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01/07/2022 | FRANCE | N°18/00124

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 01 juillet 2022, 18/00124


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 18/00124 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LOOF





SASU CARSO-LABORATOIRE SANTE ENVIRONNEMENT HYGIENE DE LYON



C/

[K]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 15 Décembre 2017

RG : F16/00067











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 01 JUILLET 2022













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SASU CARSO-LABORATOIRE SANTE ENVIRONNEMENT HYGIENE DE [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Carole CODACCIONI de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Audrey LANCON, avocat au barreau de LYON







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AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 18/00124 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LOOF

SASU CARSO-LABORATOIRE SANTE ENVIRONNEMENT HYGIENE DE LYON

C/

[K]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 15 Décembre 2017

RG : F16/00067

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 01 JUILLET 2022

APPELANTE :

SASU CARSO-LABORATOIRE SANTE ENVIRONNEMENT HYGIENE DE [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Carole CODACCIONI de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Audrey LANCON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[P] [K]

née le 26 Mai 1988 à [Localité 6] (69)

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Marie-pierre PORTAY, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Patricia GONZALEZ, Présidente

Sophie NOIR, Conseiller

Françoise CARRIER, magistrat honoraire

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 01 Juillet 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

La société CARSO-LSEHL (Laboratoire Santé Environnement et Hygiène de Lyon) exerce une activité d'analyses, d'essais et d'inspections techniques.

Mme [P] [K] a été embauchée par la société CARSO-LSEHL à compter du 11 septembre 2012 en qualité de technicienne de laboratoire dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps complet.

La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19 juillet 2014.

La convention collective applicable est la SYNTEC ainsi que l'accord de susbtitution du 30 décembre 1997.

Par courrier du 21 juillet 2008, l'organisation syndicale CFDT a demandé à la société CARSO-LSEHL de maintenir l'usage consistant à exclure du cacul de la rémunération minimum la prime de fin d'année.

La société CARSO-LSEHL a contesté l'existence d'un usage lors de la réunion des délégués du personnel du 21 juin et 22 juillet 2010.

Plusieurs salariés ont saisi le conseil de prud'hommes en 2012, afin de voir reconnaitre l'existence d'un usage plus favorable consistant au paiement d'une prime de fin d'année en plus du minima conventionnel.

Le conseil de prud'hommes a reconnu l'existence d'un usage et a fait droit aux demandes des salariés par un jugement du 25 juin 2015.

La société CARSO-LSEHL a interjeté appel de ce jugement et formé un pourvoi en Cassation pour certaines décisions, qui a été jugé irrecevable.

Par un arrêt du 30 mars 2018, la cour d'appel de Lyon a infirmé le premier jugement et débouté les salariés de l'ensemble de leurs demandes.

Un pourvoi a été formé à l'encontre de cet arrêt.

Par courrier du 31 juillet 2015, la société CARSO-LSEHL a dénoncé, pour l'avenir, l'usage consistant à apprécier la rémunération minimale conventionnelle hors prime de fin d'année, dont elle conteste l'existence.

Le contrat de travail de Mme [P] [K] a pris fin le 22 mai 2017.

Par requête en date du 7 janvier 2016, Mme [P] [K] a saisi le conseil de prud'hommes, ainsi que 16 salariés de la société, aux fins de voir reconnaitre l'existence d'un usage plus favorable consistant au versement d'une prime de fin d'année en plus des minima conventionnels.

