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06/07/2022 | FRANCE | N°19/02371

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 06 juillet 2022, 19/02371


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/02371 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MJIH



Société JST TRANSFORMATEURS

C/

[S]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 14 Mars 2019

RG : F 16/02879

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 06 JUILLET 2022











APPELANTE :



Société JST TRANSFORMATEURS

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Lauren

t LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Bruno DEGUERRY de la SELARL DEGUERRY, PERRIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON




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AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/02371 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MJIH

Société JST TRANSFORMATEURS

C/

[S]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 14 Mars 2019

RG : F 16/02879

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022

APPELANTE :

Société JST TRANSFORMATEURS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Bruno DEGUERRY de la SELARL DEGUERRY, PERRIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[U] [S]

né le 19 Novembre 1960 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me François DUMOULIN de la SELARL FRANCOIS DUMOULIN, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juillet 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

[U] [S] a été embauché à compter du 28 avril 1980 par la société JEUMONT-SCHNEIDER, devenue la SAS JST TRANSFORMATEURS, en qualité d'ouvrier, P1, NII, échelon 1, coefficient 170, suivant contrat de travail écrit à durée indéterminée soumis à la convention collective départementale des mensuels des industries métallurgiques du Rhône (IDCC 0878).

Au cours de la relation de travail, [U] [S] a notamment été promu à compter du 1er juillet 1992 aux fonctions d'agent technique d'essais puis, à compter du 1er juin 2012, aux fonctions de « Responsable essais » au niveau V, échelon 3, coefficient 365 de la classification dans ces mêmes fonctions.

Le 22 janvier 2015, la SAS JST TRANSFORMATEURS a conclu un accord majoritaire avec les organisations syndicales représentatives afin de « déterminer le contenu du Plan de sauvegarde de l'emploi, dans le cadre du projet de restructuration de la société » qu'elle avait présenté au comité d'entreprise réuni le 25 novembre 2014 et portant sur la suppression de 38 postes, homologué par la DIRECCTE le 2 mars 2015.

La candidature de [U] [S] à un départ volontaire selon les modalités prévues par l'accord majoritaire du 22 janvier 2015 a été rejetée par son employeur.

Au cours de la relation de travail, [U] [S] a été élu en qualité de membre titulaire du comité d'entreprise puis a été élu parallèlement, à compter du 8 juin 2015, en qualité de délégué du personnel suppléant et désigné à compter de juin 2019 en qualité de délégué syndical.

Le 29 juillet 2016, [U] [S] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, et de demandes indemnitaires et salariales afférentes à la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 14 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon ' section industrie, statuant en formation de départage, a :

PRONONCÉ la résiliation judiciaire du contrat de travail de [U] [S] aux torts de l'employeur au jour de la décision ;

DIT que cette résiliation judiciaire produisait les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ;

CONDAMNÉ en conséquence la SAS JST TRANSFORMATEURS à verser à [U] [S] les sommes suivantes :

avec intérêts au taux légal à compter du 16 août 2016, date de réception de la convocation par l'employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure,

- 51 609,63 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 15 667,16 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 1 556,71euros au titre des congés payés afférents

- 39 699,72 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur

- 5 115,58 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- 53 000 euros de dommages-intérêts au titre du licenciement nul ;

DIT que [U] [S] sera dispensé d'exécuter le préavis ;

DIT que la SAS JST TRANSFORMATEURS devra transmettre à [U] [S] dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision une attestation Pôle Emploi indiquant comme motif de rupture la résiliation judiciaire du contrat de travail, un certificat de travail mentionnant comme date de rupture le jour de la notification de la décision, et mentionnant le délai de préavis de deux mois postérieur à cette date, indemnisé mais non exécuté, ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision, sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la notification du jugement et dit que la présente formation se réserve le droit de liquider cette astreinte ;

CONDAMNÉ la SAS JST TRANSFORMATEURS à verser à [U] [S] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTÉ la SAS JST TRANSFORMATEURS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire étant rappelé qu'en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, sont de droit exécutoire à titre provisoire les jugements qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14 dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculé sur la moyenne des 3 derniers mois ;

FIXÉ la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 4 411,08 euros :

CONDAMNÉ la SAS JST TRANSFORMATEURS aux entiers dépens de l'instance.

