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24/06/2022 | FRANCE | N°19/02564

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 24 juin 2022, 19/02564


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/02564 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MJWN





[F] épouse [E]



C/



Société LIDL







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 01 Avril 2019

RG : F16/03417

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 24 JUIN 2022







APPELANTE :



[Y] [F] épouse [E]

née le 12 Septembre 1980 à [Localité 5]
>[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Abdelhakim DRINE, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société LIDL

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat a...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/02564 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MJWN

[F] épouse [E]

C/

Société LIDL

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 01 Avril 2019

RG : F16/03417

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 24 JUIN 2022

APPELANTE :

[Y] [F] épouse [E]

née le 12 Septembre 1980 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Abdelhakim DRINE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société LIDL

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYO

Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas BES de la SCP BES SAUVAIGO ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Emma KUMANI, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Avril 2022

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Sophie NOIR, conseiller

- Catherine CHANEZ, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

La société LIDL a pour activité l'entreposage, le stockage non frigorifique et la vente de denrées alimentaires.

Elle relève de la convention collective de détail et de gros à prédominance alimentaire.

La société a embauché Mme [Y] [E] suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel du 22 septembre 2000, en qualité de caissière employée libre-service, employée, niveau 2.

Le 19 août 2014, Mme [E] a été victime d'un accident du travail dans les locaux du magasin de [Localité 4] sur son temps de travail.

Par jugement du 17 avril 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a retenu la faute inexcusable de l'employeur.

Lors de la première visite de reprise, le 9 mars 2016, le médecin du travail a déclaré Mme [E] inapte à son poste, avec la précision suivante : « serait apte à un poste de type administratif ».

À l'occasion de la seconde visite de reprise, le 13 avril suivant, le médecin du travail a conclu à son inaptitude en indiquant : « Dans l'état actuel de santé, la salariée en ce moment ne pourrait travailler dans aucun poste. Étude de poste 07/04/2016 ».

La société a sollicité l'avis du médecin du travail, par télécopie du 28 avril 2016, sur deux postes de préparateur de commandes et d'employé administratif, en précisant être en mesure de rechercher le même poste que celui qu'occupait la salariée sur un autre de ses magasins.

Par courrier du 29 avril suivant, le médecin du travail a répondu à la société que Mme [E] était « inapte de façon définitive à son poste de travail, ainsi qu'à tout poste existant dans l'entreprise » et qu'il « ne voyait aucune possibilité de reclassement, que ce soit en mettant en 'uvre des mesures telles que mutation, transformation de poste, aménagement de temps de travail ou formation professionnelle. »

Le 28 mai et le 16 juin 2016, la société a envoyé à Mme [E] des listes de postes disponibles au sein d'autres établissements ; celle-ci a répondu ne pas souhaiter donner suite à ces propositions, par courrier du 9 juin.

La société a donc convoqué sa salariée à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 4 juillet 2016.

Puis, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 août 2016, la société lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête reçue au greffe le 2 novembre 2016, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon afin de contester son licenciement.

Par jugement du 1er avril 2019, le conseil de prud'hommes a débouté l'intéressée de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration au greffe du 10 avril 2019, Mme [E] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, elle demande à la cour de condamner la société à lui payer la somme de 18 245,16 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Aux termes de ses dernières conclusions, la société demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et subsidiairement de réduire les demandes indemnitaires de l'appelante.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

Sur le respect par l'employeur de son obligation de sécurité et sur le licenciement

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.

Respecte l'obligation de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (actions de prévention, d'information, de formation').

L'article L4121-3 du même code dispose que « L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en 'uvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement' »

S'agissant plus particulièrement de la manutention des charges, diverses dispositions réglementaires complètent ces articles. Ainsi les articles R4541-1 et suivants imposent à l'employeur de prendre toutes les mesures d'organisation appropriées et d'utiliser les moyens adaptés, et notamment les équipements mécaniques, afin d'éviter le recours à la manutention manuelle de charges par les salariés. Lorsque la manutention manuelle ne peut être évitée, l'employeur doit prendre toutes mesures nécessaires pour limiter l'effort physique et réduire le risque encouru. Il doit donc évaluer ce risque et en informer les salariés.

