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06/07/2022 | FRANCE | N°19/01680

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 06 juillet 2022, 19/01680


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/01680 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MHRW



Société CATESSON

C/

[P]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 14 Février 2019

RG : 15/00376





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 06 JUILLET 2022









APPELANTE :



Société CATESSON

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Oliv

ia LONGUET, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[S] [P]

né le 26 Février 1959 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 1]



représenté par Me Xavier BONTOUX, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Lionel THOMASSON, a...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/01680 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MHRW

Société CATESSON

C/

[P]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 14 Février 2019

RG : 15/00376

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022

APPELANTE :

Société CATESSON

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Olivia LONGUET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[S] [P]

né le 26 Février 1959 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté par Me Xavier BONTOUX, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Lionel THOMASSON, avocat au barreau de VIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Mai 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [P] a été embauché par la société Catesson suivant contrat de travail à durée indéterminée, du 19 avril 2004, en qualité de conducteur routier, groupe 7, coefficient 150 de la convention collective nationale des transports routiers, moyennant une rémunération de 1 188, 64 euros pour 152 heures par mois.

Le contrat de travail prévoit en outre une prime de non-accrochage de 171,21 euros.

Par un accord d'entreprise initial du 4 mai 2010, le versement de cette prime a été suspendu pour une période de 9 mois.

M. [P] a signé un accord individuel portant sur la suppression de cette prime, le 26 février 2013.

Le 14 mars 2013, un accord d'entreprise était régularisé renouvelant la suspension du versement de la prime de non-accrochage pour une durée de 12 mois.

M. [P], victime d'un accident du travail, a été placé en arrêt de travail à compter du 19 novembre 2013.

Par deux avis, en date des 3 et 21 juillet 2014, M. [P] a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, dans les termes suivants :

' Inapte au poste de chauffeur PL. Apte à un poste ne comportant pas de conduite PL, pas de montées descentes fréquentes d'échelle ou d'escalier. Pas de travail de nuit. Pas de manutention lourde et/ou répétitive.'

Par lettre remise en main propre en date du 5 août 2014, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 août 2014, la société Catesson a notifié à M. [P] son licenciement en raison de l'inaptitude physique à son emploi.

Par requête en date du 29 janvier 2015, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de condamner la société Catesson à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire sur prime de non-accrochage, et congés payés afférents, de rappel sur heures supplémentaires et congés payés afférents, de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents.

Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix, par procès verbal du 8 janvier 2018.

Par jugement en date du 14 février 2019, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence la société Catesson à verser à M. [P] les sommes suivantes :

avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

19 279,68 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Catesson à verser à M. [P] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Catesson de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1 606,64 euros,

- condamné la société Catesson aux dépens.

La société Catesson a interjeté appel de ce jugement, le 6 mars 2019.

La société Catesson demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Lyon sauf en ce qu'il a dit et jugé le licenciement de M. [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 19 279,68 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sauf en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [P] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause,

- débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes.

- le condamner au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [P] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit son licenciement comme ne reposant sur aucune cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a dit que la société Catesson devait le régler de la prime de non-accrochage et lui a alloué une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau :

- dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et intervenait en l'absence de recherche loyale et sérieuse de reclassement ;

- condamner, en conséquence, la société Catesson à lui verser, outre intérêts légaux, les sommes suivantes :

rappel de salaire sur prime de non-accrochage : 5 307,51 euros

congés payés afférents : 530,75 euros

rappel de salaire sur heures supplémentaires : 1 371,34 euros

congés payés afférents : 137,13 euros

dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 10 000,00 euros

indemnité compensatrice de préavis : 3 213,28 euros

congés payés afférents : 321,32 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30 000,00 euros

- condamner la société Catesson outre aux entiers dépens, à lui verser la somme de 1 500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022.