La SAS JST TRANSFORMATEURS a interjeté appel de cette décision le 4 avril 2019.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 mars 2022 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS JST TRANSFORMATEURS sollicite de la cour de :

RÉFORMER le jugement du conseil de prud'hommes (de) Lyon du 14 mars 2019 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [S] aux torts de l'employeur et lui a alloué les sommes suivantes :

- 51 609,63 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 15 667,16 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 556,71 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,

- 39 699,72 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,

- 5 115,58 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 53 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIRE ET JUGER qu'elle n'a commis aucune faute justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [S] et par voie de conséquence le débouter de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul, de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement, de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, de sa demande d'indemnité pour violation du statut protecteur, de sa demande d'indemnité de congés payés et de sa demande au titre des frais de procès ;

Reconventionnellement,

CONDAMNER Monsieur [S] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

LE CONDAMNER aux entiers dépens de l'instance.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 13 avril 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [U] [S] sollicite de la cour de :

A titre principal,

CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 14 mars 2019 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur et condamné la société JST TRANSFORMATEURS au versement de dommages-intérêts pour licenciement nul et d'une indemnité conventionnelle de licenciement ;

CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 14 mars 2019 en ce :

- qu'il a condamné la société JST TRANSFORMATEURS à lui verser, avec intérêts au taux légal à compter du 16 août 2016 :

* 15 667,16 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 556,71 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,

* 39 699,72 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,

* 5 115,58 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- dit qu'il sera dispensé d'exécuter le préavis ;

- dit que la SAS JST TRANSFORMATEURS devra lui transmettre dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision une attestation Pôle Emploi indiquant comme motif de rupture la résiliation judiciaire du contrat de travail, un certificat de travail mentionnant comme date de rupture le jour de la notification de la présente décision, et mentionnant le délai de préavis de deux mois postérieur à cette date, indemnisé mais non exécuté, ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision, sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard passé un délai de un mois suivant la notification du jugement et dit que la présente formation se réserve le droit de liquider cette astreinte ;

CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 14 mars 2019 en ce qu'il a condamné la société JST TRANSFORMATEURS à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

JUGER que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul à la date de la décision de la cour ;

JUGER que l'astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard dont est assortie l'obligation de remise des différents documents liés à la rupture est applicable passé un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

PORTER le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués en raison du licenciement nul à la somme de 151 000 euros

CONDAMNER la société JST TRANSFORMATEURS au versement de cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2019 à hauteur de 53 000 euros et intérêts légaux à compter de la date de l'arrêt pour le surplus ;

PORTER le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 57 344,04 euros ;

CONDAMNER la société JST TRANSFORMATEURS au versement de cette indemnité, outre intérêts au taux légal à compter du 16 août 2016 ;

CONDAMNER la société JST TRANSFORMATEURS à lui verser la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 14 mars 2019 en toutes ses dispositions et condamner la société JST TRANSFORMATEURS à lui verser la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 14 avril 2022, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 3 mai suivant.

SUR CE :

- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

La SAS JST TRANSFORMATEURS soutient en substance, à l'appui de sa demande, que :

- Monsieur [S] a saisi le juge prud'homal près de vingt mois après la mise en 'uvre de la nouvelle organisation de la « plateforme essais » dont il dépendait, de sorte que sa demande de résiliation judiciaire est fondée sur des griefs anciens lors de la saisine du juge le 29 juillet 2016 ;

- suite à son refus du poste de « team leader » qui lui avait été proposé, [U] [S] avait accepté les nouvelles modalités organisationnelles ;

- ainsi, dès lors que c'est au moment où il statue que le juge doit apprécier les manquements invoqués et non en se plaçant à la date à laquelle ils se seraient prétendument déroulés, l'exécution par le salarié de ses nouvelles tâches sans réserve, désaccord ou protestation permettait de constater que les hypothétiques manquements de l'employeur n'étaient pas d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail ;

