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21/07/2022 | FRANCE | N°18/01754

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 21 juillet 2022, 18/01754


N° RG 18/01754 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LSJ2















Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE



Au fond

du 19 décembre 2017



RG : 2015f704











SARL ETS BOUISSIERE



C/



SAS LOCAM





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 21 Juillet 2022







APPELANTE :



SARL

ETS BOUISSIERE

[Adresse 8]

[Localité 7]



Représentée par Me Roger TUDELA de la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1813





INTIMEE :



SAS LOCAM

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-E...

N° RG 18/01754 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LSJ2

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE

Au fond

du 19 décembre 2017

RG : 2015f704

SARL ETS BOUISSIERE

C/

SAS LOCAM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 21 Juillet 2022

APPELANTE :

SARL ETS BOUISSIERE

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Roger TUDELA de la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1813

INTIMEE :

SAS LOCAM

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTERVENANTS :

SELARL MJ SYNERGIE pris en sa qualité de liquidateur de EASY NET EU.

[Adresse 3]

[Localité 1]

défaillante

INTERVENANT VOLONTAIRE

Me Maître [V] [U], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL REGIS BOUSSIERE

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Roger TUDELA de la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1813

******

Date de clôture de l'instruction : 9 juillet 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Mai 2022

Date de mise à disposition : 7 juillet 2022 prorogé au 21 Juillet 2022

Audience présidée par Catherine CLERC, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

- Raphaële FAIVRE, Vice Présidente placée

- Marie CHATELAIN, Vice Présidente placée

Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Tiffany JOUBARD, Directrice des Services de Greffe Judiciaire, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 8 octobre 2013, la SARL Etablissements Bouissière (ci-après toujours désignée « la Société ») exploitant une activité de scierie a conclu avec la SAS Location Automobiles Matériels (Locam) un « contrat de location de site web », le fournisseur étant la SARL Easy-Net EU, pour le coût de 63 loyers mensuels de 250 € HT (300€ TTC).

Par courrier recommandé avec AR du 8 avril 2015 (réceptionnée le 9 avril suivant), la société Locam a mis vainement en demeure la Société de régler quatre échéances impayées en lui rappelant la clause résolutoire prévue au contrat.

Par acte extrajudiciaire du 16 juin 2015, la société Locam a fait assigner en paiement la Société devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne (instance 2015F704).

Le 25 novembre 2015, la Société a assigné en intervention forcée la SELARL MJ Synergie ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société (instance 2015F1026).

Ces deux instances ont été jointes par jugement du 15 décembre 2015.

Par jugement réputé contradictoire du 19 décembre 2017, le tribunal de commerce précité a :

- rejeté la demande de nullité du procès-verbal de recette de logiciel signé entre Easy-Net EU et la Société,

- rejeté la demande de résolution du contrat de location de site web conclu entre la Société et Easy-Net EU prise en la personne de son liquidateur judiciaire la SELARL MJ Synergie,

- débouté la Société de toutes ses demandes envers Easy-Net EU prise en la personne de son liquidateur judiciaire la SELARL MJ Synergie,

- rejeté la demande de la Société tendant à être relevée et garantie par Easy-Net EU prise en la personne de son liquidateur judiciaire la SELARL MJ Synergie,

-débouté la Société de toutes ses demandes à l'égard de la société Locam,

-condamné la Société à verser à la société Locam la somme de 14 950€ outre intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 8 avril 2015 et 1 € au titre de la clause pénale,

-condamné la Société à verser à la société Locam la somme de 100€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-imputé la charge des dépens à la Société,

-dit qu'il n'y a pas lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement,

-et débouté la société Locam du surplus de ses demandes.

La Société a interjeté appel par acte du 7 mars 2018, intimant la société Locam et la SELARL MJ Synergie, ès qualités de liquidateur de la société Easy-Net EU.

Par jugement du 7 juin 2019 , le tribunal de commerce de Castres a placé la Société en redressement judiciaire et a désigné Me [U] en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier du 13 juin 2019, la société Locam a déclaré une créance de 15 051€ au passif de la procédure collective de la Société.

