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24/06/2022 | FRANCE | N°21/05755

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 24 juin 2022, 21/05755


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 21/05755 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NXUJ





S.A.S. CHAINES ET ROUES DENTEES RAFER



C/

[Z]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 28 Juin 2021

RG : R 20/00048











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 24 JUIN 2022







APPELANTE :



SASU CHAINES ET ROUES DENTEE

S RAFER

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Gérald POCHON de la SELARL CABINET LEX-PART AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substituée par Me Anne sophie LARDON-BOYER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE





INTIMÉ :



[V] [Z]

...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 21/05755 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NXUJ

S.A.S. CHAINES ET ROUES DENTEES RAFER

C/

[Z]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 28 Juin 2021

RG : R 20/00048

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 24 JUIN 2022

APPELANTE :

SASU CHAINES ET ROUES DENTEES RAFER

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Gérald POCHON de la SELARL CABINET LEX-PART AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substituée par Me Anne sophie LARDON-BOYER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉ :

[V] [Z]

né le 30 Janvier 1968 à [Localité 4] (42)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me François DUMOULIN de la SELARL FRANCOIS DUMOULIN, avocat au barreau de LYON substituée par Me Flore THOVENON, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Patricia GONZALEZ, Présidente

Sophie NOIR, Conseiller

Catherine CHANEZ, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

La société Chaines et Roues dentées Rafer exerce une activité de fabrication de chaines de manutention sur mesure et de leurs roues associées.

M. [V] [Z] a été embauché par la société dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 mars 1990, en qualité de technicien d'atelier.

Au dernier état de la relation contractuelle, il exerçait les fonctions de responsable de site.

La convention collective nationale applicable est celle de la métallurgie.

Le 10 août 2020, M. [Z] a été placé en arrêt de travail.

Le 1er septembre 2020, il a bénéficié d'une visite de pré-reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail a émis les recommandations suivantes :

'A l'issue de l'arrêt de travail en cours, et sans préjudice de son éventuelle prolongation, on anticipe un fort risque d'inaptitude au poste de directeur technique et/ou commercial, et/ou de site.

L'inaptitude ne pourra être constatée et déclarée qu'à l'issue de l'arrêt de travail, à l'occasion de la visite de reprise.

Compte tenu de l'état de santé, il n'y aura pas d'aménagement, d'adaptation, de transformation ou de mutation du poste envisageable.

Les précisions concernant une éventuelle option de reclassement seront spécifiées sur la fiche d'aptitude qui sera délivrée au moment de la visite de reprise.

Conformément aux dispositions de l'article R. 4624-42 du Code du travail, en vue de la constatation de l'inaptitude, il a été procédé précédemment à la réalisation de l'étude de poste et des conditions de travail l'entreprise.

Un échange avec l'employeur est prescrit par le Code du travail. L'employeur est prié de prendre attache avec le médecin du travail à cet effet.'

Le 19 octobre 2020, lors de la visite de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [Z] inapte à son poste dans les termes suivants :

'Inapte au poste

Inapte au poste, inapte à tout poste dans l'entreprise ou le groupe.

Après échange avec l'employeur, inaptitude confirmée au poste de directeur technique et/ou commercial, et/ou de site.

Aucun aménagement, adaptation, transformation ou mutation du poste n'est possible (Code du travail, art. L. 4624-4 et R. 4624-42).'

Par requête du 30 octobre 2020, la société a saisi le conseil de prud'hommes en sa formation de référé d'une contestation de cet avis d'inaptitude.

Par ordonnance du 21 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne, selon la procédure accélérée au fond, a ordonné une mesure d'instruction confiée au docteur [X] [C], médecin inspecteur du travail, avec pour mission de dire si M. [Z] était apte ou inapte à occuper son poste ou tout autre poste au sein de la société et renvoyé l'affaire à l'audience du 7 juin 2021.

Le docteur [C] a déposé son rapport le 19 avril 2021. Elle a conclu à l'inaptitude de M. [Z] à occuper son poste ou tout autre poste au sein de la société.

Par ordonnance du 28 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne, selon la procédure accélérée au fond, a confirmé l'inaptitude définitive de M. [Z] à occuper son poste ou tout autre poste au sein de la société, débouté M. [Z] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens de l'instance ainsi que les frais d'expertise à la charge de la société.

La société a interjeté appel de cette ordonnance, par déclaration du 8 juillet 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et préalablement à toute décision, procéder à la désignation du docteur [U] [R], médecin-inspecteur du travail, qui aura pour mission de :

-dire si M. [Z] est apte à occuper un poste ou tout autre poste au sein de la société,

-indiquer le cas échéant toutes les préconisations médicales jugées nécessaires notamment en termes d'aménagement de poste et/ou de reclassement,

-se faire transmettre par le médecin du travail, les éléments médicaux ayant fondé l'avis d'inaptitude du 19 octobre 2020,

-remettre un rapport, à la cour et aux parties, dans un délai maximum de 2 mois, contenant son avis,

-dire que les parties devront transmettre au médecin inspecteur du travail tous documents utiles à la réalisation de sa mission.

