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06/07/2022 | FRANCE | N°19/01890

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 06 juillet 2022, 19/01890


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/01890 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MIBO



Société SOLICE

C/

[X]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 28 Février 2019

RG : F 17/00787





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 06 JUILLET 2022







APPELANTE :



Société SOLICE

[Adresse 7]

[Localité 3]



représentée par Me Fr

anck JANIN de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Magali PROVENCAL de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE







INTIMÉ :



[W] [X]

né le 12 août 1956 ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/01890 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MIBO

Société SOLICE

C/

[X]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 28 Février 2019

RG : F 17/00787

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022

APPELANTE :

Société SOLICE

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée par Me Franck JANIN de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Magali PROVENCAL de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ :

[W] [X]

né le 12 août 1956 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Delphine BRETAGNOLLE de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Mai 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Solice exerce une activité de société holding de détention de parts et réalise des prestations de service pour les sociétés Inpal Industries et Wannitube.

La société Inpal Industries fabrique des canalisations pré-isolées au sein de l'unité de production de [Localité 5] ( 57) et la société Wannitube disposant d'un réseau de six agences réparties sur le territoire national, exerce une activité d'ingénierie et d'installation de réseaux de chaleur.

M. [X] a été embauché par la société INPAL Industries, suivant contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 12 novembre 2003, en qualité d'attaché technico-commercial, position III A, échelon 135 de la convention collective nationale étendue des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Du fait de la restructuration du groupe Solice en vertu de laquelle la société Solice Management a pris en charge l'animation des sociétés Inpal Industries et Wannitube, le contrat de travail de M. [X] a été transféré à la société Solice Management à compter du 1er janvier 2007.

Suivant procès-verbal du 12 mars 2010, M. [X] a été nommé en qualité de Président par la société Solice Management, associée unique de la société Wannitube.

Par un avenant du 28 juillet 2010, M. [X] a été nommé Directeur Général, non mandataire social de la société Solice Management. Il était prévu que M. [X] exerce ses fonctions de manager de l'ensemble du réseau d'agences de la société Wannitube sous l'autorité du Président du Directoire.

A compter du 1er octobre 2010, le contrat de travail de M. [X] a été transféré de la société Solice Management à la société Solice, suivant avenant du 28 juillet 2010.

Au dernier état de la collaboration entre les parties, M. [X] percevait une rémunération mensuelle brute de base de 10 000 €. Pour l'année 2016, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [X] s'est élevée à 11.310,17 en raison de sa prime d'objectifs.

Par ordonnance du 18 novembre 2015, le président du tribunal de commerce de Lyon désignait Maître [T], en qualité de mandataire ad hoc de la société Solice.

Dans le cadre de la procédure de mandat ad hoc ouverte par le tribunal de commerce de Lyon, le groupe Arcole Industries a présenté une offre de reprise au groupe Solice.

Suivant procès-verbal du 15 avril 2016, la société Solice, associée unique de la société Wannitube, a pris acte de la démission à effet du 22 avril 2016 de M. [X].

Le 12 octobre 2016, M. [X] a cédé ses actions à la société Arcole Industries

L'offre du groupe Arcole Industries a été retenue et le groupe Solice lui a finalement été cédé.

Dans ce contexte, courant octobre 2016, Mme [U] a été nommée présidente de la société Solice, et M. [K] a été nommé en qualité de directeur général .

Par lettre remise en main propre du 15 décembre 2016, la société Solice a convoqué M. [X] à un entretien préalable à son licenciement fixé au 23 décembre 2016.

M. [X] a été licencié pour fautes graves par lettre datée du 28 décembre 2016, dans les termes suivants :

' En votre qualité de directeur général en charge du développement commercial, il vous appartient d'animer le réseau commercial et de mettre en 'uvre tous les moyens nécessaires en vue, notamment, de la fidélisation des clients, du suivi des prospects et du développement du chiffres d'affaires. Le bon accomplissement de ces missions, qui constituent l'essence même de votre fonction, et le déploiement d'un effort maximum, sont encore plus cruciaux dans une période de conjoncture dégradée et de chute drastique du chiffre d'affaires, telle que nous la connaissons aujourd'hui.

Or, nous déplorons de graves carences dans l'exécution de vos missions, d'autant plus inacceptables dans le contexte rappelé ci-avant et compte tenu de votre qualité de membre du CODIR.

En premier lieu, votre action commerciale auprès des clients, qu'elle soit directe ou en renfort de l'action des commerciaux, est inexistante.

Ainsi, depuis le mois de septembre, vous n'avez porté à notre connaissance aucun rendez-vous client, existant ou prospect, à part un rendez-vous avec DALKIA à [Localité 6], dont l'initiative a été partagée avec le directeur d'agence de [Localité 6]. Or, il n'est évidemment pas possible d'assurer le développement du chiffre d'affaires sans mener d'action commerciale !

De même, vous n'avez porté à notre connaissance aucune démarche auprès du réseau, tant WANNITUBE qu'INPAL, de soutien des commerciaux dans leurs rendez-vous clients. Vous n'avez accompagné aucun commercial chez un client et n'avez rendu visite à aucune agence, en dehors des entretiens de fin d'année.

