La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2022 | FRANCE | N°19/01832

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 06 juillet 2022, 19/01832


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/01832 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MH5N



FERRERO

C/

Association HANDICAP INTERNATIONAL FRANCE



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Lyon

du 14 Février 2019

RG : F16/01047







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 06 JUILLET 2022







APPELANTE :



Sandrine FERRERO

née le 29 juin 1971 à [Localité 5]

[A

dresse 3]

[Localité 2]



représentée par Me Pierre-henri GAZEL, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Association HANDICAP INTERNATIONAL FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Emmanuelle BAUFUME de la SC...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/01832 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MH5N

FERRERO

C/

Association HANDICAP INTERNATIONAL FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Lyon

du 14 Février 2019

RG : F16/01047

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022

APPELANTE :

Sandrine FERRERO

née le 29 juin 1971 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Pierre-henri GAZEL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Association HANDICAP INTERNATIONAL FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Philippe ROUSSELIN-JABOULAY de la SELARL ALCYACONSEIL SOCIAL, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Mai 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme Ferrero a été embauchée par l'Association Handicap International France, suivant contrat de travail à durée indéterminée, du 18 avril 2005, en qualité d'assistante de direction.

Suivant un avenant du 16 novembre 2010, Mme Ferrero a été nommée au poste d'assistante de direction fédération à compter du 13 décembre 2010.

Suivant une convention tripartite de transfert et de modification du contrat de travail signée entre l'association Handicap International France, la fédération Handicap International et Mme Ferrero, la salariée a été transférée à compter du 1er février 2015 de la Fédération à l'ANF pour occuper le poste de chef de projet événements solidaires au sein du service Mobilisation Solidaire de l'ANF.

L'association Handicap International emploie 55 salariés en France et n'est soumise à aucune convention collective.

Le 9 juillet 2015, l'association Handicap International a notifié un avertissement à Mme Ferrero en raison d'une attitude d'opposition d'une part à l'entretien annuel d'évaluation, d'autre part, à l'intégration de Mme [U] au sein de l'équipe chargée de préparer l'événement 'Pyramide de chaussures'.

Par lettre recommandée en date du 10 février 2016, l'association Handicap International a convoqué Mme Ferrero à un entretien préalable, fixé au 18 février 2016.

Mme Ferrero s'est vue notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle par courrier en date du 24 février 2016, rédigé dans les termes suivants :

' Nous faisons suite à l'entretien préalable à votre licenciement en date du 18 février 2016, et sommes donc au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement.

Vous avez été engagée en contrat à durée indéterminée le 18 avril 2005 en tant qu'Assistante de direction par l'association Handicap International devenue au 1er juillet 2010, la Fédération Handicap International.

Vous occupez depuis le 1er février 2015, consécutivement à une candidature de votre part, le poste de Chef de projet événements solidaires nationaux au sein de l'Association Handicap International France, structure auprès de laquelle votre contrat de travail a été transféré avec reprise de l'ancienneté acquise au sein de la Fédération Handicap International.

Dans le cadre de vos fonctions, vous aviez en charge d'une part l'organisation de l'événement « Pyramide de chaussures » à [Localité 4] (le plus important) et d'autre part, l'appui à l'organisation d'événements en région, de taille plus modeste, par des relais de bénévoles.

Or, et comme nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, nous avons été contraints de constater votre insuffisance professionnelle ou incapacité à assumer les missions qui vous incombent en qualité de Chef de projet événementiel.

Il est apparu en premier lieu que vous aviez rencontré d'importantes difficultés à construire le contenu même de l'événement. Ainsi et au mois de juillet 2015, (soit un peu plus de 2 mois avant la date de l'événement), votre manager, Madame [S], à son arrivée, a dû constater que le contenu des animations n'était pas finalisé, ce qui l'a contrainte à prendre plusieurs mesures dans l'urgence.

