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07/07/2022 | FRANCE | N°19/07741

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 07 juillet 2022, 19/07741


N° RG 19/07741

N° Portalis DBVX-V-B7D-MV7B









Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 28 octobre 2019



RG : 2018j0897







SAS LR HEALTH & BEAUTY SYSTEMS



C/



[D]

SARL FORWARD LOOKING





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 07 Juillet 2022







APPELANTE :



Société LR HEALTH &

BEAUTY SYSTEMS

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Caroline BRUMM-GODET de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768 et ayant pour avocat plaidant, Me Grégoire TOULOUSE, avocat au barreau de PARIS







INTIMEES...

N° RG 19/07741

N° Portalis DBVX-V-B7D-MV7B

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 28 octobre 2019

RG : 2018j0897

SAS LR HEALTH & BEAUTY SYSTEMS

C/

[D]

SARL FORWARD LOOKING

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 07 Juillet 2022

APPELANTE :

Société LR HEALTH & BEAUTY SYSTEMS

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Caroline BRUMM-GODET de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768 et ayant pour avocat plaidant, Me Grégoire TOULOUSE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

Mme [K] [D]

née le 06 Novembre 1957 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean ANTONY, avocat au barreau de LYON, toque : 1426

SARL FORWARD LOOKING

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean ANTONY, avocat au barreau de LYON, toque : 1426

******

Date de clôture de l'instruction : 19 Mai 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Mai 2022

Date de mise à disposition : 07 Juillet 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marie CHATELAIN, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier

A l'audience, Marie CHATELAIN a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL LR Health & Beauty Systems, ayant pour activité la distribution par vente à domicile de produits cosmétiques et de bien-être, a engagé Mme [K] [D] en qualité de vendeur à domicile indépendant (VDI) au mois de mai 2008.

Mme [D] a accédé au grade de leader de team en 2009, puis, en 2011, pour les besoins de cette activité professionnelle, elle a constitué la SARL Forward Looking dont elle est devenue gérante. Cette société a poursuivi la relation contractuelle avec la société LR Health & Beauty Systems.

Le 26 janvier 2013, Mme [D] a signé un contrat de leader d'organisation avec la société LR Health & Beauty Systems, contrat au titre duquel elle s'est notamment engagée à fédérer, animer et former un groupe de VDI affiliés à la société LR Health & Beauty Systems, en contrepartie de quoi elle devait percevoir un bonus sur son chiffre d'affaires personnel et un bonus sur le chiffre d'affaires total réalisé par les membres du groupe.

Toujours au sein de l'activité de LR Health & Beauty Systems, Madame [D] et sa société Forward Looking ont rejoint le groupe de top leaders Partner Winner, animant lui-même des leaders d'organisation, et ayant à sa tête la société du même nom (la SARL Partner Winner SARL), dirigée par Madame [X] [V] et Monsieur [E] [N].

En janvier 2018, estimant qu'une « Tournée des Top » organisée par le groupe Partner Winner avait en fait pour but de détourner les leaders d'organisation et les VDI du groupe LR Health & Beauty Systems au profit d'une société concurrente, Modere, dont des représentants intervenaient au cours des séminaires de cette tournée, la société LR Health & Beauty Systems a procédé au blocage du compte partenaire de la société Forward Looking et lui a adressé un courrier le 19 janvier 2018 pour obtenir des explications.

Mme [D] a, par courrier recommandé du 30 janvier 2018, informé la société LR Health & Beauty Systems qu'elle résiliait le contrat aux torts exclusifs de la société LR Health & Beauty Systems avec effet immédiat au 1er février 2018 et a demandé le règlement des sommes relatives au bonus de l'année 2017 et du mois de janvier 2018.

Par courrier recommandé en réponse du 6 mars 2018, la société LR Health & Beauty Systems a reproché à Mme [D] une résiliation contractuelle brutale et contesté devoir les bonus réclamés.

Après vaine mise en demeure du 12 mars 2018, Mme [D] et la société Forward Looking ont, par acte d'huissier de justice du 31 mai 2018, fait assigner la société LR Health & Beauty Systems devant le tribunal de commerce de Lyon en paiement de diverses sommes.