SUR CE :

- Sur la demande au titre de la prime de non accrochage :

M. [P] expose que la société Catesson ne pouvait suspendre le paiement de la prime de non accrochage par la voie de différents accords collectifs alors que :

- il s'agit d'une prime contractuelle

- un accord collectif même postérieur, ne peut pas restreindre les droits que les salariés tiennent du contrat de travail

- le contrat de travail en ce qu'il offre des avantages supérieurs à la convention collective et en ce qu'il constitue la loi des parties, doit nécessairement prévaloir sur les dispositions moins favorables de la convention collective

- la proposition, par la société Catesson, de ratifier un avenant au contrat de travail refusé par tous les salariés, rend compte de ce que l'employeur avait pourtant conscience de procéder à une modification du contrat de travail

La société Catesson soutient, à titre principal, qu'en l'absence de pièces justificatives du salarié, elle est dans l'impossibilité de déterminer à quoi correspond le quantum sollicité et quelle période de travail serait concernée, le salarié se contentant d'une argumentation générale sur les dispositions du contrat de travail.

La société Catesson soutient à titre subsidiaire :

- que l'accord d'entreprise du 4 mai 2010 relatif au paiement de la prime de non-accident, qui prévoyait une application pour une durée de neuf mois sans reconduction et une renégociation à son terme pour éventuelle prorogation, a produit ses effets comme un accord à durée indéterminée n'ayant jamais été dénoncé pour la période postérieure au 4 mai ;

- le simple fait que le contrat prévoyait qu'il était seulement « prévu » une prime de non-accrochage ôte à cette dernière tout caractère systématique ;

- qu'un accord d'entreprise a été régularisé le14 mars 2013 suspendant à nouveau le versement de la prime de non-accrochage pour une durée de 12 mois; que cet accord a été validé par le comité d'entreprise ;

- que M. [P] a signé un accord individuel de renonciation à la prime de non-accrochage, le 26 février 2013

- que plusieurs cours d'appel ont validé l'effectivité de l'accord d'entreprise du 4 mai 2010 et sa légalité

- que la suspension du versement de la prime de non accrochage, dont l'origine étaient les difficultés économiques de la société, avait pour corollaire le maintien des heures supplémentaires à hauteur de 205 heures mensuelles, les découchés permettant aux conducteurs de bénéficier de rémunérations plus avantageuses.

****

M. [P] indique dans ses conclusions que la demande de rappel de salaire correspond au multiple du nombre de mois inclus dans la prescription légale applicable au jour de la saisine de la juridiction par la somme de 171, 21 euros, outre la somme afférente au titre des congés payés.

M. [P] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 29 janvier 2015 et sollicitant à titre de rappel de prime d'accrochage la somme de 5 307, 51 euros, sa demande porte sur 31 mois, du 29 juin 2012 au 29 janvier 2015.

La demande telle qu'elle est formulée par le salarié permet en conséquence de déterminer tant le quantum que la période visée par le rappel, de sorte que la société Catesson n'est pas fondée à demander le rejet de cette prétention au visa des articles 6 et 9 du code de procédure civile et des dispositions de l'article 1353 du code civil.

L'accord d'entreprise Catesson Transports du 4 mai 2010 énonce en son article 4 :

' Le versement de la prime de non-accident est suspendu pour une durée de neuf mois ( personnel roulant).

Une réduction solidaire équivalente du salaire du personnel sédentaire ( moins 6%) est effective dans cette même durée. Sont compris les salaires de l'encadrement et de la direction.

Les sommes non perçues ne sont plus dues par l'entreprise. Il y a dérogation partielle au contrats de travail pour cas de force majeure, ce d'un commun accord majoritaire et dans l'intérêt collectif.'

L'article 5 ajoute: 'Cet accord sera éventuellement re-négocié à son terme. Le CE sera partie prenante à cette discussion.'

La clause relative à l'éventualité d'une négociation à l'issue du terme de l'accord est seulement incitative, de sorte qu'elle ne peut être analysée comme étant une stipulation contraire au sens de l'article L. 2222-4 sus-visé lequel est d'interprétation stricte.

