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07/07/2022 | FRANCE | N°19/05833

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 07 juillet 2022, 19/05833


N° RG 19/05833

N° Portalis DBVX-V-B7D-MRPG









Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE

Au fond

du 07 juin 2019



RG : 2016j00396







SARL ROUSSET AUDITION



C/



SAS LOCAM





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 07 Juillet 2022







APPELANTE :



SARL ROUSSET AUDITION

[Adresse

2]

[Localité 4]



Représentée par Me Gaëlle DELAIRE, avocat au barreau de LYON, toque : 1822 et ayant pour avocat plaidant, Me Mikaël BIJAOUI, avocat au barreau de MARSEILLE







INTIMEE :



SAS LOCAM

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Michel TROMBETTA...

N° RG 19/05833

N° Portalis DBVX-V-B7D-MRPG

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE

Au fond

du 07 juin 2019

RG : 2016j00396

SARL ROUSSET AUDITION

C/

SAS LOCAM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 07 Juillet 2022

APPELANTE :

SARL ROUSSET AUDITION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Gaëlle DELAIRE, avocat au barreau de LYON, toque : 1822 et ayant pour avocat plaidant, Me Mikaël BIJAOUI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE :

SAS LOCAM

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

******

Date de clôture de l'instruction : 15 Octobre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Mai 2022

Date de mise à disposition : 07 Juillet 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marie CHATELAIN, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier

A l'audience, Marie CHATELAIN a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Rousset Audition, exerçant une activité d'audioprothésiste, a passé commande d'un photocopieur auprès de la société INPS.

Elle a signé le procès-verbal de livraison et de conformité du matériel sans émettre de réserves.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 14 janvier 2016, la société Rousset Audition a dénoncé le contrat auprès de la société INPS, faisant valoir le non respect des engagements pris par cette dernière, et auprès de la SAS Locam, intervenant au titre du financement et informé la société Locam qu'elle cessait les règlements.

Par courrier recommandé avec AR du 2 février 2016 (l'accusé de réception mentionne le «'02/01'» qui ne peut cependant correspondre qu'au 2 février, le pli ayant été présenté le «'28/01»), la société Locam a mis en demeure la société Rousset Audition de régler une échéance impayée, lui rappelant la clause résolutoire du contrat.

Par acte du 10 mars 2016, la société Locam a fait assigner la société Rousset Audition devant le tribunal de commerce de Saint Etienne en paiement de la somme en principal de 27.680,07 € outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

Par jugement du 7 juin 2019, ce tribunal a :

dit les conditions générales de location opposables à la société Rousset Audition et applicables,

débouté la société Rousset Audition de sa demande de nullité du contrat signé avec la société Locam,

débouté la société Rousset Audition de sa demande de sursis à statuer,

dit que l'action de la société Locam vis-à-vis de la société Rousset Audition est recevable et fondée,

condamné la société Rousset Audition à verser à la société Locam la somme de 27.680,07 € outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 janvier 2016,

condamné la société Rousset Audition à payer à la société Locam la somme de 250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

imputé les dépens à la charge de la société Rousset Audition

et dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'exécution provisoire.

La société Rousset Audition a interjeté appel par acte du 8 août 2019.

Par conclusions du 8 juin 2020, la société Rousset Audition demande à la cour de :

constater que le contrat dont se prévaut la société Locam a été signé sans les informations essentielles,

constater que les conditions générales de vente n'ont jamais été acceptées par elle et ne comportent aucun paraphe,

constater que le contrat de la société Locam dépend du financement par INPS de la participation financière,

en conséquence,

juger que le contrat entre elle et la société Locam est nul et non-avenu,

juger que les conditions générales ne lui sont pas applicables,

juger que la résiliation aux torts de la société INPS de son contrat entraîne la résiliation de la société Locam car il existe une interdépendance des ces deux contrats,

réformer le jugement déféré et débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes,

condamner la société Locam à lui payer la somme de 3.600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et aux entiers dépens.

Par conclusions du 22 septembre 2020 fondées sur les articles 1134 et suivants, 1149, 1165 et 1184 anciens du code civil et sur l'article 14 du code de procédure civile, la société Locam demande à la cour de :

dire non fondé l'appel de la société Rousset Audition,

la débouter de toutes ses demandes,

confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

condamner la société Rousset Audition à lui régler une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et en tous les dépens d'instance comme d'appel.