Autrement dit, vous ne menez tout simplement aucune action, directe ou indirecte, en direction des clients et prospects.

Cela se traduit d'ailleurs dans l'organisation de votre temps et dans le fait que vous n'avez fait aucun déplacement en agences en dehors de ceux effectués pour les entretiens individuels. A l'inverse, nous avons déploré plusieurs absences pour motif personnel et à des moments inappropriés, alors que, manifestement, les obligations inhérentes à votre fonction ne sont pas remplies, ce qui est d'autant

plus regrettable dans une période aussi cruciale que celle que nous traversons et alors qu'un nouveau comité de direction se met en place.

Votre inertie et absence manifeste de priorisation sont à l'opposé de l'action offensive qui devrait être la vôtre pour redresser le chiffre d'affaires, et des obligations inhérentes à votre mission.

En second lieu, nous déplorons que votre absence sur le terrain ne soit pas non plus compensée par le traitement efficace des demandes qui vous sont faites au niveau du comité de direction, destinées à identifier les pistes d'actions et mesures de redressement.

Au contraire, non seulement vous n'anticipez pas dans ces domaines, mais, même lorsque vous êtes spécialement sollicité sur des questions et/ou dossiers pourtant stratégiques, vos réponses sont tantôt incomplètes, tantôt tardives ou dénuées de toute synthèse exploitable.

Pour ne citer que quelques exemples :

- Vous n'aviez étonnamment, mis en place aucun suivi des prospects, qui constitue pourtant le béaba de votre fonction et est indispensable à une animation efficace et proactive du réseau commercial. Devant cette carence, j'ai demandé qu'un tel suivi soit établi, notamment à l'occasion des comités de direction. Lors du CODIR du 12 décembre, vous n'aviez toujours rien présenté ni préparé et il a fallu que la Présidente du groupe exprime un vif mécontentement pour que vous nous adressiez un document Votre absence de réactivité et une réponse aussi tardive, obtenue de façon extrêmement fastidieuse, ne sont pas acceptables. De plus, le document de suivi que vous nous avez adressé demeure incomplet.

Par ailleurs, et compte tenu de l'absence de suivi structuré des prospects, des incompréhensions et des approximations fort dommageables émergent, puisque c'est par le réseau que j'ai appris que nous avions perdu l'appel d'offres de [Localité 4]. Le suivi des prospects devait, à ma demande, faire l'objet d'une présentation lors de chaque CODIR, ce qui n'a pas été fait. C'est votre rôle de directeur commercial de communiquer de manière étayée et argumentée à la direction générale que tel ou tel dossier a été perdu.

- C'est ce manque d'action et de prospection commerciale qui est à l'origine du fait que c'est également par d'autres sources que vous que nous avons eu connaissance de l'existence d'une préqualification à remettre à CORIANCE courant décembre. Sans préjuger de l'issue du processus, il est bien évident que si nous n'y participions pas, nous ne pourrions être préqualifiés auprès de ce client, ce qui représente une perte d'opportunités très importante pour notre Groupe.

- Lorsque nous vous avons demandé de nous présenter une synthèse de ce qui, selon vous, a pu conduire à la perte du référencement DALKIA à la fin de l'année 2015, vous vous êtes contenté de nous adresser un courriel comportant de multiples pièces jointes, sans analyse ni synthèse permettant une vue globale de la problématique et une identification ciblée des faiblesses de nos offres.

- Lorsque je vous ai demandé une synthèse des forces et faiblesses de notre positionnement, vous avez répondu en envoyant une ancienne présentation PowerPoint et en vous contentant de lister par écrit les points de cette présentation qui n'étaient plus à jour ! Cette modalité a rendu l'information illisible et empêché en tout état de cause d'avoir une vue d'ensemble sur les sujets abordés, ce qu'on est en droit d'attendre de la part d'un membre de comité de direction. Une attitude professionnelle aurait, bien évidemment, consisté à remettre à jour la présentation.

- A cette même occasion, je vous avais demandé les forces et faiblesses de nos produits. Vous ne m'avez remonté aucune information spécifique à ce sujet. Peu après, informé du fait que nous n'avions pas été retenus au titre de l'appel d'offre de Belle Beille, je vous ai interrogé sur votre avis quant aux raisons de cet échec. Très étonnamment, vous avez alors mis en cause la qualité du produit, à l'exclusion de toute défaillance dans l'action commerciale, alors pourtant que, précisément, nous vous avions préalablement interrogé et que vous ne nous aviez pas alertés sur une quelconque difficulté relative à nos produits...

- Face à la découverte de ce sujet, nous vous avons demandé d'établir un argumentaire commercial à mettre à la disposition des commerciaux pour pouvoir anticiper et contre-argumenter à l'occasion de leurs échanges avec nos clients et prospects et/ou du dépôt de nos appels d'offre, pour que cet échec ne se répète pas. Or, vous avez été très peu proactif sur le sujet, et, une fois de plus, vous nous avez transmis une liasse de documents en pièces jointes d'un courriel, sans formaliser aucun document de synthèse exploitable.

