AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 19/06784 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTW7
[5]
C/
Société [4]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE
du 09 Septembre 2019
RG : 18/00486
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 28 JUIN 2022
APPELANTE :
[5]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Christine NEBOIT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMEE :
SCEA [4]
[Localité 6]
[Localité 3]
représentée par M. [R] [V], gérant
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Janvier 2022
Présidée par Nathalie PALLE, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de eMalika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Nathalie PALLE, présidente
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
- Thierry GAUTHIER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 16 août 2018, la SCEA [4], représentée par son gérant M. [V], a formé opposition à la contrainte décernée le 24 juillet 2018 par la [5] (la caisse), notifiée par lettre recommandée le 28 juillet 2018, pour un montant total de 7 610,25 euros, correspondant aux cotisations salarié, et contributions des quatre trimestres de l'année 2014 et du 3ème trimestre 2016 (9 413,64 euros), aux majorations de retard (2338,38 euros), aux pénalités (24 euros) après déduction des règlements (4 165,77 euros).
Par jugement du 9 septembre 2019, retenant que la société cotisante n'est pas en mesure d'appréhender la réalité de son obligation, le pôle social du tribunal de grande instance de Saint-Etienne, a :
' déclaré recevable et bien fondée l'opposition,
' annulé la contrainte émise et notifiée le 24 juillet 2018 par la caisse à l'encontre de la société cotisante,
' dit que la caisse conservera le paiement des frais de notification de la contrainte.
Le caisse a relevé appel du jugement, le 2 octobre 2010.
Dans ses conclusions déposées au greffe le 17 juillet 2020, oralement soutenues à l'audience, et auxquelles il convient de se référer, la caisse demande à la cour, sur le fondement des articles L. 725-3 et R. 725-5 du code rural et de la pêche maritime de :
' déclarer recevable et bien fondé son appel,
' réformer le jugement,
' validé la contrainte CT 8004 notifiée le 24 juillet 2018 pour un montant actualisé de 7605,42 euros,
' condamner le cotisant à lui payer cette somme outre 4,72 euros correspondant aux frais de notification de la contrainte et le condamner aux dépens de l'instance.
Au soutien de son recours, la caisse rappelle que les cotisations dues sont le reflet des déclarations produites par le gérant de la société, en sa qualité d'employeur de main d'oeuvre soumis à l'obligation de déclarer les salaires et que c'est sur la base de ces déclarations que la caisse a calculé les cotisations salariées dues.
Elle fait valoir que la contrainte vise expressément les deux mises en demeure préalables, respectivement réceptionnées les 20 décembre 2016 et 22 novembre 2017 qui détaillent notamment les majorations réclamées au titre de l'année 2014 et du 3ème trimestre 2016, et la contrainte vise les cotisations dues pour les salariés permanents pour l'année 2014 et celles dues pour les salariés permanents et occasionnels pour le troisième trimestre 2016 pour lesquelles respectivement des appels de cotisations ont été émis ainsi que des rectificatifs, et fait apparaître les règlements intervenus.
Elle conclut qu'elle justifie des sommes réclamées à la société cotisante qui est en mesure d'appréhender la réalité de son obligation et qu'au jour de la rédaction de ses écritures, le montant actualisé des sommes dues est de 7605,42 euros se composant en 6401,69 euros de cotisations et 1203,73 euros de majorations.
A l'audience, elle ajoute qu'elle s'oppose à la demande de dommages-intérêts formée par l'intimée qui n'est pas fondée dans son principe, ni dans son montant.
Par des écritures déposées au greffe le 17 juillet 2020, oralement soutenues à l'audience des débats et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé, la société cotisante demande à la cour de :
' déclarer irrecevable et non fondé l'appel de la caisse,
' confirmer le jugement contesté et en conséquence :
' annuler la contrainte émise,
' annuler les cotisations demandées,
' condamner la caisse aux dépens de l'instance et au paiement de 100 000 euros de dommages-intérêts.