MOTIFS

A titre liminaire, il est précisé que le litige n'est pas soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque la relation contractuelle est antérieure au 1er octobre 2016.

Sur la nullité du contrat

La société Rousset Audition invoque la nullité du contrat pour défaut de consentement, en faisant valoir que son seul interlocuteur a été la société INPS, qu'elle n'a ainsi jamais choisi la société Locam pour le financement de la location du photocopieur et soutient, s'agissant du bon de commande comme du bon de livraison, qu'elle a signé des documents «'en blanc'», ensuite remplis par la société INPS.

La société Locam estime pour sa part que la société Rousset Audition est parfaitement engagée à son égard par le contrat qu'elle a signé et sur lequel elle a apposé son tampon humide, ce contrat identifiant expressément le fournisseur, le loueur, le locataire, ainsi que l'objet du financement et les conditions financières, de même qu'elle a signé le bon de livraison sans opposition ni réserve.

Il résulte de l'article 1117 du code civil que la convention contractée par erreur, violence ou dol, n'est point nulle de plein droit ; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision, dans les cas et de la manière expliqués à la section VII du chapitre V du titre des contrats ou des obligations conventionnelles en général.

La nullité affectant un contrat pour défaut de consentement est une nullité relative et non absolue, elle peut ainsi être couverte par la confirmation de l'acte par celui qui pouvait invoquer la nullité.

En l'espèce, il est manifeste que la société Rousset Audition a signé et apposé son tampon humide sur un bon de commande vierge et non daté: l'exemplaire qu'elle produit est en effet dépourvu de toute mention dans les rubriques «'fournisseur'», «'désignation du matériel'», «'nombre et montant des loyers'». Ce document correspond à l'exemplaire daté du 22 mai 2015 produit par la société Locam, puisqu'il comporte le même numéro d'ordre et que la signature et le tampon de la société Rousset Audition sont identiques sur les deux documents. Pourtant, tous les champs de cet exemplaire sont renseignés de manière manuscrite. Les parties produisent également un même bon de livraison du bien «'TA 261CI'», dont l'exemplaire versé par la société Rousset est dépourvu de date et n'est signé que de cette société, tandis que celui produit par la société Locam est complété et daté du 22 mai 2015.

La société Rousset Audition ne peut toutefois sérieusement affirmer qu'elle n'avait pas connaissance de l'intervention de la société Locam dans le financement de la location dès lors que celle-ci apparaît dans l'exemplaire du bon de commande qu'elle produit, dans lequel elle est désignée expressément et de manière apparente comme partie au contrat, en qualité de «'loueur ou bailleur'».

Elle ne peut pas non plus invoquer d'erreur sur le prix dès lors qu'en dépit de la signature d'un contrat rempli de manière incomplète, elle ne soutient à aucun moment avoir ignoré le montant et le nombre de loyers, affirmant que le prix était au final attractif pour elle en raison du versement de «'participations commerciales'» promises par la société INPS. Cette affirmation n'est toutefois étayée par aucun élément de preuve, ni quant à l'engagement de la société INPS, ni quant aux versements de ces participations commerciales qui seraient pourtant intervenus à deux reprises.

En tout état de cause, la société Rousset Audition convient avoir reçu le photocopieur, conformément au procès-verbal de livraison qu'elle reconnaît avoir signé, et pour lequel il est indifférent que la date ait été ajoutée par la suite dès lors qu'il n'existe aucune contestation sur la réalité et le contenu de cette livraison. Elle admet également avoir réglé les loyers pendant plusieurs mois, de sorte qu'elle a ainsi confirmé son consentement en exécutant le contrat.

C'est donc à tort que l'appelante soulève la nullité du contrat pour vice du consentement.

La société Rousset Audition invoque également le caractère illégal du contrat, faisant état d'une procédure d'information judiciaire ouverte à l'encontre de la société INPS à laquelle est intervient en qualité de partie civile.

Toutefois, si en vertu de l'article 1134 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, l'illégalité visée par cette article se rapporte à la cause du contrat. Or en l'espèce, l'opération de location financière n'est entachée d'aucune illégalité et la signature par la société Rousset Audition d'un document vierge, témoignant de son accord pour qu'il soit rempli ultérieurement, ne permet pas de qualifier ce contrat de faux.

Le contrat n'encourant aucune nullité, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté cette demande.