Par jugement du 28 octobre 2019, ce tribunal a :

jugé que l'action fautive de la société LR Health & Beauty Systems a mis fin au contrat entre les parties, en date du 14 janvier 2018,

condamné la société LR Health & Beauty Systems à régler à la société Forward Looking, la somme de 47.557,85'€ au titre de son bonus contractuel 2017, outre intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018,

condamné la société LR Health & Beauty Systems à régler à la société Forward Looking la somme de 3.963,15'€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résolution du contrat, outre intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018,

débouté Mme [D] de sa demande de condamnation de la société LR Health & Beauty Systems à lui verser 10.000'€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

débouté la société LR Health & Beauty Systems de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

condamné la société LR Health & Beauty Systems à payer à la société Forward Looking et à Mme [D] la somme de 3.000'€ chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire du jugement en application de l'article 515 du code de procédure civile,

rejeté comme non fondés toutes autres demandes, moyens, fins et conclusions contraires des parties,

condamné la société LR Health & Beauty Systems à supporter les entiers dépens.

La société LR Health & Beauty Systems a interjeté appel par acte du 13 novembre 2019.

Saisi en référé par la société LR Health & Beauty Systems d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire ou subsidiairement d'autorisation de consigner le montant des condamnations prononcées à son encontre, la juridiction du premier président de la cour d'appel de Lyon, par ordonnance de référé du 6 janvier 2020, a :

déclaré la société LR Health & Beauty Systems recevable en son recours,

constaté que la société LR Health & Beauty Systems ne justifie pas de conséquences manifestement excessives au sens de l'article 524 du code de procédure civile,

rejeté sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Lyon du 28 octobre 2019,

autorisé la société LR Health & Beauty Systems à consigner la somme de 54.521'€ entre les mains de la caisse des dépôts et consignations dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision, jusqu'au prononcé de l'arrêt d'appel à intervenir,

dit que passé ce délai, l'exécution provisoire pourra être reprise par la société Forward Looking,

dit qu'il appartiendra à la partie qui y aura un intérêt de solliciter la restitution des fonds sur production de la copie certifiée conforme, de la décision de la cour d'appel statuant au fond,

dit n'y avoir lieu d'accorder à l'une ou l'autre des parties le bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Forward Looking aux dépens du référé.

Les parties ont conclu respectivement le 23 juillet 2020 et le 17 novembre 2020 et la clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 27 novembre 2020.

L'affaire a été appelée à une première audience le 6 avril 2022 au cours de laquelle la cour a révoqué l'ordonnance de clôture et autorisé la communication par l'appelante du jugement du tribunal de commerce de Lyon rendu le 9 mars 2021 entre la société LR Health & Beauty Systems, la société Partner Winner et Mme [V] ainsi que le protocole d'accord intervenu ultérieurement entre ces parties, fixé un calendrier de procédure et la clôture au 19 mai 2022 à 11 heures

Par conclusions récapitulatives du 10 mai 2022, fondées sur le contrat de leader organisation, la société LR Health & Beauty Systems demande à la cour de :

à titre principal :

juger que la société Forward Looking a commis des fautes graves justifiant le blocage de son compte partenaire à titre préventif,

juger que Mme [D] ne démontre aucun préjudice et que la société Forward Looking ne peut prétendre au versement d'un bonus en janvier 2018,

en conséquence,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à régler à la société Forward Looking la somme de 3.963,15 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résolution du contrat, outre intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018,

infirmer le jugement du 28 octobre 2019 en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la compensation judiciaire entre le montant du bonus annuel 2017 de la société Forward Looking, soit 47.557,85'€ TTC, avec les sommes qui lui sont dues au titre de l'indemnisation de son préjudice, conformément à sa demande reconventionnelle

à titre reconventionnel :

juger que, par ses agissements fautifs, la société Forward Looking lui a causé un préjudice très important qu'il y a lieu d'indemniser,

en conséquence,

infirmer le jugement du 28 octobre 2019 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Forward Looking à lui verser 515.860'€ à titre de dommages et intérêts, cette somme se compensant avec la somme due à la société Forward Looking au titre de son bonus 2017 et, statuant à nouveau, condamner la société Forward Looking et Mme [D], in solidum, à lui payer cette somme,

à titre subsidiaire :

infirmer le jugement du 28 octobre 2019 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Forward Looking à lui verser la somme de 50.000'€ en application de la clause pénale contenue dans le contrat de Leader d'organisation du 26 janvier 2013, cette somme se compensant avec la somme due à la société Forward Looking au titre de son bonus 2017 et, statuant à nouveau, condamner la société Forward Looking et Mme [D], in solidum, à lui payer cette somme,

en toute hypothèse :

condamner la société Forward Looking et Mme [D], in solidum, à lui payer une somme de 18.000'€ au titre des procédures de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Forward Looking et Mme [D], in solidum, aux entiers dépens.