Le budget prévisionnel que vous nous avez transmis pour 2017 est à l'image de vos carences : alors que vous nous aviez expliqué que l'année 2016 avait été particulièrement difficile et que 2017 marquerait une amélioration, vous nous communiquez un budget prévisionnel mentionnant un chiffre d'affaires 2017 en retrait très significatif par rapport à 2016, année qui a elle-même marqué un effondrement de notre chiffre d'affaires. Ce décalage entre votre discours et les éléments chiffrés que vous nous communiquez est inquiétant quant à la fiabilité des informations que vous nous donnez. En réponse à la question qui vous était posée à ce sujet, vous avez dressé un inventaire de ce que vous considérez être des freins au développement, en visant des éléments tels que l'absence de certains commerciaux (sans envisager les modalités de nature à les pallier) ou les élections présidentielles 2017, alors que les marchés sur lesquels nous intervenons se décident à un niveau local. Surtout vous n'avez de cesse de répéter que l'entreprise paierait le prix de « mauvaises décisions » prises sous l'empire de l'ancienne direction, notamment en matière de prix, sans avancer la moindre proposition de solutions, ni être volontariste sur le terrain, ce qui pourtant, et précisément, vous incombe en tant que directeur commercial.

En troisième lieu, nous déplorons votre attitude inappropriée, tant vis-à-vis de la direction que, et cela est autrement plus grave, vis-à-vis des clients.

Ainsi, notamment, vous n'ignorez pas que nous nous devons d'être particulièrement attentifs à notre client DALKIA compte tenu de son importance et du sévère revers subi avec lui fin 2015. Or, à un moment où nous sommes en train de tenter de reconstruire une relation stable, vos échanges avec lui sur l'acompte de RFA et votre façon de tenter d'imposer votre point de vue sur la question du niveau de cet acompte, ont été extrêmement inappropriés. Vous avez en effet commencé à entrer avec ce client dans un « bras de fer » par mail, en sous-entendant qu'il faisait une erreur et en adoptant un ton agacé...

Or, il est évident que vous ne pouvez pas adopter, au nom de l'entreprise et en dehors de toute concertation avec les autres membres du CODIR, une attitude hostile vis-à-vis de son tout premier client. La conséquence a été que je suis intervenu dans le débat pour stopper la polémique et qu'il n'est plus possible aujourd'hui de vous présenter aux responsables nationaux de ce client.

La tension générée par cela dans vos relations avec ce client est préjudiciable pour toute l'entreprise.

En outre, dans vos rapports avec votre direction, vous faites preuve d'une attitude négligente.

Par exemple, lorsque vous formulez des demandes de pouvoirs à la direction générale, vos courriels sont pour le moins laconiques et incomplets : ainsi, vous vous êtes contenté de faire suivre une demande de pouvoir de signature qui était nécessaire au dépôt d'un appel d'offres, sans joindre le moindre document, puis avez joint, sur demande, un pouvoir scanné signé par le précédent Président, et donc inutilisable, pour finir à réception d'un mail vous en faisant la remarque, par charger les fonctions supports de fournir un projet, mais toujours sans prendre la peine d'en vérifier la conformité. Cette façon de faire crée désordre et inefficacité, au-delà du manque d'implication qu'elle caractérise de votre part.

En quatrième et dernier lieu, d'une manière générale, vous contestez les orientations qui sont prises, ce que vous avez notamment ouvertement exprimé à l'occasion de l'engagement d'une procédure de réorganisation nécessaire au redressement de l'entreprise. Vous affichez votre désaccord, en remettant en cause la loyauté de la direction générale, sur un ton traduisant que vous vous considérez délié de votre propre obligation de loyauté. Une telle désolidarisation par rapport aux orientations qui sont prises, est inconcevable compte tenu de votre positionnement au sein du groupe.

En synthèse, vous ne remplissez pas vos obligations, principales et cruciales, en matière de développement commercial et d'encadrement des équipes commerciales, ce qui est d'autant plus préjudiciable dans la période difficile que nous traversons. A votre niveau de responsabilité et d'expérience, il est inconcevable que vous ne vous engagiez pas à la mesure de la situation et des enjeux, notamment vis-à-vis de nos clients.

Par ailleurs, votre positionnement au sein de la structure implique une coopération pleine et entière de votre part. Au lieu de cela, nos échanges sont fastidieux et vous ne répondez pas, partiellement ou tardivement à nos demandes, au mépris des conséquences que cela peut avoir et sans jamais manifester la moindre volonté de vous remettre en question. Cette attitude induit votre désaccord latent sur nos méthodes de gestion et vous allez même jusqu'à manifester une défiance quant à la politique mise en 'uvre par la direction générale.

Ces manquements contractuels graves ne permettent pas d'envisager la poursuite de nos relations contractuelles, fût-ce pendant le temps du préavis.

Les explications que vous nous avez données lors de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Votre maintien dans l'entreprise étant impossible, la rupture de nos relations prend effet ce jour'.