En tout état de cause, il résulte de la réunion du comité d'entreprise de la société Catesson Transports du 29 novembre 2012, qu'ayant fait le constat du maintien de l'alerte économique à l'origine de l'accord salarial du 4 mai 2010, le comité d'entreprise a voté en faveur du maintien du non-versement de la prime de non-accrochage, dans le souci de préserver l'emploi.

Ainsi, à défaut de stipulation contraire, l'accord salarial du 4 mai 2010 prévoyant la suspension du paiement de la prime de non-accrochage pour une durée de 9 mois, soit jusqu'au 4 février 2011, a continué à produire ses effets comme un accord à durée indéterminée, ce qui a été entériné par le comité d'entreprise de la société au cours de la réunion du 29 novembre 2012.

Par un nouvel accord d'entreprise à durée déterminée de 12 mois sans reconduction tacite, daté du 14 mars 2013, il a été décidé que le versement de la prime dite de non-accident restait suspendu pour une nouvelle durée d'une année, jusqu'à la prochaine négociation annuelle obligatoire ( personnel roulant) qui interviendra au plus tard le 31 mars 2014. Ce nouvel accord a été ratifié par le comité d'entreprise le 19 mars 2013.

Un accord d'entreprise du 6 février 2014 énonce en son article 6 l'abandon de l'ancienne prime de 172 euros pour trois nouvelles années par les salariés signataires au bénéfice de l'entreprise.

Il en résulte que les accords d'entreprise s'appliquent sur la totalité de la période visée par la demande de rappel de primes de non accrochage.

Cependant un accord collectif ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié.

Et la suppression de la prime de non accrochage constitue bien une modification du contrat de travail dés lors qu'elle modifie de façon substantielle la rémunération du salarié sans que la société Catesson ne soit fondée à tirer argument des termes du contrat selon lesquels 'il est prévu le versement d'une prime de non-accrochage de 171,21 euros', l'expression 'il est prévu' ne conférant nullement un caractère discrétionnaire au versement de ladite prime.

D'ailleurs, en faisant état d'une 'dérogation partielle au contrat de travail', la société Catesson et les organisations syndicales signataires de l'accord du 4 mai 2010 ont effectivement admis que la suspension de la prime constituait bien une modification du contrat de travail.

La société Catesson produit un document intitulé 'accord individuel' signé par M. [P] le 26 février 2013 et libellé comme suit :

' Je suis conscient de la situation économique générale et de la situation comptable particulière de la société Catesson, depuis sa perte de 400 000 euros en 2009.

La société a suspendu le versement d'une prime de 'non-accident' mentionnée à certains contrats de travail.

Cette suspension provisoire permet le fonctionnement de la société et la préservation des emplois.

En conséquence, je déclare être d'accord avec cette suspension jusqu'à ce que la Société retrouve avec des résultats bénéficiaires, les moyens de reprendre le versement de cette prime.'

Si M. [P] souligne qu'il n'a jamais consenti à la suppression de cette prime, rappelant qu'il a attiré l'attention de l'employeur sur son non versement le 28 février 2011, il ne résulte pas débats qu'il ait, à un moment quelconque, remis en cause les circonstances dans lesquelles il a signé cet accord, lequel est intervenu alors que l'accord d'entreprise du 4 mai 2010 était toujours en vigueur.

Il en résulte que M. [P] a expressément donné son accord à la modification de son contrat de travail résultant de la suspension de la prime de non-accrochage conformément à l'accord d'entreprise du 4 mai 2010 et qu'il n'est, dans ces conditions, pas fondé en sa demande de rappel de salaire au titre de la prime de non-accrochage.

Le jugement déféré doit par conséquent être confirmé sur ce point.

- Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

M. [P] soutient qu'en comparant ses bulletins de salaire avec les relevés de disques chronotachygraphes établis par l'employeur, il s'est rendu compte que la société Catesson ne réglait pas l'intégralité des heures supplémentaires qu'elle lui faisait accomplir.