Par conclusions n°3 du 17 mai 2022, fondées sur les articles 1103, 1193, 1194, 1225, 1226 et 1231-5 du code civil, Mme [D] et la société Forward Looking demandent à la cour de:

sur la recevabilité :

juger recevable l'appel interjeté par la société LR Health & Beauty Systems,

juger recevables et bien fondées leurs demandes,

sur le comportement fautif de la société LR Health & Beauty Systems :

confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 28 octobre 2019 et juger que la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société LR Health & Beauty Systems est bien fondée,

en conséquence, infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 28 octobre 2019 et condamner la société LR Health & Beauty Systems à verser à la société Forward Looking la somme de 100.000'€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des inexécutions ayant conduit à la résolution du contrat,

sur le versement des bonus contractuels :

confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 28 octobre 2019 et condamner la société LR Health & Beauty Systems à verser à la société Forward Looking le bonus mensuel du mois de janvier 2018, mais infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 28 octobre 2019 et l'évaluer à la somme de 11.700'€ TTC, à parfaire en fonction des chiffres communiqués par la société LR Health & Beauty Systems, outre intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018,

confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 28 octobre 2019 et condamner la société LR Health & Beauty Systems à verser à la société Forward Looking son bonus contractuel pour l'année 2017 d'un montant de 39.631,54'€ HT soit 47.557,85'€ TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018,

par conséquent, condamner la société LR Health & Beauty Systems à verser à la société Forward Looking la somme totale de 59.257,85'€ TTC, à parfaire, outre intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018.

MOTIFS

A titre liminaire, il est précisé que le litige n'est pas soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque la relation contractuelle est antérieure au 1er octobre 2016.

En application de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En application de l'article 1184 du code civil, l'interdépendance des obligations réciproques résultant d'un contrat synallagmatique permet à chaque partie de refuser d'exécuter son obligation tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qu'il lui est due. Mais pour revendiquer l'exception d'inexécution pour s'opposer à l'exécution de sa propre obligation, il est nécessaire de démontrer que l'inexécution fautive est d'une gravité suffisante.

En l'espèce, la société LR Health & Beauty Systems fait grief aux premiers juges d'avoir retenu que la résolution du contrat la liant à la société Forward Looking était intervenue le 14 janvier 2018 à ses torts, alors qu'elle a procédé à la suspension du compte partenaire de cette dernière de manière préventive en réponse à ses agissements fautifs. Elle estime ainsi que c'est la société Forward Looking qui a résilié fautivement le contrat de leader d'organisation, de sorte qu'à l'exception du bonus de l'année 2017, les sommes réclamées ne sont pas dues. Elle reproche en substance à la société Forward Looking d'avoir incité ses partenaires à rejoindre un réseau concurrent, d'avoir elle-même rejoint ce réseau concurrent le 7 janvier 2018 et d'avoir ensuite déstabilisé le réseau LR Health & Beauty Systems en dépit de l'engagement de non démarchage post-contractuel.

La société Forward Looking et sa gérante Mme [D] contestent ces fautes, et poursuivent la confirmation du jugement s'agissant de la résiliation du contrat au torts de la société LR Health & Beauty Systems, faisant valoir à son encontre des insuffisances dans l'exécution des obligations contractuelles au cours des dernières années, la divulgation d'informations confidentielles concernant Mme [D] en cours d'exécution du contrat, et enfin le blocage de son compte partenaire le 14 janvier 2018 sans avertissement préalable.

Il convient cependant d'écarter l'argumentation des intimées relative aux carences alléguées de la société LR Health & Beauty Systems au cours des années précédentes. La société Forward Looking et Mme [D] lui reprochent ainsi l'absence de réponse à la suite de détournement de partenaires ou à la demande d'arrêt de la pratique «'des points doublés,'» d'avoir facturé des formations auparavant gratuites, d'avoir annoncé de manière erronée l'arrivée de nouveaux produits, d'avoir annulé une convention et de ne s'être livrée à aucune analyse relative à la chute d'activité constatée, mais s'abstiennent de rattacher ces éléments à une obligation contractuelle de la société LR Health & Beauty Systems et ne versent en tout état de cause aucune pièce venant corroborer ces affirmations.

