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30/06/2022 | FRANCE | N°19/07911

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 30 juin 2022, 19/07911


N° RG 19/07911

N° Portalis DBVX-V-B7D-MWKU









Décision du Tribunal de Commerce de Lyon

Au fond

du 26 septembre 2019



RG : 2018j962







[Y]

[U]



C/



Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE- EST





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 30 Juin 2022







APPELANTS :


>M. [L] [Y]

né le [Date naissance 4] 1967 en Algérie

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représenté par Me Abdelmadjid BELABBAS, avocat au barreau de LYON, toque : 2009



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002763 du 20/02/2020 accordée par le bureau d'ai...

N° RG 19/07911

N° Portalis DBVX-V-B7D-MWKU

Décision du Tribunal de Commerce de Lyon

Au fond

du 26 septembre 2019

RG : 2018j962

[Y]

[U]

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE- EST

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 30 Juin 2022

APPELANTS :

M. [L] [Y]

né le [Date naissance 4] 1967 en Algérie

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Abdelmadjid BELABBAS, avocat au barreau de LYON, toque : 2009

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002763 du 20/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

Mme [V] [U] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Abdelmadjid BELABBAS, avocat au barreau de LYON, toque : 2009

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002764 du 20/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIMÉE :

CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE- EST

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Amélie GONCALVES de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : T.1740

******

Date de clôture de l'instruction : 08 Juillet 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Mai 2022

Date de mise à disposition : 30 Juin 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marie CHATELAIN, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier

A l'audience, Catherine CLERC a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 7 mars 2014, l'EURL Touche Final a conclu avec la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est (le Crédit Mutuel) un prêt n° 00001487475 d'un montant de 40'000€, pour une durée de 7 ans, au taux de 3,83%, qui contenait l'engagement de caution solidaire de M. [L] [Y] et Mme [V] [U] épouse [Y], parents de la gérante de la société Touche Final, à hauteur de 130% du capital restant dû, soit la somme de 52'000€, au jour de la signature du contrat.

Par jugement du 26 janvier 2016, le tribunal de commerce de Lyon a placé la société Touche Final en liquidation judiciaire ; le Crédit Agricole a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire, Me [P], au titre du prêt précité.

Le 26 juillet 2016, la société Touche Final a été liquidée pour insuffisance d'actifs.

Après vaines mises en demeure des 20 mai 2015, 1er mars, 31 mai, 24 août 2016 et 16 février 2017, le Crédit Agricole a fait assigner, en leur qualité de cautions solidaires, M. et Mme [Y] devant le tribunal de commerce de Lyon en paiement de la somme de 39'606,03'€ par acte d'huissier de justice du 14 juin 2018.

Par jugement du 26 septembre 2019, le tribunal de commerce précité a :

rejeté les demandes de M. et Mme [Y] (comprendre celles relatives à la disproportion manifeste du cautionnement, aux délais de paiement, à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et aux dépens),

condamné solidairement M. et Mme [Y] à payer au Crédit Agricole la somme de 36'606,03€, montant du solde débiteur du prêt n°00001487475 outre intérêts au taux conventionnel à compter du 1er juin 2018,

débouté le Crédit Agricole de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée.

condamné solidairement M. [Y] et Mme [Y] à payer au Crédit Agricole la somme de 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement,

condamné solidairement M. et Mme [Y] aux entiers dépens.

Par acte du 18 novembre 2019, M. et Mme [Y] ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions du 17 février 2020, fondées sur les articles «'L.334-1 (abrogé)'» [comprendre L.341-4] et «'L.332-1'» [nouveau] du code de de la consommation, l'article 1343-5 du code civil, 37 de la loi du 10 juillet 1991, 700 du code de procédure civile en son 2°, M. et Mme [Y] demandent à la cour de':

à titre principal :

recevoir l'intégralité de leurs prétentions,

réformer le jugement déféré et statuer à nouveau,

débouter intégralement l'intimée de l'ensemble de ses demandes,

prononcer la disproportionnalité manifeste de leur engagement de caution,

ordonner l'impossibilité pour le Crédit Agricole de se prévaloir de l'engagement de cautionnement signé le 7 mars 2014,

à titre subsidiaire :

ordonner au titre de l'article 1343-5 du code civil l'échelonnement du paiement de leur dette,

sur l'aide juridictionnelle :

condamner l'intimée au versement de 2'500€ à titre d'indemnité qualifiée de frais et honoraires auprès de Me [H], leur conseil, qui pourra directement les recouvrer,

«'ordonner'» à Me [H] de ce qu'il s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si, dans les douze mois du jour où la décision à intervenir est passée en force de chose jugée, il parvient à recouvrer auprès de l'intimée la somme allouée, et si cette somme est supérieure à l'indemnité qui aurait été versée au titre de l'aide juridictionnelle,

condamner l'intimée aux entiers dépens.

Par conclusions du 14 mai 2020, fondées sur les articles 1343-5 et 2288 et suivants du code civil et L.332-1 du code de la consommation, le Crédit Agricole demande à la cour de':

confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

rectifier l'erreur matérielle commise sur le montant de la dette s'élevant à 39'606,03€, et non 36'606,03€, suivant décompte versé aux débats,

en conséquence :

débouter M. et Mme [Y] de l'ensemble de leurs demandes,

voir condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui verser les sommes suivantes :

39'606,03€, montant du solde débiteur du prêt n°00001487475 outre intérêts au taux conventionnel à compter du 1er juin 2018,

1'000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

1'500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

voir condamner solidairement M. et Mme [Y] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Amélie Goncalves, avocat sur son affirmation de droit.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.