Par jugement rendu le 15 décembre 2017, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

-constaté qu'il existe un usage dans la société CARSO-LSEHL consistant à payer la prime de fin d'année en plus des minima conventionnels ;

-dit et jugé que la dénonciation de l'usage n'est pas opposable à Mme [P] [K],

-dit et jugé que le non paiement de cette prime de fin d'année a causé un préjudice ;

-dit et jugé qu'à compter du jugement et pour la période postérieure au mois d'avril 2016, la société CARSO-LSEHL devra lui verser la prime de fin d'année en plus du salaire minimum prévu par la convention collective SYNTEC ;

-condamné la société CARSO-LSEHL à verser à Mme [P] [K] les sommes suivantes:

-1.466,77 euros de rappel de salaire, actualisé jusqu'en mai 2016 inclus,

-146,68 euros à titre de congés payés afférents,

-rappelé que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de la demande selon les modalités prévues par l'article L.313-2 du Code Monétaire et Financier mais également en application de l'article L.313-3 du même code, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision,

-constaté que les condamnations ci-dessus prononcées au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14 du Code du Travail en application de l'article R 1454-28 du même code sont de plein droit exécutoires par provision dans la limite maximum de neuf mois de salaire, calculée sur la moyenne des trois derniers mois,

Mais également aux sommes suivantes :

-100 euros (nets) de dommages et intérêts pour non paiement d'un élément de salaire,

-500 euros (nets) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement selon les modalités prévues par l'article L.313-2 du Code Monétaire et Financier mais également en application de l'article L.313-3 du même code, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision ;

-dit qu'au visa de l'article L.242-1 du Code de la Sécurité Sociale, les condamnations nettes doivent revenir personnellement au salarié et que l'employeur assumera le coût des éventuelles charges sociales dues ;

-prononcé l'exécution provisoire de l'intégralité du jugement en application des dispositions de l'article 515 du Code de Procédure Civile ;

-condamné la société CARSO-LSEHL aux entiers dépens de la présente instance, y compris les éventuels frais d'exécution forcée du présent jugement.

Par déclaration en date du 8 janvier 2018, la société CARSO-LSEHL a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions en date du 10 décembre 2019, la société CARSO-LSEHL demande à la cour de :

-réformer jugement du Conseil de Prud'hommes du 15 décembre 2017 dans son intégralité.

Statuant à nouveau :

À titre principal,

-dire et juger qu'il n'existe pas d'usage au sein de la société CARSO-LSEHL consistant à exclure la prime de fin d'année de l'appréciation du minimum conventionnel ;

En conséquence,

-débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes ;

-ordonner le remboursement par Mme [K] des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire de droit.

À titre subsidiaire,

-constater que les demandes de rappels de salaire formulées par Mme [K] sont établies sur la base de calculs erronés ;

-constater la dénonciation régulière à titre conservatoire d'un prétendu usage à effet au 31 octobre 2015 ;

-constater l'absence de préjudice distinct du retard de paiement ;

En conséquence,

-réduire le montant des rappels de salaires (et des congés payés afférents) et des dommages et intérêts sollicités.

En tout état de cause,

-condamner Mme [K] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-condamner Mme [K] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions en date du 5 juillet 2018, Mme [P] [K] demande à la cour de :

-confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

-constaté qu'il existe un usage dans la société CARSO-LSEHL consistant à payer la prime de fin d'année en plus des minima conventionnels ;

-dit et jugé que la dénonciation de l'usage n'est pas opposable à Mme [P] [K],

-dit et jugé que le non paiement de cette prime de fin d'année a causé un préjudice ;

-dit et jugé que pour la période postérieure au mois d'avril 2016, la société CARSO devra lui verser la prime de fi n d'année en plus du salaire minimum prévu par la convention collective SYNTEC,

-condamné la société CARSO à lui verser les sommes demandées à titre de rappel de salaire (1.466,77 euros) et de congés payés aff érents (146,68 euros), actualisées jusqu'en mai 2016 inclus,

-condamné la société CARSO à lui verser la somme de 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

-condamner la société CARSO à lui payer les sommes suivantes :

-1.657,05 euros (bruts) de rappel de salaire,

-165,70 euros (bruts) à titre de congés payés afférents ;

L'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau,

-condamner la société CARSO à lui payer la somme de 500 euros (nets) de dommages et intérêts pour non-paiement d'un élément de salaire,