L'existence d'une faute tenant à la divulgation d'informations confidentielles ayant trait à l'activité de la société Forward Looking en cours d'exécution du contrat n'apparaît pas plus caractérisée. Cette assertion se fonde en effet uniquement sur le témoignage de Mme [U], dont l'attestation est produite en pièce 9 par les intimées, au terme duquel l'un des dirigeants de la société LR Health & Beauty Systems aurait fait part à cette dernière au téléphone d'une baisse du chiffre d'affaires de 25% de Mme [D]. Cette seule attestation isolée apparaît toutefois insuffisamment probante pour considérer comme avérée une telle faute.

La société Forward Looking et Mme [D] invoquent enfin le blocage de leur compte partenaire sans avertissement préalable, pour imputer la responsabilité de la résiliation du contrat à la société LR Health & Beauty Systems.

Il est constant que la société LR Health & Beauty Systems a procédé au blocage de ce compte qui constitue un outil opérationnel de travail puisqu'il permet de commander des produits, de suivre et gérer les vendeurs partenaires du leader d'organisation. Par courrier du 19 janvier 2018, il a fait part de ce blocage, dont rien ne permet de considérer qu'il soit intervenu dès le 14 janvier, à Mme [D] dans les termes suivants :

«'Madame,

nous avons reçu des informations graves et selon lesquelles:

vous feriez la promotion des produits d'une société concurrente, en violation de vos engagements contractuels à l'égard de notre société;

vous inciteriez les partenaires du réseau LR à rejoindre cette société concurrente, agissant ce faisant de manière totalement déloyale à l'égard de notre société.

Vous ne pouvez l'ignorer, un tel comportement est strictement interdit par le contrat de VDI que vous avez signé avec notre société comme d'ailleurs par le guide du VDI [']

Dans l'attente de vos explications, que nous vous remercions de communiquer dans les plus brefs délais, nous avons pris la décision de bloquer votre compte partenaire [...]'».

Par courrier du 30 janvier 2018, Mme [D] a contesté les griefs énumérés par la société LR Health & Beauty Systems et notifié à cette dernière la résiliation du contrat avec effet immédiat.

Il résulte pourtant des pièces versées que le grief tiré de l'incitation des partenaires de la société LR Health & Beauty Systems à rejoindre un réseau concurrent est fondé et constitue une violation des obligations contractuelles de la société Forward Looking et de sa gérante.

Il est ainsi stipulé aux articles 3.6 et 3.8 du contrat que «'le leader d'organisation s'oblige à un comportement loyal et de bonne foi et en tout état de cause à respecter les principes de la concurrence loyale. Dans le cas où il ne respecterait pas cette obligation, il engagera sa responsabilité civile et LR sera en droit de solliciter la réparation de son préjudice. Le leader d'organisation s'engage à avoir un comportement exemplaire vis à vis de LR, à ne pas entreprendre d'actes qui pourraient lui être préjudiciables, ni à énoncer ou publier des propos qui pourraient nuire à son nom, sa réputation, ou bien à son image.'»

Il n'est pas contesté que Mme [D] a participé à la «'tournée des tops leaders'» organisée en janvier 2018 par le groupe Partner Winner, décrite dans le courriel d'invitation adressé aux VDI comme un séminaire de travail visant à présenter un concept innovant permettant d'obtenir «'plus de clients de façon plus simple, plus rapide, plus efficace et plus économique'». Il est également manifeste, au vu des très nombreuses attestations de VDI ayant assisté à ces séminaires que ceux-ci avaient en réalité pour objectif de faire part aux participants du départ des top leaders chez Modere, société concurrente et de les inciter à les suivre. Il ressort en effet de ces témoignages concordants et circonstanciés, que les valeurs et le fonctionnement de la société LR Health & Beauty Systems étaient remis en cause au cours des séminaires, tandis que le fonctionnement efficace et intéressant de la société Modere était au contraire mis en avant et que des représentants de celle-ci, dont M. [C], directeur, intervenaient au cours de ces réunions, à l'issue desquelles il était proposé aux VDI de remplir un formulaire d'inscription pour rejoindre ce nouveau réseau.