Par conclusions du 14 janvier 2020, la Société et son mandataire judiciaire Me [U], intervenant volontaire, demandent à la cour de réformer le jugement déféré, et,

au principal,

-prononcer la nullité du procès-verbal de réception,

-prononcer la résolution du contrat de location,

-débouter la société Locam de toutes ses demandes,

-condamner la société Locam à lui restituer, assistée de son mandataire judiciaire, la somme de 3 600€ au titre des loyers indûment prélevés pour les mois de décembre 2013 à décembre 2014,

-condamner la société Locam à la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

-dire que l'arrêt rendu devra être opposable à Me [U], son mandataire judiciaire,

à titre subsidiaire,

-dire que la société Easy-Net EU prise en la personne de son liquidateur la SELARL MJ Synergie Bourg devra la relever indemne de toute condamnation qui pourrait être prise à son encontre,

-la condamner au paiement d'une somme de 2 000€ à titre de dommages-intérêts,

-la condamner à la somme de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

-dire que la société Locam pourra reprendre le site qui n'a jamais fonctionné.

Par conclusions du 31 août 2018 fondées sur les articles 1134 et suivants et 1149 anciens du code civil et sur l'article 1184 du code civil, la société Locam demande à la cour de :

-dire l'appel de la Société non fondé,

-la débouter de toutes ses demandes,

-réformer le jugement en ce qu'il a réduit la clause pénale de 10% à 1€,

-condamner à ce titre la Société à lui régler la somme complémentaire de 1 500€ avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 avril 2015,

-condamner la Société à lui régler une nouvelle indemnité de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamner aux entiers dépens.

La SELARL MJ Synergie, ès qualités de mandataire judiciaire de Easy-Net EU, à qui la déclaration d'appel a été signifiée à personne habilitée par acte du 17 avril 2018, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS

A titre liminaire, il est précisé que le litige n'est pas soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat a été signé avant le 1er octobre 2016.

Est sans objet la demande de la Société tendant à voir déclarer l'arrêt à intervenir opposable à son mandataire judiciaire Me [U], ce dernier ayant la qualité de partie à l'instance d'appel pour y être intervenu volontairement et avoir pris des conclusions communes avec la Société, intervention volontaire dont il lui sera donné acte.

Sur les demandes de nullité du procès-verbal et de résolution du contrat de location

Les contrats conclus par la Société avec la société Easy-Net EU d'une part, et la société Locam d'autre part, s'inscrivant dans une même opération économique incluant une location financière, sont interdépendants, interdépendance que la Société revendique et que la société Locam qui conclut à la confirmation du jugement sauf sur la clause pénale, ne discute pas ; en conséquence, la société Locam ne peut pas se prévaloir de la clause de non-recours à l'encontre du bailleur prévue au contrat de location, celle-ci étant inconciliable avec cette interdépendance, et donc réputée non-écrite ; la Société garde ainsi la faculté d'opposer en défense à l'action en paiement de la société Locam la nullité du contrat de location ou d'en demander la résolution par voie de conséquence de la nullité ou de la résolution du contrat conclu avec la société Easy-Net EU.

La Société soutient que le site internet dont elle avait confié la création à la société Easy-Net avec le financement de la société Locam, n'a jamais fonctionné, en dépit du procès-verbal de réception qu'elle a signé le jour même de la signature du contrat de location, et qu'elle a versé des loyers sans contrepartie de décembre 2013 à décembre 2014. Elle explique avoir en conséquence confié la réalisation de son site internet à un autre prestataire et avoir fait opposition aux prélèvements de loyers par Locam à compter de janvier 2015.

Elle poursuit en conséquence la nullité du procès-verbal de réception et de conformité, signé le 8 octobre 2013 soit le jour même de la signature du contrat de location alors que la conception et l'élaboration d'un site internet nécessitent plusieurs semaines et qu'à cette date la parfaite délivrance de ce site n'avait donc pas eu lieu, ainsi que la résolution du contrat de location avec la restitution par la société Locam des loyers versés de décembre 2013 à décembre 2014.

La société Locam réplique que le site internet a été mis en ligne ainsi qu'en atteste le « procès-verbal de recette de logiciel » signé par la Société sans opposition ni réserve le 8 octobre 2013 et que la signature de ce procès-verbal a entraîné d'une part, l'exigibilité des loyers dus par l'appelante au titre du contrat de location, conformément à l'article 2-2 des conditions générales de ce contrat et, d'autre part, son paiement à la société Easy-Net EU de la totalité du prix d'acquisition du site internet.

Il résulte des conditions générales de location de site web figurant au verso du contrat de location financière signé le 14 octobre 2014 que :

-article 1.1 : « le locataire déclare avoir librement défini le contenu et l'architecture du site web »,

-article 2.1: « le locataire et le fournisseur ont régularisé un bon de commande définissant les caractéristiques graphiques et techniques du site web et les détails et modalités de réalisation et de mise en ligne »,

-article 3.3 : « le loueur fournit une licence d'utilisation sur les éléments constitutifs du site web qu'il lui fournit dont notamment l'architecture technique et visuelle du site web ».