Sur la disproportion des engagements de caution

L'article L.341-4 du code de la consommation (dans sa version antérieure au 1er juillet 2016 applicable au cautionnement litigieux signé le 7 mars 2014), dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui prétend que son engagement était disproportionné au jour de la souscription, de le prouver.

Par contre, il incombe au créancier qui entend se prévaloir d'un engagement manifestement disproportionné au jour de la souscription, de prouver que le patrimoine de la caution lui permet d'y faire face au moment où elle est appelée.

La disproportion s'apprécie au jour de la conclusion de l'engagement au regard du montant de celui-ci et des biens et revenus de la caution en prenant en compte son endettement global; en cas d'engagements de caution multiples, cette disproportion s'apprécie à la date de chacun d'entre eux.

Si le créancier a recueilli ces éléments auprès de la caution par le biais d'une fiche de renseignements, la disproportion s'apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

Le fait pour le créancier de ne pas s'être renseigné n'a pas pour effet de dispenser la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle invoque mais lui permet de rapporter cette preuve par tous moyens, étant rappelé que l'établissement d'une fiche de renseignements préalablement à la régularisation d'un engagement de caution n'est pas une obligation légale.

La fiche de renseignements remplie et signée par M. et Mme [Y] telle que versée au débat par le Crédit Agricole n'est pas contemporaine de la signature des engagements de caution du 7 mars 2014 pour avoir été établie le 14 février 2013 et ne permet donc pas d'établir précisément la situation financière des cautions au jour de cette signature ; aucune fiche de renseignements spécialement dédiée à ce cautionnement n'est par ailleurs produite ; il en résulte que M. et Mme [Y] sont autorisés à prouver librement la disproportion alléguée à cette date pour prétendre à l'inopposabilité des engagements de caution au Crédit Agricole.'

M. et Mme [Y] soutiennent «'qu'au moment de la conclusion du contrat de cautionnement, leur situation patrimoniale et financière ne leur permettait pas de faire face à une caution pour un montant de 52'000€' et prétendent que leur situation patrimoniale ne peut en aucun cas satisfaire à l'exigence de proportionnalité de l'engagement de caution'; en effet, ils sont tous deux bénéficiaires de l'aide juridictionnelle totale (...)'».

Pour autant, ils communiquent aucun élément de preuve permettant d'appréhender leur situation financière et patrimoniale à la date du 7 mars 2014, ni même seulement au titre de l'année 2014.

En aucun cas, ils ne font la démonstration que leur situation a évolué défavorablement entre le 14 février 2013 (date de la fiche de renseignements précitée) et le 7 mars 2014'; or, il résulte des renseignements fournis par ceux-ci le 14 février 2013, qu'ils étaient parents de quatre enfants dont trois mineurs, n'avaient déclaré aucune charge particulière sinon un loyer mensuel de 600€ (pour un logement situé à la même adresse que celle mentionnée à ce jour dans leurs écritures d'appel), les ressources du ménage étant constituées des revenus tirés de l'activité artisanale de M. [Y], à savoir 58'298€/ an.

Dans ces conditions, M. et Mme [Y] échouent à faire la preuve d'une disproportion manifeste de leur engagement à hauteur de 52'000€ à la date du 7 mars 2014, faute d'établir la réalité de leurs ressources et charges à cette époque.

L'absence de disproportion manifeste établie au jour de la signature de ces engagements de caution permet au Crédit Agricole de s'en prévaloir sans autre condition.

Le jugement déféré est confirmé, par motifs ajoutés. Faisant droit à la demande de rectification d'erreur matérielle du Crédit Agricole qui est justifiée, la condamnation à paiement prononcée à l'encontre de M. et Mme [Y] au dispositif du jugement déféré est rectifiée à la somme de 39'606,03€ au lieu et place de la mention erronée «'36'606,03€'».

Sur la demande de délais de paiement

M. et Mme [Y] s'abstiennent, comme en première instance, de justifier en appel de leurs ressources et charges actualisées au soutien de leur demande subsidiaire de délais de paiement, se limitant à produire la décision d'aide juridictionnelle totale rendue à leur profit le 20 février 2020, soit depuis plus de deux ans.

Dès lors, le jugement déféré qui a rejeté ce chef de prétention ne peut qu'être confirmé.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

La demande de dommages-intérêts formée par le Crédit Agricole doit être rejetée par confirmation du jugement déféré, les premiers juges ayant parfaitement motivé ce débouté, étant ajouté d'une part que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne constitue pas en soi une faute caractérisant un abus du droit d'agir en justice et que d'autre part l'intimé ne démontre pas en avoir subi un préjudice spécifique.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. et Mme [Y] succombant dans leurs prétentions d'appel doivent conserver la charge de leurs dépens et frais de procédure au titre de l'instance d'appel, la condamnation aux dépens de première instance étant confirmée à leur charge, sauf à dire cette condamnation 'in solidum', de même que le rejet de leurs prétentions fondées sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Des considérations d'équité conduisent à ne pas allouer au Crédit Agricole une indemnité de procédure tant en première instance qu'en appel, le jugement entrepris étant corrélativement infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Rectifiant le dispositif du jugement déféré,

Dit qu'au lieu et place de la somme erronée de 36'606,03€, il est substitué la somme exacte de 39'606,03€,

Dit que le présent arrêt sera mentionné sur la minute et les expéditions du jugement rectifié et sera notifié comme celui-ci,

Confirme le jugement déféré ainsi rectifié sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

Statuant à nouveau sur ce point et ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel, y compris la demande fondée sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Condamne in solidum M. [L] [Y] et Mme [V] [U] épouse [Y] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/07911
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.07911 ?
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