Ainsi, il s'est avéré que la taille de la « Tente réadaptation » était manifestement trop importante (350 m2) au regard des animations prévues (lit avec une TV, zone d'exposition de quelques prothèses et un parcours handicapé pour les visiteurs) ce qui a contraint votre manager à en réduire la superficie.

De même et toujours à deux mois de l'événement, il est apparu que vous n'aviez sélectionné qu'un seul long métrage (soit à peine plus d'une 1 h de film) pour la « Tente Cinéma » ce qui a conduit votre manager à mobiliser son réseau pour compléter cette filmographie.

Il est également apparu à cette date que vous n'aviez construit aucun contenu dans le cadre de la Tente école ce qui a conduit votre manager à définir et construire l'ensemble des activités de cette tente autour de l'Action Handicap International.

Votre manager a donc dû retravailler tous les contenus, vous proposant des changements dont on peut mesurer l'importance et la nécessité en comparant votre concept note du mois de juillet au résultat final de l'événement.

En outre, votre manager a dû reprendre la réimplantation de la scénographie globale constatant votre manque de vision pratique en termes d'organisation de l'espace et de gestion des flux de visiteurs.

Votre manager a donc refait tous les plans et a obtenu des délais supplémentaires dans l'envoi du dossier OTEP à la Ville de [Localité 4].

De plus, nous avons été contraints de constater également votre manque de cohérence dans le suivi du budget. Il apparaît que vous avez opéré une superposition du budget des Pyramides 2014 avec celui de 2015 rendant la lecture confuse qui ne nous a pas permis de savoir ce que nous avions réellement dépensé en 2015, jusqu'à l'arrivée en octobre d'un bénévole qui a mis de l'ordre dans ce suivi.

Au final, nous n'avons eu une vision claire de nos dépenses Pyramides qu'en décembre 2015.

A l'issue du projet, l'équipe dont vous portiez la responsabilité a par ailleurs quasi-unanimement déploré un manque de soutien et d'encadrement de votre part se traduisant par l'absence d'explications sur les missions, le manque de consignes et de coordination, avant, durant et après l'événement. Ainsi, il a été notamment constaté votre incapacité à coordonner les opérations de montage ou démontage du matériel des Pyramides de Chaussures. Par exemple, le deuxième jour du montage vous êtes restée dans la tente « cantine » des bénévoles jusqu'à 15 h (alors que tous étaient sur le terrain) sans intervenir pour coordonner les opérations ni gérer les problèmes de livraison etc. rôle qu'a dû assumer à votre place votre manager.

Enfin, votre manager a regretté votre manque d'autonomie dans la prise de décision se caractérisant par une demande de validation sur des sujets les plus opérationnels et le renvoi systématique des stagiaires ou de la volontaire en service civique pour toute décision (ce qu'ils ont tous exprimé).

Or et contre toute attente, alors que l'association et votre manager n'a eu de cesse de vous soutenir et guider dans vos missions, vous avez adopté à l'égard de votre responsable un comportement inadapté et inacceptable qui est d'ailleurs pleinement ressorti lors de votre entretien d'évaluation annuel.

A cette occasion, vous avez notamment tenu des propos déplacés concernant sa prise de congés payés : « ma nouvelle responsable, alors fraîchement arrivée pensera opportun de prendre de 1semaine de congés au mois d'août et 2 semaines de repos à [C] qui s'additionnaient à 15 jours d'arrêt ».

Vous avez remis en cause de manière méprisante et humiliante ses propres compétences en indiquant « ayant eu en mains son profil (CV), je comprenais qu'il était peut-être plus facile pour elle de se consacrer à des tâches secondaires comme la supervision des stagiaires et services civiques, plutôt qu'au pilotage global du service ».

Vous avez évoqué à son encontre un « grand vide managérial » ou encore « un manque de prise de responsabilité/implication sur des dossiers lourds ».