En tout état de cause,

-condamner la société CARSO à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la Cour d'appel,

-rejeter la demande formulée par la société CARSO au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société CARSO en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 décembre 2019.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'un usage

L'usage d'entreprise relève d'une décision unilatérale de l'employeur libre de créer un avantage supplémentaire eu égard au contrat de travail ou à la convention collective applicable, comme de le supprimer, sous la seule réserve de respecter les formalités inhérentes à la procédure de dénonciation (information des représentants du personnel, des salariés, délai de prévenance). Cet avantage peut prendre la forme d'une prime. L'avantage tiré d'un usage n'est pas incorporé au contrat de travail.

Pour qu'une pratique acquière la valeur contraignante d'un usage, elle doit réunir les caractères de constance, fixité et généralité. A défaut, l'employeur peut s'en délier à tout moment sans formalités particulières.

Mme [K] affirme qu'il existe un usage plus favorable que les dispositions conventionnelles applicables, consistant à verser aux salariés une prime de fin d'année en sus de la rémunération minimum annuelle, mais qui n'a plus été appliqué par la société à compter du 1er juillet 2008, sans dénonciation de l'usage, et elle fait valoir, au soutien de sa demande d'indemnisation d'un préjudice causé par le non paiement de la prime, que :

-la convention collective SYNTEC et l'accord de substitution du 30 décembre 1997, prévoient que la prime de fin d'année est retenue pour s'assurer de ce que les minima conventionnels sont respectés,

-de l'année 1997 à 2008, la société a revalorisé les salaires en fonction des minima conventionnels sans prendre en compte le montant de la prime de fin d'année qui était perçue par les salariés en plus du minimum conventionnel, créant un usage consistant à exclure la prime de fin d'année du calcul des minima conventionnels,

-à chaque revalorisation des minima SYNTEC, la société a adopté de nouvelles grilles de salaires identiques aux grilles SYNTEC sans intégrer les montants versés au titre de la prime de fin d'année, jusqu'en 2008,

-les augmentations collectives négociées lors des NAO (négociations annuelles obligatoires) ont toujours été fixées en référence au minima conventionnel SYNTEC sans intégrer la prime de fin d'année dans le calcul du minima conventionnel ; jusqu'en 2008 le minimum CARSO était égal au minimum SYNTEC et ensuite, ce salaire est devenu supérieur en raison d'augmentations collectives négociées,

- les grilles de salaire de 2002 et 2006 rédigées par la direction mentionnent que la prime de fin d'année est exclue du salaire minimum,

-l'existence de l'usage est avéré car:

-cet avantage est plus favorable que la convention collective et l'accord d'entreprise applicables,

-l'usage est né postérieurement à la conclusion de la convention collective SYNTEC et l'entrée en vigueur de l'accord de substitution,

-cet avantage a été accordé à l'ensemble des salariés pendant 10 années,

-cet avantage était fixe et ne nécessitait aucun calcul afin de le déterminer,

-aucun accord n'a supprimé cet avantage.

Elle ajoute que l'usage est toujours en vigueur car les accords NAO n'y ont pas mis fin et que la tentative de dénonciation à titre conservatoire en date du 21 juillet 2015 n'est d'aucun effet en raison de la condition à laquelle elle est soumise, qu'en conséquence rien ne permettait à la société de cesser de verser la prime de fin d'année en sus des minima conventionnels à partir du 1er juillet 2008.