Sur la résiliation du contrat avec la société INPS

La société Rousset Audition fait valoir qu'elle a résilié la contrat la liant à la société INPS par courrier du 14 janvier 2016, et invoque l'interdépendance des contrats conclus avec les sociétés INPS et Locam pour soutenir que cette résiliation, intervenue selon elle aux torts de la société INPS entraîne la résiliation du contrat signé avec la société Locam.

Cette dernière réplique que quelque soit l'interdépendance pouvant exister entre ces contrats, il incombe à l'appelante d'obtenir un titre préalable contre la société INPS pour invoquer utilement la caducité du contrat de location financière.

Ce qui est juste.

En effet, s'il existe une interdépendance entre le contrat de fourniture du photocopieur et le contrat de location financière conclu le même jour pour financer ce même matériel, et que la nullité de l'un peut entraîner la caducité de l'autre, la société Rousset Audition n'est pas recevable à opposer à la société Locam la résiliation du contrat la liant à la société INPS, cette société n'ayant pas été appelée dans la cause contrairement aux dispositions de l'article 14 du code de procédure civile selon lesquelles nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.

Par ailleurs, l'exception d'inexécution dont la société Rousset Audition se prévaut implicitement en affirmant que la société INPS ne s'est pas acquittée de son obligation de verser une participation financière, ne peut être invoquée qu'entre cocontractants, et non pas à l'encontre d'un tiers au contrat. C'est donc en vain que la société Rousset Audition entend se prévaloir de l'inexécution par la société INPS pour se libérer de ses obligations nées du contrat signé avec la société Locam.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de résiliation du contrat entre les sociétés Rousset Audition et Locam.

Sur l'opposabilité des conditions générales de vente à la société Rousset Audition

La société Rousset Audition invoque enfin l'inopposabilité à son égard des conditions générales de vente sur lesquelles la société Locam fonde ses demandes à son encontre, soutenant ne pas en avoir eu connaissance et ne pas les avoir signées.

La comparaison des bons de commande versés par chacune des parties permet en effet de mettre en évidence que les copies de ces documents, dont il est acquis qu'ils ne constituent qu'un seul et même document à deux stades différents de sa rédaction, ne comportent pas le même verso. Le verso du contrat produit par la société Rousset Audition, signé et tamponné par cette société, comporte des mentions relatives à la résiliation anticipée d'un précédent contrat de location, qui s'avèrent étrangères à l'objet du contrat. L'exemplaire produit par la société Locam comporte un verso et une page additionnelle, sur lesquelles sont reproduites des conditions générales de location, et sur lesquelles figure uniquement la signature du bailleur, et non celle de la société Rousset Audition.

En l'absence de ces conditions générales de location sur l'exemplaire du contrat signé par la société Rousset, ainsi que le défaut de signature de celle-ci sur les conditions générales versées par la société Locam, cette dernière ne démontre ni que son cocontractant a eu connaissance de ces conditions, ni qu'il les a acceptées.

Il en résulte que ces conditions générales de location sont inopposables à la société Rousset Audition et que la société Locam ne peut ainsi se prévaloir de l'indemnité de résiliation et de la clause pénale prévues en leur article 12.

Le jugement doit dès lors être infirmé en ce qu'il a condamné la société Rousset Audition à verser à la société Locam la somme 27 680, 07€ comprenant 23 486,12€ au titre de l'indemnité de résolution outre une clause pénale de 10 %, la seule somme due, et à laquelle la société Rousset Audition est condamnée, étant celle afférente aux loyers échus à la date de résiliation, soit la somme de 1 677,58€ laquelle produira intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016.

Sur les demandes au titre de l'article 700 et les dépens

Compte tenu de la solution apportée au litige, chaque partie conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles, y compris pour la première instance, les dispositions du jugement étant infirmées de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives aux conditions générales de vente, à la créance de la SAS Locam, aux frais irrépétibles et aux dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,

Dit que les conditions générales de vente du contrat du 22 mai 2015 sont inopposables à la SARL Rousset Audition,

Déboute la SAS Locam de sa demande au titre de l'indemnité de résiliation et de la clause pénale,

Condamne la SARL Rousset Audition à verser à la SAS Locam, au titre des loyers échus, la somme de 1 677,58€ outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 février 2016,

Dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens de première instance et d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes respectives d'indemnité procédurale pour la première instance et l'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/05833
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.05833 ?
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