectivement la possibilité de reprendre le contrat conclu avec un autre prescripteur pour les dossiers enregistrant des impayés », qu'elle savait donc la situation de débiteur de M. [F], mais qu'elle ne prouve pas l'effectivité de reprise d'un contrat qui dépendait en outre de la volonté de Locam. Quant à la sémantique, il est évident que M. [F], en prise avec des difficultés de trésorerie et avec une non-obtention des prestations informatiques, a compris, légitimement, que le terme « administratif » équivalait à une prise en charge financière.

Sur le fondement du dol, eu égard au fait que sans ses éléments dolosifs, M. [F] n'aurait pas contracté, le contrat de fourniture conclu entre lui-même et Serco doit être annulé.

La capacité de Serco à souscrire un contrat n'est pas en cause, seule l'est son impossibilité à remplir un engagement porté expressément sur le contrat au profit du cocontractant. Le fondement de la nullité du contrat ici retenue n'est donc pas un défaut de capacité, comme l'a dit à tort le premier juge.

Par voie de conséquence, par ces motifs substitués et sans plus ample discussion, les demandes de la part de Serco sont rejetées, et le contrat de location conclu entre M. [F] et Locam est atteint de caducité, conduisant aussi au débouté de Locam de toutes ses demandes.

Quant à la demande d'indemnisation portée par M. [F] tendant à voir condamner Serco à lui payer une somme de 3.000€ au titre du préjudice résultant du dol, aucun moyen de fait ou de droit ne le caractérise ses écritures. Elle est rejetée.

Les entiers dépens sont à la charge in solidum de Locam et de Serco, qui ont en outre celle de verser à M. [F] une indemnité de procédure pour la cause d'appel qui s'ajoute à celle fixée par le premier juge, les demandes du même chef de Serco et Locam étant rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf :

-sur le fondement de la nullité du contrat conclu entre M. [F] (exerçant sous l'enseigne BTPED) et la société Serco (exerçant sous l'enseigne Point Web),

-et sur la charge solidaire des dépens imputés à Locam et Serco,

L'infirme de ces chefs, statuant à nouveau et ajoutant,

Prononce la nullité du contrat conclu entre M. [F] et Serco sur le fondement du dol,

Déboute les sociétés Locam et Serco de toutes leurs demandes,

Condamne in solidum les sociétés Locam et Serco à verser à M. [F] une nouvelle indemnité de procédure pour la cause d'appel de 5.000€,

Condamne in solidum les sociétés Locam et Serco aux dépens de première instance et d'appel.

La Directrice des services de Greffe Judiciaires Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/07215
Date de la décision : 21/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-21;19.07215 ?
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