Par requête en date du 27 mars 2017, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, qu'il a subi un préjudice distinct en raison des conditions dans lesquelles il a été évincé et de condamner la société Solice à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

Par jugement en date du 28 février 2019, le conseil de prud'hommes, a :

- constaté que le licenciement de M. [X] ne repose ni sur une faute grave, ni sur aucune cause réelle et sérieuse,

- dit et jugé que le licenciement de M. [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Par conséquent,

- condamné la société Solice à verser à M. [X] les sommes suivantes :

57 499,00 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

67 860,00 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de 6 mois,

6 786,00 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

100 000,00 euros nets à titre de dommages-intérêts tous préjudices confondus pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 600,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire hors celle de droit,

- rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R.1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois est fixée à la somme de 11 310,00 euros,

- ordonné le remboursement par la société Solice aux organismes concernés, des indemnités de chômage payées au salarié du jour du licenciement au jour du présent jugement dans la limite de trois mois d'indemnités,

- débouté M. [X] du surplus de sa demande,

- débouté la société Solice de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Solice aux entiers dépens.

La société Solice a interjeté appel de ce jugement, le 13 mars 2019.

La société Solice demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. [X] était dépourvu de cause réelle et sérieuse

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [X] la somme de 1 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Et statuant à nouveau

A titre principal

- dire et juger que les faits reprochés à M. [X] sont parfaitement établis et constitutifs d'une faute grave

-débouter en conséquence M. [X] de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- le condamner à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel

A titre subsidiaire

- dire et juger que les faits reprochés constituaient, a minima, une cause réelle et sérieuse de licenciement

- débouter en conséquence M. [X] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

- le condamner à payer à la société la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel

A titre infiniment subsidiaire

- limiter le montant des dommages et intérêts alloués pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à 6 mois de salaires soit 67 861 euros bruts

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

A titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la cour viendrait à infirmer le jugement sur ce point :

- ramener le montant des dommages et intérêts alloués à de bien plus justes proportions.

La société Solice soutient :

- que M. [X] s'est vu confier en juillet 2010, le poste de 'directeur général', qui correspondait, sous cette appellation, à un poste de direction commerciale, de sorte qu'il était expérimenté dans les fonctions commerciales et ne peut prétendre être étranger à la chute du carnet de commandes du groupe ;

- que l'action commerciale de M. [X] auprès des clients ou prospects, qu'elle soit directe ou en renfort de l'action des commerciaux, était inexistante; qu'il n'avait pas non plus mis en place d'outils de suivi de l'activité commerciale des équipes sous sa responsabilité, et que cette inertie manifeste constitutive, en soi, d'une grave carence dans l'exercice de ses missions de directeur commercial groupe, était révélatrice, en outre, d'un comportement parfaitement irresponsable et inacceptable d'un membre du CODIR, participant à la mise en danger de la survie du groupe

- que M. [X] ne traitait pas efficacement les demandes qui lui étaient faites au niveau du comité de direction et destinées à identifier les pistes d'actions et les mesures de redressement; qu'il n'a pas mis en place le suivi de prospects qui lui était demandé; qu'il n'a pas procédé aux synthèses qui lui étaient demandées, et qu'il n'a pas procédé aux demandes commerciales et de budget prévisionnel 2017

- que M. [X] a adopté une attitude inappropriée, tant vis-à-vis de la direction avec laquelle il avait une attitude négligente, que vis-à-vis des clients et notamment à l'égard du principal client, la société Dalkia.

- que M. [X] contestait les orientations prises par la nouvelle direction, et remettait en cause sa loyauté

M. [X] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 28 février 2019 rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a jugé que son licenciement ne repose ni sur une faute grave ni sur aucune cause réelle et sérieuse ;

Par conséquent :

- condamner la société Solice à lui verser les sommes de :

57 499 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

67 860 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (6 mois),

6 786 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

170 000 euros nets à titre de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- confirmer les circonstances vexatoires dans lesquelles la rupture de son contrat de travail est intervenue ;

- dire et juger qu'il a subi un préjudice distinct en raison des conditions dans lesquelles il a été évincé du groupe,

Par conséquent,

- condamner la société Solice à lui verser la somme de 102 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire.

- condamner la société Solice à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [X] soutient :

- que sa fonction de directeur général n'avait jamais été remise en cause durant l'exécution du contrat de travail, et que la société ne peut pas prétendre qu'il n'occupait pas ce rôle

- que la réduction de l'équipe de direction et la faible présence des présidents successifs, n'ont fait qu'aggraver la situation du groupe, et que la société Solice tente désormais vainement de lui imputer la responsabilité de la stratégie infructueuse menée par l'actionnaire majoritaire précédent pendant plusieurs années

- que pendant la période durant laquelle les fonctions de directeur commercial du groupe lui ont été confiées, d'avril 2016 à novembre 2016, il a parfaitement assuré ses missions commerciales, en plus de ses fonctions habituelles de directeur général, à savoir, notamment, le management des équipes, le suivi des actions qualité, la supervision des activités administratives, la gestion des sinistres et des litiges ainsi que celle du parc automobile, qu'en plus de ses fonctions commerciales, il traitait avec les services juridique, RH, achats et informatique, et intervenait bien en direct auprès des équipes pour les encadrer, et valider les offres, après étude des documents préparés et entretien