Cette difficulté relationnelle s'est également exprimée avec les stagiaires (avec une attitude très négative, et une mauvaise gestion de votre stress) avec l'équipe technique ou avec des intervenants internes que vous n'avez pas su mobiliser (ex : votre manager a dû intervenir pour impliquer des collaborateurs sur la construction des animations).

Nous déplorons d'autant plus cette attitude et ce comportement que nous vous avions déjà sanctionné pour votre comportement inadapté tant à l'égard de votre hiérarchie que d'une autre collègue le 9 juillet 2015.

Ainsi et pour l'ensemble de ces raisons, nous sommes contraints, aujourd'hui de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Nous vous précisons que votre préavis, d'une durée de deux (2) mois, débutera à la date de première présentation de cette lettre recommandée à votre domicile.

Nous vous précisons également que nous vous dispensons de l'exécution de votre préavis qui sera donc rémunéré et non effectué.

A l'expiration de votre contrat de travail, vous vous verrez remis votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi, ainsi que votre solde de tout compte'.

Par requête en date du 16 mars 2016, Mme Ferrero a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de contester la cause réelle et sérieuse de son licenciement et de demander une indemnisation à ce titre.

Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix, par procès verbal du 8 décembre 2017.

Par jugement en date du 14 février 2019, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :

- dit que le licenciement de Mme Ferrero par l'association Handicap International France est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme Ferrero de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de plus amples demandes contraires au présent dispositif,

- condamné Mme Ferrero aux entiers dépens de la présente instance.

Mme Ferrero a interjeté appel ce jugement, le 12 mars 2019.

Mme Ferrero demande à la cour de :

- constater l'absence de qualité de Mme [E] à signer la lettre de licenciement,

- constater l'absence de toute justification aux motifs de licenciement,

- juger que son licenciement opéré par l'association Handicap International France est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau :

- condamner l'association Handicap International France à lui payer les sommes suivantes :

25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner en outre l'association Handicap International France aux entiers dépens de l'instance.

Elle soutient :

- que Mme [E], directrice des ressources humaines, n'avait pas qualité pour signer la lettre de licenciement, faute de délégation de pouvoir à son profit du Président de l'association,

- que ses fonctions n'étaient pas précises dès son embauche

- qu'elle a toujours fait preuve de rigueur dans l'exercice de sa mission et d'un irréprochable sens pratique, que les difficultés pour construire le projet ne peuvent lui être imputées dés lors qu'elle ne fixait pas les règles budgétaires et n'a jamais été décisionnaire en la matière ;

- qu'elle s'inscrivait dans une volonté de valoriser ses équipes et prenait pleinement en considération le travail effectué, que son management a été confronté à de nombreuses absences de Mme [S], aux changements incessants du périmètre de ses responsabilités (pouvoir de valider ou non) et de responsable en charge du projet ;

- que l'incapacité à se remettre en question qui est invoquée par l'association n'est pas mentionnée dans la lettre de licenciement, que ce grief repose sur des rapports qui ont été réalisés en cachette et avec une méthode d'évaluation consistant à en faire état sans les lui avoir communiqué dans le but de la déstabiliser, et que l'accumulation de griefs sur ses compétences professionnelles ne permet pas de justifier son licenciement.

L'association Handicap International France demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 14 février 2019, en qu'il a :

dit que le licenciement de Mme Ferrero est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

débouté Mme Ferrero de l'ensemble de ses demandes,

condamné Mme Ferrero aux entiers dépens de l'instance.

- dire et juger que Mme [E] pouvait valablement signer la lettre de licenciement de Mme Ferrero

- débouter Mme Ferrero de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- la condamner aux entiers dépens d'instance.