La société cotisante soutient en substance que la caisse lui réclame des sommes issues de calculs aléatoires et non vérifiables, augmentés de majorations. Elle rappelle que la caisse avait déjà notifié une contrainte pour la période du premier trimestre 2014 qui avait abouti, après jugement, au rejet de ce paiement.
Elle soutient, d'une part, que les cotisations demandées portent sur un calcul non fiable et intégrant des cotisations non dues pour les salariés non couverts, d'autre part, que l'application des majorations est abusive alors que la caisse n'a pas réalisé son travail.
Elle rappelle qu'à l'origine la caisse lui a adressé avec trois ans de retard les appels de cotisations de l'année 2010, ce qui l'a placée ensuite en difficultés pour régler ce retard.
Elle estime faire l'objet d'une pression constante et d'un acharnement de la part de la caisse et réclame la condamnation de cette dernière à lui payer des dommages-intérêts pour souffrance psychologique de son gérant ainsi que pour la perte de chiffre d'affaires générée par cette situation puisque, faute de pouvoir attester être à jour de ses cotisations, la société n'a pu candidater à des appels d'offres.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte des articles L. 725-3, R. 725-6 et R. 725-8 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction applicable au litige, que la contrainte décernée par un organisme de mutualité sociale agricole pour le recouvrement de cotisations et contributions doit permettre au redevable d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
Et il est de jurisprudence constante qu'est régulière une contrainte qui fait référence à une ou plusieurs mises en demeure permettant au cotisant d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.
La contrainte décernée le 24 juillet 2018 pour un montant total de 7 610,25 euros, correspondant aux «cotisations salarié, et contributions» pour le périodes des quatre trimestres de l'année 2014 et du 3ème trimestre 2016 (9 413,64 euros), aux «majorations de retard arrêtées aux dates indiquées sur la mise en demeure»(2338,38 euros), aux «pénalités» (24 euros) après «déductions» des règlements (4 165,77 euros) et comporte la mention des deux mises en demeure respectivement identifiées par leur numéro et par leur date ainsi que les périodes auxquelles elles se rapportent, en l'occurrence les 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestre 2014 et le 3ème trimestre 2016.
La mise en demeure référencée 16008 du 17 décembre 2016, dont la société cotisante a accusé réception de la notification le 20 décembre 2016, d'un montant de 5 084,03 euros, détaille, pour chacun des trimestres de l'année 2014, les cotisations et contributions en principal recouvrées en précisant leur nature et, concernant les majorations, indique leurs montants et la nature des cotisations auxquelles elles se rapportent.
La mise en demeure référencée 17018 du 10 novembre 2017 dont la société cotisante a accusé réception de la notification le 22 novembre 2017, d'un montant de 6 691,99 euros, se rapporte au 3ème trimestre 2016 et détaille les cotisations et contributions en principal recouvrées en précisant leur nature et, concernant les majorations, indique leurs montants et la nature des cotisations auxquelles elles se rapportent.
La caisse produit également les appels de cotisations dues au titre chacun des trimestres de l'année 2014 et du 3ème trimestre 2016 ainsi que les émissions rectificatives (pièces 6 bis, 7bis, 8bis, 9 bis,10 bis et 11 bis),.
Il est constant qu'une précédente contrainte, émise le 2 juin 2017, en recouvrement des cotisations dues au titre du 1er trimestre 2014 a été annulée par jugement du 7 mai 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne.
Toutefois cette contrainte avait été décernée sur la base d'une mise en demeure du 22 janvier 2016 d'un montant de 13 405,23 euros au titre du 1er trimestre 2014 alors que la contrainte, objet du présent litige, est décernée après deux nouvelles mises en demeure dont celle datée du 17 décembre 2016, notifiée le 20 décembre 2016, portant sur les quatre trimestres 2014, de sorte que l'annulation de la contrainte décernée le 2 juin 2017 est sans incidence sur la validité de la contrainte décernée le 24 juillet 2018 objet du présent litige.