La société CARSO-LSEHL soutient qu'aucun usage n'existe au sein de l'entreprise et que :

-le respect des rémunérations conventionnelles minimales s'apprécie au regard de la rémunération globale incluant la prime de fin d'année qui permettait pour certains salariés d'atteindre les minima conventionnels,

-elle a respecté les dispositions conventionnelles issues de l'accord d'entreprise du 30 décembre 1997 et de la convention collective nationale Syntec, prévoyant des rémunérations minimales annuelles incluant la prime de fin d'année,

-il existe seulement trois exceptions à l'intégration de la prime de fin d'année dans la rémunération annuelle au titre des années 2002, 2006 et 2010,

-il n'existe pas de pratique générale, constante et fixe au sein de la société consistant à exclure la prime de fin d'année du calcul de la rémunération, en conséquence les conditions caractérisant l'usage ne sont pas réunies et la salariée ne démontre pas l'existence d'un usage,

-les éléments apportés ne permettent pas de relever qu'elle a souhaité payer les salariés au delà des minima conventionnels Syntec augmentés de la prime de fin d'année,

-les différents accords dans le cadre de la NAO ne prévoient pas de dérogation au principe posé par l'accord d'entreprise consistant à inclure la prime de fin d'année dans le calcul de la rémunération,

-les accords NAO ayant pour objet les salaires ont mis fin à tout usage éventuel.

- si la cour reconnaît néanmoins l'existence d'un usage, la conclusion de l'accord NAO du 21 juillet 2008 met automatiquement fin à cet usage consistant à exclure la prime de fin d'année des minima conventionnels,

- la salariée ne peut demander de rappel de salaire après le mois d'octobre 2015 en raison de la dénonciation de l'usage à titre conservatoire par courrier du 31 juillet 2015 adressé à l'ensemble du personnel.

Il résulte des productions que l'accord de substitution du 30 décembre 1997 a prévu que les salariés bénéficieraient d'une prime de fin d'année dont l'employeur devait tenir compte pour apprécier le respect des salaires minimaux conventionnels. Cet accord n'a été ni dénoncé, ni modifié par la suite.

L'article 36 de l'accord indique ainsi que la rémunération minimum comprend les rémunérations accessoires en espèces, mensuelles ou non, fixées par contrat ou par accord ( les primes de vacances, de fin d'année, d'astreinte sont notamment comprises) et l'article 37 précise que la prime de fin d'année versée aux salariés.....vaut prime de vacances telle que définie par la convention SYNTEC et qu'elle fait l'objet de deux versements, l'un en juin et l'autre en novembre.

Ces dispositions respectent la convention SYNTEC en son article 32 qui prévoit que la prime de vacances est incluse dans les barèmes des appointements minimum garantis ; les avantages doivent être intégrés dans la rémunération annuelle dont le 1/12ème ne doit en aucun cas être inférieur à ce minimum. Il en découle que pour apprécier si la rémunération minimale conventionnelle est atteinte, il convient d'inclure le salaire mensuel de base et la 1/12ème de la prime de fin d'année.

La salariée produit, au soutien de ses prétentions :

- les grilles de salaires applicables au sein de la société CARSO-LSEHL au titre des années 2002 et 2006 (pièces B5 et B13), qui seules, indiquent les salaires minimum 'hors prime de fin d'année',

- la grille 2010 précisant pour sa part 'base 50% PFA',

- les fiches de paie de Mme [J], technicienne de laboratoire puis ingénieur (p E-2 bis) qui révèlent que cette dernière a perçu la prime de fin d'année de 2004 à 2009 alors qu'elle était rémunérée au delà des minima conventionnels SYNTEC,

- des grilles de salaire de l'entreprise identiques à celles de la convention SYNTEC,

- des négociations annuelles obligatoires fixant des augmentations collectives des salaires en référence au minimum de la convention collective SYNTEC,

- des témoignages de salariés de la société dont cinq avaient la qualité de délégués du personnel ou membres du comité d'entreprise de la société (pièces E1 à E8) et affirmant que de 1997 à 2008, l'employeur appliquait mensuellement le salaire du minima SYNTEC et que les primes étaient payées en plus,

- un tableau de comparaison entre les salaires perçus par des salariées, la prime de fin d'année perçue et les minima conventionnels tendant à démontrer que la prime était versée en sus de la rémunération minimale conventionnelle (B27, F2, F3)

- des questions posées en vue de réunions des délégués du personnel du 21 juin 2010 sur la question de l'intégration de la prime dans le calcul du respect des minima conventionnels et marquant un désaccord entre délégués du personnel et direction concernant la prise en compte de la prime.