- l'introduction du poste de « Team leader » lors de la réorganisation n'avait pas vocation à faire disparaître les attributions des postes préexistants comme celui de « responsable essais » qu'occupait Monsieur [S], et le refus de l'intéressé d'occuper les postes de « Team leader » et de « Référent production » a conduit l'employeur, sans modification de son contrat de travail, à lui confier les fonctions afférentes à l'emploi de « Référent technique » sans la moindre opposition de sa part ;

- la réorganisation de l'entreprise a été mise en 'uvre en avril 2015, afin de tenir compte des circonstances nées du plan de sauvegarde de l'emploi mis en 'uvre dans l'entreprise, d'une part, et du départ de la société du responsable de la plateforme essais, qui ne pouvait être remplacé compte-tenu de ses compétences personnelles spécifiques, d'autre part ;

- la seule référence à la lettre de l'administration du travail du 12 mai 2016 ne permet pas au salarié d'établir la matérialité des manquements dénoncés, alors notamment que les échanges avec l'inspection du travail avaient permis de communiquer l'ensemble des pièces et justificatifs nécessaires sur la situation de [L] [C] de sorte qu'aucun grief n'a finalement été retenu à l'encontre de la société par l'administration du travail ;

- dès lors que [U] [S] a refusé de façon réitérée le poste de « team leader » qui lui avait été proposé, la société a maintenu l'intéressé dans son poste de « responsable essais », sans que le salarié ne démontre qu'il aurait subi une perte de responsabilités, nonobstant le changement d'intitulé de son poste, ni qu'il aurait connu une modification de son contrat de travail ;

- « La seule modification intervenue est celle liée au rattachement hiérarchique dans la mesure où au mois de mars 2015 », [U] [S] a été placé sous l'autorité d'un nouveau responsable hiérarchique, afin de lui permettre de ne pas dépendre du responsable hiérarchique avec lequel il ne s'entendait pas et qui était susceptible de devenir « team leader » ;

- [U] [S] ne démontre pas la disparition des organigrammes dont il se prévaut ;

- la société JST TRANSFORMATEURS n'a jamais entendu supprimer ou modifier le contrat de travail de Monsieur [S] de sorte qu'elle n'avait pas à lui proposer une modification de son contrat de travail et ce pour quel que motif que ce soit y compris pour motif économique ;

- en tout état de cause, et subsidiairement, il doit être fait application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail qui encadrent les dommages et intérêts susceptibles d'être alloués au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, tandis que le salarié ne peut prétendre à aucune réparation au titre de la violation de son statut protecteur.

[U] [S] fait notamment valoir, en réponse, que :

- Alors qu'il occupait en qualité de « responsable essais » une fonction de support technique des chefs de projets impliquant une responsabilité fonctionnelle vis-à-vis de techniciens et titulaires d'essais, il s'est vu imposer à compter du second trimestre 2015 une modification de son contrat de travail puisque les « team leader » nouvellement créés assuraient désormais la responsabilité des essais qui lui était précédemment confiée, et il n'a plus exercé aucune tâche de réalisation d'essais de manière directe, aucune responsabilité technique ou managériale attachée à sa fonction de responsable essais ;

- La perte de ses responsabilités techniques et managériales est d'ailleurs matérialisée par la suppression de toute mention du concluant sur l'organigramme de présentation de l'organisation de la production puissance, alors que ce dernier était expressément nommé les années précédant la réorganisation de l'activité « Puissance » ;

- la modification unilatérale et illicite du contrat de travail et de ses conditions de travail par la société JST TRANSFORMATEURS caractérise un manquement manifeste de la société défenderesse à ses obligations légales, lequel caractérise une exécution gravement fautive du contrat de travail rendant impossible la poursuite dudit contrat et justifiant sa résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur.

- Les agissements de la société JST TRANSFORMATEURS sont d'autant plus fautifs que cette dernière a sciemment contourné les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi puisque, la fonction de chef d'équipe étant effectivement supprimée, celle-ci aurait nécessairement dû être intégrée dans le licenciement collectif pour motif économique ;

- en mettant en 'uvre distinctement la réorganisation des activités de production « Puissance » et le licenciement collectif pour motif économique, la société défenderesse l'a sciemment privé du « bénéfice » des mesures - notamment indemnitaires - du plan de sauvegarde de l'emploi au sein duquel il aurait nécessairement dû être intégré du fait de la suppression effective de son poste ;