- qu'il répondait de façon parfaitement réactive et opérationnelle aux sollicitations émanant de l'ensemble des interlocuteurs en charge des aspects commerciaux, qu'il a consciencieusement renseigné et répondu aux requêtes de M. [K] et de Mme [U] en prenant soin de répondre aux sollicitations qui lui étaient adressées, y compris sous une forme de communication peu usuelle entre deux membres du CODIR, et que les griefs relatifs à un prétendu défaut de

traitement des demandes portent sur des échanges qui ont eu lieu en octobre 2016 et qui n'avaient fait l'objet d'aucun reproche jusqu'à l'entretien préalable de licenciement le 23 décembre 2016

- que son attitude était parfaitement appropriée et que les échanges professionnels se déroulaient de façon parfaitement usuelle, et qu'ils étaient de surcroît validés par Mme [U]

- qu'il est pour le moins déplacé de la part de la société de reprocher à un membre de la direction un manque de loyauté par rapport aux orientations prises par le groupe à l'occasion d'un plan de restructuration, en totale contradiction avec les engagements pris quelques semaines plus tôt pour le contraindre à céder ses parts, et auquel il n'a absolument pas été associé

- qu'au cours des semaines ayant précédé la rupture particulièrement brutale des relations contractuelles, il avait été écarté de l'équipe de direction et remplacé dans ses fonctions, et alors même qu'il était en charge de la direction commerciale, il a vu son périmètre d'action repris par M. [K] avec l'assistance d'un prestataire extérieur, M. [R].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022.

SUR CE :

- Sur le licenciement :

Il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ; aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, la société Solice soutient que le licenciement de M. [X] s'inscrit dans une période d'importantes difficultés économiques auxquelles la nouvelle direction a été confrontée, période qui exigeait par conséquent une forte mobilisation et une adhésion au plan de reprise de tous les salariés et plus particulièrement des cadres dirigeants du groupe.

Il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société Solice a licencié M. [X] pour fautes graves en invoquant :

1°) une action commerciale directe ou en renfort des commerciaux, parfaitement inexistante caractérisée par l'absence de rendez-vous, que ce soit avec des clients existants ou avec des prospects, à l'exception du client Dalkia à [Localité 6], ainsi que par l'absence d'outils de suivi de l'activité commerciale et ce alors que pour l'année 2016, le carnet de commandes enregistrait une chute de 43% par rapport à 2015 et la facturation enregistrait une baisse de 28% par rapport à 2015.

Sur ce premier grief, M. [X] fait valoir que la direction de la force commerciale du groupe ne lui a été confiée qu'au mois d'avril 2016 afin de pallier le départ du directeur commercial d'Inpal Industries, qu'il a parfaitement assuré ses missions commerciales, en plus de ses fonctions habituelles de directeur général. Il produit des échanges de courriels avec des responsables commerciaux et d'agences Wannitube afin d'illustrer le management des équipes, le suivi des actions qualité, la supervision des activités administratives, ou encore la coordination de la gestion des litiges.

****

L'argumentation de la société Solice, sur qui pèse la charge de la preuve de la faute grave qu'elle invoque, repose sur les pièces suivantes :

- une copie des pages d'un agenda pour la période du 29 août 2016 au 25 décembre 2016 mentionnant essentiellement des rendez-vous relevant de la vie privée ;

- l'attestation de M. [N] [L], chargé d'affaires, selon qui M. [X] n'a mené, à sa connaissance, que très rarement des visites commerciales ;

- l'attestation de M. [A] [R], directeur commercial ayant pris ses fonctions le 3 avril 2017 qui indique qu'à son arrivée il n'existait pas d'outils de suivi de la performance commerciale et qui liste les outils qu'il a mis en place (fiche hebdomadaire de suivi des l'activité des commerciaux, fiche mensuelle relative à l'enregistrement des commandes, tableau d'identification et de suivi des prospects)

- l'attestation de M. [P], directeur général et président du groupe Solice du 3 novembre 2015 au 30 septembre 2016 ;

- les chiffres relatifs à la facturation et au carnet de commandes du groupe Solice pour les années 2010 à 2017 permettant de constater un fléchissement au cours de l'année 2016 ;

- un tableau analysant l'objet des courriels produits par M. [X] en pièces n°28 à 68 du salarié.

****

Il est constant que M. [X] s'est vu confier, suivant avenant du 28 juillet 2010, les fonctions de directeur général, non mandataire social de la société Solice Management. A compter du 21 mars 2016, [S] [P], Président du groupe a annoncé la nomination de [W] [X] en tant que directeur commercial Groupe avec la mission de donner de la cohérence à l'action commerciale des deux sociétés Wannitube et Inpal et de mettre en place la nouvelle politique commerciale du groupe en accord avec le modèle économique du groupe.

La cour observe que cette nomination est intervenue au terme de prés de six années de collaboration entre les parties au poste de directeur général, et postérieurement à l'ouverture d'une procédure de mandat ad hoc en novembre 2015 sur laquelle la société Solice ne produit aucun élément. L'annonce de la nomination de M. [X] au poste de directeur commercial Groupe quelques semaines plus tard, témoigne par conséquent de la confiance que la société Solice accordait à cette date à son directeur général, dans un contexte de difficultés économiques nécessairement identifiées compte tenu des circonstances ayant conduit à la désignation d'un mandataire ad hoc, et alors même que les indicateurs relatifs à la facturation et au carnet de commandes étaient en baisse, au regard de l'année précédente, depuis le mois de février 2016.