Les pièces individuelles versées aux débats pour les différents dossiers objet d'une procédure commune établissent pour leur part que, à la lecture des tableaux comparatifs individuels et des bulletins de salaire, la société a versé à tous la prime de fin d'année, chaque année et en un ou deux versements, sauf à une salariée en 2017, que les salariés en cause sont rentrés dans l'entreprise fin 2008 ou après, que le salaire brut était inférieur aux minima conventionnels sauf pour deux salariés qui n'ont pas été par ailleurs privés du versement de la prime, que les salariés ont perçu une rémunération au minimum égale aux minima conventionnels SYNTEC et souvent supérieure à ces minima.

Tel que la cour l'a déjà relevé dans une espèce précédente, il apparaît que la demande des salariés porte en réalité sur un rappel de salaire en raison du non-respect des minima conventionnels et non sur un rappel de prime, les éléments susvisés démontrant la constance du versement de cette prime.

Ainsi que justement relevé par la société, le seul fait qu'une prime ait été versée aux salariés bénéficiant d'un salaire de base supérieur aux minima conventionnels n'établit pas qu'il était d'usage d'exclure la prime de ces minima conventionnels et le versement en deux fois de la prime n'a pas non plus d'incidence. Aucun accord annuel entre 1997 et 2008 n'a non plus prévu que la prime ne serait pas intégrée dans le calcul du minimum conventionnel.

Il est relevé que les attestations émanent pour la plupart de salariés ayant pris part à des négociations annuelles notamment pour le syndicat CFDT ; si ces attestations sont concordantes, elles sont pour certaines d'une rédaction proche et émanent de personnes ayant été impliquées dans les négociations de sorte que leur caractère probant reste limité à défaut d'autres pièces.

Toutefois, les éléments produits par le salarié, et notamment les grilles de salaire 2002 et 2006, accréditent le fait que la société, dans la détermination du salaire au regard des minima conventionnels, a adopté une pratique visant à exclure la prime de fin d'année de ce salaire.

Il est non contesté que la pratique dont la salariée rapporte des éléments a pris fin en 2008, qu'à cette date, la prime de fin d'année a été intégrée aux salaires pour le calcul des minima conventionnels, que cette date correspond à celle de la revalorisation conséquence des conventionnels prévus par la convention SYNTEC est intervenue (avenant 34 du 15 juin 2007, et ensuite d'un accord au sein de la société dans le cadre de la NAO 2008 portant une importante augmentation des salaires).

Ce sont donc les éléments de rémunération pris en compte pour assurer le respect des minima conventionnels qui ont été modifiés suite à cet accord.

Ainsi, la pratique qui a été mise en oeuvre par l'employeur jusqu'en 2008 n'a pas donné lieu pour les salariés concernés, y compris en ce qui concerne Mme [K] à un avantage supplémentaire par rapport aux dispositions conventionnelles alors que la prime de fin d'année a toujours été payée, que ce soit avant ou après 2008, ce qui a été vu supra.

La pratique retenue ci-dessus n'a pu en conséquence constituer un usage selon la définition donnée ci-dessus de sorte qu'il ne peut être reproché à la société d'y avoir mis fin sans respecter des dispositions spécifiques.

Il se déduit de ce qui précède que précède que les demandes de Mme [K] ne sont pas fondées.

En conséquence, le jugement est infirmé et la salariée déboutée de ses prétentions.

Sur le remboursement des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire

Le présent arrêt fait naître le droit à restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire en exécution des chefs du jugement réformé de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution présentée par la société.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel et l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement querellé dans son intégralité.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [P] [K] de l'ensemble de ses demandes.

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 18/00124
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;18.00124 ?
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