Elle soutient que Mme Ferrero a présenté :

- de graves lacunes dans l'exercice de ses fonctions de chef de projet, tant dans l'organisation de l'événement 'pyramide de chaussures' lui-même, que dans le management des différents intervenants, caractérisées par :

* une incapacité à construire l'événement ( concept note remise en juillet 2015 sommaire et incomplète, sélection d'un seul long métrage pour la tente Cinéma, absence de contenu pour la tente école, surdimensionnement de la tente 'réadaptation', scénographie globale totalement inadaptée en termes d'organisation de l'espace et de gestion du flux des visiteurs

* un manque de cohérence dans l'établissement du budget

* un manque de soutien et de management des équipes et un défaut de coordination attesté par l'ensemble des intervenants

* un défaut d'autonomie dans la prise de décisions qui a perturbé l'organisation de la pyramide de chaussures et généré un surcroît de travail important pour Mme [S] contrainte de suppléer les carences de Mme Ferrero,

* des difficultés récurrentes à travailler en équipe et une attitude génératrice de conflits et de tensions

* une incapacité totale à se remettre en cause, et ce en dépit d'un accompagnement soutenu tout au long de la mission et notamment de l'embauche de Mme [U], ex chef de projet du même événement, pour la soutenir

Elle soutient par ailleurs :

- qu' aucun délai minimum n'est requis avant de procéder à un licenciement pour insuffisance professionnelle d'un salarié promu, dès lors que l'incapacité définitive de Mme Ferrero à assumer correctement ses fonctions est établie et que son comportement excluait toute possibilité d'amélioration et rendait inévitable son licenciement,

- que ses statuts prévoient que son président la représente dans tous les actes de la vie civile, mais qu'il peut déléguer ses pouvoirs sans aucun formalisme rédactionnel particulier, et que Mme [E], responsable ressources humaines, pouvait valablement engager la procédure de licenciement de Mme Ferrero et signer sa lettre de licenciement, puisque sa présidente Mme [Y] [R], atteste en effet lui avoir donné délégation,

- qu'en tout état de cause, Mme [E], qui était habilitée à signer des contrats, est, par application du principe du parallélisme des formes, habilitée à les rompre,

- à titre subsidiaire et à supposer que Mme [E] n'avait pas qualité pour signer la lettre de licenciement, qu'il s'agit d'une irrégularité de forme qui ne saurait priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022.

MOTIFS

- Sur la qualité pour agir de Mme [K] [E], directrice des ressources humaines :

Mme Ferrero soutient que Mme [K] [E], directrice des ressources humaines signataire de la lettre de licenciement ne disposait pas du pouvoir de licencier, lequel, dans le cadre d'une association, relève du seul Président de l'association qui ne peut déléguer que dans les conditions prévues par le règlement intérieur s'il en existe un selon l'article 10 des statuts de l'association.

L'association Handicap International fait valoir que ses statuts prévoient que son Président peut la représenter dans tous les actes de la vie civile, mais qu'il peut déléguer ses pouvoirs.

L'association Handicap International souligne que les statuts, à défaut de règlement intérieur, ne soumettent cette délégation à aucun formalisme rédactionnel particulier et qu'il est de jurisprudence constante qu'aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit.

L'association se prévaut du témoignage de sa présidente, Mme [R] qui atteste avoir validé le licenciement et avoir mandaté Mme [E] pour le notifier à Mme Ferrero.

L'association fait valoir également que Mme [E] fait partie des 'personnes habilitées à signer les contrats et conventionnements pour l'association Handicap International France' suivant délégation signée le 26 juin 2015 par la présidente et invoque l'application du principe du parallélisme des formes.

A titre très subsidiaire, l'association soutient que, quand bien même Mme [E] n'avait pas qualité pour signer la lettre de licenciement, il est démontré que la décision de licencier a bien été validée au préalable par la présidente de l'association, de sorte qu'il ne pourrait s'agir que d'une irrégularité de forme qui n'est pas de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

****

La notification du licenciement devant, selon l'article L. 1232-6, alinéa 1, émaner de l'employeur, le licenciement prononcé par une personne dépourvue de qualité à agir est sans cause réelle et sérieuse.