C'est donc en parfaite connaissance de cause que la société Solice a confié de nouvelles responsabilités à M. [X] à partir du 21 mars 2016, étant précisé que son activité commerciale n'avait jamais été remise en cause jusqu'à cette date.

Il est par ailleurs constant que la société Solice a recruté un nouveau directeur général au mois d'octobre 2016 en la personne de M. [K] dont elle ne conteste pas que ce dernier s'est vu confier les mêmes attributions que M. [X]; que M. [K] a par ailleurs annoncé par courriel du 28 novembre 2016 avoir confié une mission d'appui commercial à M. [A] [R], lequel sera recruté quatre mois plus tard comme directeur commercial. La société Solice qui soutient qu'il était urgent et de la responsabilité de la nouvelle direction de réagir pour procéder au diagnostic complet et rapide de la situation afin de pouvoir mettre en oeuvre les mesures nécessaires au redressement, ne justifie cependant pas d'une organisation assurant une quelconque coordination entre M. [X], M. [K] et M. [R], de sorte qu'il résulte des éléments du débat que M. [X] a été, de fait, évincé de ses fonctions commerciales.

Dans ces conditions, ni les pages vides d'un agenda qui ne peuvent être représentatives d'une quelconque réalité, la société Solice ne reprochant nullement à son salarié d'avoir abandonné son poste, ni les attestations sus-mentionnées, ne sont de nature à établir un déficit d'action commerciale imputable à M. [X].

En tout état de cause, le déficit d'action commerciale est un grief qui relève de l'insuffisance professionnelle, compte tenu des attributions confiées à M. [X]. Dés lors, un manquement en matière d'action commerciale ne saurait relever de la faute grave qu'à la condition, pour la société Solice de rapporter la preuve d'une abstention volontaire ou de la mauvaise volonté délibérée du salarié, telle que la négligence, le désintérêt pour le travail, la désinvolture, les efforts insuffisants dans l'accomplissement du travail.

En l'espèce, cette démonstration ne résulte pas des éléments du débat de sorte que ce premier grief n'est pas établi par la société Solice.

2°) une absence d'initiative et un traitement inefficace des demandes qui lui étaient faites au niveau du comité de direction :

La société Solice illustre ce deuxième grief par trois exemples :

- le défaut de mise en place d'un suivi des prospects,

- le fait de ne pas avoir satisfait à une demande de synthèse de la nouvelle direction relative à la perte du client Dalkia, premier client du groupe, à la fin de l'année 2015,

- le défaut de réponse à d'autres demandes de synthèse ou d'un argumentaire commercial destiné aux commerciaux.

M. [X] conteste ce deuxième grief. Il oppose à la société Solice l'existence de tableaux de bord de l'activité comportant une rubrique 'facturation', une rubrique 'enregistrement' et une rubrique 'carnet' ( pièces n°78 à 81), ainsi que les courriels qu'il a adressé aux commerciaux les 23 et 29 novembre 2016 ( pièce n°52) afin de solliciter les informations relatives aux projets identifiés lors des visites de prospection, ainsi que les projets en cours d'un montant supérieur à 500KE afin de les présenter au comité de direction.

Les demandes de la nouvelle direction aux fins d'obtenir en comité de direction, un tableau de suivi des prospects, lesquelles demandes sont intervenues entre le mois d'octobre 2016 et le 13 décembre 2016, si insistantes soit-elles, ne permettent pas de caractériser une abstention fautive, dés lors qu'il est établi que M. [X] avait lancé le recensement des prospects et que cette opération ne pouvait être satisfaite dans l'immédiateté.

Concernant la perte du référencement avec le client Dalkia, il résulte des courriels versés aux débats que Mme [U], la nouvelle présidente de la société a interrogé M. [X] le 20 octobre 2016; que M. [X] a apporté des éléments de réponse le jour même; que le 21 octobre 2016, après l'avoir remercié pour sa réponse, Mme [U] a demandé à M. [X] d'établir un tableau de synthèse des prix pratiqués par la société Inpal et par la concurrence ; que M. [X] a fait parvenir par courriel du 21 octobre 2016, la synthèse demandée.

Ainsi, il en résulte que M. [X] a satisfait à la demande en moins de 48 heures et que la synthèse qu'il a proposée n'a suscité ni demande complémentaire,ni observation particulière.

Au titre de ce deuxième grief, il est également reproché à M. [X] de ne pas avoir signalé de problème dans le cadre d'une synthèse sur les forces et les faiblesses des produits commercialisés, alors même qu'il a mis en cause la qualité du produit dans le fait que la société Solice n'a pas été retenue au titre de l'appel d'offre de 'Belle Beille'.

Faute de tout élément relatif à cet appel d'offre, le grief de manque d'initiative ou d'efficacité ne saurait reposer sur un simple échange de courriels entre M. [X] et M. [K] relatif à l'appel d'offre en question.