Si Mme [D] se défend d'avoir elle-même incité les participants à rejoindre cette société concurrente, admettant uniquement avoir assisté à trois séminaires en qualité d'auditrice, ce rôle est toutefois contredit par les pièces versées aux débats de part et d'autre. Il résulte ainsi des attestations établies par les VDI que sa présence est avérée lors de sept réunions sur huit organisées en janvier 2018 sur l'ensemble du territoire français. Les témoignages mettent également en évidence le départ effectif annoncé des leaders de Partner Winner constituait un argument de poids inscrit dans une stratégie de recrutement des VDI au profit de la société Modere, le nom de Mme [D] étant expressément cité à cet effet.

Dès lors, en dépit des témoignages produits par Mme [D] de participants attestant, en des termes stéréotypés et identiques, qu'elle n'a ni dénigré la société LR Health & Beauty Systems, ni fait la promotion de la société Modere, sa présence sur la quasi intégralité de la tournée, et sa présentation comme caution du sérieux et de l'intérêt à rejoindre ce nouveau réseau, ne pouvaient avoir d'autre but que d'inciter les VDI présents à faire de même et constituent une participation active à l'entreprise de recrutement des VDI au profit d'un groupe concurrent, quand bien même son rôle était secondaire au regard de celui autres top leaders.

Ce comportement constitue un manquement caractérisé à l'obligation de loyauté résultant des stipulations contractuelles précitées et revêt une gravité suffisante pour justifier le blocage de son compte partenaire par la société LR Health & Beauty Systems.

Il ressort ensuite des échanges intervenus entre les sociétés Modere et LR Health & Beauty Systems que Mme [D] s'est enregistrée comme cliente chez la première le 7 décembre 2017, que le 31 décembre suivant un compte a été ouvert au nom de son ex-compagnon, qui a été transformé en compte de Social Marketer, au moyen de la carte bancaire de Mme [D] le 7 janvier 2018, et que le 5 février 2018, cette dernière a racheté ce compte, désormais à son nom. Cette chronologie, corrélée par l'annonce au cours de la tournée des Tops Leaders en janvier 2018 de ce que Mme [D] avait déjà rejoint le réseau Modere, et alors qu'il n'est justifié d'aucune activité de son ex-compagnon en qualité de Social Marketer met en évidence que Mme [D] a effectivement rallié la société Modere dès le premier mois de l'année 2018, alors qu'elle était toujours liée contractuellement avec la société LR Health & Beauty Systems. C'est donc à juste titre que cette dernière fait valoir une faute résultant de la violation par Mme [D] de la clause de non concurrence prévue à l'article 8 du contrat de leader d'organisation.

En revanche, l'appelante ne rapporte pas la preuve d'une déstabilisation de son réseau par Mme [D] et d'un manquement de cette dernière à son engagement de non démarchage post contractuel. En effet, s'il est avéré, au vu du procès verbal de constat d'huissier produit en pièce 32, que Mme [D] a participé activement à l'organisation d'une réunion le 24 mars 2018 au profit de la société Modere, à laquelle 120 personnes identifiées se sont inscrites, la société LR Health & Beauty Systems ne démontre pas que les invités à cette réunion étaient toujours des partenaires du réseau LR. L'organisation d'une réunion n'étant pas suffisante à caractériser un démarchage actif des partenaires de son ancien réseau, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de Mme [D] de ce chef.

Il résulte de ce qui précède que les premiers juges ont retenu à tort que l'existence d'une action fautive de la société LR Health & Beauty Systems avait mis fin au contrat et le jugement doit être infirmé de ce chef, la résiliation du contrat le 30 janvier 2018 par la société Forward Looking n'étant justifiée par aucun manquement contractuel de la première.

Le jugement est toutefois confirmé en ce qu'il a condamné la société LR Health & Beauty Systems à verser à la société Forward Looking la somme de 47 557,85 € au titre de son bonus contractuel 2017, qui n'est discuté par les parties ni dans son principe ni dans son montant. Il doit également être confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a condamné cette société à verser également la somme de 3 963,15€ non pas au titre de dommages et intérêts, mais au titre du bonus du mois de janvier 2018, évalué sur la base de 1/12e du bonus de l'année 2017, la société LR Health & Beauty Systems ne versant aucun élément permettant d'évaluer le chiffre d'affaires effectif de la société Forward Looking au cours de cette période.

Reconventionnellement, la société LR Health & Beauty Systems sollicite l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait de la violation par la société Forward Looking et Madame [D] de leurs engagements contractuels.