- Il a rapidement saisi l'inspection du travail de cette situation puis, en l'absence de réponse de l'employeur à l'inspecteur du travail, saisi le conseil de prud'hommes ;

- Si la suppression des fonctions qu'il occupait précédemment a été effective lors de la mise en oeuvre du projet de réorganisation en septembre 2015, la société JST TRANSFORMATEURS a cessé progressivement à compter de cette date de lui fournir du travail, jusqu'à parvenir à une situation unanimement constatée de « non-travail » en dépit d'une présence effective dans l'entreprise ;

- la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul si le salarié était titulaire d'un mandat de représentation du personnel ou d'une protection liée à la candidature aux élections au jour de la demande, la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dans le cas contraire ;

- le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la demande, laquelle inclut la période instituée par le législateur à l'expiration du mandat.

* * * * *

Il résulte des articles L. 2411-1 et suivants du code du travail qu'aucune modification de son contrat de travail ou aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et qu'en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licencier.

Or, il apparaît en l'espèce que :

- la SAS JST TRANSFORMATEURS a élaboré à compter de janvier 2015 un projet de réorganisation de sa branche « puissance » ayant notamment donné lieu à consultation du comité d'entreprise lors de ses réunions des 25 mars et 22 mai 2015 et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail lors de ses réunions des 27 mars et 28 avril 2015 ;

- [U] [S] occupait à cette période l'emploi de « responsable essais » rattaché au chef de secteur « essais - labo » au sein du service « traitement et essais » de la SAS JST TRANSFORMATEURS, et a été réélu en qualité de membre du comité d'entreprise et a été élu en qualité de délégué du personnel le 8 juin 2015 ;

- la SAS JST TRANSFORMATEURS a procédé au cours du second semestre 2015 à la mise en 'uvre effective de la réorganisation interne qu'elle envisageait, avec la nomination puis la prise de poste en septembre 2015 de nouveaux « team leaders » et « référents techniques » et la régularisation ultérieure des avenants afférents aux contrats de travail des intéressés ;

- [U] [S] a conservé à compter de septembre 2015 ses fonctions de « responsable essais » mais a été rattaché à compter de cette date à Monsieur [P], qui occupait jusqu'alors le même emploi de « responsable essais » et promu aux fonctions de « team leader » nouvellement créées, au sein de l'unité de production « Essais/labo », puis à Monsieur [R], responsable de la production aval de l'activité « Puissance » de la SAS JST TRANSFORMATEURS et, en dernier lieu, à Monsieur [E], directeur technique, en qualité d'expert essais transformateurs, compte-tenu de sa mésentente avec les intéressés.

L'inspection du travail a par conséquent été amené à constater, à l'issue notamment de sa visite dans l'entreprise le 23 mars 2016, reprises dans sa correspondance à la SAS JST TRANSFORMATEURS du 12 mai suivant, que, alors qu'il assurait jusque-là une responsabilité fonctionnelle vis-à-vis des techniciens essai du service, [U] [S] ne s'est plus vu confier, à compter de cette réorganisation, de tâches de réalisation d'essais de manière directe, s'est vu occasionnellement chargé de la formation des salariés dans ce domaine de compétences, et s'est vu déchargé de la responsabilité des essais qu'il exerçait précédemment, au profit des « team leaders » des unités de production récemment créés.

La SAS JST TRANSFORMATEURS expose pour sa part, dans sa correspondance à l'inspecteur du travail du 13 mars 2017, que, suite à la réorganisation mise en 'uvre, [U] [S] « exerce, dans les faits, ses missions d'expert transformateurs (missions externes de mesures électriques/expertises sur site client et support technique aux activités) » et n'a émis aucune contestation aux objectifs afférents lui ayant été fixés à compter de cette date pour la détermination de la part variable de sa rémunération.

Il ressort ainsi des énonciations qui précèdent que la réorganisation par la SAS JST TRANSFORMATEURS de son activité « Puissance » a eu pour conséquence la modification unilatérale en septembre 2015 du contrat de travail de [U] [S], dont le mandat de représentant du personnel avait pourtant été renouvelé le 8 juin précédent, de sorte qu'il continuait à bénéficier de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable.