La société demande également à la cour, à la lumière de ce rapport, de :

-juger que M. [Z] ne doit pas être considéré comme inapte de manière définitive à occuper son emploi, mais qu'il est apte à occuper son emploi,

-fixer le coût définitif de l'expertise, et le mettre à la charge de la partie défaillante,

-condamner M. [Z] à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 3 septembre 2021, M [Z] demande à la cour de :

A titre principal :

-confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a confirmé son inaptitude définitive à occuper son poste ou tout autre poste au sein de la société,

-condamner la société à lui verser à la somme nette de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

A titre subsidiaire :

-désigner un médecin inspecteur du travail extérieur à la région Rhône Alpes Auvergne,

En tout état de cause :

-infirmer l'ordonnance en ce qu'elle l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la société à lui verser la somme nette de 1 500 euros pour la procédure d'appel et la somme nette de 1.500 euros pour la première instance, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la société aux entiers dépens de l'instance qui comprendront les éventuels frais d'exécution.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

Sur les demandes nouvelles

Pour M. [Z], la société présente de nouvelles demandes pour la première fois en cause d'appel, puisqu'elle sollicite de la cour la désignation d'un médecin inspecteur du travail de son choix et l'infirmation de l'avis d'inaptitude à la lumière de ce rapport, alors qu'en première instance, elle demandait au conseil de prud'hommes de substituer l'avis du médecin expert à celui du médecin du travail.

Aucune des nouvelles formulations figurant dans le dispositif des conclusions de l'appelante ne peut toutefois permettre de qualifier les demandes de « nouvelles » au sens des articles 564 et 565 du code de procédure civile dans la mesure où elles tendent aux mêmes fins que celles présentées devant le conseil de prud'hommes.

Sur l'avis d'inaptitude

Aux termes de l'article L.4624-4 du code du travail, le médecin du travail qui constate qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail, après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l'équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l'employeur.

L'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d'indications relatives au reclassement du travailleur.

Il résulte de l'article L.4624-7 du code du travail dans sa version antérieure à la loi du 2 août 2021 que le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l'employeur, n'est pas partie au litige.

Le conseil de prud'hommes peut confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s'adjoindre le concours de tiers. A la demande de l'employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l'employeur mandaté à cet effet. Le salarié est informé de cette notification.

La décision du conseil de prud'hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.

La société soutient que le rapport du médecin-inspecteur repose majoritairement sur les déclarations du salarié, déclarations que le docteur [C] a reprises à son compte sans pouvoir en vérifier la fiabilité, et ce alors que la société les conteste et qu'elle affirme que le dossier médical de santé au travail ne contient aucun élément objectif et que le salarié lui a menti.

Elle considère que le médecin-inspecteur a dépassé le cadre de ses missions en pensant pouvoir revenir sur la décision de la CPAM concernant la reconnaissance de maladie professionnelle, en recherchant les causes et les responsabilités de l'état de santé du salarié, et en indiquant sans l'avoir constaté que le salarié aurait vécu une série d'événements traumatisants.

M. [Z] réplique que l'avis du 19 octobre 2020 a été rendu après une étude de poste et des conditions de travail et plusieurs échanges avec l'employeur, que tous les médecins qu'il a consultés et rencontrés ont conclu à son inaptitude, à l'exception du docteur [E], mandaté par la société et qu'il n'a jamais rencontré.

Sur le déroulement des faits, il affirme que la relation de travail s'était dégradée et qu'il a subi le retrait brutal de ses fonctions de directeur de site et de directeur commercial, en dépit de son investissement et que ses congés lui ont été refusés. Des anxiolytiques lui auraient été prescrits pendant son arrêt de travail.

Dans son expertise, le médecin-inspecteur retrace ses investigations et les doutes exprimés par la société sur la réalité de l'inaptitude. Elle reprend les déclarations du salarié sur son parcours professionnel et la description qu'il fait de la dégradation de ses conditions de travail à compter de juin 2019, jusqu'aux deux entretiens du vendredi 7 août 2020 avec ses deux supérieurs hiérarchiques à la suite desquels il prend contact avec l'inspection du travail, sachant que le lundi suivant, il est placé en arrêt de travail et ne reprend jamais contact avec la société.

Le médecin-inspecteur fait ensuite un examen clinique du salarié et décrit les troubles qu'il constate.

En aucun cas le docteur [C] n'a outrepassé sa mission et elle se devait de reprendre les déclarations du salarié, le déroulement des faits et son vécu au sein de la société étant particulièrement importants pour se prononcer sur son aptitude. L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.

Sur le caractère abusif de l'appel

M. [Z] affirme que l'appel formé par la société est inopportun et abusif car elle avait fait le choix de ne pas se présenter ni de se faire représenter lors de l'expertise ordonnée par le conseil de prud'hommes, elle n'a transmis aucune observation au médecin-inspecteur, l'ordonnance du conseil de prud'hommes correspondait à ses demandes et elle n'a pas contesté le rapport d'expertise devant le conseil de prud'hommes alors qu'elle en avait la possibilité.

L'appel apparait en effet comme particulièrement abusif, la société n'ayant pas fait valoir ses arguments devant le conseil de prud'hommes après le dépôt du rapport du docteur [C] et n'ayant d'ailleurs pas transmis de dires au médecin inspecteur.

Ce faisant, elle a causé un préjudice au salarié, contraint de poursuivre la procédure et retardé dans la prise en compte de son inaptitude. Elle devra donc lui verser à ce titre des dommages et intérêts à hauteur de 1 000 euros

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

L'équité commande de la condamner à payer à M. [Z] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour chacune des deux instances. L'ordonnance sera réformée en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant contradictoirement par arrêt, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance prononcée par le conseil de prud'hommes de Saint Etienne le 28 juin 2021 sauf en ses dispositions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Chaines et Roues dentées Rafer à verser à M. [Z] la somme de 1 000 euros pour procédure abusive ;

Condamne la société Chaines et Roues dentées Rafer aux dépens d'appel ;

Condamne la société Chaines et Roues dentées Rafer à payer à M. [Z] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'audience devant le conseil de prud'hommes et à la somme de 1 500 euros sur le même fondement pour l'instance d'appel.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 21/05755
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;21.05755 ?
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