Enfin, il était reproché à M. [X] d'avoir transmis en octobre 2016, un budget de chiffre d'affaires 2017 de 32 071, 984 euros en retrait significatif par rapport à 2016, alors même qu'il avait annoncé une amélioration pour 2017. La société Solice considérait que le décalage entre le discours tenu et les éléments chiffrés communiqués était inquiétant quant à la fiabilité des informations fournies par M. [X].

En définitive, la direction a arrêté, pour l'année 2017, un budget de 38, 9 ME relativement proche de celui proposé par M. [X] et se targue d'un chiffre d'affaires de 42.378.720 E, soit 10ME de plus que les prévisions de M. [X], lequel vient confirmer l'amélioration annoncée par ce dernier dés le mois d'octobre 2016.

Il résulte des différents exemples invoqués par la société Solice à l'appui de ce deuxième grief, que les demandes de la nouvelle direction ont soit été satisfaites dans des délais extrêmement rapides, soit étaient en cours à la date du licenciement, de sorte que le manque d'efficacité dans le traitement des demandes de la direction n'est pas établi.

3°) une attitude inappropriée vis-à-vis de la direction et des clients :

A ce titre il est reproché à M. [X] d'une part, d'être entré, par mail du 29 novembre 2016, dans un 'bras de fer' avec le client Dalkia ,au sujet de l'acompte de RFA ( ristourne de fin d'année), d'autre part, d'avoir fait preuve de désinvolture et d'irrespect dans ses rapports avec la direction notamment quant à des demandes de pouvoirs.

Il ne résulte cependant de l'échange de courriels entre M. [X] et M. [I] de la société Dalkia, aucune attitude inappropriée mais un désaccord sur les modalités de calcul de l'acompte en question. Les courriels relatifs à ce débat révèlent d'une part que la discussion sur ce point était engagée depuis le 23 novembre 2016 ; que M. [K] et Mme [U] étaient en copie de ces échanges, ce qui a d'ailleurs permis à M. [K] d'intervenir dans l'échange entre M. [X] et M. [I] par mail du 29 novembre 2016 pour trancher en faveur du client Dalkia . Dans ces conditions, il apparaît d'une part, que ni M. [K], ni Mme [U] ne pouvaient ignorer le positionnement de M. [X] et donc de la société Solice ; d'autre part, que ni M. [K], ni Mme [U] n'ont jugé utile d'intervenir en amont, laissant la négociation entre M. [I] et M. [X] se dérouler pendant prés d'une semaine et cautionnant, de fait, la position tenue par M. [X].

La société Solice ne démontre par conséquent ni que le positionnement de M. [X] était erroné, ni qu'il était inapproprié, que ce soit sur le fond ou sur la forme, le ton de l'échange étant, au demeurant, parfaitement respectueux.

Enfin, des courriels échangés quant à une demande de pouvoir pour signer un appel d'offre ( pièce n°45), ou pour permettre un dépôt de plainte ( pièce n°46), ou encore pour solliciter un arbitrage entre des devis relatifs à des prestations de nettoyage ( pièce n°28), il ne résulte ni irrespect, ni manque de réflexion ou d'implication.

L'attitude inappropriée reprochée à M. [X] ne résulte pas des exemples donnés par la société Solice. Ce troisième grief sera également écarté en l'absence de faute caractérisée.

4°) Une contestation des orientations prises par la direction et une remise en cause de sa loyauté :

A ce titre il est reproché à M. [X] d'avoir contesté les orientations prises par la nouvelle direction et de l'avoir exprimé ouvertement à l'occasion de l'engagement d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique nécessaire au redressement de l'entreprise, en décembre 2016.

M. [X] fait valoir que ce grief est pour le moins déplacé dés lors que le plan de restructuration était en totale contradiction avec les engagements pris quelques semaines plus tôt pour le contraindre à céder ses parts et que, nonobstant sa qualité de membre du comité de direction, il n'avait pas été associé à ce plan.

****

Aucun élément relatif à des engagements que la société Solice n'aurait pas respectés n'est versé aux débats. En revanche, il est constant, ainsi qu'il résulte du courriel adressé par M. [K] à M. [X] le 13 décembre 2016, que ce dernier n'a pas été associé à l'élaboration du plan de licenciement économique, mais qu'il lui a été expressément demandé de faire preuve de cohésion et d'engagement vis-à-vis du comité de direction et du groupe, demande à laquelle M. [X] a apporté la réponse suivante :

' Lors de la cession de SOLICE à ARCOLE Industries, il me semble avoir été cohérent et solidaire en cédant mes actions pour l'euro symbolique, dans le seul but de sauver le Groupe et maintenir l'emploi...

D'ailleurs c'est avec ces arguments forts que le nouvel actionnaire majoritaire avait communiqué auprès des IRP pour faire pression sur les actionnaires minoritaires.

Comment puis-je aujourd'hui, seulement deux mois après la signature du protocole , soutenir un PSE alors même que le sujet n'a jamais été abordé au CODIR et que je n'ai pas été consulté à titre personnel!