Il demande la somme de 1 371,34 euros au titre de ses heures supplémentaires, outre les congés payés afférents et produit au soutien de sa demande :

- ses bulletins de salaire et les fiches de temps y afférant,

- un décompte des heures effectuées, par semaine, depuis 2011, comportant le calcul des majorations.

La société Catesson expose :

- que le décompte du salarié est hebdomadaire alors qu'elle pratique un décompte au mois comme cela est possible pour le personnel roulant dans le secteur du transport routier,

- que M. [P] n'a élevé aucun grief relatif au paiement des heures supplémentaires pendant la relation contractuelle,

- que M. [P] ne manipulait pas correctement son sélecteur chronotachygraphe ainsi qu'en atteste l'avertissement qui lui a été notifié le 8 février 2012 et qu'il n'a pas contesté,

- par la voix de M. [Z], chauffeur et délégué du personnel, qu'en cas de mauvaise manipulation du chronotachygraphe, le service d'exploitation qui contrôle les enregistrements et les disques, est amené à corriger le nombre d'heures payées, que le salarié est averti et qu'en cas de désaccord, le salarié peut demander l'intervention de la direction ou des délégués du personnel qui contrôlent le bien -fondé de la réduction opérée.

****

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par son salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable

Il résulte de la comparaison opérée par le premier juge entre les bulletins de salaire et les fiches de temps établies par l'employeur que l'ensemble des heures comptabilisées dans la colonne 'TE' pour 'travail effectif' ont été payées sur les bulletins de salaire, à l'exception du mois de décembre 2011 pour lequel la colonne 'TE' indique 223, 49 heures de travail, tandis que le bulletin de paye comptabilise 215, 57 heures payées. Considérant que la colonne 'service' de la feuille de temps du mois de décembre 2011 mentionne un nombre d'heures de service inférieur, soit 180,49 heures, le juge départiteur en a conclu que les éléments fournis au débat ne permettaient pas d'établir que le salarié avait accompli des heures supplémentaires qui n'avaient pas été payées.

Si l'on compare en outre le relevé d'heures établi par l'employeur et celui du salarié pour ce même mois de décembre 2011, il apparaît que les décomptes sont conformes pour les semaines du 19 au 25/12, soit 48, 02 heures de service et du 12 au 18/, soit 52, 51 heures de service. La divergence porte sur la semaine du 5 au 11/12 pour laquelle le salarié mentionne 55, 53 heures de travail tandis que l'employeur retient 52,13 heures de service et en revanche 55, 53 heures de repos.

Cet exemple laisse présumer, à défaut de tout autre élément, qu'une inversion entre la colonne 'repos' et la colonne 'service' ou 'travail effectif' affecte le décompte du salarié.

Il résulte du même type de comparaison pour les autres mois que le nombre d'heures figurant dans le décompte du salarié est conforme au décompte de l'employeur, de sorte que le salarié ne justifie pas du nombre d'heures qu'il invoque au titre de sa demande de rappel de salaire sur les heures supplémentaires.

Le jugement déféré qui a débouté M. [P] de sa demande sera donc confirmé .

- sur la demande au titre de l'exécution fautive du contrat de travail :

M. [P] sollicite la somme de 10 000 euros pour exécution fautive du contrat de travail. Il invoque à ce titre :

- un défaut de rémunération conforme au temps de travail réel, le nombre d'heures réellement accompli ne figurant pas sur le bulletin de salaire ce qui pourrait également relever de l'infraction de travail dissimulé,

- la volonté de la société Catesson de tout faire pour empêcher les salariés de vérifier leur temps de travail et de pouvoir faire valoir leurs droits,

- le chantage à l'emploi opéré par la société Catesson pour contraindre les salariés à renoncer à la prime de non-accrochage,

- la discrimination consistant à demander aux salariés qui avaient refusé de voir le paiement de leur prime de non-accrochage suspendu, de rembourser un trop-perçu de congés payés, ce qui constitue une sanction pécuniaire non applicable aux salariés ayant accepté de faire allégeance à l'employeur.