Le procès-verbal de réception intitulé « procès-verbal de recette de logiciel » signé le même jour que le contrat de location , soit le 8 octobre 2013, contient quant à lui les clauses suivantes :

-« le client ou son représentant reconnaît et accepte expressément, par la signature du présent procès-verbal, l'exactitude et l'opposabilité de l'ensemble de ce qui suit :

A la date d'intervention (le 8 octobre 2013 à 11h et la date de mise en ligne du site et du logiciel le 8 octobre 2013 à 18h):

-que les logiciels décrits dans les annexes du contrat lui ont été entièrement livrés et apparaissent parfaitement conformes aux spécifications des fournisseurs,

-que l'ensemble de la documentation relative à ces logiciels lui a été remis,

-que les licences et /ou modules de déploiement ont été recettés selon les modalités directement convenues avec les éditeurs des licences et le cas échéant les prestataires assurant leurs déploiements et qu'ainsi leur réception définitive a été prononcée à la ate de signature de la présente,

-qu'en conséquence, rien ne s'oppose à la cession des droits d'exploitation liés aux logiciels et, le cas échéant, liés à leur développement qui est facturé par Easy-Net EU SARL ou par une société de crédit.

A la date de mise en ligne du site internet et du logiciel:le site internet du client est accessible par tous les internautes sous la dénomination (suivent les adresses e-mail) » 

Il se déduit de ces clauses que la réalisation du site web financé s'analyse en une opération technique complexe impliquant une réflexion préalable entre le locataire et le fournisseur et la fourniture de données par le locataire à ce dernier pour définir un procédé d'élaboration technique et graphique permettant d'aboutir à un produit finalisé, adapté aux besoins du locataire ; en conséquence, cette prestation web ne peut être objectivement assurée le jour même de la signature du contrat de location financière.

La société Locam, à qui les clauses du contrat de location sont opposables, ne peut en conséquence ignorer la spécificité et la technicité du produit financé.

En se prévalant de l'exigibilité des loyers dès la signature du procès-verbal de réception et de livraison signé simultanément avec le contrat de location et en procédant au règlement de la facture d'achat du site web auprès de la société Easy-Net EU, l'ensemble sans opérer la moindre vérification d'usage de la délivrance effective du site web, nonobstant l'incohérence objective du procès-verbal de réception et de livraison signés le même jour que le contrat de location, la société Locam a commis une faute contractuelle qui justifie le prononcé de la résolution de ce contrat à ses torts.

La société Locam est par suite déboutée de ses demandes financières à l'encontre de la Société et condamnée à rembourser à celle-ci les moyers versés de décembre 2013 à décembre 2014, soit la somme, non discutée en tant que telle par la société Locam, de 3 600€. Il n'y a pas lieu de dire qu'elle pourra « reprendre le site web qui n'a jamais fonctionné », s'agissant d'une prestation personnalisée.

Le jugement déféré est en conséquence infirmé en ce sens.

L'accueil de la demande principale de la Société dispense la cour de statuer plus avant sur ses demandes subsidiaires d'appel en garantie et de dommages et intérêts et sur l'appel incident de la société Locam.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie succombante, la société Locam est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, conserve la charge de tous ses frais irrépétibles et est condamnée à verser à la Société une indemnité de procédure pour la totalité de l'instance. Le jugement querellé est corrélativement infirmé du chef de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, et par arrêt réputé contradictoire,

Donnant acte à Me [U], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Etablissements Bouissière, de son intervention volontaire en cause d'appel,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Prononce aux torts de la SAS Locam la résolution du contrat de location financière signé le 8 octobre 2013 entre la SARL Etablissements Bouissière et la SAS Locam,

Condamne la SAS Locam à rembourser à la SARL Etablissements Bouissière la somme de 3 600€ au titre des loyers de décembre 2013 à décembre 2014,

Déboute la SARL Etablissements Bouissière de sa demande tendant à dire que la SAS Locam pourra reprendre le site web,

Déboute la SAS Locam de ses demandes en paiement formées à l'encontre de la SARL

Etablissements Bouissière,

Condamne la SAS Locam à verser à la SARL Etablissements Bouissière une indemnité de procédure de 2 000 euros,

Déboute la SAS Locam de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, y compris en appel,

Condamne la SAS Locam aux dépens de première instance et d'appel.

La Directrice des Services de Greffe JudiciaireLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 18/01754
Date de la décision : 21/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-21;18.01754 ?
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