Les affirmations de la SAS JST TRANSFORMATEURS selon lesquelles la réorganisation de sa branche « Puissance » serait intervenue avant l'élection de [U] [S] aux fonctions de membre du comité d'entreprise et de délégué du personnel le 8 juin 2015, sont d'ailleurs contredites par le contenu des échanges relatifs aux avancées du projet de réorganisation lors des réunions du comité d'entreprise au cours de l'année 2015, comme par les explications fournies par ses salariés et représentants à l'inspecteur du travail lors de sa visite dans l'entreprise le 23 mars 2016, dont il ressort notamment que la sélection des salariés nommés aux fonctions de « team leader » et de « référents techniques » nouvellement créées se sont poursuivies jusqu'en juillet 2015, avant mise en 'uvre de la nouvelle organisation à compter du mois de septembre suivant.

Et il convient de relever, au demeurant, que [U] [S] occupait déjà, depuis 2011 au moins, les fonctions de membre titulaire du comité d'entreprise de la SAS JST TRANSFORMATEURS.

Or, ainsi que s'en prévaut la SAS JST TRANSFORMATEURS, par exemple dans sa correspondance à l'inspecteur du travail du 13 mars 2017 déjà citée, [U] [S] aurait expressément refusé le poste de « team leader » qu'elle lui avait proposé, d'une part, et aurait tout aussi expressément refusé de régulariser l'avenant au contrat de travail qu'elle avait estimé devoir lui soumettre, s'agissant notamment de « sa nouvelle définition de fonction ».

Et, contrairement à ce que tente de soutenir la SAS JST TRANSFORMATEURS, l'acceptation par un salarié protégé d'une modification de son contrat de travail, ou même d'un changement de ses conditions de travail, ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son travail.

Au demeurant, [U] [S] a dénoncé dès février 2016 à l'inspecteur du travail la modification unilatérale de son contrat de travail par l'employeur à compter du mois de septembre précédent, sans d'ailleurs que, nonobstant l'intervention de l'inspecteur du travail à compter du 22 février 2016 puis la saisine par l'intéressé du conseil de prud'hommes le 29 juillet suivant, la SAS JST TRANSFORMATEURS n'estime devoir procéder à la régularisation de la situation de son salarié.

Et, à l'inverse, tandis que la conclusion d'un contrat de travail emporte pour l'employeur obligation de fourniture du travail, [U] [S] soutient qu'il a progressivement été déchargé de toute activité par son employeur à compter de septembre 2015. Et l'inspecteur du travail a ainsi été amené à relever, dans sa correspondance à l'employeur du 12 mai 2016, que la responsable des ressources humaines de la société avait expressément « confirmé » lors de leurs échanges le manque d'activité dénoncé par [U] [S] dans les nouvelles fonctions occupées depuis septembre 2015.

Le compte-rendu de la réunion du comité social économique du 19 novembre 2020 porte en outre mention de l'interpellation de l'employeur par les représentants du personnel, à la demande de [J] [I], [U] [S] et [L] [C], quant à l'absence d'activité dans l'entreprise de ces salariés, et de la réponse leur ayant été apportée par le président selon laquelle « il est clair que c'est une situation que nous n'avons pas souhaitée. C'est une situation que nous subissons et pour laquelle nous n'avons pas véritablement d'autres options que celle que nous suivons maintenant depuis déjà trop longtemps » et selon laquelle « Ils ne sont pas censés ne pas travailler. Ils sont censés continuer à travailler mais dans les faits, les choses sont ce qu'elles sont ».

En tout état de cause, la SAS JST TRANSFORMATEURS ne justifie par aucune pièce probante que, à compter de septembre 2015, elle se serait valablement libérée de son obligation essentielle, découlant du contrat de travail qu'elle avait conclu avec [U] [S], de fournir du travail à son salarié.

Il convient de relever, enfin, qu'alors que l'employeur avait refusé à [U] [S] le bénéfice des dispositions du plan de départs volontaires auquel il avait candidaté au motif que le poste qu'il occupait alors ne faisait pas partie des postes supprimés recensés par l'accord majoritaire du 22 janvier 2015 homologué par la DIRECCTE, la SAS JST TRANSFORMATEURS a procédé dès janvier 2015 à la consultation de ses représentants du personnel sur un nouveau projet de réorganisation qu'elle a finalisé en juin 2015, puis mis en 'uvre à l'automne hors de tout plan de sauvegarde de l'emploi, et qui portait suppression du poste de « responsable essais » qu'il occupait alors.