La faute fondée sur le démarchage post contractuel n'étant pas caractérisée, seul le préjudice résultant des manquements par les intimées aux obligations de loyauté et de non concurrence peuvent donner lieu à une indemnisation, à charge pour l'appelante de démontrer l'existence d'un préjudice.

La société LR Health & Beauty Systems fait valoir qu'elle a subi un important manque à gagner en raison de la man'uvre des top leaders, et fait état d'une baisse de chiffre d'affaires sur le groupe Winner Partner de 48% soit 3 933 359 € entre janvier et décembre 2018. Son niveau de marge brute sur la vente des produits aux partenaires VDI se situait en 2012-2017 à 52,46%, ce dont elle déduit qu'elle a subi un préjudice de 3 933 359 € x 52,46% = 2 063 440 €. Elle évalue la responsabilité de Mme [D] à 25% et réclame ainsi à cette dernière et à la société Forward Looking: 2 063 440 € x 25% = 515 860 €.

Toutefois, la société LR Health & Beauty Systems ne fait aucunement la démonstration de l'existence d'un lien direct et certain entre les fautes commises par Mme [D] et la baisse de son chiffre d'affaires, de sorte qu'elle doit être déboutée de cette demande.

L'appelante sollicite à titre subsidiaire l'application de la clause pénale prévue à l'article 10 du contrat de leader d'organisation, faisant valoir que les deux manquements de la société Forward Looking et Mme [D], au devoir de loyauté et de non concurrence d'une part et à l'obligation post contractuelle de non démarchage d'autre part, justifient que lui soit versée deux fois la somme de 25 000€ prévue par cette clause, soit 50 000 €.

L'article 10 du contrat stipule ainsi «'l'inexécution des obligations nées du présent contrat par le leader d'organisation, et spécifiquement des obligations stipulées aux termes des articles 8 et 9 donnera lieu au versement à LR d'une somme de vingt-cinq mille euros (25 000 euros) à titre de clause pénale. LR aura nonobstant les dispositions figurant en cet article la faculté de saisir la juridiction compétente afin de solliciter la réparation de son entier préjudice'».

Il est de droit que la clause pénale, sanction du manquement d'une partie à ses obligations, s'applique du seul fait de cette inexécution.

Il a déjà été rappelé qu'aucun manquement ne peut être retenu au titre de l'interdiction de démarchage post contractuelle. En revanche, la faute résultant de la violation de la clause de non concurrence prévue à l'article 8 du contrat étant caractérisée, elle permet à la société LR Health & Beauty Systems de se prévaloir de la clause pénale dont le montant n'apparait pas manifestement excessif.

Il est donc fait droit à la demande de la société LR Health & Beauty Systems dans la limite d'une seule application de la clause pénale et il y a lieu ainsi de condamner in solidum la société Forward Looking et Mme [D] au paiement de la somme de 25 000€.

Les intimées étant par ailleurs déboutées de leurs demandes au titre de l'inexécution fautive du contrat par l'appelante, leurs demandes indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les intimées succombant pour l'essentiel de leurs demandes, elles doivent être condamnées in solidum au dépens de première instance et d'appel, et doivent verser une indemnité de procédure à l'appelante, étant elles-mêmes déboutées de leurs demandes à ce titre, les dispositions du jugement étant infirmées de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la SARL LR Health & Beauty Systems à verser à la SARL Forward Looking les sommes de 47 557,85€ et de 3 963,15€,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que la résiliation du contrat du 26 janvier 2013 ne résulte pas de manquements contractuels de la SARL LR Health & Beauty Systems

Dit que la société SARL Forward Looking a commis des manquements contractuels,

Condamne in solidum Mme [K] [D] et la SARL Forward Looking à verser la somme de 25 000 € à la SARL LR Health & Beauty Systems au titre de la clause pénale,

Déboute les parties de leurs demandes de dommages et intérêts respectives,

Déboute Mme [K] [D] et la SARL Forward Looking de leur demande d'indemnité de procédure,

Ordonne la compensation judiciaire entre les condamnations prononcées, jusqu'à due concurrence,

Condamne in solidum Mme [K] [D] et la SARL Forward Looking à verser à la SARL LR Health & Beauty Systems une indemnité de procédure de 4 000 € pour la première instance et l'appel,

Condamne in solidum Mme [K] [D] et la SARL Forward Looking aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/07741
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.07741 ?
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