Il s'agit là d'une décision unilatérale de l'actionnaire majoritaire prise avec votre consentement De quel droit, dans ces conditions, celle-ci engagerait-elle le CODIR vis-à-vis des salariés'

S'agissant de loyauté, votre courriel est surtout très mal venu.' .

Compte tenu des circonstances dans lesquelles le plan de licenciement économique a été élaboré, étant établi que M. [X] a sciemment été évincé de la prise de décision sans aucune justification alors même qu'il était membre du comité de direction, la contestation qu'il a pu soulever à cette occasion ne saurait lui être reprochée et ne traduit en aucun cas un manque de loyauté fautif.

Par ailleurs, si la société Solice affirme que M.[X] a fini par manifester ouvertement auprès des autres salariés, son absence de solidarité par rapport aux décisions prises par la direction, aucun élément confirmant la diffusion d'une opinion dissidente auprès des salariés du groupe ne résulte des débats.

Il apparaît au contraire qu'à la suite de la réunion de la délégation unique du personnel du 25 août 2016 relative au projet de reprise de la société Solice par le groupe Arcole, et de la lettre ouverte adressée le 12 septembre 2016, par les membres de la DUP aux acteurs du rachat du groupe Solice, M. [X] a fait la démonstration de son engagement pour la survie du groupe en acceptant de céder ses actions un mois plus tard, soit le 12 octobre 2016, pour 1 euro symbolique.

En effet, les membres de la DUP en avaient appelé expressément à la responsabilité des parties, dés lors que la cession de leurs parts par les actionnaires minoritaires était l'une des conditions du rachat par la société Arcole.

Par ailleurs, le délai dans lequel M. [X] a accepté de céder ses actions ne saurait davantage lui être reproché, ce délai n'ayant en aucune façon compromis le projet de cession à la société Arcole.

Ce quatrième fait dont le caractère fautif n'est pas démontré par la société Solice sera également écarté.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Solice n'établit pas les faits fautifs qu'elle impute à M. [X]; ils ne sauraient dès lors caractériser la faute grave justifiant le licenciement; il s'ensuit que le licenciement de M. [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il convient de confirmer le jugement déféré.

- Sur les indemnités de rupture :

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité conventionnelle légale de licenciement; aucune des parties ne remet en cause, même à titre subsidiaire, les bases sur lesquelles le conseil de prud'hommes a liquidé les droits de M. [X]; le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Solice à payer à M. [X] les sommes suivantes :

57 499,00 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

67 860,00 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de 6 mois,

6 786,00 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis

- Sur les dommages- intérêts :

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, M. [X] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [X] âgé de 59 ans lors de la rupture, de son ancienneté de treize années et un mois, de ce qu'il n'a pas retrouvé d'emploi avant l'âge légal de départ à la retraite, ce dont il justifie par la production d'un relevé de situation Pôle Emploi du 2 mars 2018, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier, de la rupture, doit être indemnisé par la somme de 110 000 euros.

En conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 100 000 euros de dommages-intérêts tant au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse que des circonstances dans lesquelles est intervenue la rupture du contrat de travail, sera infirmé en ce sens et M. [X] sera débouté de sa demande pour le surplus.

M. [X] forme par ailleurs une demande de dommages-intérêts au titre du licenciement vexatoire en invoquant :

- son éviction de l'équipe de direction au cours des semaines ayant précédé son licenciement,

- l'annonce faite aux équipes commerciales d'un changement de référent et de l'accompagnement par un prestataire sur les sujets commerciaux,

- l'annonce faite à ses collaborateurs de la mesure de licenciement avant la notification du licenciement,

- la suspension de tout accès à ses moyens de communication sans information préalable.

La société Solice s'oppose à cette demande, au motif que M. [X] ne rapporte pas la preuve des circonstances vexatoires qu'il invoque.

La société Solice indique qu'elle n'a commis aucune faute en informant les membres du groupe de ce que M. [X] ne faisait plus partie de ses effectifs, cette information ayant été donnée par mail du 29 juin 2016 à 12H58, soit postérieurement à l'envoi de la lettre de licenciement.

****

Il résulte des développements qui précèdent que M. [X] a été évincé du comité de direction et du management des équipes commerciales par M. [K] embauché plusieurs semaines avant la mise en oeuvre de la mesure de licenciement, ce qui constitue incontestablement un désaveu univoque de l'action de M. [X] source d'un préjudice moral qu'il convient de réparer par l'allocation de la somme de 1 500 euros.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a procédé à une évaluation,' tous préjudices confondus'.

La société Solice sera condamnée à payer à M. [X] la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice moral résultant des conditions vexatoires de son licenciement et M. [X] sera débouté de sa demande pour le surplus.

- Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation; le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

- Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société Solice les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à M. [X] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Solice qui succombe en ses demandes sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et des circonstances vexatoires du licenciement

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant :

CONDAMNE la société Solice à payer à M. [X] les sommes suivantes :

* 110 000 euros de dommages- intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

* 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant des circonstances vexatoires du licenciement

CONDAMNE la société Solice à payer M. [X] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNE la société Solice aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/01890
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;19.01890 ?
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