Il est constant que la délégation du pouvoir de licencier est assimilée à un mandat; qu'une telle délégation de pouvoir n'obéit à aucun formalisme particulier; qu'elle peut être ratifiée a posteriori, et peut résulter des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement

lorsque celui-ci est chargé de la gestion des ressources humaines notamment.

Mais ces principes ne sont pas applicables aux associations dont les statuts ou le règlement intérieur définissent de façon restrictive les conditions d'exercice des pouvoirs et le formalisme qui accompagne la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, dés lors que la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ne contient aucune disposition relative à l'organisation des pouvoirs au sein d'une association.

Il est par conséquent constant que, sauf si les statuts de l'association attribuent cette compétence à un autre de ses organes, c'est au président, représentant légal de l'association, qu'il appartient de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié, étant précisé que le président ou un autre organe auquel les statuts ont donné compétence pour licencier les salariés peut déléguer ses pouvoirs en matière de licenciement à une autre personne.

Les statuts de l'association Handicap International comportent un article 10 ainsi libellé :

' Le Président représente l'Association dans tous les actes de la vie civile. Il est autorisé à ester en justice après autorisation du conseil d'administration. Il ordonnance les dépenses. Il peut donner délégation dans des conditions qui sont fixées par le règlement intérieur, s'il en est établi un.

En cas de représentation en justice, le Président ne peut être remplacé que par un mandataire agissant en vertu d'une procuration spéciale.

Les représentants de l'association doivent jouir du plein exercice de leurs droits civils.'

En l'absence de règlement intérieur et en vertu des statuts, le président de l'association handicap International pouvait déléguer son pouvoir de licencier.

Mais la délégation du pouvoir de licencier ne peut être tacite.

Or, en l'espèce, aucune délégation du pouvoir de licencier n'a été établie, et ni la liste des personnes habilitées à signer les contrats et conventionnements objet de la pièce n°41, ni le mandat donné par le directeur général de l'association à Mme [E] pour l'assister et/ou le représenter auprès des diverses instances représentatives du personnel, objet de la pièce n°42, ne peuvent suppléer l'absence de délégation du pouvoir de licencier.

Il en résulte qu'en l'absence d'une délégation de pouvoir en bonne et dûe forme émanant du président de l'association au profit du signataire de la lettre de licenciement, l'association Handicap International n'est pas fondée à invoquer le principe du parallélisme des formes selon lequel Mme [E] étant habilitée à signer les contrats et conventionnements serait également habilitée à mettre fin à un contrat de travail, qu'il ne s'agit pas d'une irrégularité de forme et que le licenciement est par conséquent sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme Ferrero était fondé sur une cause réelle et sérieuse.

- Sur les dommages-intérêts :

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, Mme Ferrero ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme Ferrero âgée de 44 ans lors de la rupture, de son ancienneté de dix années et dix mois, de l'absence de tout élément sur sa situation personnelle et professionnelle depuis son licenciement, la cour estime que le préjudice résultant pour Mme Ferrero de la rupture, doit être indemnisé par la somme de 15 500 euros, sur la base d'un salaire moyen de 2 576,21 euros comprenant la prime d'ancienneté.

En conséquence, le jugement qui a débouté Mme Ferrero de sa demande de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse sera infirmé en ce sens.

- Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation.

- Sur les demandes accessoires :

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par l'association Handicap International et le jugement déféré sera infirmé sur la charge des dépens.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement notifié à Mme Ferrero le 24 février 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse

CONDAMNE l'association Handicap International à payer à Mme Ferrero la somme de 15 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

ORDONNE d'office à l'association Handicap International le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme Ferrero dans la limite de trois mois d'indemnisation,

CONDAMNE l'association Handicap International à payer Mme Ferrero la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

CONDAMNE l'association Handicap International aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/01832
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;19.01832 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award