La société Catesson conteste toute exécution déloyale du contrat de travail.

****

Il ne résulte des développements ci-dessus, ni une dissimulation des heures de travail réellement accomplies, ni aucun chantage à l'emploi sur le sujet de la suspension de la prime de non-accrochage. En effet, les différents accords d'entreprise sus-visés, tous entérinés par le comité d'entreprise rendent compte d'une négociation collective étrangère à un quelconque procédé de chantage. En ce qui le concerne, M. [P] qui a expressément donné son accord à une suspension provisoire de la prime de non-accrochage et qui ne soutient pas que son consentement aurait été vicié, n'est pas fondé à invoquer un quelconque chantage à l'emploi.

En ce qui concerne la discrimination qui résulterait de demandes de remboursement d'un trop-perçu de congés payés, M. [P] verse aux débats les demandes adressées à d'autres salariés que lui ( M. [O], M. [W], M. [M], M. [E]), mais aucun document le concernant personnellement, de sorte qu'il n'établit aucune discrimination dans l'exécution de son contrat de travail.

En tout état de cause, la société Catesson a, dés le 26 juin 2014, après concertation avec l'inspection du travail et avec les membres de sa direction, décidé de renoncer au remboursement du trop perçu sur congés payés et a diffusé en toute transparence, une note d'information en ce sens, de sorte qu'aucune exécution déloyale ne saurait lui être reprochée.

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.

- Sur le licenciement :

M. [P] fait grief à la société Catesson de ne pas avoir consulté les délégués du personnel avant de prononcer son licenciement qui se trouve dés lors dénué de cause réelle et sérieuse.

La société Catesson fait valoir :

- qu'elle n'avait pas l'obligation de consulter les délégués du personnel pour procéder au licenciement de M. [P] dés lors qu'en l'absence de possibilités de reclassement identifiées dans l'entreprise, la consultation des délégués du personnel n'a pas lieu d'être ;

- que l'avis définitif d'inaptitude de M. [P] à son poste de chauffeur poids lourds du 21 juillet 2014 était particulièrement restrictif, et que les recherches de reclassement en interne et en externe n'ont pas permis son reclassement.

****

L'article L. 1226-10 du code du travail dans sa version applicable au litige, antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, précise que lorsqu'un salarié est déclaré inapte à son emploi consécutivement à un accident du travail ou une maladie professionnelle, « l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise (...) ».

L'avis des délégués du personnel doit être recueilli avant que la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle ne soit engagée

L'avis des délégués du personnel doit être recueilli après que l'inaptitude de l'intéressé a été constatée dans les conditions prévues par l'article R. 4626-31 du code du travail (c'est-à-dire, après le deuxième examen médical prévu par ces textes) mais avant la proposition à l'intéressé d'un poste de reclassement approprié à ses capacités.

En tout état de cause, la consultation des délégués du personnel est indispensable, et ce quelles que soient les perspectives de reclassement du salarié.

Le premier juge ayant fait une juste application des principes sus-visés, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [P] était dénué de cause réelle et sérieuse, faute pour la société Catesson d'avoir consulté les délégués du personnel avant la notification du licenciement .

- Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

Le jugement déféré a rejeté la demande de M. [P] à ce titre au motif qu'il ressort du bulletin de salaire d'octobre 2017 que l'employeur a versé au salarié l'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 3 213,28 euros.

Faute pour le salarié d'articuler un moyen au soutien de sa demande d'infirmation de cette disposition, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

- Sur les dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, M. [P] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [P] âgé de 55 ans lors de la rupture, de son ancienneté de dix années et quatre mois, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture a été justement indemnisé par le premier juge; en conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 19 279, 68 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement doit être confirmé.

- Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société Catesson les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à M. [P] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Catesson qui succombe partiellement en ses demandes sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

CONDAMNE la société Catesson à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNE la société Catesson aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/01680
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;19.01680 ?
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