Les cotisations étant appelées sur la base des déclarations faites par l'entreprise, si la caisse ne précise pas quels sont les salariés concernés par les «cotisations salarié», pour autant l'absence d'une telle précision est sans incidence sur l'information que doit avoir le cotisant, laquelle doit porter sur les périodes, la nature et les montants des cotisations, afin de lui permettre, éventuellement, de les contester et qu'il en est de même s'agissant des majorations de retard pour lesquelles les précisions données sont suffisamment explicites.
Il s'ensuit que la société cotisante a été mise en mesure d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.
La caisse chiffre le montant actualisé des sommes restant dues à 7 605,42 euros, qu'elle décompose en 6 401,69 euros de cotisations et 1 203,73 euros de majorations, par référence aux pièces 12, 12 bis et 12ter de son dossier.
La consultation de la pièce numérotée 12ter intitulée «liste des validités dans la procédure CT18004 », édité au 24 mai 2019, comporte une série de six montants portés en «solde» (367,42 +143,14 + 19,38 + 20,26 + 730,65 + 6324,57), ainsi que la caisse l'explicite dans ses écritures, dont le total est de 7605,42 euros.
Alors qu'il appartient à l'opposant à la contrainte de rapporter la preuve du caractère infondé de la créance dont le recouvrement est poursuivie par l'organisme social, aucune des pièces que la société cotisante produit aux débats ne permet de conclure au caractère erroné des sommes réclamées et la circonstance que la caisse actualise le montant de sa créance qu'elle ramène à la somme de 7 605,42 euros n'en remet pas en cause le bien fondé, la différence qu'il peut être constatée dans la ventilation des sommes restant dues, en principal et majorations, par rapport à celles figurant dans la contrainte s'expliquant par la règle d'imputation des versements.
Aussi, infirmant le jugement en ce qu'il a annulé la contrainte notifiée le 24 juillet 2018, la cour valide la contrainte pour un montant actualisé de 7 605,42 euros, auquel s'ajoute les frais de notification pour 4,72 euros.
A l'appui de sa demande de dommages-intérêts, la société cotisante reproche à la caisse, d'une part, son retard dans l'appel des cotisations notamment celles du premier trimestre 2012, ce qui l'aurait placée en difficulté pour faire face à la fois aux échéances courantes et aux arriérés et serait la cause de la perte de marchés comme de la dégradation de l'état de santé de son gérant, d'autre part, la multiplication des mises en demeure, confinant selon elle au harcèlement.
S'il ressort des pièces du dossier de la société cotisante que celle-ci a été destinataire le 4 juin 2015 d'un relevé de situation valant appel de cotisations le 4 juin 2015 pour les cotisations du 1er trimestre 2012, pour autant alors qu'elle savait qu'elle serait débitrice de cotisations salariales, elle se devait de les provisionner dans sa comptabilité, de sorte qu'elle ne saurait reporter sur la caisse les conséquences de sa défaillance comptable. Enfin elle allègue avoir perdu des marchés au motif qu'elle n'était pas à jour de ses cotisations sans toutefois produire aux débats des éléments permettant d'établir la preuve, pas plus qu'elle produit d'élément au soutien du chiffrage à 100 000 euros de préjudice. Dans ces conditions, la demande en paiement de dommages-intérêts formées par la société cotisante n'est pas fondée et doit être rejetée.
Compte tenu de l'issue du litige, la société cotisante est tenue aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition formée par la société [4],
L'INFIRME dans ses autres dispositions,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
VALIDE la contrainte notifiée le 24 juillet 2018 par la [5] à la société SCEA [4] pour le montant actualisé la somme de 7 605,42 euros en cotisations, contributions et majorations de retard, au titre de l'année 2014 et du 3ème trimestre 2016, outre les majorations complémentaires,
Y ajoutant,
REJETTE comme étant non fondée la demande en paiement de dommages-intérêts de la société [4],
CONDAMNE la société [4] aux dépens d'appel auxquels s'ajoute les frais de notification de la contrainte d'un montant de 4,72 euros.
La greffière, La présidente,