Il apparaît ainsi, au terme de l'ensemble de ces énonciations, que les manquements de la SAS JST TRANSFORMATEURS à ses obligations découlant du contrat de travail étaient d'une gravité telle, par leur nature, leur persistance dans le temps et leur incidence sur la situation personnelle et professionnelle du salarié, qu'ils empêchaient toute poursuite de la relation de travail.

Dès lors, le jugement déféré doit nécessairement être confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de [U] [S] aux torts de l'employeur.

Et, dès lors que [U] [S] a été désigné en juin 2019 en qualité de délégué syndical, la résiliation judiciaire du contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur dont il bénéficie encore à ce jour au titre de ce mandat.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS JST TRANSFORMATEURS à verser à son salarié une indemnité conventionnelle de licenciement, sauf à tenir compte de son ancienneté à la date de rupture de la relation de travail, une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité compensatrice de congés payés.

Mais, compte-tenu notamment de son ancienneté de plus de 42 années au service de l'employeur, du montant de la rémunération mensuelle brute qu'il percevait, des circonstances de la rupture comme de la capacité personnelle de l'intéressé à retrouver un emploi stable et de même niveau de rémunération, au regard de la dégradation dont il justifie de son état de santé au cours des derniers mois de la relation de travail, le préjudice subi par [L] [C] à raison de la perte de son emploi peut être plus justement évalué à la somme de 90 000 euros, dont la SAS JST TRANSFORMATEURS lui devra réparation.

Toutefois, si le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection en cours au jour de la demande, la date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date.

Or, la période de protection dont bénéficiait [U] [S] au titre de son élection en qualité de membre du comité d'entreprise et de délégué du personnel le 8 juin 2015, en cours à la date de la saisine du juge prud'homal le 29 juillet 2016, a expiré le 8 décembre 2019, de sorte que le salarié ne peut plus prétendre valablement, depuis cette date, à l'indemnisation d'une quelconque atteinte portée à son statut protecteur.

[U] [S] doit par conséquent être débouté de la demande indemnitaire qu'il formait de ce chef, par infirmation du jugement déféré.

- Sur les demandes accessoires :

La SAS JST TRANSFORMATEURS, partie perdante au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit supporter les dépens de l'instance.

Et il serait particulièrement inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce et des situations économiques des parties, de laisser à la charge de [U] [S] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer à nouveau en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de condamner la SAS JST TRANSFORMATEURS à lui verser la somme de 2 000 euros par application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS JST TRANSFORMATEURS à réparation de l'atteinte au statut protecteur de son salarié

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions pour le surplus, sauf :

- à dire que la résiliation judiciaire du contrat de travail produira les effets d'un licenciement nul à la date du présent arrêt,

- à porter à quatre-vingt-dix mille euros (90 000 euros) outre intérêts au taux légal sur la somme de 53 000 euros à compter du 14 mars 2019, et cinquante-sept mille trois cent quarante-quatre euros et quatre centimes (57 344,04 euros), outre intérêts au taux légal à compter du 16 août 2016, les sommes respectivement dues à [U] [S] par la SAS JST TRANSFORMATEURS à titre de réparation du préjudice né de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, d'une part, et d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'autre part ;

- à fixer le point de départ de l'astreinte provisoire assortissant l'injonction faite à l'employeur de délivrer à l'intéressé des documents de fin de contrat rectifiés à l'expiration d'un délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt ;

Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

DÉBOUTE [U] [S] de sa demande indemnitaire au titre de la violation de son statut protecteur ;

CONDAMNE la SAS JST TRANSFORMATEURS à verser à [U] [S] la somme de deux mille euros (2 000 euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

DÉBOUTE la SAS JST TRANSFORMATEURS de la demande qu'elle formait sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

CONDAMNE la SAS JST TRANSFORMATEURS au paiement des dépens de l'instance d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/02371
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;19.02371 ?
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