Mme [E] affirme que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en l'exposant à des ports de charges prohibés sauf accord préalable du médecin du travail, qu'il n'a pas respecté la réglementation relative à la manutention manuelle de charges et qu'il aurait dû dans un premier temps procéder à l'évaluation de la manutention qu'il lui demandait afin d'analyser si une aide mécanique pouvait lui être apportée. Elle ajoute n'avoir jamais bénéficié de la moindre information spécifique sur les risques encourus au titre de l'article R4541-6 du code du travail, ni d'aucune formation sur les gestes et postures à adopter pour accomplir en sécurité les manutentions manuelles, au mépris des dispositions de ce même article.

L'employeur rappelle qu'il peut s'exonérer de sa responsabilité en justifiant avoir pris toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés et que dès lors que les circonstances de l'accident restent indéterminées, il n'est pas possible de retenir à son encontre une faute inexcusable ni un quelconque manquement à l'obligation de sécurité à laquelle il est tenu. Il affirme en effet que Mme [E] n'apporte aucun élément sur les circonstances de l'accident et que les circonstances de la chute de la palette restent inconnues.

Il conclut qu'aucun élément ne justifie d'un danger qu'aurait représenté la palette en elle-même et qu'il est plus que probable que Mme [E] a activement participé à sa chute. Il reproche également à l'appelante de ne pas expliciter le manque de moyens qu'elle invoque.

La société affirme qu'elle met à disposition de ses salariés un document unique d'évaluation des risques qui recense et évalue l'ensemble des risques auxquels ils sont soumis et qu'elle leur fait obligation de porter des équipements de protection individuelle. Elle ajoute avoir établi des règles strictes en matière de mise en rayonnage.

Elle dénie l'application de l'article R4541-9 en matière d'accident du travail, conteste le fait que sa salariée a été amenée à soulever des palettes de 200 kg et regrette qu'elle n'indique pas en quoi le port de charges, dont le poids ne dépassait pas 8 kg, serait lié à son accident de travail.

Mme [E] n'apporte en effet dans ses conclusions aucune explication sur les circonstances précises de l'accident dont elle a été victime, se contentant d'affirmer qu'elle se trouvait régulièrement dans l'obligation de manipuler des palettes extrêmement lourdes sans avoir à sa disposition le matériel nécessaire, en l'occurrence un gerbeur. Elle aurait donc manipulé elle-même des decelles (demi-palettes) pesant 200 kg pour pouvoir ranger les produits sur les étagères.

Ce descriptif particulièrement vague, ne permet pas de comprendre les raisons de l'accident, alors qu'il apparaît qu'elle se trouvait dans les rayons du magasin pour y ranger des produits. Mme [E] n'explique pas en quoi un gerbeur lui a fait défaut. Cependant, il est constant que lors de l'accident, elle faisait de la mise en rayon et qu'elle a été blessée par la chute de la decelle.

La société communique des documents destinés à l'information et à la formation des salariés. Le document communiqué par la société sous l'intitulé « fascicule formation santé et sécurité au travail » informe les salariés des outils dont ils disposent pour assurer leurs tâches de manutention, et leur donne des conseils de manipulation. Dans le livret d'accueil figurent diverses consignes en matière de gestes et postures lors de manutentions manuelles, visant à ménager le dos, ainsi qu'en matière de conduite d'engins comme le transpalette électrique.

Cependant, la société n'apporte pas la preuve que ces documents, d'ailleurs non datés, ont été remis à Mme [E] ni qu'elle a bénéficié d'une session de formation.

La société ne démontre donc pas avoir respecté l'obligation de sécurité mise à sa charge. L'inaptitude de la salariée ayant été causée par l'accident du travail survenu lors d'une manutention, le licenciement qui en est la conséquence est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Mme [E] comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au jour de son licenciement et celle-ci employant habituellement au moins onze salariés, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (35 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture (15 ans et 10 mois), des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de son incapacité permanente, il y a lieu de faire droit à sa demande et de condamner la société à lui verser la somme de 18 245,16 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle devra également verser à Mme [E] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les deux instances.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Lyon le 1er avril 2019 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société LIDL à verser à Mme [E] la somme de 18 245,16 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société LIDL aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société LIDL à verser à Mme [E] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'audience devant le conseil de prud'hommes et l'audience en appel ;

Le GreffierLa Présidente

Malika CHINOUNEPatricia GONZALEZ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/02564
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;19.02564 ?
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